9 juillet 1993 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du sommet des pays industrialisés, notamment sur le GATT, le conflit yougoslave et l'accord franco-japonais d'aide au développement, Tokyo le 9 juillet 1993.

Mesdames et messieurs,
- Mesdames et messieurs, nous arrivons au terme de nos travaux. Nous sommes en mesure de vous rapporter l'essentiel de ce qui a été fait. Il restera cet après-midi la rencontre avec M. Eltsine, dont des éléments complémentaires pourraient vous intéresser.
- Pour le reste, quels sujets ont été traités ? On a parlé du chômage : je ne vois pas comment faire autrement, c'est un mal qui frappe tous les pays à l'exception du Japon, où il augmente cependant. On avait abordé ce sujet l'an dernier à Munich. Collectivement, les ministres des finances s'en sont préoccupé, ils ont établi entre eux un contact constant pour voir de quelle manière aborder les problèmes structurels de nos sociétés. Dès cette année les représentants personnels se réuniront, à l'automne, aux Etats-Unis d'Amérique et vont poursuivre cette étude collective.
- Pour aborder le problème russe, au cours de ces dernières années cette méthode avait été suivie, elle a donné des résultats, espérons qu'il en sera de même cette fois-ci. Il a été question naturellement des négociations commerciales et particulièrement, chacun l'attend et c'est normal, du GATT. On ne peut pas discuter de savoir s'il y a progrès ou non, on dira qu'il y a tout de même quelques ouvertures. On ne va pas se faire concurrence pour savoir qui désire le plus un accord sur le GATT £ tout le monde en a besoin, et c'est vraiment un faux problème que de poser en termes antagonistes les positions des uns et des autres. Chacun sait bien que ce serait un mieux pour la croissance mondiale, mais cela ne peut pas non plus se faire, c'est la position française depuis longtemps déjà, seulement par des sacrifices unilatéraux, ou par le règlement d'une question commerciale, je pense essentiellement aux problèmes agricoles, tandis que les autres resteraient en plan. Vous pourrez vous reporter au communiqué dont le texte nous convient tout à fait, qui a été négocié au cours de ces dernières heures, dans lequel il est dit : "maintenir et développer le système commercial multilatéral est essentiel pour la croissance mondiale" (...) "lutter contre toutes les formes de protectionnisme". Ce qui est un encouragement à soi-même que j'entends depuis de très longues années. Mais, c'est vrai que lorsqu'on dit : "notre principale priorité est de mener à bon terme le cycle d'Uruguay, nous accueillons avec satisfaction le progrès significatif", - voilà un progrès - "réalisé récemment sur la voie d'un accord relatif à un vaste accès au marché des biens et des services parce qu'il constitue une étape importante vers la reprise immédiate des négociations multilatérales à Genève". Rendez-vous à Genève, et lorsque l'on ajoute que "ce progrès doit être accompagné de mesures comparables d'ouverture des marchés des autres participants", et l'on continue ainsi : "nous demandons instamment à tous nos partenaires commerciaux - ce sont les Sept qui parlent -, de négocier de manière constructive sur tous les sujets tout en reconnaissant - et j'insiste sur ce bout de phrase qui résume à lui seul notre position - qu'il n'y a d'accord sur rien tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout". Nous renouvelons notre détermination à régler ces questions, (...) "avant la fin de l'année" £ c'est une intention louable.\
Tout ceci a été de nouveau tout à fait précisé et le reste du texte que vous pourrez lire est intéressant : il est rédigé en termes plus clairs que d'habitude, plus simples, moins technocratiques. Cela parait un peu moins être une traduction d'une autre langue, on ne sait pas laquelle d'ailleurs, une sorte de mélange entre les sept avec quand même une part privilégiée pour quelques-unes d'entre elles. On a parlé d'autre chose. A propos de la Russie, le programme de restructuration et de privatisation russe se verra doté de fonds qui vont très au-delà de ce qui était prévu £ on parlait de quelques centaines de millions et le chiffre arrêté est de 3 milliards de dollars dans lesquels la France prendra sa part naturellement. On a naturellement parlé aussi des centrales nucléaires, des problèmes d'environnement qui sont déterminants avec l'expérience malheureuse de Tchernobyl. On peut se poser des questions sur l'ensemble des systèmes qui ont été créés sur la base des techniques qui ont servi à Tchernobyl.\
Un accord particulier entre le Japon et la France touchant au développement a été conclu, car on a beaucoup discuté du problème de développement. Qu'est-ce qui est sensible dans ce qui a été dit ? D'abord que l'on a bien l'intention de continuer : on a cité les chiffres de participation des uns et des autres et, on a constaté une fois de plus que la France était en tête des sept en pourcentage de son produit intérieur brut, et nettement, avec le Canada et l'Allemagne devant les Etats-Unis et le Japon qui ont cependant des revenus plus importants. Enfin, la France continue d'être celle qui fait l'effort comparé le plus important. On a décidé de continuer et si possible d'améliorer, mais assez peu de mesures de caractère franchement structurel qui permettraient de modifier les termes de l'échange. Cependant il y a pour les produits de base un accord franco-japonais. Pourquoi franco-japonais ? Parce que les cinq autres n'étaient pas désireux de s'y associer.
