9 février 1993 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors du dîner d'Etat offert par le président de la République socialiste du Vietnam, sur la reprise de relations économiques et culturelles actives entre la France et le Vietnam, Hanoï le 9 février 1993.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs,
- Vous l'avez dit, c'est la première fois qu'un Président de la République française effectue une visite d'Etat au Vietnam.
- Cette rencontre était inscrite dans l'ordre des choses tant sont étroits et anciens nos rapports et parce que le Vietnam et la France, aussi bien en Asie, en Europe que dans le monde, ne peuvent s'ignorer et doivent coopérer. Longtemps nos deux peuples se sont beaucoup connus. Ils ont tissé des liens qui sont restés vivaces. On le voit bien aujourd'hui malgré les épreuves, et quelles épreuves !
- Ces relations ont précédé de loin l'époque coloniale puisque c'est au XVIIème siècle qu'un jésuite d'Avignon, le Père Alexandre de Rhode a romanisé la langue vietnamienne pour lui assurer son autonomie.
- Au XVIIIème siècle, on le sait, les destinées du Vietnam et de la France se sont entremêlées.
- Cette histoire partagée, nous devons l'assumer dans ses airs paisibles comme dans ses tumultes. De grands Français sont venus au Vietnam, de grands Vietnamiens ont vécu chez nous : comment ne pas évoquer la figure, ici, du plus illustre d'entre eux, je veux dire le Président Ho Chi Minh ?
- Demain nous évoquerons la mémoire d'un moment, douloureux entre tous, dans nos relations. Il reste encore parmi nous d'illustres témoins et acteurs. Et je suis ici pour clore un chapitre et plus encore pour en ouvrir un autre.
- Je crois qu'il reste une affinité réelle entre nos peuples qui ne demande qu'à s'épanouir. Une journée comme celle-ci marque les retrouvailles de deux nations aux traditions très anciennes, fières de leurs identités, et sachant, pour s'enrichir, intégrer les apports extérieurs.
- Aussi, je veux ce soir, adresser au peuple vietnamien le salut du peuple français. Je veux que ce message soit entendu comme un message fraternel. Nous n'ignorons rien des souffrances endurées par ce peuple vietnamien. Nous respectons son inflexible énergie, sa volonté d'être lui-même, et nous avons confiance en sa capacité à affronter les temps qui viennent.\
Nous avons réservé les progrès de l'ouverture aux domaines économiques et nous espérons que ces progrès s'étendront progressivement à tous les autres domaines de l'esprit et de l'activité humaine. Le monde, (faut-il le dire sans avoir le sentiment de dire une banalité !) a beaucoup changé. La décolonisation est depuis longtemps achevée, le partage bipolaire du monde a vécu, la guerre froide a pris fin, des libertés longtemps opprimées tendent partout à s'exprimer, le respect des droits de l'Homme est devenu une exigence universelle, avec son inséparable compagnon, le développement économique. Que de fois l'ai-je répété sur d'autres continents : démocratie et développement sont inséparables.
- Je suis heureux d'être auprès de vous, monsieur le Président, mesdames et messieurs, à Hanoï, capitale d'un Vietnam engagé dans son renouveau, je souhaite apporter le soutien de mon pays aux réformes que vous avez engagées. Je souhaite que nous mettions à votre disposition le concours de nos experts et, notamment, là où cela a déjà commencé, pour l'établissement progressif d'un Etat de droit, code civil, code de commerce, en particulier. Nous respectons votre souveraineté. C'est au peuple et à ses dirigeants d'exprimer les volontés du Vietnam. Je me bornerai à vous dire, qu'à mon sens, la paix retrouvée, la stabilité préservée, le progrès de plus en plus présent, encouragent les ouvertures vers de nouvelles libertés.
