27 novembre 1992 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la vie et la réflexion de David Ben Gourion, notamment son souhait d'une coopération entre juifs et arabes, et sur la proposition française d'aide au développement du désert, université Ben Gourion du Neguev, le 27 novembre 1992.
Monsieur le Président,
- Mesdames et messieurs,
- Lorsqu'il s'est agi d'organiser cette visite en Israël, il m'a été demandé de choisir, au moins pour une demi journée, une destination qui me plairait, indépendamment de l'intérêt que comporte le voyage officiel lui-même. J'ai donc choisi de venir ici. Je désirais retrouver la trace de Ben Gourion et on ne la trouve nulle part mieux qu'en un endroit qui fut lui-même le lieu de sa vieillesse active, de son travail de méditation et finalement l'endroit où il repose à jamais. A la fois parce que c'était Ben Gourion et parce que c'était le Neguev. Ici nous sommes à l'université Ben Gourion du Neguev. Tout se trouve réuni. Tout naturellement lorsqu'il m'a été proposé par la suite d'accepter cette distinction, Docteur Honoris Causa de cette université, j'ai accepté, non pas que je recherche ce type d'honneur car je connais la valeur de la recherche des hommes qui sont ici £ hommes de pensée, de réflexion et de travail. Ce n'est pas à ce type d'entreprise que j'ai consacré ma propre vie, donc je me sens tout à fait flatté de cette cérémonie qui a simplement ajouté à mon voyage et à celui de mes compagnons, une perspective nouvelle sur non seulement le devenir d'Israël, sur le développement du Neguev mais sur le plan mondial, l'apport de l'esprit, de la recherche, de la science auquel on se consacre ici. Rien ne me paraît plus important. Nous avons pu visiter les lieux où vécut Ben Gourion puis mesurer la simplicité de sa vie et de son caractère tout à fait en harmonie avec ce que fut sa vie. Vous avez la chance d'avoir en lui, vous Israéliens, un homme qui non seulement fut un fondateur de votre Etat mais aussi l'un de ces hommes universels qui ont sans aucun doute marqué au premier rang notre siècle. Il était bien normal à partir de là de venir jusqu'ici et j'étais presque étonné d'apprendre que ce voyage n'est pas encore rituel puisque j'ai pu planter le deuxième olivier alors qu'il devrait y avoir déjà une forêt !\
Je pense à l'émotion qui devait étreindre David Ben Gourion un jour de mai 1948 dans le musée de Tel Aviv lorsqu'il a lu les premières phrases de la déclaration d'indépendance que je lis : "le pays d'Israël est le lieu où naquit le peuple juif... c'est là qu'il écrivit la Bible et en fit don au monde..." J'ai bien remarqué que dans la maison de Ben Gourion, sur sa table sont accumulés les livres de tout format. En particulier ceux qu'il feuilletait le plus souvent et qui portent l'usure d'un lecteur assidu.
- Ben Gourion, 2000 ans après, avec le peuple juif sur ses terres, lui qui est né en Pologne, arrivé en Palestine au début de ce siècle, s'est trouvé - non seulement il en avait le mérite mais aussi il a eu le bonheur et la chance - en possession de cet accomplissement auquel il avait consacré son existence.
- C'était un homme d'action et il était entouré de livres. Je le savais bien et j'en ai pris conscience quand j'ai vu dans sa maison l'extrême simplicité dans laquelle il vivait où, à profusion, sont là les livres qu'il considérait comme ayant formé l'esprit de l'humanité, aux côtés des oeuvres maîtresses de la pensée juive et donc de la Bible que Ben Gourion n'a jamais cessé de lire et de méditer : il puisait en elle peut-être moins une religion qu'un corps de valeurs universelles. Il lisait avec prédilection dans de nombreuses langues et en particulier dans le grec ancien qu'il avait appris à déchiffrer seul et notamment les livres de Platon, dont il disait qu'il était "un penseur pour lui sans rival". David Ben Gourion, Athènes, Jérusalem : alors que l'on devait aboutir à une longue période de difficultés, de guerres, d'affrontements, il existe malgré tout des livres où git la sagesse humaine - le Pentateuque -, - la République - parmi beaucoup d'autres ouvrages et parmi les plus notoires où l'on accorde la pensée de l'Orient et de l'Occident. C'est dire à quelle hauteur se situaient les réflexions de cet homme d'Etat, philosophe et écrivain qui n'a pratiquement jamais fait autre chose que d'aboutir dans cette unique pensée qui était la sienne : le retour, la terre, y bâtir un Etat, y faire fructifier la terre et donc créer une composante nouvelle dans les sillons anciens participant de la vie des hommes.