- Ce qui veut dire que, dans leur approche des questions touchant aux produits de base, ils continuent de faire uniquement confiance au marché £ ce qui est une réponse d'écrasement pour des pays qui n'ont pas le moyen de s'imposer dans ce marché apparemment libre, mais où les puissances des uns ne sont pas comparables aux puissances des autres, et qui voit en fait la plupart des pays pauvres ou faibles dans l'incapacité de maintenir des plans de développement à deux ans, trois ans, cinq ans, puisqu'en quelques semaines, et même pas en une semaine, à tout moment, interviennent des décisions, à Chicago ou à Londres, par exemple, qui mettent par terre les plus belles décisions, avec des chutes de prix qui ont contribué dans ces pays à des crises politiques et sociales très graves.
- Alors vous pourrez vous reporter au texte que nous avons signé avec les Japonais et qui marque précisément une volonté d'organiser une politique commune à l'égard de certains produits de base - on ne dit pas tous les produits de base : on serait en contradiction trop sérieuse avec le reste du monde, et d'autre part, les Japonais, qui sont nos partenaires en la circonstance, sont très attachés à l'idéologie libérale - mais certains produits de base, lorsque ces produits de base n'ont pas de produit de remplacement, qu'ils tiennent tous les équilibres d'un pays donné avec d'abord la famine qui les menace, la misère et puis finalement plus aucun revenu et finissent par coûter finalement très cher à la collectivité internationale. On ne voit même pas où est l'intérêt capitaliste de ces choses. Quand on pense, par exemple, au désastre qui a suivi l'annulation de l'accord sur le café, en particulier en Colombie, lorsqu'on voit la situation du café ou du cacao dans un pays comme la Côte d'Ivoire, on se dit qu'il faut savoir soutenir d'une manière ou d'une autre des produits qui conditionnent la vie d'une population dans un Etat donné. C'est cet aspect-là des choses qui a été retenu par la déclaration franco-japonaise et qui marque bien la direction que nous prenons. J'arrête là mon récit. C'est à vous maintenant, mesdames et messieurs, de vous exprimer. J'ai demandé aux deux ministres qui m'accompagnent d'être là pour qu'ils puissent le cas echéant répondre à vos questions et je suis à votre disposition.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous venez de dire que c'est un très bon texte, mais ce n'est qu'une déclaration. Est-ce que vous avez senti parmi vos partenaires un état d'esprit qui ferait que ce texte a plus de chances que lors des autres sommets de se concrétiser, que l'avancée soit meilleure que d'habitude.
- LE PRESIDENT.- C'est mon sentiment. J'ai la même méfiance que vous à l'égard des textes, des déclarations de principes qui restent ensuite dans les placards jusqu'à l'année suivante. Mais là, la méthode, désirée depuis longtemps déjà, a été mise en application : moins de questions - d'ailleurs, vous avez pu vous en apercevoir, d'ordinaire, je reviens pour les comptes rendus avec des listes assez longues. Des questions, là, il y en a très peu. Donc on a centré les conversations sur quelques points et les protocoles ont été considérablement allégés, en attendant qu'ils le soient davantage, comme c'est prévu, l'an prochain en Italie, afin d'alléger ces sommets de tout un appareil écrasant qui finalement noie des questions importantes parmi beaucoup d'autres qui ne le sont pas. Oui, j'ai ce sentiment positif - là parce qu'on s'est restreint dans le choix des sujets, la démarche est plus claire et les méthodes ont été quand même mieux précisées qu'elles ne le sont d'habitude.\
QUESTION.- Monsieur le Président, les membres du gouvernement paraissent avoir certaines difficultés à gérer leur communication en ce qui concerne les rapport monétaires franco-allemands. La déclaration du ministre des affaires étrangères hier a été assez mal reçue sur les marchés où elle a contribué à affaiblir le franc. Est-ce que dans ce domaine, vous auriez une recommandation à leur faire ?
- LE PRESIDENT .- Ne prononcer que des paroles qui fortifient notre monnaie ! Je pense qu'il y a une formidable sensibilité du marché à la moindre chose, et souvent tous ces milieux spécialisés interprètent dans le sens qu'ils souhaitent, pour le cas échéant, profiter des mouvements de bourse. Donc on ne peut pas estimer tout cela très sérieux. La France et les Français ne sont pas spécialement responsables des attentes internationales. Donc, je conteste un peu ce que vous dîtes mais jusqu'à plus ample informé. Nous sommes comme vous le savez à Tokyo et il est normalement chez nous quatre heure vingt-cinq du matin et d'ordinaire à cette heure-là, nous ne sommes pas très actifs, j'attends donc d'avoir plus d'informations pour réagir de façon plus précise à vos affirmations.\
QUESTION.- Vous avez parlé d'un protocole allégé pour l'année prochaine. Qu'est-ce qui changera dans le G7 dans l'avenir ? Quelle est votre position là-dessus ?
