17 décembre 1993 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors de l'inauguration du musée d'art moderne de Céret (Pyrénées-Orientales), le 17 décembre 1993.

Mesdames et messieurs,
- C'est la deuxième fois que je viens à titre officiel dans la ville de Céret et je peux mesurer à travers les années - huit ans - les progrès réalisés.
- Il s'agissait de l'Hôtel de ville £ cette fois-ci, c'est le musée.
- Il est important de constater à quel point vous avez su utiliser dans les meilleures conditions des locaux situés dans le centre ville, à quel point vous avez su placer, développer, utiliser les oeuvres qu'au cours des âges et depuis le début de ce siècle, des peintres, de très grands peintres, sont venus successivement créer ici ou déposer ici, à la fois par amour pour le pays et sa beauté, mais aussi par reconnaissance pour la qualité d'hospitalité de ses habitants, surtout dans des temps troublés, ceux qu'ils ont connus en particulier pendant les guerres et les révolutions.
- C'est un enrichissement pour nous tous et pour moi en particulier que de retrouver dans cet état d'esprit, cette volonté de création et de conquête, ce développement d'une région et je me permets de vous dire à quel point je suis sensible à tout ce qui est dit et à tout ce qui est fait ici.
- Je remercie, en particulier les principales personnalités de la région et du département, et de l'autre côté des Pyrénées : le président Pujol, monsieur le maire Maragall, qui m'accueillaient si gentiment il n'y a pas si longtemps à Barcelone. Je vous appelais "Monsieur le Président", mais c'était à Strasbourg, parce que présider, je fais de même que vous, M. Pujol, et il semble que les Catalans soient quand même partout, mais surtout, avec un très grand plaisir, dans cette région où vous vous sentez sans doute très à l'aise - à la fois par le langage, l'accent, les tonalités, les paysages.... Ce sont vraiment des régions soeurs.
- Je remercie monsieur le ministre de la culture qui m'a accompagné jusqu'ici, ainsi qu'un certain nombre de hauts fonctionnaires qui ont pris une part éminente à la réussite de ce musée et de bien d'autres. Et je n'ai garde d'oublier Mme le Conservateur dont j'ai appris qu'elle venait elle-même de Catalogne. Voilà qui représente parfaitement l'union de ces deux régions, l'union de ces deux peuples, dans bien des domaines. Je trouve ça tout à fait normal, c'est l'histoire des hommes et on en retrouve la trace à travers les siècles, depuis le plus haut Moyen-âge, et sans doute bien avant.
- Cette brève visite, un peu serrée, m'aura aussi permis de rencontrer des habitants de cette ville et de ses environs, qui m'ont fait l'honneur et le plaisir de se déplacer pour cette cérémonie. Je crois vraiment que c'est sur les thèmes de la culture et de la décentralisation culturelle que l'on peut le plus facilement trouver des terrains communs d'expérience et d'ambition, car, au fond, c'est la quête éternelle de l'esprit humain qui est également partagée quelles que soient les nuances de l'esprit, quel que soit le choix des opinions. On se retrouve quand on voit un tableau, une belle sculpture et lorsque l'on constate la naissance ou l'apparition dans le monde des arts de jeunes gens de cette ville, finalement nombreux. Ce sont des gens qui ont du talent, et déjà confirmé, mais on ne le sait pas toujours. Il était important de le savoir en venant jusqu'ici.\
Il y a là une continuité vraiment très remarquable qu'on ne trouve pas, croyez-moi, monsieur le maire, dans beaucoup de villes de France. Vous avez tenu vous-même à rendre hommage à l'oeuvre de vos prédécesseurs et je crois que ce n'est pas mentir à la vérité que de dire que vous les avez magnifiquement continués pour aboutir à cet achèvement encore. Est-ce jamais achevé ? Un musée est en perpétuel mouvement, en transformation, il le faut, on ne peut figer ni les formes, ni les concepts. Il faut savoir que le temps passe et que l'esprit créateur de l'homme se déplace pour obéir à ce commandement intérieur qui seul explique l'oeuvre artistique. C'est souvent difficile d'ailleurs d'ouvrir le regard sur la modernité des choses. C'est souvent difficile parce qu'on vit d'habitudes et que l'éternelle querelle des anciens et des modernes ne cessea pas. Mais, c'est vrai, il faut à la fois tenir compte des plus grandes leçons de la tradition, on n'invente pas tous les jours l'art dans quelque discipline que ce soit, et en même temps, il faut savoir le casser, brasser les formes, transformer pour répondre aux exigences du temps et le temps, après tout, vous ramène toujours aux mêmes questions essentielles.
- Je vous remercie donc tous et je ne voudrais pas quand même omettre tout le personnel du musée, qui m'a été rapidement présenté, mesdames et messieurs les Conseillers municipaux, dont j'ai su que l'un d'entre eux faisait partie des exposants de ce musée. Tout cela est très prometteur. Céret représente un exemple de ce qu'est la vie, la vie de la France, de ce qu'est la capacité de création des Français. Et, ce n'est pas par fonction, croyez-le, mais c'est par conviction, que je le dis, je suis absolument assuré qu'il n'y a aucune raison d'arriver aux approches du nouveau siècle, du nouveau millénaire avec un sentiment d'abattement ou de déclin, c'est tout le contraire. Tout avance, et la situation de la France dans le monde aujourd'hui est une situation plus forte qu'elle n'était naguère, par l'effort des uns et des autres. Chacun à son tour apportant ce dont il est capable. Mais moi, j'ai une foi dans la réussite de cette oeuvre du peuple français. Merci.\