11 février 1993 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors du dîner offert par Leurs Altesses Royales le Prince et la Princesse Norodom Sihanouk sur la restauration de la paix, de la démocratie et de l'indépendance au Cambodge, Phnom Penh le 11 février 1993.
Monseigneur,
- Altesse,
- Ces mots ne sont pas usés. C'est un moment d'émotion que nous vivons ici ce soir, Français et Khmers réunis autour de vous, dans ce Palais où, tout jeune souverain, vous fîtes votre entrée il y a plus de cinquante ans : nous tous dans ce Cambodge si longtemps comblé des dieux, puis si durement livré à la profanation des hommes.
- Nous sommes donc chez vous, parmi les vôtres, après tant d'années de séparation. Il y a un peu plus d'un an, la télévision a permis au monde entier d'assister à votre retour triomphal à Phnom Penh. Nous avons pu lire sur les visages de vos compatriotes la ferveur, l'espérance, celle de la paix sans doute, celle de la réconciliation sûrement. Je m'efforce d'imaginer les sentiments qui ont été les vôtres dans ces instants extraordinaires : la joie des retrouvailles, oui, et la résurgence aussi de bien des souvenirs doux et amers, la fierté du devoir accompli, la joie d'avoir eu raison des obstacles accumulés depuis si longtemps sur le chemin du retour mais vous deviez en même temps mesurer ce qui restait à faire.
- Que de fois nous en avons parlé lors de vos visites à Paris où j'ai toujours grand plaisir à vous recevoir. Je crois qu'il ne s'est produit aucune étape dans l'histoire du Cambodge de ces dernières années dont nous n'ayons pu nous entretenir et vous m'apportiez l'information incomparable due à votre expérience et à votre engagement et vous avez toujours refusé d'abandonner la lutte interminable qui en aurait découragé bien d'autres. Vous incarniez le Cambodge heureux. Vous avez su assumer le Cambodge tragique, témoigner pour lui en bousculant l'indifférence des uns, en fustigeant la convoitise des autres, en clamant au monde votre volonté de survivre, de relever sa dignité. Voilà ce retour qui consacre une volonté opiniâtre, une volonté inflexible. Comment s'explique-t-elle sinon dans le patriotisme qui vous habite mais aussi dans l'identité nationale de votre peuple, dans sa longue et grande tradition religieuse, culturelle, artistique, étatique ? Mais vous savez mieux que quiconque que pour votre peuple, comme pour tous les autres, les divisions comportent le risque de la servitude alors que l'unité donne l'indépendance.
- Vous avez choisi bien entendu cette lutte. En 1953, vous avez su, sans coup férir, conduire le Cambodge à l'indépendance. En 1955, il faut se rappeler toutes les étapes de cette histoire qui s'identifie avec la vie d'un homme, à Bandoeng, avec Tito, Nasser, Nehru, Chou En Lai, vous avez introduit le Cambodge dans la famille des pays non alignés. Et lorsque la guerre a embrasé à nouveau vos voisins d'Indochine, vous vous êtes acharné à préserver votre pays par sa neutralité. Hélas, les forces déchaînées autour de vous ont happé le Cambodge £ vous n'aviez pas composé, vous avez dû, cependant affronter la période nouvelle qui s'ouvrait et dans chacune de ces étapes - j'étais déjà moi-même soit député, soit membre du gouvernement français, dans l'opposition mais responsable quand même - j'approuvais ces choix, des choix très critiqués en particulier dans mon pays car la neutralité vue sous l'angle des pays non alignés apparaissait à beaucoup comme très audacieuse. Elle correspondait pourtant, à mon sens, à l'intérêt de votre pays et nul n'a jamais intérêt à s'aligner. Je tenais à saluer cette action, cette action d'un grand patriote et je voulais saluer ce peuple qu'ensemble, mesdames et messieurs, vous représentez.\
Je ne veux pas m'attarder sur tous les éléments qui mériteraient un discours. Permettez-moi de vous dire cependant que votre culture nous attire et souvent nous fascine comme l'exceptionnel site d'Angkor. Savez-vous que lors de mon premier voyage à Paris, petit provincial que j'étais à l'âge de quinze ans, je suis venu dans notre capitale pour la première fois afin de voir la copie d'Angkor à l'exposition dite "coloniale" de l'époque. J'en gardai un tel souvenir qu'il n'était pas question pour moi de passer dans cette région sans aller voir le vrai Angkor Vat et l'école française d'Extrême Orient garde l'honneur d'y avoir attaché son nom - bien des Français s'en souviennent - et je ne connais pas d'époques de ma vie où je je n'ai eu l'occasion de rencontrer, vous le disiez tout à l'heure le Cambodge.
