7 juin 1993 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République lors de la cérémonie de remise de la médaille de la famille française, Paris le 7 juin 1993.

Monsieur le Président,
- Mesdames,
- Messieurs,
- Monsieur le Président, Monsieur Burnel, c'est vous que je remercierai d'abord en réponse à votre allocution, mais aussi en tenant compte de ces longues années qui nous ont vu travailler en commun dans l'intérêt, je l'espère, des familles françaises.
- J'ai pu constater le travail accompli, la constance et le souci que vous mettez à accomplir votre tâche et je voudrais remercier en votre personne les associations, les milliers de représentants, de délégués - quelques trente mille - qui à travers la France militent pour la même cause. Cela fait maintenant douze ans que nous nous rencontrons chaque année, avec des mères et des pères de famille qui sont distingués parmi d'autres et auxquels nous donnons ce témoignage de la reconnaissance de la République pour le sens qu'ils ont eu de la responsabilité familiale.
- J'ai toujours tenu, vous avez bien voulu le rappeler, monsieur le Président, à y prendre part personnellement : je n'ai jamais manqué à cette cérémonie et vous avez mêlé quelques souvenirs personnels. Il est vrai qu'avoir connu la vie au sein d'une famille nombreuse, des parents qui n'avaient pas de grands moyens et qui avaient à leur charge huit enfants plus deux enfants d'une autre famille dont le père avait été tué à la guerre de 1914-1918, donne une idée de ce groupe - dix enfants en douze ans ! - qui devient ensuite un groupe d'hommes et de femmes, pratiquement indissoluble ! Car les années ont passé mais les liens d'affection et de solidarité sont restés, naturellement.
- Vous-mêmes, chacun d'entre vous a une aventure de cette sorte, par vos enfants. Vous en avez les soucis. Ils doivent être, j'imagine, multiples et souvent lourds. Dans une période difficile économiquement, vous devez de mois en mois et même peut-être plus souvent, vous inquiéter pour les vôtres. Vous ne pouvez pas assurer l'avenir de vos enfants et la société ne s'en charge pas toujours. Cela présente beaucoup d'inquiétude et beaucoup d'attention mais vous le faites et M. Burnel avait raison de vous rappeler à l'instant que vous mainteniez par là-même l'une des grandes traditions de notre société française. Il est vrai que les conditions qui se sont développées depuis les deux guerres mondiales ont changé la vie des familles. Il est vrai aussi que l'augmentation de la population française - nous sommes quelque cinquante-huit millions, aujourd'hui - en même temps la poussée vers les villes - toutes ces familles qui ont quitté les villes moyennes, les campagnes - ont fait que pratiquement, il va être presque impossible d'ordonner une politique du logement, de pouvoir répondre aux besoins d'une famille. Alors se sont créées ces ruptures entre générations, les grands-parents qui restent dans leur province lointaine, qui ne connaissent plus ou fort mal leurs petits-enfants, cette cassure dans la suite des âges est vraisemblablement un manque extrêmement profond, et affectif et matériel, dans la façon de conduire une famille.\
On a calculé qu'avec la longévité actuelle, en particulier grâce aux progrès de la médecine, on pouvait compter souvent cinq générations vivant en même temps. Et quels sont les liens entre ces générations ? Y a-t-il vraiment une communauté familiale ? Très souvent les couples ont éclaté, et en même temps que le père et la mère sont ici où là, ce sont les deux branches familiales qui se séparent. Et ce sont les enfants qui doivent assumer très tôt, avant même de connaître les difficultés de la vie, dans une disposition psychologique souvent très affectée, et en affronter à leur tour les risques et les périls. Je ne veux pas entrer dans la vie personnelle de chacun d'entre vous, cela n'est pas de mon domaine, mais je suis sûr qu'ayant élevé de nombreux enfants, c'est avec la plus grande attention, le plus grand amour que vous regardez maintenant la trace qui est la leur. Que font-ils, que vont-ils devenir, comment réaliseront-ils leur vie ? Cela dépendait de vous quand ils étaient petits ou adolescents, cela ne dépend plus de vous, enfin, pas directement £ cela dépend encore de l'éducation qu'ils ont reçue, et des exemples qui leur ont été montrés.
- Je crois que cette cérémonie est très significative car la remise des médailles de la famille française, on pourrait dire à quoi cela servira-t-il ? C'est un témoignage ! Un témoignage que vous garderez. Vous avez été choisis parce que vous pouviez servir d'exemple, d'exemple aux autres, comme une sorte de référence dont le pays a le plus grand besoin.
- Nous allons maintenant procéder à la remise de ces distinctions, nous sommes en présence de Mme le ministre d'Etat, Mme Simone Veil, qui représente et qui a la responsabilité du domaine qui est le vôtre au sein du gouvernement. Ainsi, d'année en année, de majorité en majorité, de gouvernement en gouvernement, les personnalités changent naturellement. Mais, je crois pouvoir dire que dans le domaine qui nous intéresse ce soir, c'est une ligne continue qui a été poursuivie.
- Alors, je n'ose vous dire à l'année prochaine, mais en tous cas, pour ce qui vous touche, vous, je vous souhaite lorsque vous serez rentrés chez vous, lorsque vous aurez retrouvé les autres militants des associations représentant la famille, je vous souhaite une longue vie, aussi heureuse qu'il est possible.\