- Mais homme d'Etat également, il n'avait jamais oublié qu'Israël devait sa résurrection pour une large part au travail persévérant et ingrat des premiers pionniers, des premiers colons. Toujours en lisant cette "déclaration d'indépendance" - 1948 - c'est lui qui déclarait, je le cite : "pionnier immigrants, clandestins, combattants, ils ont défriché les déserts...". Voilà pourquoi, on relie ce jour d'aujourd'hui aux origines mêmes. C'est dans le désert du Neguev que son oeuvre politique accomplie (je veux dire son oeuvre d'action car il l'a poursuivie par l'écriture), il a choisi de se retirer, de contempler les lieux où nous sommes, l'étendue aride qu'il avait sous les yeux : il a choisi, je le répète, le lieu de sa sépulture, de telle sorte que l'on peut penser que ce n'est pas la nostalgie de sa jeunesse qui l'habitait, ni le souvenir des espaces vides par où étaient venus, conduits par Moïse, ses ancêtres les Hébreux. Constamment ses pensées se tournaient vers l'avenir d'Israël. J'ai relevé cette phrase : "le plus grand défi de l'Etat, c'est de peupler le Neguev". Il a voulu donner l'exemple en vivant lui-même dans la modeste maison que nous avons découverte ensemble.\
Ce n'est pas simplement l'avenir d'Israël qui lui semblait tâche exaltante, c'était aussi la découverte du futur. Le texte qu'on nous a lu, il y a un moment, les points par lesquels Ben Gourion traçait, selon lui, ce que serait l'avenir du monde dans le siècle prochain est à cet égard très significatif. Il voulait que le désert refleurisse. Permettez-moi d'ajouter que j'ai été très content à cet égard d'entendre dire, il y a un moment, que les études de français qui avaient été laissées à l'abandon vont reprendre. C'est aussi une façon de refleurir, c'est une plante vivante avec des fleurs et des fruits supplémentaires que vous ajouterez à la culture dont vous êtes les serviteurs. Et si cette distinction que je reçois aujourd'hui a pu coïncider avec le retour du français dans la vie des habitants de cette région et des savants qui enseignent, je serai tout à fait comblé.\
Je ne veux pas élargir mon propos, mais il est vrai qu'on pense forcément à la paix quand on est dans une situation, du moins morale et psychologique de guerre. Ben Gourion constatait avec quelque lucidité mais aussi tristesse dans un de ses livres publié en 1965 - "Les regards sur le passé" - qu'il n'existait aucun espoir dans le sens de la paix et pourtant il continuait d'espérer en l'homme. Il affirmait : "Aussi étrange que cela puisse paraître, nous arriverons avec le temps à une alliance judéo-arabe. Ce n'est pas que je croie seulement à la nécessité vitale d'une coopération politique, économique et culturelle. Les conditions géographiques et historiques la rendent inévitable, indépendemment du temps nécessaire à sa réalisation. Le destin nous a placés proches dans cette partie de la terre. Nous ne quitterons pas notre pays, pas plus que les Arabes. Et à cette situation géographique commune s'ajoutent bien des ressemblances dans notre culture, notre langage et notre histoire. La coopération entre juifs et arabes peut transformer le Moyen-Orient en l'un des plus grands foyers culturels du monde comme il le fut jadis. Eux seuls peuvent accomplir cela".\
Cette pensée qui m'avait été communiquée avant d'entreprendre ce voyage a été l'une des raisons pour lesquelles je vous informais hier, - j'ai informé les dirigeants israéliens - que la France prendrait l'initiative, dans le cadre de la Communauté européenne, à l'intention d'Israël et des pays arabes de la région, d'engager un vaste plan qui impliquerait l'ensemble de ces pays et de ces peuples s'ils le désirent, à des travaux tout à fait concrets sur les besoins qui leur sont communs : le désert, il faut que désormais la vie y reprenne, et donc il faut de l'eau £ puis il faut des hommes, il faut donc l'enseignement £ puis il faut qu'on puisse y venir plus commodément, il faut des moyens de transport : puis il faut venir de tout le reste du monde, non seulement pour le Neguev mais Israël contient tant de richesses de l'art, de la culture et l'histoire, il faut donc que se développe le tourisme, etc.. Je veux dire par là qu'au moins peut-on espérer réunir des hommes qui jusqu'ici se sont affrontés, des peuples et des Etats autour de tâches qui représenteront une avancée, un profil, une réalisation utile pour eux-mêmes car il ne s'agit pas de spéculer simplement sur l'altruisme, il s'agit de faire que l'égoïsme soit utile à chacun.
