22 avril 1993 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur le fonctionnement de l'Assemblée nationale, l'équilibre des pouvoirs exécutif et législatif et la réforme constitutionnelle, Paris le 22 avril 1993.

Madame et messieurs,
- D'abord je vous remercie de votre visite. Elle est certes traditionnelle mais elle garde toute sa signification. Il s'agit de l'organisation des pouvoirs publics, des relations entre le Parlement et le chef de l'Etat et, si nous n'avions jamais l'occasion de nous rencontrer ou d'exprimer notre opinion sur aucun sujet, ce dialogue serait rendu difficile.
- Je remercie le Président de l'Assemblée nationale, monsieur Séguin, d'avoir pris cette initiative de même que j'ai écouté avec le plus grand intérêt les propos qu'il a tenus. Je vous reçois dans ce Palais de la République comme je dois le faire et si vous le voulez bien, dès maintenant, j'aimerais poursuivre l'amorce de la conversation engagée par M. Séguin.
- Je n'ai pas été sans remarquer les initiatives prises récemment, celles qui dépendent de vous. En effet, très rapidement, vous vous heurtez à l'impossibilité de modifier en profondeur le fonctionnement de votre Assemblée car nombreuses sont les dispositions qui sont d'ordre constitutionnel et la Constitution n'est pas aussi aisée à modifier que ce qui relève de la seule décision du Président de l'Assemblée nationale.
- Je me suis réjoui d'apprendre que l'on avait accéléré, simplifié, allégé la procédure des questions du mercredi qui obéissait à un rite un peu lourd, à des échanges de papiers laborieusement écrits, généralement par les administrations lorsque cela provenait des ministres et par je ne sais qui lorsque cela émanait des parlementaires. C'était un peu un dialogue de sourds. Disons que ce dialogue était surtout fait pour la télévision. Maintenant la télévision est encore là, c'est d'ailleurs excellent, mais aller vite, parler simplement, improviser le cas échéant c'est très bien, surtout si le système ne grippe pas en chemin, c'est-à-dire si l'authenticité de la question et de la réponse demeure la réalité hebdomadaire. Enfin, je suppose que monsieur le Président et vous, madame et messieurs y veillerez. Vous n'avez pas fait cette réforme pour rien.
- De même entendre le Premier ministre s'exprimer sur les grandes questions qui l'intéressent quand il juge bon de saisir l'Assemblée nationale, avec la réponse des différents groupes parlementaires, tout cela va dans le bon sens selon moi. J'approuve également les dernières initiatives prises ou suggestions faites touchant aux comptes de la Nation ou au budget social.\
Pour ce qui touche aux Communautés européennes et à la manière dont elles peuvent engager la vie du pays, donc à la nécessité de consulter le Parlement, une procédure est en cours. Il vous suffit, monsieur le Président, madame et messieurs, de la mettre en oeuvre et quand cela sera fait - un certain nombre de progrès ont déjà été accomplis - vous serez en mesure de faire ce que vous souhaitez. Je noterai au passage que les procédures étaient déjà vivantes avant le changement de législature et que la grande exigence de surveillance et de contrôle de ce qui se passe au sein de la Communauté, et de la Commission n'était pas toujours exactement répercutée au sein de l'Assemblée. Car lorsque les ministres étaient invités, convoqués même, et qu'ils se rendaient devant les organismes spécialisés, ils n'y trouvaient pas grand monde. Il y a donc aussi une nécessité de s'intéresser aux questions qui peuvent paraître souvent assez ennuyeuses, assez technocratiques, souvent trop peu politiques, alors, bien entendu, que ce qui se décide, à Bruxelles en particulier a toujours une connotation et des conséquences politiques, même sous l'aspect le plus anodin.\
Je me permettrai de vous indiquer que j'ai déposé il n'y a pas si longtemps auprès du Sénat, un projet de révision constitutionnelle. Il a été examiné par un Comité consultatif qui a, disons, pratiquement élaboré l'essentiel de ce projet. Je l'ai retouché sur les quelques points qui m'ont paru nécessaires et qui restent à votre disposition. Il ne faudrait pas que le fait que ce projet ait été mis au net par tel Président de la République plutôt que par tel autre dans le futur où à une époque où la majorité était différente pour considérer qu'il n'a plus d'intérêt. Vous vous rendrez compte qu'il en a et que le Comité consultatif a travaillé en dehors de toute pression politique particulière.
