28 avril 1994 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la coopération économique et culturelle entre la France et le Turkménistan, Achgabat le 28 avril 1994.

Monsieur le Président,
- Laissez-moi vous dire pour commencer le plaisir qui est le mien et l'honneur que je ressens après avoir reçu la distinction, la haute distinction qui m'a été décernée par votre Académie des sciences.
-C'est un signe supplémentaire des attentions multiples dont nous avons été entourés en même temps que de la volonté marquée par vous-même, monsieur le Président et par les responsables du Turkménistan, de montrer à la France l'amitié qu'on nous porte. Bien entendu, tout cela dépasse ma personne.
- Je suis venu ici, au nom de mon pays, accompagné par deux membres du gouvernement de la République française et d'une importante délégation qui se réjouit avec moi de l'établissement de ces relations nouvelles.
- Nous venons de signer le Traité d'entente, d'amitié et de coopération entre le Turkménistan et la France. C'est un acte important par ce qu'il signifie, mais aussi important par son contenu dont je vais dire un mot. Car ce traité comporte, comme tout ceux que la France a signés avec d'autres pays et particulièrement, les pays qui ont accédé depuis peu de temps à l'indépendance, des principes que je vais rappeler : le maintien de la sécurité, la prévention des conflits, le primat du droit international, la mise en oeuvre du désarmement en Europe comme dans le reste du monde, enfin, et j'aurais pu commencer par là, la défense des principes de liberté individuelle et collective et de démocratie qui connaissent naturellement des degrés divers d'application, en raison de l'histoire de chacun, mais, qui ne restent pas moins un objectif essentiel.
- La paix, qui ne la désirerait ! Votre pays et le mien connaissent le prix de la guerre et savent qu'il n'est pas de plus grands bienfaits pour un peuple que de pouvoir vivre en paix avec ses voisins et d'échapper aux grands cataclysmes que représentent les guerres mondiales.\
Et le développement : le développement de l'éducation, de l'esprit civique, de la liberté, cela concerne les citoyens et chacun a le même droit £ le développement économique, vous-mêmes supportez un énorme effort et vous le menez à bien, avec une équipe responsable et compétente. Le redressement économique, le développement s'exercent dans tous les sens : industrie, agriculture, commerce, protection de l'environnement et je n'exclurai pas les relations culturelles qui peuvent paraître relever d'un autre chapitre, mais qui sont le ferment des autres relations.
- Votre sol est contrasté, à la fois, une grande steppe, des zones désertiques, mais aussi des zones où la richesse existe déjà, et où l'on peut admirer les couleurs du printemps, comme c'est le cas actuellement. Votre pays est parsemé de villes historiques qui ont marqué l'histoire du monde. Vous êtes là dans un carrefour et sur des routes par où sont passés les plus grands conquérants du monde, mais, nombreux sont ceux qui n'ont pas pu aller plus loin, penser que votre peuple était là. Avoir empêché les ambitions de l'Empire romain et celles de l'Empire perse avec de grands capitaines, comme Crassus ou Cyrus, ce n'est pas rien dans une histoire, et je ne parle que de l'histoire ancienne. Votre sol borde une mer, vous y avez largement accès et il contient des réserves, semble-t-il, inépuisables : métaux et richesses qu'aujourd'hui le monde entier recherche. Vous avez donc là des réalités et des possibilités qui font que la France doit attendre beaucoup de votre amitié.
- Nos conversations avec vous-même, monsieur le Président, mais aussi avec plusieurs importantes personnalités qui travaillent à vos côtés ont été pour moi, j'allais dire pour nous, puisque le même type de conversation a eu lieu avec les ministres français, quelques hauts fonctionnaires, une source d'informations incomparables. Là, où la géographie vous a placé, alors que tant de conflits occupent les pays voisins, la sagesse de votre politique, le sang-froid avec lequel elle est menée et le souci de ne provoquer aucune difficulté supplémentaire sont pour nous les garanties que ce n'est pas pour rien que nous avons placé la paix parmi nos objectifs.