- LE PRESIDENT.- Nous approuvons tout à fait cela. En principe, ces rencontres seront faites pour que les responsables puissent débattre directement entre eux le plus simplement du monde, pour que leurs échanges leur permettent de se connaître mieux, ce qui n'est pas la plus mauvaise façon d'ailleurs d'engager une négociation. C'est vrai que les sommets déjà depuis longtemps ont pris une toute autre allure, vous n'y êtes pas pour rien d'ailleurs, mesdames et messieurs ! Enfin, c'est une autre affaire.. Un protocole, une solennité et une multitude de journalistes. Je ne sais pas combien vous êtes cette année, 7000 ? Avec la présence des journalistes japonais qui sont très nombreux dans ce pays ! Permettez-moi de vous dire qu'ils ont des journaux qui se vendent bien ! Donc, une simplification, un peu moins de solennité, un peu plus d'échanges directs, un peu moins de personnes dans les couloirs, un peu moins de personnes aux conférences de presse (mais ça, je ne le désire pas spécialement, je m'accommode très bien de la situation présente), mais en effet, la médiatisation étant un phénomène déterminant de la politique d'aujourd'hui, cet élément-là n'est pas indifférent.\
QUESTION.- De votre point de vue, qu'est-ce qui vous apparaît comme l'avancée majeure, qu'est qu'il faudra retenir de ce Sommet de Tokyo. Sera-ce, comme le font les Américains, les avancées sur le Gatt ou vous-même, préférez-vous en retenir d'autres aspects ?
- LE PRESIDENT.- L'élément principal, c'est je crois la volonté d'une approche collective des questions les plus difficiles du jour, notamment les problèmes de l'emploi et donc du chômage. C'est d'une certaine façon, reprendre le chemin régulier des négociations £ il s'agit du GATT puisqu'on se donne rendez-vous à Genève puisque c'est là que les décisions doivent se prendre, en tout cas, que les propositions devront se faire. La volonté française - elle - de faire qu'à l'intérieur de la Communauté européenne, ce soient les responsables désignés à cet effet qui finalement décident, me paraît tout à fait légitime et ne transparaît pas dans ce texte puisqu'il s'agit d'une autre instance, mais c'était constamment dans l'esprit de ceux qui participaient aux conversations. La Commission a sa qualification et sa compétence indéniables, et peut-ête irremplaçables mais la décision appartient au Conseil des ministres, aux responsables politiques et finalement, c'est comme cela que cela se passera £ donc l'élément de proposition apporté par la Commission (ce qu'on appelle la quadrilatérale) est bien mais ce n'est pas suffisant car on ne peut considérer comme acquise qu'une décision prise par les représentants des Etats lorsqu'ils se retrouvent en réunion collective £ jusqu'à ce moment-là, rien n'est fait. Cela étant précisé (c'est une question de fond plus que de procédure), je pense que la manière dont les choses se sont déroulées, dont elles sont traduites dans le communiqué final, marquent un vrai progrès. C'est quand même cela l'élément déterminant sur ce plan.
- L'autre domaine, je crois que ce sont les relations avec la Russie, l'ouverture sur l'Est, les décisions prises sur l'environnement, sur le nucléaire. Cet effort collectif est transposé par une double délibération, et par une décision politique sur le plan international. Donc le G7, ce n'est pas pour rien. Nous ne sommes pas réunis simplement pour nous faire des confidences : c'est aussi pour prendre des décisions qui nous engagent £ cela représente une force considérable dans le monde, une force qui a d'ailleurs tendance souvent à se considérer comme exagérément dominante. La position de la France depuis le début a toujours été de montrer que le G7 ne se considère pas comme un directoire du monde. C'est cependant une force considérable si nos démarches s'harmonisent mieux, et ma réponse, c'est celle-ci : je crois qu'elles s'harmonisent mieux aujourd'hui qu'hier.\
QUESTION.- Monsieur le Président, Warren Christopher sur CNN avait l'air de regretter que les sept n'aient pas approuvé un embargo commercial contre l'Iran. Alors comment expliquer que la position des sept n'a pas été plus ferme vis à vis de cet Etat qui soutient le terrorisme et d'autre part est-ce que vous allez demander à Boris Eltsine d'arrêter de vendre des armes et du nucléaire à l'Iran ?
- LE PRESIDENT.- Personnellement je n'ai pas entendu prononcer le nom de l'Iran pendant les séances plénières auxquelles j'ai assisté. Donc je ne peux pas vous dire sur quoi est fondée la remarque de M. Christopher. Le sujet en valait la peine, mais il y a tellement de sujets qui valent d'être traités, et finalement on se rend compte que l'on est obligé de se concentrer sur quelques sujets.
- M. JUPPE.- Oui nous avons évoqué, monsieur le Président, ce problème. Pour répondre à cette question je me bornerai à citer le communiqué : "Préoccupés par des aspects du comportement de l'Iran, nous appelons le gouvernement de ce pays à participer de manière constructive aux efforts internationaux déployés en vue de la paix et de la stabilité et à mettre fin aux actions contraires à ces objectifs". C'est donc un langage tout à fait clair et qui a donné satisfaction aux sept délégations.
- LE PRESIDENT.- Tellement de satisfaction que le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement n'a pas jugé bon de revenir sur ce sujet, les ministres des affaires étrangères l'ayant semble-t-il parfaitement réglé... enfin parfaitement réglé sur le papier, puisque l'Iran continue d'exister !\
QUESTION.- Il semble que la voix des pays en voie de développement ait de plus en plus de mal à se faire entendre dans ce genre d'enceinte internationale. En ce qui concerne l'initiative franco-japonaise, qui est donc en dehors du communiqué final, est-ce que l'on pourrait en savoir un peu plus sur le contenu de ce soutien aux produits de base ou est-ce qu'il ne s'agit que d'une déclaration de principe ?