- Lorsque cela sera fait le champ s'élargira encore. Je souhaite que cela se fasse un jour et que l'on reprenne les dispositions constitutionnelles prévues, et d'autres encore si vous le jugez bon. On en reparlera. Mais, dès maintenant, je sais que le gouvernement souhaite aller vite pour deux réformes indispensables, l'une qui s'impose dans l'immédiat, la réforme de la Haute Cour de Justice, et l'autre qui touche à la sensibilité du pays même si en fait il n'y a pas une exigence telle dans la pratique des choses, on s'en apercevra, la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.
- Vous savez que j'ai souhaité dans le même texte présenter une innovation qui consiste à organiser la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens qui auraient à se plaindre pour leur liberté de tel ou tel texte législatif mais le gouvernement ne souhaite pas pour l'instant engager ce débat. De toute manière, j'en ai saisi le Sénat.
- J'approuve cette démarche et, s'il reste deux réformes sur trois ou sur quatre, c'est mieux que rien. Donc, si le Conseil Supérieur de la Magistrature et la Haute Cour de Justice se trouvent adaptés aux exigences du moment ce sera un vrai progrès et je pense que l'on rendra un vrai service à la République.\
Je confierai à quelques-uns d'entre vous qui sont de nouveaux parlementaires ou qui ne le sont pas depuis très longtemps que cela fait pas mal de temps que je me préoccupe personnellement de ce qui touche - vous avez bien voulu en faire état, monsieur le Président - à l'équilibre institutionnel. Vous savez cet équilibre institutionnel, il est dans la situation de l'oiseau qu'enfant on veut attraper en jetant du sel sur sa queue. Cela ne se produit jamais. Enfin, on cherche, on approche et puis l'oiseau s'éloigne, il part très loin, hors d'atteinte, il revient, on croit que c'est possible, on essaie et au total c'est tout de même cet assaut de bonnes volontés qui finit par faire vivre une démocratie, c'est quand on n'essaie pas qu'il n'y a plus de démocratie. Le fameux équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, on constatera que c'est une affaire qui préoccupe les citoyens et les législateurs depuis pas mal de temps si l'on se réfère, par exemple, à l'expérience des anciens Grecs. Tantôt l'un prend le pas sur l'autre, tantôt c'est le contraire. C'est une figure de rhétorique pour ne pas dire un ballet de danse parfaitement convenu dont on connaît tous les aspects.
- L'introduction du pouvoir judiciaire dans l'équilibre des pouvoirs est plus récente. Elle remonte à la philosophie de la fin du XVIIème et celle du XVIIIème siècle. Et c'est la Révolution française qui l'a placée au premier rang des soucis du pays. Quant aux relations du pouvoir judiciaire et des deux autres pouvoirs, on s'embrouille quelquefois dans tous les sens. La République n'est pas faite pour le pouvoir des juges mais la République ne doit pas ignorer la compétence et le devoir des juges. Là encore, c'est une approximation constante qui dépend du bon sens et de la droiture civique des citoyens et particulièrement des parlementaires.
- Un quatrième pouvoir, c'est banal de le dire, celui de l'information s'est ajouté aux autres. Il échappe à toute règle constitutionnelle et il serait en effet extrêmement difficile de formuler des règles communes dans un domaine où la liberté de pensée et d'expression est essentiellement volatile. Enfin, indiscutablement le jeu s'exerce désormais entre ces quatre pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, d'information.\
J'ai vécu ce débat depuis la fin de la dernière guerre mondiale puisque j'ai l'inconvénient - peut-être est-ce un avantage mais si rarement - d'avoir acquis bien malgré moi une expérience, j'allais dire des expériences multiples. J'ai voté contre la Constitution de la Quatrième République en 1946. C'était l'Assemblée souveraine : vous seriez souverains, vous aimeriez cela ! Cela représente des dangers. Le désordre institutionnel, l'impuissance du gouvernement et finalement l'impossibilité de fonctionner comme on le voudrait parce que la souveraineté de l'Assemblée, ("l'Assemblée vote seule la loi, elle ne peut déléguer ce droit"), c'était écrit dans l'article 13 de cette Constitution mais ce n'était jamais respecté. Les décrets-lois, les lois-cadres, toutes les formules que peuvent inventer les juristes ont finalement prévalu sur cette règle constitutionnelle et finalement la IVème République elle a versé du côté où elle penchait, c'est-à-dire dans l'anarchie.