- Après 1970, vous avez dit ce qui pouvait être dit. Comment ne pas partager le sentiment éprouvé par votre peuple devant des souffrances qui n'ont sans doute pas eu de point de comparaison au cours d'une période cependant riche en drames de toutes sortes ? Mais enfin nous voudrions, puisque vous avez franchi ces étapes, que notre solidarité soit la plus active possible. Elle l'a été dans le passé, elle le restera, j'en suis sûr, dans l'avenir. Vous savez que, dès 1987,dans le processus qui devait conduire après une longue négociation de plus de deux ans à la signature des accords de Paris, en 1991, nous avons été constamment à vos côtés. Négociations co-présidées par la France et l'Indonésie qui réunissaient, outre les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité et les six pays de l'ASEAN, le Vietnam, le Laos, le Japon, l'Australie, l'Inde, et qui a débouché sur un ensemble d'accords dont l'ambition n'est autre que la restauration, dans sa réalité historique, du Cambodge. Et quel Cambodge ! Sous l'autorité de celui qui l'a conduit en remplissant les plus hautes fonctions, traditionnelles et modernes, pour un Cambodge pacifié, démocratique, indépendant.
- Les Nations unies se sont engagées, chez vous, dans une opération également sans précédent dans l'histoire de cette organisation. Cela démontre le prix que la communauté internationale attache à la sécurité et à la stabilité de votre pays car, si le Cambodge devait succomber d'abord à ses divisions intestines, ensuite à l'ambition de quelques-uns de ses voisins, c'est toute une conception de l'équilibre dans le monde et c'est toute une réalité historique dans cette région qui disparaîtrait et qui, de proche en proche, déséquilibrerait bien d'autres peuples que le vôtre.
- Dans ce grand chantier de la reconstruction nous entendons, nous, Français, prendre notre part. Je dois rendre hommage, à cet endroit de ce toast, à l'action des organisations non gouvernementales qui ont précédé toutes les autres actions. Le gouvernement français dispose maintenant d'instruments financiers. Un certain nombre d'aides ont été réunies pour 1991, il en sera de même cette année et nous souhaitons que notre Caisse française de développement puisse intervenir désormais au Cambodge. Ainsi en sera-t-il dans beaucoup de domaines, afin de contribuer, à la place qui est la nôtre - je l'espère celle de votre plus ancien et de votre plus sûr ami - au redressement indispensable auquel, mesdames et messieurs, vous devez tous contribuer. Je crois que c'est votre devoir, disposant d'un homme qui possède la confiance du peuple et l'autorité internationale, de joindre vos efforts aux siens pour dépasser une situation dommageable pour tous.\
Je vais rendre hommage, en même temps, à l'Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge, à l'APRONUC, et à tous ceux qui ont choisi de venir ici pour mettre leur talent au service d'une grande cause. Parmi eux, nombre de soldats français qui, sur le terrain, cherchent à enraciner la paix, à panser les blessures et j'ai une pensée spéciale en cet instant pour ceux qui se sont engagés dans les opérations difficiles de déminage (j'irai les saluer demain dans une province), tâche écrasante, dangereuse, en raison de la prolifération aveugle et folle et souvent criminelle des mines anti-personnel. Vraiment, nous sommes très préoccupés par cet usage indiscriminé de matériels qui continuent de faire des ravages et qui tuent ou blessent à jamais des enfants qui en souffriront toute leur vie. Nous avons demandé, nous, Français, au Secrétaire général des Nations unies de convoquer rapidement une conférence internationale de révision de la Convention de 1980, relative à l'emploi de certaines armes classiques et nous-mêmes, qui nous abstenons d'exporter ces mines anti-personnel, nous appelons les autres Etats à proclamer un moratoire sur de telles exportations.
- Quant au processus de paix vous en savez autant, sinon - c'est une formule de langage - beaucoup plus que moi ! Nous pouvons, bien entendu, être à vos côtés. Pour cela il faut être réaliste et volontaire. Les objectifs tiennent en quelques mots, très faciles à énoncer, très difficiles à réaliser : paix, réconciliation, reconstruction.. Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue les engagements déjà pris. Nous étions tous réunis à la Conférence de Paris et les accords ont été signés. Déjà, les obstacles se multiplient. Une première partie de ces accords, dit-on, ne peut pas être appliquée. Il y avait trois parties : on me dit que la deuxième est déjà compromise £ alors qu'est-ce qu'il restera ?
- Nous avons été ravis, messieurs, de vous recevoir à Paris. Nous serions contents de vous y revoir, mais - je vous en prie - économisez le voyage, réalisez, dès maintenant, l'accord qui vous engage !