- Au demeurant, vous êtes un pays de grande tradition religieuse, notamment bouddhiste, une forte et très ancienne civilisation, d'un mode de vie remarquable, troublé bien entendu par deux guerres atroces. Aussi je puis, en répondant à vos demandes et dans le respect de vos choix, je le répète, vous dire que la France est prête à développer avec le Vietnam une coopération ambitieuse et globale. Elle entend doubler en 1993, comme elle l'a fait en 1991 et en 1992, d'un an sur un autre, son effort financier. Nous allons accroître notre effort dans le domaine de la formation, en complétant, en particulier, les filières déjà créées au Vietnam par la mise en place progressive de "bourses d'excellence" en France. La Caisse de Développement contribuera au financement de l'agriculture et de l'industrie, dès que le gouvernement vietnamien l'aura homologuée comme établissement de crédit £ des efforts d'assistance technique, de coopération dans des secteurs comme l'agriculture ou la santé seront poursuivis.
- Il n'y a pas que les organisations d'Etat qui ont oeuvré dans ce sens mais je tiens à saluer le travail accompli par tant d'organisations non gouvernementales qui furent les premières sur ce terrain et j'énumère ces projets parmi d'autres avec le sentiment que la France doit bien cela au Vietnam. Nous avons aussi beaucoup reçu de vous dans des domaines qui ne sont pas seulement matérialistes.
- Aussi inviterai-je les sociétés françaises à poursuivre cette action. La France est aujourd'hui le troisième investisseur étranger chez vous. J'encourage nos entreprises à opérer les transferts de technologie qui permettront au Vietnam ce que l'on appelle "développer les nouveaux dragons".\
Mais il est une autre dimension, c'est la dimension internationale. Vous avez besoin de réexaminer vos relations avec les institutions financières internationales et je n'hésite pas à dire à cet égard la position de la France afin d'aboutir au plus tôt à la fin d'un embargo qui n'a pas de raison d'être. Nous ne sommes pas dans une situation de prolongement des combats £ il y a été mis fin et nous avons à travailler ensemble, l'ensemble des pays décidés à travailler en commun sur le plan mondial.
- J'encourage de la même manière la signature d'un accord de coopération entre votre pays et la Communauté européenne à laquelle nous appartenons. Il y a aussi les problèmes que vous avez évoqués, monsieur le Président cet après-midi sur la dette, sur le règlement des arriérés, sur les difficultés d'un peuple courageux, intelligent, laborieux - le vôtre - encore marqué par les souffrances de la guerre. Eh bien la France participera au règlement de ces questions de façon importante.
- Vous avez évoqué à l'instant les accords de Paris sur le Cambodge £ vous et nous contribuons loyalement à leur mise en oeuvre. Comment ne pas mettre un terme à plus de vingt années de tragédies sans précédent dans ce pays, à cinquante années de conflits ininterrompus dans la péninsule indochinoise ? Nous avons agi aussi en pensant qu'il fallait aider le Vietnam, le Cambodge et le Laos à rejoindre l'ASEAN qui devrait compter également parmi ses membres, le moment venu, la Birmanie.
- Mais là, il est encore quelques conditions à remplir. Il faut que les dix pays d'Asie du Sud Est soient demain rassemblés dans une association qui développera ses compétences £ économie, politique, sécurité £ ce que nous, nous nous efforçons de faire en Europe avec l'épanouissement de la Communauté européenne.\
Nous avons également parlé de francophonie : naturellement nous y tenons et si Hanoï devait confirmer sa candidature pour le sommet de la francophonie en 1995, la France approuverait pour que cette première grande conférence internationale dans votre capitale soit un grand succès.
- Monsieur le Président, mesdames et messieurs, voilà bien des perspectives, elles vont réussir. Votre peuple dispose des plus grands atouts, je les ai énumérés tout à l'heure. Ils vous sont naturels : courage, efficacité, capacité d'adaptation, intelligence du monde moderne, ceci ajoute - comme nous le souhaitons profondément - tous les éléments d'une société démocratique - la liberté célébrée par l'homme, inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen - en matière vivante et présente, à la disposition de tous les Vietnamiens.
- Il parait que nous sommes au seuil d'une nouvelle année du coq. Nous avons, parmi nos emblèmes depuis deux mille ans, le coq gaulois. Cela nous rappelle donc quelque chose. Mais enfin, une nouvelle année au Vietnam, les prémices du printemps, la nouvelle rencontre entre le Vietnam et la France, une amitié retrouvée, voilà de quoi, selon le geste rituel, lever son verre aux succès du peuple vietnamien auquel je tiens à apporter un témoignage de confiance et d'amitié au nom de la France, sans oublier, mesdames et messieurs les voeux que je forme pour vous-même, pour ceux que vous aimez, pour le peuple que vous représentez.\
- Vous l'avez dit, c'est la première fois qu'un Président de la République française effectue une visite d'Etat au Vietnam.
