27 juin 1992 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'application des sanctions et l'aide humanitaire à la Yougoslavie, l'éventualité d'une intervention militaire, le siège des institutions communautaires, et la ratification du Traité de Maastricht, Lisbonne le 27 juin 1992.

Mesdames et messieurs,
- Ce sommet européen de Lisbonne se termine et je pourrai débattre avec vous des principaux points acquis au cours de ces discussions. Quels sont ces points principaux ? Je suppose que vous les connaissez £ enfin, je résume pour la commodité des explications.
- Le premier point, c'est la confirmation de l'accord d'Oslo entre les ministres des affaires étrangères, confirmant Maastricht et la poursuite de la ratification de ces procédures. Ce qui veut dire que l'événement danois ne modifie en rien le parcours.
- Il a été question de l'élargissement de la Communauté. On a défini des critères : démocratie, stabilité économique, monétaire, respect des accords de Maastricht. Ce qui veut dire que tout nouvel adhérent devra admettre avant même l'adhésion qu'il souscrit à l'ensemble des obligations que les douze (onze, puisqu'on est onze en attendant la suite) ont eux-mêmes admises pour eux-mêmes.
- On a parlé de la Turquie, qui ne fait pas partie du "lot" sur lesquels s'engageront dès le début 93 les négociations, mais que l'on replace dans le cadre de l'accord d'association, qui date de 1964. On a parlé de Malte et de Chypre en créant une sorte de statut intermédiaire, provisoire, entre l'accord d'association existant et une éventuelle adhésion. On aborde ensuite la situation des pays d'Europe centrale et orientale sans naturellement aller plus loin dans l'examen d'une adhésion possible.\
Alors, les principes de ce que l'on a appelé le paquet "Delors 2" : on a d'abord fixé des garanties pour la politique agricole commune, la nouvelle politique. On a souligné l'importance de la cohésion et adopté d'emblée les dispositions financières adaptées à cette cohésion - définie récemment - mais c'est à Edimbourg que les décisions seront prises, là comme ailleurs, sur la base des engagements techniques et politiques de Maastricht.
- On a débattu de la subsidiarité : comment l'Union européenne pourrait-elle rester la plus proche possible des citoyens, exprimer leurs voeux ? Comment éviter que l'Union ne se mêle des problèmes ou de décisions qui relèvent à l'évidence de la compétence de chaque Etat ? £ la Commission elle-même a pris l'engagement de justifier ses propositions, quant à leur pertinence à l'égard de ce principe de subsidiarité, pour éviter les malentendus.
- On a parlé naturellement du marché intérieur, de la libre circulation des personnes, des engagement mutuels pris pour la défense contre la drogue £ on a approuvé la création d'Europol - Europe et Police -.
- Différentes initiatives, notamment françaises (il est normal que je vous en parle) ont été approuvées, notamment sur la sécurité des centrales nucléaires à l'Est de l'Europe ainsi qu'une décision en faveur d'une Fondation pour la science fondamentale.\
Il a été question de divers problèmes de politique extérieure, d'abord de la Yougoslavie. Le Conseil européen a confirmé l'application intégrale des sanctions décidées par le Conseil de Sécurité, ensuite a affirmé la priorité à la réouverture de l'aéroport de Sarajevo à des fins humanitaires : des propositions seront faites au Conseil de Sécurité dès le début de la semaine prochaine par les Etats membres du Conseil européen et particulièrement les Etats membres du Conseil de Sécurité qui auront donc accès direct à ce débat, (il y en a trois actuellement, les deux membres permanents et la Belgique qui préside). Toutes les mesures nécessaires seront prises pour faire parvenir l'aide humanitaire, y compris, si les moyens pacifiques ne suffisaient pas, par des moyens militaires : invitation a été faite à l'UEO pour étudier par quels moyens soutenir les actions entreprises dans le cadre des résolutions des Nations unies. Il a été par ailleurs adopté la proposition d'envoyer au Kosovo des observateurs de la CSCE £ des Etats membres de la Communauté ont déclaré à l'avance qu'ils étaient prêts à y participer. Pour la Macédoine, confirmation de la décision de reconnaissance de cette ancienne république appartenant à l'ancienne Yougoslavie, république qui ne devrait pas choisir pour dénomination celle de "Macédoine". Quant au statut de l'ex-Yougoslavie on attend l'avis de la Commission d'arbitrage - dite "Badinter" - début juillet, et dans l'attente, on constate la suspension de la participation yougoslave aux travaux de la CSCE et aux autres organisations internationales.