- Je ne veux pas en ajouter beaucoup sinon que précisément Ben Gourion pensait qu'Israël était en mesure d'apporter aux pays arabes dans leur effort de développement ce qu'il pouvait en recevoir lui-même, pour conquérir le désert et domestiquer la nature. Il se rendait bien compte de l'immense chemin à accomplir mais enfin tout ceci était écrit il y a déjà plusieurs dizaines d'années.\
On a avancé, la science aussi. Peut-être ne croyait-il pas son rêve réalisable, en tout cas avant longtemps et avant la fin de sa propre vie. Il avait vu juste à cet égard. Mais nous sommes là, vous êtes là, ses successeurs, et peut-être recevrez-vous ce message qui vient de lui : "L'histoire nous a montré l'absurdité de considérer comme éternelles et immuables, a-t-il écrit, les conditions prédominantes d'une certaine époque. En notre siècle où les changements sont si rapides et si radicaux, l'amélioration des relations judéo-arabes peut survenir plus tôt que je ne le pense". Il avait raison à trente ans près. On dira : qu'est-ce que c'est que trente ans dans la marche des siècles ? Oui mais dans l'intervalle, ce sont des générations qui naissent, qui vivent et qui meurent. Il n'est pas indifférent de penser que la première génération qui connaîtra la paix aura franchi un pas immense dans l'espace de l'histoire.
- Je ne vais pas solliciter la pensée qu'un disparu pour appuyer mes démonstrations mais je n'imagine pas que l'homme qui déclarait "j'ai foi en mon prochain" aurait hésité, face aux changements qu'il pressentait, quand nul n'en percevait les signes, à saisir l'immense chance de paix qui s'offre maintenant que les pays voisins d'Israël ont dû prendre acte de son existence. A lui aussi, Israël, de prendre acte des nécessités et des exigences de tout homme sur la terre.\
- Mesdames et messieurs,
- Lorsqu'il s'est agi d'organiser cette visite en Israël, il m'a été demandé de choisir, au moins pour une demi journée, une destination qui me plairait, indépendamment de l'intérêt que comporte le voyage officiel lui-même. J'ai donc choisi de venir ici. Je désirais retrouver la trace de Ben Gourion et on ne la trouve nulle part mieux qu'en un endroit qui fut lui-même le lieu de sa vieillesse active, de son travail de méditation et finalement l'endroit où il repose à jamais. A la fois parce que c'était Ben Gourion et parce que c'était le Neguev. Ici nous sommes à l'université Ben Gourion du Neguev. Tout se trouve réuni. Tout naturellement lorsqu'il m'a été proposé par la suite d'accepter cette distinction, Docteur Honoris Causa de cette université, j'ai accepté, non pas que je recherche ce type d'honneur car je connais la valeur de la recherche des hommes qui sont ici £ hommes de pensée, de réflexion et de travail. Ce n'est pas à ce type d'entreprise que j'ai consacré ma propre vie, donc je me sens tout à fait flatté de cette cérémonie qui a simplement ajouté à mon voyage et à celui de mes compagnons, une perspective nouvelle sur non seulement le devenir d'Israël, sur le développement du Neguev mais sur le plan mondial, l'apport de l'esprit, de la recherche, de la science auquel on se consacre ici. Rien ne me paraît plus important. Nous avons pu visiter les lieux où vécut Ben Gourion puis mesurer la simplicité de sa vie et de son caractère tout à fait en harmonie avec ce que fut sa vie. Vous avez la chance d'avoir en lui, vous Israéliens, un homme qui non seulement fut un fondateur de votre Etat mais aussi l'un de ces hommes universels qui ont sans aucun doute marqué au premier rang notre siècle. Il était bien normal à partir de là de venir jusqu'ici et j'étais presque étonné d'apprendre que ce voyage n'est pas encore rituel puisque j'ai pu planter le deuxième olivier alors qu'il devrait y avoir déjà une forêt !\
Je pense à l'émotion qui devait étreindre David Ben Gourion un jour de mai 1948 dans le musée de Tel Aviv lorsqu'il a lu les premières phrases de la déclaration d'indépendance que je lis : "le pays d'Israël est le lieu où naquit le peuple juif... c'est là qu'il écrivit la Bible et en fit don au monde..." J'ai bien remarqué que dans la maison de Ben Gourion, sur sa table sont accumulés les livres de tout format. En particulier ceux qu'il feuilletait le plus souvent et qui portent l'usure d'un lecteur assidu.