- Cette rencontre était inscrite dans l'ordre des choses tant sont étroits et anciens nos rapports et parce que le Vietnam et la France, aussi bien en Asie, en Europe que dans le monde, ne peuvent s'ignorer et doivent coopérer. Longtemps nos deux peuples se sont beaucoup connus. Ils ont tissé des liens qui sont restés vivaces. On le voit bien aujourd'hui malgré les épreuves, et quelles épreuves !
- Ces relations ont précédé de loin l'époque coloniale puisque c'est au XVIIème siècle qu'un jésuite d'Avignon, le Père Alexandre de Rhode a romanisé la langue vietnamienne pour lui assurer son autonomie.
- Au XVIIIème siècle, on le sait, les destinées du Vietnam et de la France se sont entremêlées.
- Cette histoire partagée, nous devons l'assumer dans ses airs paisibles comme dans ses tumultes. De grands Français sont venus au Vietnam, de grands Vietnamiens ont vécu chez nous : comment ne pas évoquer la figure, ici, du plus illustre d'entre eux, je veux dire le Président Ho Chi Minh ?
- Demain nous évoquerons la mémoire d'un moment, douloureux entre tous, dans nos relations. Il reste encore parmi nous d'illustres témoins et acteurs. Et je suis ici pour clore un chapitre et plus encore pour en ouvrir un autre.
- Je crois qu'il reste une affinité réelle entre nos peuples qui ne demande qu'à s'épanouir. Une journée comme celle-ci marque les retrouvailles de deux nations aux traditions très anciennes, fières de leurs identités, et sachant, pour s'enrichir, intégrer les apports extérieurs.
- Aussi, je veux ce soir, adresser au peuple vietnamien le salut du peuple français. Je veux que ce message soit entendu comme un message fraternel. Nous n'ignorons rien des souffrances endurées par ce peuple vietnamien. Nous respectons son inflexible énergie, sa volonté d'être lui-même, et nous avons confiance en sa capacité à affronter les temps qui viennent.\
Nous avons réservé les progrès de l'ouverture aux domaines économiques et nous espérons que ces progrès s'étendront progressivement à tous les autres domaines de l'esprit et de l'activité humaine. Le monde, (faut-il le dire sans avoir le sentiment de dire une banalité !) a beaucoup changé. La décolonisation est depuis longtemps achevée, le partage bipolaire du monde a vécu, la guerre froide a pris fin, des libertés longtemps opprimées tendent partout à s'exprimer, le respect des droits de l'Homme est devenu une exigence universelle, avec son inséparable compagnon, le développement économique. Que de fois l'ai-je répété sur d'autres continents : démocratie et développement sont inséparables.
- Je suis heureux d'être auprès de vous, monsieur le Président, mesdames et messieurs, à Hanoï, capitale d'un Vietnam engagé dans son renouveau, je souhaite apporter le soutien de mon pays aux réformes que vous avez engagées. Je souhaite que nous mettions à votre disposition le concours de nos experts et, notamment, là où cela a déjà commencé, pour l'établissement progressif d'un Etat de droit, code civil, code de commerce, en particulier. Nous respectons votre souveraineté. C'est au peuple et à ses dirigeants d'exprimer les volontés du Vietnam. Je me bornerai à vous dire, qu'à mon sens, la paix retrouvée, la stabilité préservée, le progrès de plus en plus présent, encouragent les ouvertures vers de nouvelles libertés.
- Au demeurant, vous êtes un pays de grande tradition religieuse, notamment bouddhiste, une forte et très ancienne civilisation, d'un mode de vie remarquable, troublé bien entendu par deux guerres atroces. Aussi je puis, en répondant à vos demandes et dans le respect de vos choix, je le répète, vous dire que la France est prête à développer avec le Vietnam une coopération ambitieuse et globale. Elle entend doubler en 1993, comme elle l'a fait en 1991 et en 1992, d'un an sur un autre, son effort financier. Nous allons accroître notre effort dans le domaine de la formation, en complétant, en particulier, les filières déjà créées au Vietnam par la mise en place progressive de "bourses d'excellence" en France. La Caisse de Développement contribuera au financement de l'agriculture et de l'industrie, dès que le gouvernement vietnamien l'aura homologuée comme établissement de crédit £ des efforts d'assistance technique, de coopération dans des secteurs comme l'agriculture ou la santé seront poursuivis.