- Voilà pour l'essentiel et maintenant, mesdames et messieurs, je vous laisse le soin de poser les questions que vous souhaiterez.\
QUESTION.- J'aimerais simplement savoir comment vous trouvez cette décision du Conseil européen en ce qui concerne la reconnaissance de l'ex-République fédérale yougoslave de Macédoine ?
- LE PRESIDENT.- Sous un nom qu'il lui appartient de choisir mais qui ne peut tout simplement pas être "République de Macédoine" c'est cela la décision complète. Je trouve que c'est une bonne décision, raisonnable. Il n'y a pas lieu de froisser le sentiment unanime des Grecs, qui sont nos amis, membres de la Communauté. Mais, il n'y a pas lieu non plus d'interdire le droit à l'autodétermination des pays ou territoires qui souhaitent l'obtenir.
- QUESTION.- On a souvent dit, monsieur le Président, que l'Europe n'était pas digne d'elle-même en laissant faire en Yougoslavie ce que nous avons vu. Est-ce que vous pensez que ce temps-là est fini et que l'Europe va pouvoir s'affirmer dans un règlement de ce douloureux problème ?
- LE PRESIDENT.- Vous êtes un journaliste suffisamment informé et vous savez à quel point j'estime votre façon de commenter l'actualité, mais je suis obligé de reprendre votre question elle-même. Vous savez fort bien que la Communauté, jusqu'à acceptation par ses membres du Traité de Maastricht, n'a pas compétence pour ordonner des actions de politique extérieure pouvant avoir des implications militaires. Elle n'a pas compétence : l'UEO a un état encore embryonnaire et vous savez que la Communauté est composée de quelques pays, les uns neutres, d'autres n'obéissant pas aux mêmes obligations constitutionnelles, je pense à l'Allemagne en particulier. D'une façon générale, le travail accompli à Maastricht consiste précisément à doter la Communauté de moyens d'avoir une existence politique. Donc, on ne peut pas l'accuser de n'avoir pas usé de moyens dont elle ne dispose pas et cependant, l'urgence prend à la gorge tous les honnêtes gens : l'impossibilité d'acheminer les moyens humanitaires à Sarajevo notamment, crée une obligation morale, si j'ose dire "hors textes". C'est pour répondre à ces besoins que, par les dispositions que j'ai indiquées tout à l'heure, la Communauté - qui n'a pas encore acquis cette compétence, qu'elle espère obtenir par la ratification des dix qui restent à devoir se décider - néanmoins à la fois soutient les démarches des Nations unies, s'associe et se déclare prête à des interventions de toutes sortes pour que l'on ne laisse pas à l'abandon des centaines de milliers de personnes qui souffrent aujourd'hui de menaces constantes de mort - et il y a déjà de nombreuses victimes -, de la famine, de l'abandon, de la solitude, d'un isolement insupportable dans quelque région que ce soit de l'Europe.
- On est quand même obligé de rappeler ce problème de droit international dans lequel se trouve la Communauté aujourd'hui : elle est à la croisée des chemins, un peu avant la croisée des chemins. D'où l'importance de Maastricht : après la ratification des accords du Traité de Maastricht, d'union européenne, une carence de ce type, fait que vous déplorez mais qui avait besoin d'être recadré juridiquement, serait insupportable.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez parlé de l'emploi éventuel de moyens militaires. Comment ces moyens seraient-ils mis en place ?
- LE PRESIDENT.- La Communauté a parlé et je me suis fait l'interprète modeste de cette déclaration qui engage les douze membres de la Communauté £ je n'ai pas fait une évocation, je n'ai pas imaginé ! Je vous rends compte de ce qui a été décidé.
- QUESTION.- Et à quels moyens militaires les Douze ont-il pensé ?
- LE PRESIDENT.- Forcément à l'UEO, et la demande italienne qui a été appuyée par quelques-uns dont la France, consiste à se servir au moins des moyens de force pouvant permettre la sécurité des transports humanitaires. Il ne s'agit pas de s'engager dans un conflit armé général £ il s'agit de permettre aux convois humanitaires d'obtenir leur effet, donc d'atteindre leur objectif, mais tout ceci en relation avec les Nations unies.
- QUESTION.- Vous avez dit que les Européens membres du Conseil de Sécurité feraient des propositions £ pouvez-vous nous indiquer...