- LE PRESIDENT.- On peut toujours se poser la question sur tout texte. On peut toujours dire c'est une déclaration de principe, mais ça n'aurait pas de sens. Vous en saurez davantage en vous informant, ce que vous ne manquerez pas de faire. On ne va pas centrer notre conversation sur les produits de base retenus par l'accord franco-japonais qui ne va pas figurer sur le communiqué final puisque cela n'engage que deux pays sur sept. Mais cela a été fait ici, à Tokyo. Cela me paraît une très bonne chose, qu'il y ait au moins deux pays qui prennent les devants pour que la question du développement ne passe pas au deuxième rang. Aux yeux de la France cela a toujours été une question primordiale. Il nous est même arrivé de dire que cela passait avant les problèmes atomiques, car c'est une force d'explosion plus certaine qu'une bombe atomique dont la stratégie a fait qu'elle avait pour mission, et heureusement, de ne jamais servir. La situation du tiers monde est une donnée, a une valeur explosive permanente qui peut entrainer des milliards d'êtres humains dans des conflits sans fin. On en a parfaitement conscience, la France peut-être plus que d'autres dans la mesure où nous avons une responsabilité directe héritée de la période coloniale, une connaissance, une expérience qui fait que ce problème prend tout de suite le pas sur beaucoup d'autres dans notre esprit.
- Est-ce que l'ensemble des pays du groupe des 7 se désintéresse du tiers monde ? Moi je crois que beaucoup ont toujours considéré que c'était secondaire. Or, et je l'ai répété à M. Clinton qui a repris ce sujet lors d'une autre séance, les flux financiers continuent d'être plus importants du tiers monde pauvre vers les pays riches qu'en sens contraire. Nous recevons plus d'eux qu'eux ne reçoivent de nous en dépit de la somme des aides bilatérales et multilatérales. Cela devrait faire scandale et dans mon esprit c'est scandaleux. Mais on s'est habitué à cette notion (après tout ce n'était pas si mal que cela !) d'où en effet un certain affadissement de l'angoisse ou de l'inquiétude que devrait provoquer chez nous, dans les pays industrialisés, la situation du tiers monde. Mais on ne peut pas dire cela spécialement de ce sommet, non je ne le crois pas. Simplement, certains de nos pays, ici représentés, ne sont pas prêts à altérer aussi peu que ce soit leur religion libéro-libérale qui fait que tout doit marcher dans le meilleur des mondes possibles simplement par la vertu des automatismes, ce qui n'est pas l'opinion de tous, en tout cas ce n'est pas la mienne, mais je ne vais pas engager tout le monde.\
QUESTION.- Vous venez de voir le Président Clinton, avez-vous parlé de la Bosnie ? Au cas où les zones de sécurité s'avèreraient inefficaces est-ce que vous soutiendrez à ce moment-là la levée de l'embargo sur les armes ?
- LE PRESIDENT.- Nous n'avons pas eu spécialement besoin d'en parler dans notre entretien bilatéral, le Président Clinton et moi. Nous en avons parlé dans le cadre du G7. J'aurais peut-être dû insister sur ce point, enfin comme les communiqués datent d'avant-hier, je pensais que c'était inutile de le rappeler. C'est même une proposition française, faite aux Nations unies sur ce que l'on appelle les zones de sécurité, qui prévoit que les forces des Nations unies disposent des moyens nécessaires en cas d'agression contre des villes à majorité musulmane en Bosnie soit directement, soit par bombardements ou tentative de conquêtes, par les Serbes ou par les Croates.
- Une résolution a été adoptée pour cela aux Nations unies : la société internationale se mettrait en travers, et assurerait la protection de ces zones. Les zones de sécurité sont des zones protégées, au plan de la décision prise. En fait tel n'est pas le cas, parce qu'il appartient aux Nations unies de mettre tout cela en oeuvre £ c'est lent, c'est compliqué, cela exigeait dès le point de départ, disait-on, 7500 militaires de plus en mesure de résister à une offensive militaire, guerrière. Tout cela n'est pas franchement mis en place. Maintenant, un officier général français a la responsabilité dans l'ancienne Yougoslavie et nous sommes tenus particulièrement au courant de l'évolution des choses. Nous, nous demandons simplement à nos partenaires d'être logiques avec eux-mêmes.
- Mais le G7, ce ne sont pas les Nations unies £ ils en font tous partie, certains comme membres permanents du Conseil de sécurité et il faut vraiment prendre conscience de ce devoir. Puisqu'on l'a décidé, il faut en effet que ces villes soient protégées, nous avons fait part de ce souci, de cette demande avec beaucoup d'insistance dès le début des discussions du G7. Donc, je maintiens tout à fait ce point de vue : la position de la France est unanime et saine sur ce sujet, et elle le démontre, car non seulement elle a déjà près de 5000 soldats sur le terrain avec une mission de caractère humanitaire, mais nous avons déjà dit que nous étions prêts à affecter un certain nombre de ces soldats à une oeuvre de défense avec prise de participation à la défense des villes (d'ailleurs ils changeraient de statut). Nous avons déjà pris nos risques, nous sommes d'ailleurs un peu trop seuls pour cela.