- Puis j'ai connu la Vème, je vous dirai tout de suite que j'ai voté contre la Constitution de la Vème République et cette Constitution-là, un peu modifiée mais quand même qui pour l'essentiel reste celle d'aujourd'hui, a redressé la situation du pouvoir exécutif, donné au chef de l'Etat un pouvoir qu'il n'avait jamais connu depuis la Constitution de la IIIème République, donné au gouvernement une véritable armature puisque comme vous le savez la IIIème République ne reconnaissait pas l'existence du personnage central de son système qui s'est appelé par la suite le Président du Conseil.\
La Vème République, mais je me garderai de pousser le parallèle au-delà de ce qu'il convient de dire, comme j'ai dit que la IVème est tombée du côté où elle penchait, c'est-à-dire du côté de l'anarchie, vais-je dire maintenant pour la Vème que si elle devait verser du côté où elle penche, ce serait du côté de la monarchie ? J'ai entendu ce reproche, je l'ai même exprimé, c'est presque un tic de langage, le problème est de savoir comment les choses se passent dans la réalité, c'est-à-dire si les autres pouvoirs, le gouvernement et les Assemblées parlementaires, exercent bien leurs fonctions et c'est bien là la question.
- On a quand même pu observer ce que, dans un langage pudique, monsieur le Président de l'Assemblée nationale a qualifié de "pouvoirs peut-être ou sans doute" - je ne sais quelle était l'expression - "excessifs". Je ne sais pas s'ils sont "excessifs" en tous cas ils peuvent être employés de manière excessive. Il y a une certaine latitude à donner à ceux qui gouvernent et à ceux qui président la République pour dépasser les limites de ce à quoi songeait le législateur de 1958. Il y a le poids naturel des institutions. L'élection au suffrage universel du Président de la République, sans prétendre revenir sur la répartition des compétences, a en fait pesé plus lourd qu'un certain nombre d'autres données.
- Je crois que vous avez raison, et là-dessus, je ne peux que vous encourager. Vous voyez cela fait au moins un point sur lequel il est possible de s'entendre, ce n'est pas désagréable à constater lorsque cela arrive en tout cas pour commencer. Si vous poursuivez votre tâche pour persévérer dans la ligne annoncée par votre actuel Président et poursuivie jusqu'à l'élaboration de textes constitutionnels correspondants à cette pensée, vous vous rendrez compte que vous en aurez besoin car sans ces textes constitutionnels que vous traiterez à votre manière, que vous amenderez de la façon qu'il vous plaira, enfin jusqu'à une certaine limite, - la limite étant celle du pouvoir qui me reste et qu'il me restera sur ce plan d'approuver, c'est-à-dire d'envoyer soit devant le peuple, soit devant le Congrès les textes qui auront été élaborés. Mais vous serez obligés d'y venir.\
J'ai noté là un certain nombre de dispositions qui viennent tout de suite à l'esprit. Vous avez vous-même remarqué, monsieur le Président, que la durée des sessions devait être allongée, c'est prévu dans le texte de révision constitutionnelle. J'ai été longtemps réticent sur cette réforme, qui m'a été proposée sous une autre forme par vos prédécesseurs, monsieur le Président, mais je trouvais (était-ce peut-être l'habitude prise lorsque j'étais étudiant en droit et en droit public sous la IIIème et praticien parlementaire sous les deux régimes suivants) que l'équilibre des deux sessions de trois mois pouvait être suffisant et, comme chef de l'Etat depuis bientôt douze ans, j'ai toujours été très réticent sur les sessions extraordinaires. Et cependant, j'ai dû les subir lorsque le travail législatif s'était tellement accumulé qu'il était impossible de les refuser. Monsieur le chef du gouvernement actuel, connaissant ma réticence, m'a déjà demandé de bien vouloir la surmonter, ce que je ferai, puisque je l'ai fait pour les autres. Il ne faudrait quand même pas exagérer.