- LE PRESIDENT.- Non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit que les membres du Conseil de Sécurité présents dans la salle seront porte-paroles lors de la réunion du Conseil de Sécurité qui pourrait avoir lieu lundi.
- QUESTION.- Mais y a-t-il des propositions concrètes dont vous pouvez nous parler, qui seront faites lundi ?
- LE PRESIDENT.- C'est ce que je viens de vous dire : mettre en action l'UEO pour définir de quelle manière nous pourrions contribuer à la mise en oeuvre de moyens humanitaires.
- QUESTION.- C'est la première fois que la Communauté, collectivement, parle ainsi de mettre en oeuvre des moyens militaires. Y a-t-il eu déjà, de la part de certains pays, des annonces de leurs dispositions à participer concrètement à de telles opérations ?
- LE PRESIDENT.- La discussion n'est pas allée jusque là. Il y a des pays qui, par principe ou par obligations légales, ne peuvent se joindre à cet effort. Mais vous avez déjà quelques exemples de ce type de réserves : il est difficile à l'Irlande, par exemple - pays neutre, même si ses dirigeants pensent comme les autres - de sortir de ses propres lois. L'Allemagne a besoin de modifier sa loi constitutionnelle - peut-être est-elle en train de le faire ou d'y songer - pour se joindre à une action de ce type. Je vous cite ces deux exemples.\
QUESTION.- Monsieur le Président, quel est votre sentiment ? Est-ce qu'on va être obligé d'utiliser des moyens militaires ou est-ce que vous pensez que les Serbes vont finir par comprendre, si on les menace seulement et si on aligne des éventualités comme on vient de le faire ?
- Le PRESIDENT.- Je ne fais pas de pronostics. Je constaterai les faits.
- QUESTION.- Est-on allé jusqu'à faire une première estimation des effectifs militaires qui seraient nécessaires pour protéger les convois humanitaires ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'était pas de la compétence du Conseil européen : il prend une décision politique avec les implications que j'indique, et maintenant les organismes spécialisés, en relation avec les Nations unies (et il y a, à cet égard, une déclaration M. Boutros Ghali dont vous avez dû prendre connaissance), ceux qui en ont la charge, feront cet examen.
- QUESTION.- Quand j'entends les conclusions du Sommet, j'ai l'impression que le drame des Yougoslaves, est d'être Européens. S'ils étaient au Koweit ou ailleurs, ils pourraient peut-être compter plus rapidement sur l'intervention du Conseil de Sécurité et non pas sur les interventions de l'Europe. Est-ce que vous ne pensez pas que la France, membre du conseil pourrait peut-être accélérer les choses ?
- LE PRESIDENT.- La France dit ce qu'elle a à dire et vous imaginez bien qu'elle n'est pas la plus silencieuse lorsqu'il s'agit de la défense du droit des gens.
- QUESTION.- Votre position sur la Macédoine est-elle vraiment très claire ? Quelle sera la suite dans la pratique, est-ce que ce sera un nom qui va être donné par les autorités macédoniennes ? Comment se fera la procédure ?
- LE PRESIDENT.- Ecoutez, je n'ai pas du tout l'intention de me mettre à la place des Macédoniens. (Ce doit d'ailleurs être assez compliqué !). Ce que je veux dire simplement, c'est que la Communauté ne reconnaîtra pas une république qui s'appellerait "République de Macédoine", mais qu'elle reconnaît parfaitement le droit des habitants de ce pays de se constituer en Etat souverain.\
QUESTION.- Est-ce que vous avez eu des demandes d'informations de la part de nos partenaires sur le sort du référendum en France ?
- LE PRESIDENT.- Je dois dire que l'on m'en a très peu parlé. Chacun s'accorde à reconnaître que ce référendum aura une valeur décisive, enfin déterminante, (soyons plus modeste), dans le cours des ratifications. Mais j'ai l'impression que nos partenaires font confiance au peuple français comme moi même.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous souhaitez la coopération et la participation des Etats-Unis dans le domaine militaire dans l'ex-Yougoslavie ?