- Quant à l'embargo, nous n'avons pas changé de position : la levée de l'embargo sur les armes en direction des forces bosniaques n'a pas été décidée. Le point de vue a déjà été exposé : beaucoup ont le sentiment que cela aggraverait la situation des musulmans bosniaques. Ce serait les installer dans une guerre permanente, une guérilla alimentée constamment par les armes des uns et des autres et, avant qu'ils se soient mis en état de disposer des armes dont ils auraient besoin pour remporter cette guerre, puisque c'en est une, ils auraient le temps de subir tous les effets d'une guerre, victorieuse pour leurs adversaires. Finalement ça n'a pas été décidé, le maintien de l'embargo est affirmé.\
QUESTION.- Monsieur le Président, ce texte semble remettre en question la protection sociale, en tout cas faire de cette remise en question une solution dans la lutte contre le chômage, est-ce que c'est votre analyse ?
- LE PRESIDENT.- Je ne vois pas sur quoi vous vous appuyez pour dire cela. J'ai moi-même relevé (mais simplement dans le cadre d'une intervention) que d'autres interventions avaient l'air de laisser entendre ce que vous redoutez £ mais cela n'est pas du tout traduit dans le texte du communiqué, aucune décision de ce genre n'a été prise.\
QUESTION.- Comment jugez-vous, monsieur le Président, à l'issue du G7 nos relations avec nos partenaires européens présents au G7 notamment les Allemands et les Britanniques. Il existait des divergences entre nous et nos partenaires sur l'approche des relations commerciales notamment. Est-ce que le rendez-vous pris à Genève signifie que ces divergences sont aplanies ?
- LE PRESIDENT.- La divergence est connue, elle est ancienne. S'il devait donc y avoir contestation entre nous, ce n'est pas à Tokyo qu'il y aurait eu véritablement innovation. Eh bien, c'est le contraire qui s'est produit. Nous n'avons pas eu de difficultés (peut-être dans les approches ministérielles ?) mais au total, moi, je n'en ai pas constaté lorsque les choses sont revenues en séance plénière et nous avons été tout à fait d'accord pour renvoyer à Genève - là ou cela doit avoir lieu - la discussion. Si on avait pu s'interroger sur ce qu'on appelle la quadrilatérale (ce n'est pas une institution, c'est une pratique), le rappel des principes a savoir que c'est le Conseil des ministres qui a vocation pour décider, ou le Conseil européen selon le cas, n'a pas provoqué de difficultés particulières. On disait précédemment (on pouvait le croire aussi, ce n'est pas une illusion) qu'il pouvait y avoir une divergence d'approche entre la France et l'Allemagne £ elle ne s'est pas manifestée car chacun a cherché la voie moyenne qui permettrait d'aboutir. Elle passe par Genève, elle passe par les institutions normales de la Communauté européenne où nous siégeons ensemble, elle passe par la décision politique qui engage une nation. Non, il y a plutôt eu me semble-t-il une sorte de détente dans les relations de ces pays pour aborder ce qui reste à négocier, c'est-à-dire beaucoup, sur le Gatt. Monsieur le ministre, c'est votre sentiment ?
- M. JUPPE.- Tout à fait, monsieur le Président. Nous avions pris la précaution, avant de venir à Tokyo, de déterminer à douze lors du Conseil des ministres qui s'est tenu vendredi dernier à Bruxelles, une attitude commune, au moins sur la procédure, ce qui ne signifie évidemment pas que les questions de fond sont réglées mais cette précaution explique qu'à Tokyo aucun problème ne se soit posé entre nous.\
QUESTION.- Est-ce qu'on n'a pas promis un peu hâtivement à Boris Eltsine un peu plus de 43 milliards de dollars ? Est-ce qu'il ne risque pas cet aprés-midi dans ces discussions avec le G7 de demander des comptes sur ces 43 milliards.
- LE PRESIDENT.- On saura cela tout à l'heure !
- QUESTION.- Je voudrais vous poser une question sur le rapport remis par les ministres des finances à la suite du Sommet de Munich. Il est dit clairement dans ce rapport qu'il faut mettre fin à l'Etat-providence ! J'aimerais simplement savoir ce que cela vous inspire "mettre fin à l'Etat-providence" ?
- LE PRESIDENT.- Cela fait partie de débats tellement usés entre partisans d'une intervention de l'Etat (soit totale ce qui n'est pas mon cas, soit mixte, ce qui serait davantage mon cas) et ceux qui n'en veulent pas du tout ou très peu (ce qui est le cas de quelques autres et en tout cas de l'actuel gouvernement français, gouvernement de la République) mais ce sont quand même des disputes d'école. L'Etat-providence a généralement un côté péjoratif, bien que la providence en tant que telle ait bonne réputation ! L'Etat-providence, lui, en a une mauvaise ! Expliquez-moi les raisons de ce phénomène. Ce qui est vrai c'est que l'Etat n'apparait pas toujours comme une authentique providence : il est un peu lourd, il écrase un peu les pieds des gens qu'il veut secourir et ceux qui ont les pieds blessés s'en plaignent, c'est assez normal. C'est l'esprit de système dont je ne suis pas partisan. Je pense que ceux qui parlent toujours de la fin du rôle de l'Etat-providence sont des croisés qui continuent de guerroyer dans tous les sens, c'est ainsi et c'est bien que l'on discute des idéologies, des théories, des systèmes financiers et politiques. Vous voulez savoir de quelle façon cela m'inspire ? L'Etat n'est pas la providence, bien que je n'aie aucune idée de ce qu'est la providence.\
QUESTION.- Je voudrais poser une question sur l'ONU. Est-ce que l'idée de l'élargissement du Conseil de Sécurité a été discutée ? Quelles sont les conditions que le Japon doit remplir pour devenir membre permanent ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'était pas à l'ordre du jour, mais plusieurs des participants de ce sommet ont déjà fait connaître leur position, la France notamment. La France ne refuse ni au Japon, ni à l'Allemagne la possibilité d'entrer au Conseil de Sécurité, d'y être membre permanent. Leur puissance, la réalité de leur pouvoir politique et économique tout cela les désigne. Mais c'est une négociation très complexe parce qu'il y a ceux qui s'y trouvent, il faut donc procéder par addition et non pas par substitution. Dans ce cas-là, n'y aurait-il que des pays comme on dit du nord, des pays industriels pour décider du sort du monde ? La simple ouverture du Conseil de Sécurité à un plus grand nombre d'Etats, membres permanents, pose aussitôt la question de qui. Il y a quelques autres grands pays très significatifs sur la surface du globe, en Asie, en Afrique, en Amérique latine, l'Australie. Combien ? Cette discussion aura lieu un jour ou l'autre. A quelles conditions, selon quelles procédures, cela n'a pas du tout été élaboré.