- Le parlementaire doit aussi être dans sa circonscription et ce qui est dangereux c'est qu'il finisse par n'être ni dans sa circonscription, ni au Palais Bourbon, ce qui arrive aussi, monsieur le Président.
- Alors une fois tous les cinq ans, on revient devant les électeurs qui s'émerveillent de voir leurs parlementaires, invisibles sur place, si assidus aux séances du Parlement et, tandis qu'au Parlement, on s'émerveille de voir ce parlementaire peut-être négligent sur ses travaux quotidiens à l'Assemblée nationale, être si attaché aux foires et marchés du lieu où il a été élu. Résultat, s'il y a beaucoup de gens qui travaillent, il y en a d'autres qui peuvent se permettre de vivre en paix, sans rien faire nulle part.
- Je crois que c'est une bonne idée, finalement, que d'allonger les sessions parce que les députés sont accablés par le nombre de jours de la semaine où ils doivent être présents, si bien qu'ils n'arrivent plus à rien faire d'utile. Ils en souffrent, il faut qu'ils choisissent. Quelques-uns, bien rares, choisissent le Parlement. D'autres choisissent leur circonscription, ils n'ont pas tort, c'est utile de se faire réélire et d'autre part le travail se fait là. Je crois que l'allongement de la session, la réduction sans doute du nombre de séances par semaine, devraient vous permettre de trouver le moyen de répondre aux deux exigences de votre fonction, de votre mandat.
- Je pense que la manière de faire avec les nouvelles questions orales est excellente, c'est beaucoup plus intéressant. Vous avez également retenu l'idée que le gouvernement doit laisser plus de place aux initiatives des parlementaires, c'est-à-dire aux propositions de loi. Le carcan des projets de loi a fini par étouffer toute initiative parlementaire, ce contre quoi je me suis formalisé déjà depuis des années et des années sans que je puisse cet après-midi, vraiment, me réjouir des résultats que j'aurais obtenus. La machine est trop lourde.\
D'autre part, les compétences du Parlement seraient étendues, si vous voulez bien suivre ces propositions, notamment par votre intervention lorsqu'il s'agira d'envoyer des soldats français sur des théâtres d'opérations extérieures. Je sais bien que les guerres doivent être autorisées. Mais c'est une formule trop vague. D'abord, il n'y a pas de guerre tous les quatre matins. Ensuite, cela résulte souvent d'événements soudains. Cela n'est pas toujours très aisé de suivre les procédures lentes et lourdes. Il faut donc prendre l'habitude de distinguer entre les démarches importantes certes mais qui ne sont pas massives, l'envoi d'une ou de deux compagnies pour appliquer, par exemple, les obligations de la France dans la mise en oeuvre d'un traité de coopération avec tel ou tel Etat africain (il en existe une dizaine, moi je n'en ai signé aucun c'est l'héritage de mes prédécesseurs que j'ai respecté) mais il est un peu irritant, pour un parlementaire, de voir que des soldats français vont un peu partout dans le monde, pour accomplir des missions souvent dangereuses, sans qu'eux-mêmes en soient véritablement informés, étant entendu que, s'il s'agissait de véritables conflits généralisés, le Parlement a des obligations qui figurent déjà dans la Constitution.
- J'ai demandé aussi l'institutionnalisation ou la constitutionnalisation de l'état d'urgence. L'état de siège l'est déjà, mais l'état d'urgence, non. L'état d'urgence c'est tout de même une situation assez anormale, assez extraordinaire, pour donner le droit aux parlementaires d'en juger.
- Le jour du débat du budget social, j'aurais aimé que le Parlement pût voter le budget social mais j'ai dû me rendre compte que cela rencontrait des obstacles sérieux. Beaucoup de ces fonds proviennent de catégories socio-professionnelles qui estiment, à bon droit, avoir une sorte de pouvoir particulier sur les fonds qui proviennent d'eux. La substitution du Parlement aux représentants des catégories en question pouvait paraître abusive. Mais, de toute manière, j'ai retenu l'idée d'un débat annuel qui vous permettrait d'apprécier l'effort de la nation puisque, comme vous le savez naturellement, le budget social est plus important que ne l'est le budget annuel que vous aurez à voter bientôt.\
Pour les commissions parlementaires, j'ai prévu la création de huit commissions au lieu de six. D'abord, je pense qu'il est indispensable qu'il existe une commission capable de suivre les problèmes européens et spécialisés. La huitième, donnerait peut-être un peu plus de souplesse au fonctionnement de celles qui existent. Je pense que rester à six commissions c'est vraiment un corset bien étroit.