- Ben Gourion, 2000 ans après, avec le peuple juif sur ses terres, lui qui est né en Pologne, arrivé en Palestine au début de ce siècle, s'est trouvé - non seulement il en avait le mérite mais aussi il a eu le bonheur et la chance - en possession de cet accomplissement auquel il avait consacré son existence.
- C'était un homme d'action et il était entouré de livres. Je le savais bien et j'en ai pris conscience quand j'ai vu dans sa maison l'extrême simplicité dans laquelle il vivait où, à profusion, sont là les livres qu'il considérait comme ayant formé l'esprit de l'humanité, aux côtés des oeuvres maîtresses de la pensée juive et donc de la Bible que Ben Gourion n'a jamais cessé de lire et de méditer : il puisait en elle peut-être moins une religion qu'un corps de valeurs universelles. Il lisait avec prédilection dans de nombreuses langues et en particulier dans le grec ancien qu'il avait appris à déchiffrer seul et notamment les livres de Platon, dont il disait qu'il était "un penseur pour lui sans rival". David Ben Gourion, Athènes, Jérusalem : alors que l'on devait aboutir à une longue période de difficultés, de guerres, d'affrontements, il existe malgré tout des livres où git la sagesse humaine - le Pentateuque -, - la République - parmi beaucoup d'autres ouvrages et parmi les plus notoires où l'on accorde la pensée de l'Orient et de l'Occident. C'est dire à quelle hauteur se situaient les réflexions de cet homme d'Etat, philosophe et écrivain qui n'a pratiquement jamais fait autre chose que d'aboutir dans cette unique pensée qui était la sienne : le retour, la terre, y bâtir un Etat, y faire fructifier la terre et donc créer une composante nouvelle dans les sillons anciens participant de la vie des hommes.
- Mais homme d'Etat également, il n'avait jamais oublié qu'Israël devait sa résurrection pour une large part au travail persévérant et ingrat des premiers pionniers, des premiers colons. Toujours en lisant cette "déclaration d'indépendance" - 1948 - c'est lui qui déclarait, je le cite : "pionnier immigrants, clandestins, combattants, ils ont défriché les déserts...". Voilà pourquoi, on relie ce jour d'aujourd'hui aux origines mêmes. C'est dans le désert du Neguev que son oeuvre politique accomplie (je veux dire son oeuvre d'action car il l'a poursuivie par l'écriture), il a choisi de se retirer, de contempler les lieux où nous sommes, l'étendue aride qu'il avait sous les yeux : il a choisi, je le répète, le lieu de sa sépulture, de telle sorte que l'on peut penser que ce n'est pas la nostalgie de sa jeunesse qui l'habitait, ni le souvenir des espaces vides par où étaient venus, conduits par Moïse, ses ancêtres les Hébreux. Constamment ses pensées se tournaient vers l'avenir d'Israël. J'ai relevé cette phrase : "le plus grand défi de l'Etat, c'est de peupler le Neguev". Il a voulu donner l'exemple en vivant lui-même dans la modeste maison que nous avons découverte ensemble.\
Ce n'est pas simplement l'avenir d'Israël qui lui semblait tâche exaltante, c'était aussi la découverte du futur. Le texte qu'on nous a lu, il y a un moment, les points par lesquels Ben Gourion traçait, selon lui, ce que serait l'avenir du monde dans le siècle prochain est à cet égard très significatif. Il voulait que le désert refleurisse. Permettez-moi d'ajouter que j'ai été très content à cet égard d'entendre dire, il y a un moment, que les études de français qui avaient été laissées à l'abandon vont reprendre. C'est aussi une façon de refleurir, c'est une plante vivante avec des fleurs et des fruits supplémentaires que vous ajouterez à la culture dont vous êtes les serviteurs. Et si cette distinction que je reçois aujourd'hui a pu coïncider avec le retour du français dans la vie des habitants de cette région et des savants qui enseignent, je serai tout à fait comblé.\
