13 octobre 1993 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la création de la médaille de la résistance en février 1943 et l'importance de la mémoire de la résistance, Paris le 13 octobre 1943.

Monsieur le Président,
- Mesdames et messieurs,
- C'est en ma qualité de chef de l'Etat que je viens, ici cet après-midi, apporter le salut de la République aux titulaires de la médaille de la résistance française, à ceux qui ne sont plus, et c'est hélas le plus grand nombre, comme à ceux qui sont encore parmi nous.
- Je m'adresse à vous qui êtes là et au-delà de vos personnes, à tous ceux de nos camarades dispersés sur le territoire, qui, en cet instant sans doute, rassemblent leurs souvenirs qui sont les nôtres.
- Mais, c'est aussi, et vos paroles de bienvenue m'y engagent, monsieur le Président, parce qu'il se trouve que je suis moi-même titulaire de cette médaille que je pensais ne pas pouvoir manquer d'être présent dans cette fête de famille, de voisinage ou d'amitié, semblable à ces rendez-vous où se retrouvent de temps à autre des parents, des amis qui n'ont pas tous les jours l'occasion de se rencontrer.
- Il y a cinquante ans, il y a eu cinquante ans en février, rappelez-vous, que le chef de la France combattante a créé une médaille de la résistance destinée à reconnaître les actes remarquables de foi et de courage, je cite le texte-même qui en France, dans l'Empire et à l'étranger, auront contribué à la résistance du peuple français depuis le 18 juin 1940.
- La création de la médaille de la résistante, par l'Ordonnance du 9 février 1943, s'inscrit dans la ligne des actions par lesquelles s'est faite, à cette époque, l'unité de la résistance intérieure et de la résistance extérieure, et je pense, comme vous l'avez fait, vous-même, à l'instant, monsieur le Président, à la mission de Jean Moulin, à la création du Conseil national de la résistance, à la participation des mouvements de résistance au gouvernement provisoire, à tout ce qui a permis à la France combattante et à la France résistante de conjuguer leurs efforts.
- C'est dans cet esprit que l'Ordonnance de 1943 spécifie que la médaille de la résistance est décernée tant aux personnes et collectivités françaises qui ont pris une part effective et exemplaires à la résistance contre l'envahisseur ou ses complices sur le territoire national, qu'à celles qui ont participé au ralliement du territoire français à la France combattante ou rejoint les forces françaises libres dans des conditions que l'on savait fort dangereuses.\
La médaille de la Résistance française est donc tout à la fois la récompense des services rendus par ceux à qui elle a été décernée et le symbole de l'unité recherchée et retrouvée. A ce double titre, elle porte témoignage d'un moment décisif d'un grand moment dans l'histoire de la libération de notre pays.
- Les témoins se font de plus en plus rares, vous venez de le rappeler, monsieur le Président, quarante-trois mille Français ont été décorés de cette médaille dont quinze mille à titre posthume. Des vingt-huit mille qui l'ont reçue de leur vivant, je répète ces mots, parce qu'ils sont significatifs, il en reste trois ou quatre milliers.
- Songez-y bien, mesdames et messieurs, vous qui constituez ce qui reste de la mémoire vivante d'une époque qui sera bientôt rentrée dans le passé de votre pays, songez aux responsabilités qui sont les vôtres pour l'avenir de la France !
- Nul n'attend de vous, et je l'attends moins que quinconque, que vous renonciez à votre diversité, d'ailleurs s'y essayer serait vain, ou à vos affinités, à ce qui fait que l'on se sent plus proche des uns ou des autres. Mais, rappelez-vous que ce qui nous réunit aujourd'hui et toujours, c'est la volonté qui s'est imposée en un moment particulier de notre histoire, de rassembler sous les mêmes couleurs, ceux qui en quelque lieu qu'ils fussent, avaient refusé la servitude.
- J'ai parlé de ces réunions de famille ou d'amis, des parents, des voisins, des proches, souvent très éloignés se retrouvent un instant avant de se séparer à nouveau. Et il arrive que ces réunions fassent revivre de vieilles querelles, évitez-les, mesdames et messieurs, pensez que notre réunion est sans doute, sans cultiver le pessimisme mais en ayant les yeux bien ouverts sur la réalité, l'une des dernières du genre et que l'occasion ne s'en représentera plus très souvent.
- Alors, rappelez-vous que nous sommes chargés, vous et moi, les uns et les autres d'une lourde responsabilité, celle de transmettre à nos enfants, à nos petits enfants, à tous ceux qui viendront ensuite, un fragment essentiel de la mémoire de la France.
- Faisons en sorte de le transmettre intact. Nous devons bien cela, à ceux que nous avons laissés derrière nous, mais nous le devons aussi à la France de demain !\