- Je sais, Monseigneur, que vous y êtes, vous-même, résolu, et que vous pouvez redonner toutes ses chances à la réalisation des objectifs essentiels.\
Dans la phase nouvelle qui s'ouvre, le Cambodge a besoin de toutes ses forces. Puissiez-vous rassembler, réunifier, autour de vous, tous les patriotes cambodgiens ! Puissiez-vous continuer jusqu'au moment où il ne sera plus nécessaire, pour vous-mêmes, de bénéficier de la coopération de la communauté internationale.
- Notre voeu le plus cher est non pas seulement que vous réussissiez même si cela comble nos voeux mais avant tout que le peuple du Cambodge vive enfin comme cela lui est bien dû, dans les travaux de la paix, la période qui commence et qui verra la plupart des conflits de cette région du monde se résoudre. Et tandis que les autres, au travail, dans la paix, vont pouvoir se développer, allez-vous rester là, paralysés, neutralisés dans le mauvais sens du terme ? Empêchés ainsi de suivre le courant qui doit normalement vous porter, vous, peuple évolué, intelligent et laborieux vers le développement nécessaire ?
- Je vous remercie, Altesse, et je vous remercie aussi Monseigneur, au nom de tous les Français qui m'accompagnent dans ce voyage, des soins et de l'attention que vous nous portez, déjà cet après-midi, et ce soir ici pour ce dîner.
- Nous y trouvons beaucoup d'intérêt et aussi beaucoup de charme, Altesse. Et cela est irremplaçable dans cette capitale, dans ce palais, marqués par tant d'événements historiques. Les Français qui sont vos hôtes se réjouissent d'être vos amis. Il m'est donc très aisé, de lever à mon tour mon verre selon la vieille tradition, pour vous exprimer, à vous Altesse, à vous Monseigneur, tous les sentiments que nous vous portons ainsi qu'à votre famille et à ceux que vous aimez.
- Voilà, mesdames et messieurs Cambodgiens, je forme également des souhaits pour vos vies personnelles en dépassant tout ce qui vous sépare pour que vous apportiez, ensemble, à votre peuple, l'accomplissement qui lui est dû.
- Enfin, c'est au peuple que je m'adresse, au-delà de ces murs pour dire que la France, amie du Cambodge, ne l'oublie pas, pense à lui et souhaite que ce peuple ait enfin la paix qu'il mérite.\
- Altesse,
- Ces mots ne sont pas usés. C'est un moment d'émotion que nous vivons ici ce soir, Français et Khmers réunis autour de vous, dans ce Palais où, tout jeune souverain, vous fîtes votre entrée il y a plus de cinquante ans : nous tous dans ce Cambodge si longtemps comblé des dieux, puis si durement livré à la profanation des hommes.
- Nous sommes donc chez vous, parmi les vôtres, après tant d'années de séparation. Il y a un peu plus d'un an, la télévision a permis au monde entier d'assister à votre retour triomphal à Phnom Penh. Nous avons pu lire sur les visages de vos compatriotes la ferveur, l'espérance, celle de la paix sans doute, celle de la réconciliation sûrement. Je m'efforce d'imaginer les sentiments qui ont été les vôtres dans ces instants extraordinaires : la joie des retrouvailles, oui, et la résurgence aussi de bien des souvenirs doux et amers, la fierté du devoir accompli, la joie d'avoir eu raison des obstacles accumulés depuis si longtemps sur le chemin du retour mais vous deviez en même temps mesurer ce qui restait à faire.
- Que de fois nous en avons parlé lors de vos visites à Paris où j'ai toujours grand plaisir à vous recevoir. Je crois qu'il ne s'est produit aucune étape dans l'histoire du Cambodge de ces dernières années dont nous n'ayons pu nous entretenir et vous m'apportiez l'information incomparable due à votre expérience et à votre engagement et vous avez toujours refusé d'abandonner la lutte interminable qui en aurait découragé bien d'autres. Vous incarniez le Cambodge heureux. Vous avez su assumer le Cambodge tragique, témoigner pour lui en bousculant l'indifférence des uns, en fustigeant la convoitise des autres, en clamant au monde votre volonté de survivre, de relever sa dignité. Voilà ce retour qui consacre une volonté opiniâtre, une volonté inflexible. Comment s'explique-t-elle sinon dans le patriotisme qui vous habite mais aussi dans l'identité nationale de votre peuple, dans sa longue et grande tradition religieuse, culturelle, artistique, étatique ? Mais vous savez mieux que quiconque que pour votre peuple, comme pour tous les autres, les divisions comportent le risque de la servitude alors que l'unité donne l'indépendance.