- J'ai demandé aussi que les commissions d'enquête, que vous déciderez, puissent entrer dans la Constitution, puissent être reconnues constitutionnellement sous des garanties dont nous parlerons une autre fois. Des commissions paritaires des présidents des Assemblées pourront demander leur création.
- Enfin, je le dis ici parce que je reçois le Bureau de l'Assemblée nationale et non pas le Bureau du Sénat, la possibilité pour l'Assemblée nationale de passer outre au refus de l'autre Assemblée, naturellement à une majorité qualifiée. En fin de compte, il faut bien que quelqu'un décide. Je sais que cette mesure-là, que j'ai d'abord soumise au Sénat, n'a pas été accueillie avec enthousiasme. Je me permettrai d'observer au passage, bien que je ne cherche pas à établir ici une notice sur mon propre curriculum vitae, que j'ai été quelque temps sénateur, donc j'ai vu comment les choses fonctionnaient de part et d'autre.
- Voilà l'effort sur lequel vous serez certainement consultés, d'une manière ou d'une autre, parce que le gouvernement actuel ou d'autres, d'ici la fin de la législature, auront à vous le proposer. Ils ne retiendront pas l'ensemble des textes portant révision de la Constitution que j'ai moi-même remis au Sénat, je suis sans illusions. Nous serons peut-être tentés d'y ajouter quelque chose, je pense, en particulier, à la durée du mandat du Président de la République. Mais il est important que le débat soit lancé sur ce point comme sur les autres, il n'y a pas de mystère, il n'y a pas à se taire, à établir une sorte de silence pesant sur quoi que ce soit et, d'autre part, il n'est pas à craindre, sur ce terrain-là, une discrétion excessive de la part de la nouvelle majorité de l'Assemblée nationale.
- Les choses sont comme cela, on les abordera de front mais vous ne pourrez rien, monsieur le Président et vous, mesdames et messieurs, si vous n'allez pas plus loin que ce que vous avez d'ailleurs justement tenté, sur le plan des relations, du pouvoir législatif avec le pouvoir exécutif.\
Voilà, j'en ai fini. Puisque M. Séguin a bien voulu commencer cette sorte de leçon de droit public, comme cela, entre nous, sur des sujets concrets qui nous intéressent tous, j'ai cru devoir poursuivre. Je vous redirai donc que je suis vraiment heureux de pouvoir vous recevoir, qui que vous soyez. Vous représentez la Nation et cette Nation a bien droit à ces égards-là et à d'autres égards encore auxquels, trop souvent - je ne parle pas de l'époque actuelle - on a manqué. Il faut que le parlement soit respecté, il faut que l'Assemblée nationale retrouve son prestige. Je suis sûr qu'au moins sur ce point vous en serez d'accord.
- Je suis sûr également que vous aurez, avec votre Président actuel, un très vigilant gardien de vos droits. Il semble s'y être appliqué sans tarder. Je ne sais pas si c'est pour lui une vocation nouvelle - il est depuis quelque temps déjà parlementaire mais, jusqu'ici, je l'avais surtout connu lorsqu'il appartenait à la majorité, comme membre du gouvernement, donc de la maison d'en face, "l'exécutif", ou bien comme opposant, comme polémiste, ce qui arrive, le cas échéant, à chacun d'entre nous, selon ses qualités et selon ses moyens. Maintenant, vous êtes le gardien. J'espère que vous ne trouverez pas ce rôle trop morose, monsieur le Président, mais pour l'instant tout rôle nouveau a quelque chose de séduisant. Vous avez, en tout cas, cinq ans devant vous, du moins je le suppose, et ces cinq années-là devraient permettre - c'est mon voeu - à l'Assemblée nationale de revenir au rang qui fut le sien dans les grandes heures de la République.\