- Au niveau des intentions, la France est un pays qui se range parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité. Nous avons peut être une autorité particulière pour en parler. L'Allemagne et le Japon, oui.. Discutons sur le principe, sur la mise en place, de telle sorte que l'ensemble des pays du monde se sente représenté et non pas exclu. A ce stade-là, naturellement, c'est très compliqué.\
QUESTION.- Est-ce que vous avez parlé de la situation révolutionnaire dans les pays en voie de développement et de la nécessité de stabiliser les prix des matières premières ? Par ailleurs, on parle de préférence communautaire face aux importations de produits manufacturés dans les pays en voie de développement : est-ce que ce n'est pas contradictoire ?
- LE PRESIDENT.- Oui on peut avoir une dialectique comme cela. On peut avoir plusieurs préférences à la fois, on le sait bien. Il y a les pays en développement généralement dits du sud qui ont de grands besoins et puis également tous les pays du centre et de l'est de l'Europe qui sont à leur tour partie prenante, vu l'état de faiblesse extrême où ils se trouvent. Aussitôt, on dit "contradiction", "vous n'y arriverez pas". Lorsque l'on a discuté, pour la première fois, de cette chose c'était dans la négociation de Lomé 3. Tout le monde annonçait qu'il serait impossible de faire l'effort en même temps pour les uns et pour les autres. Cela a été le contraire : alors que 9 milliards de dollars étaient prévus, cela s'est terminé à 12 milliards ! Les pays participants à cet effort de Lomé ont accru leurs contributions des deux côtés puisqu'en même temps elle s'est dirigée du côté des pays de l'Est de l'Europe pour participer à leur reconstruction. On a parlé ce matin de la Georgie, après avoir parlé des pays Baltes, la liste s'allonge constamment des pays en détresse que nous nous apprêtons à aider. Pour la Russie vous savez ce qu'il en est, on précisera les choses ce soir. La Communauté a déjà fait un effort considérable le plus important et de loin en nombre de milliards. Alors, même s'il y a préférence communautaire cela n'interdit rien pour autant.
- Vous voudriez le libre échange universel ? Il est quand même normal que les pays membres de la Communauté puissent s'auto-défendre puisqu'ils sont associés très intimement dans leur vie économique au point qu'il n'y a plus qu'un marché unique. Ils ne peuvent pas considérer qu'il y a un marché unique avec tout le reste du monde ! On n'en est pas là ! Se réunir ce serait un progrès, mais on n'en est pas là. Je trouve tout à fait normal que les pays de la Communauté s'accordent mutuellement une préférence, c'est l'esprit même du traité. En quoi est-ce que cela nuit à l'aide aux pays en voie de développement ? C'est quand même la Communauté qui se trouve en tête de tous les groupes d'Etats désireux de pratiquer l'aide au tiers monde. C'est donc une contradiction purement formelle et je ne vois pas en quoi nous serions mieux outillés pour aider le tiers monde si nous abandonnions nos propres intérêts.\
QUESTION.- Un accord franco-japonais, la France présente au Cambodge pour les efforts de paix, et puis également votre voyage au Vietnam, est-ce que ça veut dire que la France se réintéresse de nouveau à l'Asie malgré l'éloignement ?