- Vous avez choisi bien entendu cette lutte. En 1953, vous avez su, sans coup férir, conduire le Cambodge à l'indépendance. En 1955, il faut se rappeler toutes les étapes de cette histoire qui s'identifie avec la vie d'un homme, à Bandoeng, avec Tito, Nasser, Nehru, Chou En Lai, vous avez introduit le Cambodge dans la famille des pays non alignés. Et lorsque la guerre a embrasé à nouveau vos voisins d'Indochine, vous vous êtes acharné à préserver votre pays par sa neutralité. Hélas, les forces déchaînées autour de vous ont happé le Cambodge £ vous n'aviez pas composé, vous avez dû, cependant affronter la période nouvelle qui s'ouvrait et dans chacune de ces étapes - j'étais déjà moi-même soit député, soit membre du gouvernement français, dans l'opposition mais responsable quand même - j'approuvais ces choix, des choix très critiqués en particulier dans mon pays car la neutralité vue sous l'angle des pays non alignés apparaissait à beaucoup comme très audacieuse. Elle correspondait pourtant, à mon sens, à l'intérêt de votre pays et nul n'a jamais intérêt à s'aligner. Je tenais à saluer cette action, cette action d'un grand patriote et je voulais saluer ce peuple qu'ensemble, mesdames et messieurs, vous représentez.\
Je ne veux pas m'attarder sur tous les éléments qui mériteraient un discours. Permettez-moi de vous dire cependant que votre culture nous attire et souvent nous fascine comme l'exceptionnel site d'Angkor. Savez-vous que lors de mon premier voyage à Paris, petit provincial que j'étais à l'âge de quinze ans, je suis venu dans notre capitale pour la première fois afin de voir la copie d'Angkor à l'exposition dite "coloniale" de l'époque. J'en gardai un tel souvenir qu'il n'était pas question pour moi de passer dans cette région sans aller voir le vrai Angkor Vat et l'école française d'Extrême Orient garde l'honneur d'y avoir attaché son nom - bien des Français s'en souviennent - et je ne connais pas d'époques de ma vie où je je n'ai eu l'occasion de rencontrer, vous le disiez tout à l'heure le Cambodge.
- Après 1970, vous avez dit ce qui pouvait être dit. Comment ne pas partager le sentiment éprouvé par votre peuple devant des souffrances qui n'ont sans doute pas eu de point de comparaison au cours d'une période cependant riche en drames de toutes sortes ? Mais enfin nous voudrions, puisque vous avez franchi ces étapes, que notre solidarité soit la plus active possible. Elle l'a été dans le passé, elle le restera, j'en suis sûr, dans l'avenir. Vous savez que, dès 1987,dans le processus qui devait conduire après une longue négociation de plus de deux ans à la signature des accords de Paris, en 1991, nous avons été constamment à vos côtés. Négociations co-présidées par la France et l'Indonésie qui réunissaient, outre les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité et les six pays de l'ASEAN, le Vietnam, le Laos, le Japon, l'Australie, l'Inde, et qui a débouché sur un ensemble d'accords dont l'ambition n'est autre que la restauration, dans sa réalité historique, du Cambodge. Et quel Cambodge ! Sous l'autorité de celui qui l'a conduit en remplissant les plus hautes fonctions, traditionnelles et modernes, pour un Cambodge pacifié, démocratique, indépendant.
- Les Nations unies se sont engagées, chez vous, dans une opération également sans précédent dans l'histoire de cette organisation. Cela démontre le prix que la communauté internationale attache à la sécurité et à la stabilité de votre pays car, si le Cambodge devait succomber d'abord à ses divisions intestines, ensuite à l'ambition de quelques-uns de ses voisins, c'est toute une conception de l'équilibre dans le monde et c'est toute une réalité historique dans cette région qui disparaîtrait et qui, de proche en proche, déséquilibrerait bien d'autres peuples que le vôtre.
