13 novembre 1992 - Seul le prononcé fait foi
Extraits de l'interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée à Radio J le 13 novembre et diffusé le 22, sur la commémoration de la grande rafle du Vel d'Hiv en 1942 et la polémique autour du dépôt d'une gerbe sur la tombe du maréchal Pétain.
QUESTION.- Depuis quelques temps on vous conseille pas mal de choses par rapport à l'histoire de France, par rapport au problème de l'Occupation. Vous venez il y a quelques temps de demander pardon au nom de la nation française aux familles qui ont été touchées par le drame du sang contaminé. Est-ce que vous estimez aujourd'hui que le même pardon est dû aux survivants ou aux familles de ceux qui ont souffert les persécutions du régime de Vichy ?
- LE PRESIDENT.- Si la nation française avait été engagée dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, ce pardon serait dû. C'est ce qu'à fait Willy Brandt au nom de l'Allemagne, et pour cause, alors que lui-même était un résistant au régime nazi. Mais la nation française n'a pas été engagée dans cette affaire, ni la république, c'était un régime nouveau, différent, occasionnel. L'Etat français qui a assuré cette terrible responsabilité qui s'est marquée par des actes de racisme, d'antisémitisme indépendamment d'autres aspects proprement français c'est le régime de Vichy. C'est pratiquement intolérable. Quand on me disait : "Voulez-vous vous excuser au nom de la France ?" vraiment je ne comprenais pas ce langage.
- QUESTION.- Est-ce qu'aujourd'hui vous comprenez plus ou pas ?
- LE PRESIDENT.- Non, pas davantage. J'estime que la nation française n'est pas engagée dans une politique de circonstance menée sous contrôle d'une puissance ennemie. Ce qui s'est passé à cette époque, particulièrement au Vel'd'hiv est quelque chose non seulement d'intolérable mais d'insupportable pour l'esprit, donc d'essentiellement condamnable. Je ne peux pas penser à ce drame sans en être effrayé et sans avoir une immense compassion pour les familles détruites, les souffrances subies.
- QUESTION.- Quand on se pose la question de savoir si le Président de la République pourrait accomplir un geste solennel ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je suis tout prêt à le faire, il faudrait le déterminer.
- QUESTION.- Vous songez...,
- LE PRESIDENT.- Oui, j'y songe mais je ne ferai pas une reconnaissance juridique d'une responsabilité de la République française.
- QUESTION.- Mais un geste accompli au nom de la France.
- LE PRESIDENT.- Absolument.\
QUESTION.- Vous savez qu'il y a une autre polémique ces derniers jours. Le fait que vous ayez fait fleurir la tombe du maréchal Pétain. Le 11 novembre 1992, le Président de la République a fait fleurir les tombes des Maréchaux de la guerre 1914-1918 : Fayolle, Foch, Franchet d'Espérey, Galliéni, Joffre, Lyautey, Maunoury et Pétain a provoqué une certaine incompréhension chez un certain nombre de juifs. Qu'est-ce que vous répondez ?
- LE PRESIDENT.- Je comprends leur émotion. Nous sommes là devant un cas typique des contradictions de l'Histoire qui nous place à notre tour dans des contradictions qui ne sont pas vraiment supportables. Mais on ne pourra jamais arracher les pages dans lesquelles est écrite l'Histoire de la plus grande bataille que la France ait connue et gagnée, la bataille de Verdun ni arracher de l'Histoire de France ceux qui l'ont faite et ceux qui l'ont conduite, 25 ans avant les événements dont nous parlions, avant le Vel'd'Hiv. C'est une honte qui ne pourra jamais être effacée de l'histoire de notre pays. La gloire de Verdun, la gloire payée par beaucoup de sang et de drames, ne peut pas être oubliée, ni les anciens combattants et d'autre part la honte de 1942 ne peut pas l'être davantage. Voilà une contradiction fondamentale. Moi, je dois la gérer et je ne voudrais pas que l'incompréhension s'élargisse. Je ne suis pas très sensible à ce genre de critiques parce que j'ai la conscience claire. Je sais comment, depuis ma jeunesse, pendant la guerre et après, j'ai agi. Et j'ai toujours agi dans le même sens. Comme je ne veux pas du tout me mettre en avant dans ces histoires, je me contenterais de vous rappeler que j'ai été le premier homme politique à m'élever contre le drame de l'Exodus. Donc ce genre de critique ne prend pas sur moi mais je comprends très bien l'émotion de la communauté juive devant ce dépôt de gerbe, il faut que je gère cette contradiction, il faudra sans doute la gérer autrement.\
- LE PRESIDENT.- Si la nation française avait été engagée dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, ce pardon serait dû. C'est ce qu'à fait Willy Brandt au nom de l'Allemagne, et pour cause, alors que lui-même était un résistant au régime nazi. Mais la nation française n'a pas été engagée dans cette affaire, ni la république, c'était un régime nouveau, différent, occasionnel. L'Etat français qui a assuré cette terrible responsabilité qui s'est marquée par des actes de racisme, d'antisémitisme indépendamment d'autres aspects proprement français c'est le régime de Vichy. C'est pratiquement intolérable. Quand on me disait : "Voulez-vous vous excuser au nom de la France ?" vraiment je ne comprenais pas ce langage.