- LE PRESIDENT.- Moi, je souhaite que les mesures prises soient efficaces. Leur objet, pour l'instant, est limité à la protection ou à la sauvegarde des gens et donc nul n'a prétendu régler le problème qui sépare les différentes républiques issues de la Yougoslavie, par le moyen des armes. Mais il y a ce qu'on pourrait appeler un minimum obligatoire, ce qu'on a appelé le devoir d'assistance et même un droit d'ingérence - c'est une thèse que j'ai moi-même soutenue à la tribune des Nations unies - et ce minimum doit tendre à faire respecter le droit à la vie et en même temps, la nécessité de préférer le dialogue ou la négociation au combat armé. Donc, on limite cet effort - je veux me faire bien comprendre parce que tout cela est très concret pour l'instant - au dégagement de Sarajevo. On ne prétend pas arrêter les incursions serbes ou les incursions croates : tel en tout cas, n'est pas le problème traité. Il le sera peut-être un jour mais ce n'est pas le cas maintenant. Alors moi, je n'ai pas à souhaiter l'intervention des Etats-Unis. Je croyais avoir compris que les Etats-Unis étaient prêts à intervenir mais je n'ai quand même jamais entendu dire qu'ils interviendraient eux-mêmes directement par leurs soldats. ALors quand je saurai à quoi m'en tenir pour ce sujet, je pourrai vous répondre.
- QUESTION.- Est-ce que le Sommet a fixé des bornes à ne pas franchir dans l'intervention militaire ?
- LE PRESIDENT.- Non, pour l'instant il a plutôt repoussé les bornes pour qu'il puisse y avoir intervention. C'est une question que je comprends très bien, mais a priori il est difficile, comme cela, de fixer une réponse.\
QUESTION.- Vous n'avez pas parlé de l'affaire des sièges...
- LE PRESIDENT.- Oui, pourtant il en a été question. Nous en avons parlé hier soir, au cours du dîner, assez longuement. D'abord, nous avons validé le maintien de Jacques Delors, à la tête de la Commission et après nous avons parlé de la répartition des sièges. M. Cavaco Silva, Président du Conseil européen, a soumis toute une longue liste et dans cette liste il était noté (je vais directement au but que je vous suppose), il était précisé que la France verrait la confirmation de la présence du Parlement européen à Strasbourg, pour au moins douze sessions ordinaires, dont la session budgétaire.
- Par ailleurs, si un siège a été prévu en France dans cette répartition prévue, je ne dis pas acceptée, car le débat n'est pas clos, il le sera, je l'espère, à Edimbourg, c'est celui des organismes qui auront la charge de l'application des accords de Schengen.
- QUESTION.- On nous a dit qu'éventuellement, il y aurait déjà un accord franco-belge pour la bataille entre Strasbourg et Bruxelles, bataille qui dure depuis si longtemps.
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas d'accord franco-belge. La suggestion qui a été faite par le Président Cavaco n'était tout de même pas indépendante de ce qui lui avait été confié par les uns et par les autres. On n'a pas livré bataille, mais après la décision du Parlement européen de passer à Bruxelles - il faut le dire -, après les dispositions prises par la Belgique pour accueillir le Parlement et le grand risque d'abandon de Strasbourg, il a fallu se fâcher.
- Il est acquis que le siège du Parlement c'est Strasbourg et que les sessions ordinaires, douze (c'est-à-dire au moins une par mois) et la session budgétaire, se tiendront là puisqu'en fait on le sait, déjà le Parlement européen tient des sessions à Bruxelles. Nous voulons donc arrêter cette hémorragie et savoir exactement quelle serait la règle qui serait fixée £ mais ce n'est qu'un projet puisque l'ensemble des attributions des sièges n'a pas été entériné par les Douze. Cela a été renvoyé à Edimbourg. Mais, cette fois-ci, je pense qu'il devrait y avoir une conclusion parce que certaines décisions antérieures impliquent, par exemple, que le siège de la Banque doit être fixé avant la fin de cette année. Or, il ne pourra pas l'être s'il n'y a pas confirmation de Strasbourg, parce que la France maintient son attitude, qui n'est pas agréable, mais qui est nécessaire. Il n'y aura pas de siège du tout, nulle part ailleurs tant que l'on n'aura pas validé et reconnu ce qui a été accordé à la France, naguère, c'est-à-dire le Parlement européen à Strasbourg.
- On en est là, mais cela fait des progrès dans les esprits. Et puis à partir du moment où il deviendra nécessaire d'avoir un siège pour la Banque, croyez-moi, cela débloquera bien des situations.
- QUESTION.- Qu'est-ce qui empêche un accord aujourd'hui à Lisbonne, pourquoi remettre encore une fois plus loin à Edimbourg ?