- LE PRESIDENT.- Naturellement, d'ailleurs, j'ai eu une conversation ce matin avec M. Clinton dans laquelle je lui ai dit que j'étais très sensible au fait qu'il ait bougé dans l'affaire des prêts consentis au Vietnam. C'est courageux de sa part, parce que l'on sait de quelle façon aux Etats-Unis d'Amérique on réagit mal, dans l'état où se trouvent les relations de ces deux pays par rapport aux prisonniers de guerre et aux morts. La guerre entre le Vietnam et les Etats-Unis a créé une sensibilité. L'attitude américaine sur le FMI est quand même quelque chose d'encourageant et ça correspond tout à fait aux intentions et aux intérêts de la France. Nous avons quand même des raisons particulières de comprendre le Vietnam et les pays de la péninsule indochinoise. Au cours du voyage que j'ai fait au mois de février dernier, j'avais constaté à quel point la guerre de 7 ans avec la France que ces populations ont dû supporter avant de connaître la guerre avec les Etats-Unis d'Amérique, n'avait pas laissé de traces si profondes que la population dans les rues n'acclame la France. Il y a une sorte de sentiment très fort d'affinité entre ce peuple et le nôtre, peut être aussi parce que nous avons l'image de liberté, de démocratie dont ils sont privés aujourd'hui. En tout cas, pour beaucoup de raisons, j'ai tenu à améliorer les relations entre le Vietnam et la France avec les autorités du moment qui sont là-bas, mais aussi par de larges contacts avec la population. C'est une idée très importante pour la France. Vous savez que le Vietnam fait partie de la francophonie donc nous nous retrouvons rituellement autour de ce sujet qui n'est pas mince et on va persévérer et même élargir la chose. Je suis déjà intervenu auprès de M. Clinton la première fois que je l'ai vu à Washington, pour lui demander la levée de l'embargo sur le Vietnam. Je pense que c'est la moindre des choses et que l'on ne peut pas vivre avec tous ces embargos. Celui de Bosnie pose les problèmes que l'on sait, mais là c'est une guerre active, et c'est vrai qu'en soi, si telle n'était pas la situation, pourquoi un embargo ? Et, Cuba et ici et là, ce n'est pas tenable. En tout cas pour la guerre du Vietnam ce n'est plus justifié. J'ai l'impression que cette question intéresse le Président des Etats-Unis sans que je ne puisse en rien l'engager car il a affaire à son propre peuple. Nous parions, nous, pour l'amélioration des relations et nous les souhaitons. Le gouvernement et le ministre des affaires étrangères ici présent, ont l'intention de persévérer dans cette direction. Indépendamment du fait que nous avons des affinités linguistiques et culturelles qu'il s'agit de ranimer, je peux vous apporter une réponse tout à fait positive sur ce plan. Maintenant, cela prend de l'ampleur.\
QUESTION.- Concernant le Président Clinton, est-ce que vous avez dissipé avec lui tous les malentendus qui pouvaient exister sur certains dossiers dont le GATT ? Est-ce que le Président Clinton vous comprend mieux aujourd'hui, est-ce qu'il comprend mieux la France ? Et qu'attendez-vous de Boris Eltsine en échange de l'aide financière considérable qu'on lui apporte ? Est-ce qu'on lui demande quelque chose à M. Eltsine ?
- LE PRESIDENT.- On attend en effet le maximum de bienfaits pour la France, cela met du temps à venir, je reconnais. Quant à M. Clinton, on n'a pas plus de mauvaises relations avec M. Clinton qu'on en avait avec ses prédécesseurs. Nous notons une ouverture d'esprit certaine sur tous ces problèmes. Donc vous partez d'une idée un peu préconçue. C'est vrai qu'il y a des débats entre la France et les Etats-Unis et moi j'ai toujours connu cela. Il y a peut-être eu quelques gouvernements dans un passé lointain qui étaient un peu suivistes, un peu obéissants, ce n'est pas le cas aujourd'hui, ce n'était pas le cas hier, c'était peut-être le cas avant-hier, on ne va pas juger l'Histoire.\
QUESTION.- Et sur Eltsine.
- LE PRESIDENT.- Je croyais avoir tout dit. On espère bien que le redressement russe permettra d'améliorer les échanges entre la Russie et la France. J'ai eu l'occasion de me plaindre à diverses reprises auprès de M. Gorbatchev notamment, et de ses prédécesseurs, du fait qu'en réalité les échanges étaient très dépareillés. Il n'y a pas de raisons que cela continue, il y a beaucoup de marchés qui pouvaient être accordés à la France qui ne l'étaient pas, donc, il faut améliorer nos échanges, il faut quela Russie le comprenne. Je dis cela amicalement pour la Russie, nous avons de meilleures relations avec les autorités et le peuple russes, aujourd'hui, que peuvent-ils faire ? Notre travail consiste à leur donner les moyens d'échanger avec nous, donc de produire.\
QUESTION.- Monsieur le Président, la France a fait beaucoup d'efforts, au cours de ce Sommet pour obtenir un texte très ferme concernant la Bosnie, plus largement, l'ex-Yougoslavie. Au même moment, un rapport de la CSCE fait état de violation permanente de l'embargo passant par la Grèce qui est un état membre de la Communauté. Que vous inspirent ces révélations ?
- LE PRESIDENT.- Je n'en connais pas la réalité. Si c'est exact, eh bien la Grèce a tort. Précédemment, on parlait des manquements à l'embargo par le cours du Danube £ des décisions ont été prises qui ont permis de régulariser la situation sur le Danube £ sur la Roumanie, pour l'instant on en parle moins, on parle de la Grèce. On sait que la Grèce entretient des relations amicales avec les Serbes. Non je ne connais pas la réalité, c'est bien entendu le reproche, il a dû retenir l'attention des responsables. Il est certain que s'il y a rupture d'embargo, eh bien il faut prendre les mesures qui rétablissent les choses, le droit international.\
QUESTION.- Monsieur le Président, à la lumière de ce qui a été délibéré ici, sur le commerce, comment voyez-vous la phase suivante, c'est-à-dire ces négociations qui vont reprendre à Genève ? Comment voyez-vous l'évolution de ce dossier qui peut non seulement entraîner des difficultés avec les Américains mais également entraîner une crise à l'intérieur de la Communauté ?