- QUESTION.- Est-ce qu'aujourd'hui vous comprenez plus ou pas ?
- LE PRESIDENT.- Non, pas davantage. J'estime que la nation française n'est pas engagée dans une politique de circonstance menée sous contrôle d'une puissance ennemie. Ce qui s'est passé à cette époque, particulièrement au Vel'd'hiv est quelque chose non seulement d'intolérable mais d'insupportable pour l'esprit, donc d'essentiellement condamnable. Je ne peux pas penser à ce drame sans en être effrayé et sans avoir une immense compassion pour les familles détruites, les souffrances subies.
- QUESTION.- Quand on se pose la question de savoir si le Président de la République pourrait accomplir un geste solennel ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je suis tout prêt à le faire, il faudrait le déterminer.
- QUESTION.- Vous songez...,
- LE PRESIDENT.- Oui, j'y songe mais je ne ferai pas une reconnaissance juridique d'une responsabilité de la République française.
- QUESTION.- Mais un geste accompli au nom de la France.
- LE PRESIDENT.- Absolument.\
QUESTION.- Vous savez qu'il y a une autre polémique ces derniers jours. Le fait que vous ayez fait fleurir la tombe du maréchal Pétain. Le 11 novembre 1992, le Président de la République a fait fleurir les tombes des Maréchaux de la guerre 1914-1918 : Fayolle, Foch, Franchet d'Espérey, Galliéni, Joffre, Lyautey, Maunoury et Pétain a provoqué une certaine incompréhension chez un certain nombre de juifs. Qu'est-ce que vous répondez ?
- LE PRESIDENT.- Je comprends leur émotion. Nous sommes là devant un cas typique des contradictions de l'Histoire qui nous place à notre tour dans des contradictions qui ne sont pas vraiment supportables. Mais on ne pourra jamais arracher les pages dans lesquelles est écrite l'Histoire de la plus grande bataille que la France ait connue et gagnée, la bataille de Verdun ni arracher de l'Histoire de France ceux qui l'ont faite et ceux qui l'ont conduite, 25 ans avant les événements dont nous parlions, avant le Vel'd'Hiv. C'est une honte qui ne pourra jamais être effacée de l'histoire de notre pays. La gloire de Verdun, la gloire payée par beaucoup de sang et de drames, ne peut pas être oubliée, ni les anciens combattants et d'autre part la honte de 1942 ne peut pas l'être davantage. Voilà une contradiction fondamentale. Moi, je dois la gérer et je ne voudrais pas que l'incompréhension s'élargisse. Je ne suis pas très sensible à ce genre de critiques parce que j'ai la conscience claire. Je sais comment, depuis ma jeunesse, pendant la guerre et après, j'ai agi. Et j'ai toujours agi dans le même sens. Comme je ne veux pas du tout me mettre en avant dans ces histoires, je me contenterais de vous rappeler que j'ai été le premier homme politique à m'élever contre le drame de l'Exodus. Donc ce genre de critique ne prend pas sur moi mais je comprends très bien l'émotion de la communauté juive devant ce dépôt de gerbe, il faut que je gère cette contradiction, il faudra sans doute la gérer autrement.\