- Dans ce grand chantier de la reconstruction nous entendons, nous, Français, prendre notre part. Je dois rendre hommage, à cet endroit de ce toast, à l'action des organisations non gouvernementales qui ont précédé toutes les autres actions. Le gouvernement français dispose maintenant d'instruments financiers. Un certain nombre d'aides ont été réunies pour 1991, il en sera de même cette année et nous souhaitons que notre Caisse française de développement puisse intervenir désormais au Cambodge. Ainsi en sera-t-il dans beaucoup de domaines, afin de contribuer, à la place qui est la nôtre - je l'espère celle de votre plus ancien et de votre plus sûr ami - au redressement indispensable auquel, mesdames et messieurs, vous devez tous contribuer. Je crois que c'est votre devoir, disposant d'un homme qui possède la confiance du peuple et l'autorité internationale, de joindre vos efforts aux siens pour dépasser une situation dommageable pour tous.\
Je vais rendre hommage, en même temps, à l'Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge, à l'APRONUC, et à tous ceux qui ont choisi de venir ici pour mettre leur talent au service d'une grande cause. Parmi eux, nombre de soldats français qui, sur le terrain, cherchent à enraciner la paix, à panser les blessures et j'ai une pensée spéciale en cet instant pour ceux qui se sont engagés dans les opérations difficiles de déminage (j'irai les saluer demain dans une province), tâche écrasante, dangereuse, en raison de la prolifération aveugle et folle et souvent criminelle des mines anti-personnel. Vraiment, nous sommes très préoccupés par cet usage indiscriminé de matériels qui continuent de faire des ravages et qui tuent ou blessent à jamais des enfants qui en souffriront toute leur vie. Nous avons demandé, nous, Français, au Secrétaire général des Nations unies de convoquer rapidement une conférence internationale de révision de la Convention de 1980, relative à l'emploi de certaines armes classiques et nous-mêmes, qui nous abstenons d'exporter ces mines anti-personnel, nous appelons les autres Etats à proclamer un moratoire sur de telles exportations.
- Quant au processus de paix vous en savez autant, sinon - c'est une formule de langage - beaucoup plus que moi ! Nous pouvons, bien entendu, être à vos côtés. Pour cela il faut être réaliste et volontaire. Les objectifs tiennent en quelques mots, très faciles à énoncer, très difficiles à réaliser : paix, réconciliation, reconstruction.. Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue les engagements déjà pris. Nous étions tous réunis à la Conférence de Paris et les accords ont été signés. Déjà, les obstacles se multiplient. Une première partie de ces accords, dit-on, ne peut pas être appliquée. Il y avait trois parties : on me dit que la deuxième est déjà compromise £ alors qu'est-ce qu'il restera ?
- Nous avons été ravis, messieurs, de vous recevoir à Paris. Nous serions contents de vous y revoir, mais - je vous en prie - économisez le voyage, réalisez, dès maintenant, l'accord qui vous engage !
- Je sais, Monseigneur, que vous y êtes, vous-même, résolu, et que vous pouvez redonner toutes ses chances à la réalisation des objectifs essentiels.\
Dans la phase nouvelle qui s'ouvre, le Cambodge a besoin de toutes ses forces. Puissiez-vous rassembler, réunifier, autour de vous, tous les patriotes cambodgiens ! Puissiez-vous continuer jusqu'au moment où il ne sera plus nécessaire, pour vous-mêmes, de bénéficier de la coopération de la communauté internationale.
- Notre voeu le plus cher est non pas seulement que vous réussissiez même si cela comble nos voeux mais avant tout que le peuple du Cambodge vive enfin comme cela lui est bien dû, dans les travaux de la paix, la période qui commence et qui verra la plupart des conflits de cette région du monde se résoudre. Et tandis que les autres, au travail, dans la paix, vont pouvoir se développer, allez-vous rester là, paralysés, neutralisés dans le mauvais sens du terme ? Empêchés ainsi de suivre le courant qui doit normalement vous porter, vous, peuple évolué, intelligent et laborieux vers le développement nécessaire ?
- Je vous remercie, Altesse, et je vous remercie aussi Monseigneur, au nom de tous les Français qui m'accompagnent dans ce voyage, des soins et de l'attention que vous nous portez, déjà cet après-midi, et ce soir ici pour ce dîner.
- Nous y trouvons beaucoup d'intérêt et aussi beaucoup de charme, Altesse. Et cela est irremplaçable dans cette capitale, dans ce palais, marqués par tant d'événements historiques. Les Français qui sont vos hôtes se réjouissent d'être vos amis. Il m'est donc très aisé, de lever à mon tour mon verre selon la vieille tradition, pour vous exprimer, à vous Altesse, à vous Monseigneur, tous les sentiments que nous vous portons ainsi qu'à votre famille et à ceux que vous aimez.
- Voilà, mesdames et messieurs Cambodgiens, je forme également des souhaits pour vos vies personnelles en dépassant tout ce qui vous sépare pour que vous apportiez, ensemble, à votre peuple, l'accomplissement qui lui est dû.
- Enfin, c'est au peuple que je m'adresse, au-delà de ces murs pour dire que la France, amie du Cambodge, ne l'oublie pas, pense à lui et souhaite que ce peuple ait enfin la paix qu'il mérite.\