- En si peu de temps, nous avons vu beaucoup de choses, à la fois ce que l'on peut découvrir de votre capitale historique des Parthes, le travail traditionnel et contemporain dans votre manufacture nationale de tapis, la race noble de vos chevaux aux haras nationaux, la ville elle-même d'Achgabat, hier soir, la vallée où vous nous avez conviés. C'était déjà beaucoup, mais nous savons bien qu'il y a beaucoup plus à connaître et à voir et c'est ce qui reste à faire pour nous-mêmes sans doute, ou certains d'entre nous, mais surtout pour tous les Français, qui, je l'espère, viendront dans votre pays.\
Parmi les Français qui m'accompagnent, nombreuses sont les personnalités scientifiques ou du monde artistique qui s'intéressent passionnément à l'histoire de votre pays mais aussi de nombreux chefs d'entreprise qui ont en tête de grands projets, qui cherchent à développer nos relations et qui serviront de groupes d'actions, de groupe pilotes pour entraîner ensemble nos industriels à venir travailler chez vous. Plusieurs membres du Parlement français, particulièrement ceux qui s'intéressent aux relations entre nos deux pays et je n'oublierai pas les nombreux journalistes qui feront connaître selon les impressions qu'ils en ont retirées en réalité de ce pays.
- Nous faciliterons les échanges futurs en désignant des fonctionnaires de nos affaires étrangères qui viendront d'abord contribuer aux efforts de notre ambassadeur, M. Morel, au titre de chargé d'affaires, et qui viendront ensuite, à part entière représenter la France au Turkménistan. J'annonce donc l'arrivée à Achgabat d'une représentation diplomatique de la France qui manquait jusqu'alors - je veux dire d'une présence constante -, mais j'espère que vous nous aiderez, monsieur le Président, à ce que cette représentation diplomatique puisse disposer d'un toit bien que je pense que ce serait pour notre agent diplomatique et ses collaborateurs, un excellent apprentissage du Turkménistan que de commencer par vivre sous la tente mais enfin nous comptons sur vous et sur votre extrême amabilité.\
J'ai évoqué et je le ferai pour finir le domaine culturel. C'est vrai que l'apprentissage des langues devient de plus en plus nécessaire. Nous en ressentons le besoin en Europe, et nous ressentons le même besoin quand nous venons ici. Si vous nous aidez à développer la connaissance de notre langue : le Français, ici au Turkménistan et par voie de conséquence ou de contagion dans l'Asie centrale, nous en serons très fiers et très reconnaissants.
- Vous avez bien voulu me remettre hier plusieurs ouvrages importants de bibliothèque et des ouvrages écrits par des Français et imprimés en français. J'y étais particulièrement sensible. Si l'on passe à d'autres terrains que celui-là, ce sera aussi un signe culturel au travers de l'économie et de l'industrie que de pouvoir contribuer à l'édification d'hôtels pour recevoir les touristes qui ne pourront manquer de venir très nombreux mais aussi de la grande mosquée sur le site historique de Geok-Tepe.
- L'un des avantages immédiats de ce développement de nos relations culturelles serait par exemple d'épargner à ce public, que je suis heureux de saluer, un discours aussi long puisqu'il est répété deux fois.
- Il y a un moment, M. le Président de l'Académie des Sciences m'a remis les documents qui font de moi l'un des membres de cette grande compagnie et vous en voyez ici les insignes. Je sais, M. le Président, que vous êtes un chimiste. C'est ce que vous m'avez confié et quand on parle du développement du Turkménistan, on se rend compte à quel point, les chimistes sont nécessaires. Et vous, madame, qui accompagnez le Président, vous êtes médecin et spécialiste en médecine et là encore je pense que vos compatriotes, vos concitoyens, monsieur le Président, trouveront de plus en plus de grands bienfaits à disposer de savants et praticiens tels que ceux qui m'ont accueilli.
- Je ne suis pas sûr dans ces deux disciplines et dans quelques autres de vous être d'une grande utilité à l'Académie des Sciences, mais il y a aussi les Sciences Humaines et M. le Président Niyazov et moi-même commençons à en être des spécialistes. Monsieur le Président, mesdames et messieurs, cette cérémonie est pour moi émouvante, elle me flatte, je vous en remercie, j'en reporte l'avantage et le mérite à mon pays qui est un grand pays et je forme pour vous mes voeux de prospérité et d'amitié, non pas parce que c'est signé depuis une demi-heure mais parce que cela sera d'un grand poids dans le développement de nos deux pays dans le monde. Merci.\