- LE PRESIDENT.- Par ce que sur ce siège-là, la Belgique n'a pas encore donné son accord, et parce que sur d'autres sièges, il y a contestation.\
QUESTION.- Vous avez dit tout à l'heure que l'événement danois ne modifiait en rien le parcours, alors qu'un porte-parole de M. Major disait que les conséquences du "non" danois ne doivent pas être ignorées. Est-ce que la France et la Grande-Bretagne ont le même point de vue ?
- LE PRESIDENT.- D'après ce que vous me dites, il ne semble pas. Moi, ce que je vous traduis ici c'est la décision du Conseil européen contre laquelle le Royaume Uni ne s'est pas opposé. Voila ce que je peux vous dire. Il n'y a pas eu de discussions difficiles sur ce sujet. Il était entendu dès le point de départ que les onze, en particulier les dix qui ont encore à ratifier puisque l'Irlande s'est prononcée, maintiendront tout simplement le Traité de Maastricht qui n'a pas changé de nature parce que le Danemark s'y est refusé, et le Royaume Uni n'y a pas fait objection.
- QUESTION.- Est-ce qu'il est toujours nécessaire d'avoir douze ratifications pour que le Traité de Maastricht entre en force légalement ?
- LE PRESIDENT.- Il en faut encore ! Je le répète, il en faut dix. Mais, j'ajoute que s'il n'y en avait que neuf, le problème juridique serait le même. L'accord de Maastricht a été signé, et les pays qui ne ratifieront pas s'en absenteront £ c'est tout, mais il n'y a pas lieu de le prévoir.\
QUESTION.- Monsieur le Président, une question sur le budget : est-ce que les points de vues se sont rapprochés, est-ce que l'on a progressé sur cette question ?
- LE PRESIDENT.- Oui, oui, indiscutablement. On a rappelé expressément, vous le verrez d'ailleurs dans le texte, les engagements de Maastricht.\
QUESTION.- Est-ce que vous pouvez nous dire si effectivement les négociations pour l'élargissement vont commencer au cours de ce Sommet sous la Présidence britannique ?
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas qu'il y ait des contacts établis à la diligence du nouveau Président du Conseil européen que sera M. Major à partir du 1er juillet. C'est tout à fait possible et n'est pas interdit, mais il ne pourra pas y avoir de négociations officielles avant 93.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez mentionné la subsidiarité...
- LE PRESIDENT.- Oui, et de plus en plus cette subsidiarité se comprendra au travers de pratiques concrètes. On peut en débattre indéfiniment comme on le ferait dans une faculté de droit : quand est-ce que l'Europe, l'Union européenne est subsidiaire et quand est-ce l'Etat national ? C'est variable. Pour l'instant, quand on considère la part des contributions sur la base par exemple du produit intérieur brut de chaque pays, l'Union européenne est vraiment subsidiaire £ mais cependant, dans la pratique quotidienne des choses, il arrive aux organes dirigeants de la Communauté d'intervenir dans des affaires dont elles pourraient se dispenser, qui sont à l'évidence du ressort des Etats. Je ne vais pas ici reprendre la querelle des palombes et des fromages pour la France, bien qu'après tout, ce soit quand même un problème qui est de l'ordre national. Mais on a cité dans ces discussions (voilà une indiscrétion, mais je n'en ferai pas beaucoup d'autres), le problème de la pollution des plages £ a savoir, quelle autorité devra définir si telle plage de l'Atlantique ou de la Manche est, comment dirais-je, plus saine qu'une autre ? Je ne pense pas qu'on ait besoin d'un pouvoir européen pour le décider et chacun doit veiller à ses propres conditions sanitaires.\
QUESTION.- Il était question que la présidence portugaise présente à ce Conseil une sorte de catalogue, de charte des intérêts communs en matière de politique extérieure. Est-ce que ce catalogue a été présenté, est-ce qu'il en a été question ?
- LE PRESIDENT.- Oui, il y a forcément une énumération. La discussion s'est engagée sur ce point, (je ne sais pas si cela s'appelle catalogue, peut-être le Président portugais a-t-il employé ce terme, il n'est pas contre-indiqué) mais je ne peux rien vous annoncer de plus que ce que je vous ai déjà dit à ce sujet.\
QUESTION.- Monsieur le Président, après le vote danois, on a beaucoup parlé d'un décalage entre les dirigeants de la Communauté et de l'opinion publique, pensez-vous que des mesures ont été prises ou que quelque chose est sorti de ce Conseil qui pourrait rassurer le public ?