- LE PRESIDENT.- Je me méfie des pronostics, je pense que tout est dans la volonté politique. La France n'est pas incompréhensive des besoins des autres, elle demande à ce qu'on comprenne ses intérêts les plus évidents. Et, sa bataille c'est cette explication-là : arriver à se faire comprendre - et vais-je répéter ce qui a été dit cent fois, dix fois - sur la nécessité d'un accord global et équilibré, pas de sacrifice d'un seul côté, etc.. Je vous réponds comme je l'ai déjà fait : rendez-vous à Genève. Blair House, c'est un moment où la Commission européenne s'est engagée, peut-être au delà de ce qu'elle aurait dû, ce qui fait que nous rappelons les principes à savoir qu'à l'intérieur de la Communauté la décision reste politique et pas simplement technique, mais nous rendons grâce aussi à la Commission pour tous les travaux, et les efforts qu'elle fait. J'ai dit que la phrase principale de ce texte, selon moi, était celle-ci : "il n'y a pas d'accord sur rien, tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout". Alors parlons d'agriculture, il faut en reparler, tout n'est pas clos, ce n'est pas fini avec Blair House et parlons du reste. Je veux dire que nous ne tenons pas les portes fermées, et si certains considéraient qu'elles sont fermées, la France n'exigerait rien pour les rouvrir. On ne va pas tout refaire, tout redire. Nos négociations restent ouvertes, cela présentera des difficultés avec nos partenaires, peut être avec les Américains, oui peut-être mais pas forcément d'une manière catastrophique : Peut-être irons-nous vers une solution raisonnable et constructive, c'est ce que nous tentons.\
QUESTION.- Je crois que les marchés financiers sont un peu déçus par ce Sommet. On s'attendait à ce qu'on parle du yen mais on en a parlé peu sauf votre intervention et dans la déclaration, on ne voit rien qui oblige les Japonais à augmenter la demande interne ?
- Est-ce que cela veut dire que l'on va voir encore monter le yen ou bien est-ce que l'on va voir une continuelle fluctuation dans le cours des changes ?
- LE PRESIDENT.- J'ai parlé en effet du yen, dès l'ouverture et j'ai parlé aussi du dollar. Nous, les Français - je ne suis pas le seul puisque nous étions trois répartis dans des instances diverses - n'avons pas notre langue dans notre poche et nous n'avons pas de complexes qui nous obligent à nous taire sur les questions qui nous passionnent et qui représentent l'intérêt de notre pays. Nous avons donc parlé du yen et du dollar, s'il est vrai que la situation présente n'est pas satisfaisante, cette assemblée-là n'avait pas cet objet, il existe assez d'instances où le problème des monnaies est traité, mais la situation présente est certainement anormale.\
QUESTION.- Le Chancelier Kohl vient de dire il y a juste un moment que pendant la douzaine des sommets qu'il a partagés avec vous, jamais n'ont été abordés les problèmes sociaux et les problèmes structurels des sociétés industrielles aussi profondément qu'aujourd'hui à Tokyo. Est-ce que vous partagez cette impression ? Cela ne signifie-t-il pas que ces thèmes que l'on a abordés avec M. Reagan et Mrs Thatcher dans les années 80 et que vous avez toujours soutenus ont finalement pris le centre de ce sommet et que vous pourriez vous en féliciter ?
- LE PRESIDENT.- Oui, le terme "structurel" sent son alibi ! Quand j'entends le mot structure, je tire ! Avant on n'en parlait pas, mais maintenant si on ne parle pas de structurel, alors c'est que l'on a rien fait ! Vous savez la terminologie est la meilleure manière de noyer le poisson. Oui, je pense qu'il y a quand même un progrès. Peu à peu les vérités se font jour. Les questions sociales ont souvent été négligées, mais ce sont des sommets depuis toujours économiques ! Puis cela a commencé à glisser vers les problèmes politiques qui sont devenus un peu trop envahissants d'où l'observation que je faisais déjà il y a une dizaine d'années sur le refus d'un G7 directoire du monde, sans quoi la tendance eût été que chaque fois qu'un problème à caractère politique ou technique se posait, sept ministres se seraient réunis comme le font déjà les ministres du commerce et des finances.
- Il fallait se méfier de cette tendance, mais, en même temps, en rappelant à ces sommets leur véritable nature, je prenais le risque réel que l'on ne parle pas d'autre chose. Et l'économique a étouffé le social, bien qu'après tout ce soit deux chevaux qui doivent aller de pair, sans quoi l'attelage risque de verser. Et j'ai bien senti, vous savez c'est une question d'impression, dans les conversations que nous avions, que peu à peu cela entrait dans les préoccupations de chacun, pour la raison simple à comprendre que nous souffrons tous atrocement du chômage et parler de l'emploi c'est évidemment une question sociale qui appelle un remède social. On en a beaucoup parlé aujourd'hui et nous avons décidé de traiter ce problème collectivement et non plus jalousement pour chacun de nos pays, l'un regardant l'autre en disant "Moi j'ai moins de chômeurs que lui, donc ma politique est réussie donc la sienne échoue". Non ! Tous les pays ont vu leur chômage s'accroître et même certains pays, beaucoup plus rapidement que la France au cours de la dernière année. Alors tout d'un coup chacun a pris conscience que c'était une maladie contagieuse qui tenait sans doute aux mêmes causes, et les causes étaient internationales pour une large part, pas seulement, mais pour une large part.
- Permettez-moi de vous dire que cela a occupé beaucoup de notre temps et heureusement ! Donc, ce glissement, je parle du glissement des conversations internes au G7, de l'économique au social et du circonstanciel au structurel est un glissement sensible et finalement souhaitable.\