- Il n'y a pas que les organisations d'Etat qui ont oeuvré dans ce sens mais je tiens à saluer le travail accompli par tant d'organisations non gouvernementales qui furent les premières sur ce terrain et j'énumère ces projets parmi d'autres avec le sentiment que la France doit bien cela au Vietnam. Nous avons aussi beaucoup reçu de vous dans des domaines qui ne sont pas seulement matérialistes.
- Aussi inviterai-je les sociétés françaises à poursuivre cette action. La France est aujourd'hui le troisième investisseur étranger chez vous. J'encourage nos entreprises à opérer les transferts de technologie qui permettront au Vietnam ce que l'on appelle "développer les nouveaux dragons".\
Mais il est une autre dimension, c'est la dimension internationale. Vous avez besoin de réexaminer vos relations avec les institutions financières internationales et je n'hésite pas à dire à cet égard la position de la France afin d'aboutir au plus tôt à la fin d'un embargo qui n'a pas de raison d'être. Nous ne sommes pas dans une situation de prolongement des combats £ il y a été mis fin et nous avons à travailler ensemble, l'ensemble des pays décidés à travailler en commun sur le plan mondial.
- J'encourage de la même manière la signature d'un accord de coopération entre votre pays et la Communauté européenne à laquelle nous appartenons. Il y a aussi les problèmes que vous avez évoqués, monsieur le Président cet après-midi sur la dette, sur le règlement des arriérés, sur les difficultés d'un peuple courageux, intelligent, laborieux - le vôtre - encore marqué par les souffrances de la guerre. Eh bien la France participera au règlement de ces questions de façon importante.
- Vous avez évoqué à l'instant les accords de Paris sur le Cambodge £ vous et nous contribuons loyalement à leur mise en oeuvre. Comment ne pas mettre un terme à plus de vingt années de tragédies sans précédent dans ce pays, à cinquante années de conflits ininterrompus dans la péninsule indochinoise ? Nous avons agi aussi en pensant qu'il fallait aider le Vietnam, le Cambodge et le Laos à rejoindre l'ASEAN qui devrait compter également parmi ses membres, le moment venu, la Birmanie.
- Mais là, il est encore quelques conditions à remplir. Il faut que les dix pays d'Asie du Sud Est soient demain rassemblés dans une association qui développera ses compétences £ économie, politique, sécurité £ ce que nous, nous nous efforçons de faire en Europe avec l'épanouissement de la Communauté européenne.\
Nous avons également parlé de francophonie : naturellement nous y tenons et si Hanoï devait confirmer sa candidature pour le sommet de la francophonie en 1995, la France approuverait pour que cette première grande conférence internationale dans votre capitale soit un grand succès.
- Monsieur le Président, mesdames et messieurs, voilà bien des perspectives, elles vont réussir. Votre peuple dispose des plus grands atouts, je les ai énumérés tout à l'heure. Ils vous sont naturels : courage, efficacité, capacité d'adaptation, intelligence du monde moderne, ceci ajoute - comme nous le souhaitons profondément - tous les éléments d'une société démocratique - la liberté célébrée par l'homme, inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen - en matière vivante et présente, à la disposition de tous les Vietnamiens.
- Il parait que nous sommes au seuil d'une nouvelle année du coq. Nous avons, parmi nos emblèmes depuis deux mille ans, le coq gaulois. Cela nous rappelle donc quelque chose. Mais enfin, une nouvelle année au Vietnam, les prémices du printemps, la nouvelle rencontre entre le Vietnam et la France, une amitié retrouvée, voilà de quoi, selon le geste rituel, lever son verre aux succès du peuple vietnamien auquel je tiens à apporter un témoignage de confiance et d'amitié au nom de la France, sans oublier, mesdames et messieurs les voeux que je forme pour vous-même, pour ceux que vous aimez, pour le peuple que vous représentez.\