Je ne veux pas élargir mon propos, mais il est vrai qu'on pense forcément à la paix quand on est dans une situation, du moins morale et psychologique de guerre. Ben Gourion constatait avec quelque lucidité mais aussi tristesse dans un de ses livres publié en 1965 - "Les regards sur le passé" - qu'il n'existait aucun espoir dans le sens de la paix et pourtant il continuait d'espérer en l'homme. Il affirmait : "Aussi étrange que cela puisse paraître, nous arriverons avec le temps à une alliance judéo-arabe. Ce n'est pas que je croie seulement à la nécessité vitale d'une coopération politique, économique et culturelle. Les conditions géographiques et historiques la rendent inévitable, indépendemment du temps nécessaire à sa réalisation. Le destin nous a placés proches dans cette partie de la terre. Nous ne quitterons pas notre pays, pas plus que les Arabes. Et à cette situation géographique commune s'ajoutent bien des ressemblances dans notre culture, notre langage et notre histoire. La coopération entre juifs et arabes peut transformer le Moyen-Orient en l'un des plus grands foyers culturels du monde comme il le fut jadis. Eux seuls peuvent accomplir cela".\
Cette pensée qui m'avait été communiquée avant d'entreprendre ce voyage a été l'une des raisons pour lesquelles je vous informais hier, - j'ai informé les dirigeants israéliens - que la France prendrait l'initiative, dans le cadre de la Communauté européenne, à l'intention d'Israël et des pays arabes de la région, d'engager un vaste plan qui impliquerait l'ensemble de ces pays et de ces peuples s'ils le désirent, à des travaux tout à fait concrets sur les besoins qui leur sont communs : le désert, il faut que désormais la vie y reprenne, et donc il faut de l'eau £ puis il faut des hommes, il faut donc l'enseignement £ puis il faut qu'on puisse y venir plus commodément, il faut des moyens de transport : puis il faut venir de tout le reste du monde, non seulement pour le Neguev mais Israël contient tant de richesses de l'art, de la culture et l'histoire, il faut donc que se développe le tourisme, etc.. Je veux dire par là qu'au moins peut-on espérer réunir des hommes qui jusqu'ici se sont affrontés, des peuples et des Etats autour de tâches qui représenteront une avancée, un profil, une réalisation utile pour eux-mêmes car il ne s'agit pas de spéculer simplement sur l'altruisme, il s'agit de faire que l'égoïsme soit utile à chacun.
- Je ne veux pas en ajouter beaucoup sinon que précisément Ben Gourion pensait qu'Israël était en mesure d'apporter aux pays arabes dans leur effort de développement ce qu'il pouvait en recevoir lui-même, pour conquérir le désert et domestiquer la nature. Il se rendait bien compte de l'immense chemin à accomplir mais enfin tout ceci était écrit il y a déjà plusieurs dizaines d'années.\
On a avancé, la science aussi. Peut-être ne croyait-il pas son rêve réalisable, en tout cas avant longtemps et avant la fin de sa propre vie. Il avait vu juste à cet égard. Mais nous sommes là, vous êtes là, ses successeurs, et peut-être recevrez-vous ce message qui vient de lui : "L'histoire nous a montré l'absurdité de considérer comme éternelles et immuables, a-t-il écrit, les conditions prédominantes d'une certaine époque. En notre siècle où les changements sont si rapides et si radicaux, l'amélioration des relations judéo-arabes peut survenir plus tôt que je ne le pense". Il avait raison à trente ans près. On dira : qu'est-ce que c'est que trente ans dans la marche des siècles ? Oui mais dans l'intervalle, ce sont des générations qui naissent, qui vivent et qui meurent. Il n'est pas indifférent de penser que la première génération qui connaîtra la paix aura franchi un pas immense dans l'espace de l'histoire.
- Je ne vais pas solliciter la pensée qu'un disparu pour appuyer mes démonstrations mais je n'imagine pas que l'homme qui déclarait "j'ai foi en mon prochain" aurait hésité, face aux changements qu'il pressentait, quand nul n'en percevait les signes, à saisir l'immense chance de paix qui s'offre maintenant que les pays voisins d'Israël ont dû prendre acte de son existence. A lui aussi, Israël, de prendre acte des nécessités et des exigences de tout homme sur la terre.\