- LE PRESIDENT.- Dans les opinions publiques, il y a des gens qui approuvent Maastricht, d'autres qui le contestent. Moi, je ne peux pas parler au nom de tout le monde, et surtout au nom de tout le monde dans les onze pays en question. C'est une question à laquelle il est impossible de répondre. On a signé un traité et chaque pays recourt à ses propres procédures pour savoir de quelle manière ratifier : un premier pays a eu recours à un référendum, il a dit non, un deuxième pays a eu recours à un référendum, il a dit oui, d'autres pays en petit nombre peuvent recourir au référendum s'il est prévu dans leurs institutions, ce qui est le cas de la France, la plupart des autres s'adresseront à leur parlement. Bon, où est le décalage avec les opinions publiques et que veulent les opinions publiques ? On le saura quand on aura fini cet examen.
- QUESTION.- On a eu l'impression que ce Sommet cherchait à rassurer précisément les opinions publiques pour faciliter la ratification £ est-ce que cette impression est fausse ?
- LE PRESIDENT.- Mais sans aucun doute. A partir du moment où on a beaucoup répandu et ce n'est pas sous votre plume, mais sous vos plumes, que le refus danois a changé jusqu'à la nature juridique du Traité, le désarroi européen... (il est possible que certains aient connu un désarroi, ce n'est pas mon cas). Ce qui est vrai en tout cas, c'et que nous sommes un certain nombre tout à fait déterminés à, - tout en regrettant la décision danoise, et en espérant retrouver les Danois qui sont bien utiles - continuer sans désemparer, sans retourner la tête en arrière et on fera l'Union européenne avec qui le voudra.\
QUESTION.- Est-ce que dans la Présidence anglaise, il serait possible de dépasser les différences entre les pays riches et les pays pauvres à propos des contributions financières ?
- LE PRESIDENT.- Vous voulez parler des quatre pays ? Oui, cela a déjà été admis à Lisbonne. C'est écrit dans le texte que vous verrez, que vous recevrez : les quatre pays les moins prospères ont en effet droit à un statut particulier, c'est déjà reconnu à Lisbonne. On n'a pas besoin d'attendre Edimbourg pour le dire, mais comme l'ensemble de ces conclusions financières seront prises à Edimbourg, on a une indication de tendance, mais la décision n'est pas prise £ elle n'avait pas à être prise avant Edimbourg.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous n'avez pas parlé du GATT. Quelles sont les possibilités d'aboutir à une solution cette année ?
- LE PRESIDENT- J'espère que les négociations du GATT aboutiront, mais elles ne pourront aboutir que s'il y a acceptation de sacrifices de part et d'autre et si on ne s'en tient pas au dialogue sur l'agriculture £ il faut parler aussi du reste, l'industrie, les services, etc. Cela n'aboutira qu'à cette condition, mais je souhaite que cela aboutisse, car un accord sur le GATT serait un facteur important pour la relance de l'économie dans le monde et il y a des interrogations de pays du tiers-monde qui ont besoin de réponses.\
QUESTION.- Monsieur le Président, quelle perspective dégagez-vous de ce sommet pour les pays de l'Europe centrale ?
- LE PRESIDENT.- Pour les pays de l'Europe centrale, indiscutablement on va vers un renforcement des accords d'association, et on ne passe pas encore à l'entrée de ces pays - même si elle est désirée - dans la structure actuelle de la Communauté, qui suppose des contraintes qu'ils ne sauraient pas supporter, et qui ne sont pas supportables par ces pays. Donc, on est en cours de route, on n'est pas arrivé au bout de la route.\
QUESTION.- Les cinq pays candidats de l'AELE sont tous des pays neutres. Est-ce que cela pose un problème, (et je fais référence à ce qu'a dit le Chancelier Kohl, pratiquement à l'ouverture de ce sommet), est-ce que vous voyez la pratique d'une neutralité dans la CEE et quel type de neutralité ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas un obstacle. A l'intérieur de la Communauté, chacun a le droit de se déterminer quant au choix de ses comportements militaires. C'est par exemple aujourd'hui le cas - vous le savez fort bien - de l'UEO qui ne comporte pas tous les membres de la Communauté.
- QUESTION.- Une politique réelle et réellement efficace pour l'UEO, notamment en Yougoslavie, est-elle possible tant que le Traité de Maastricht n'a pas été ratifié par tous ?
- LE PRESIDENT.- Tout cela s'inscrit de toute manière dans la politique définie par le Conseil de Sécurité. Donc tenez cela pour un postulat. Ensuite, il faut savoir que l'UEO n'est qu'embryonnaire, nous sommes au début d'une construction et l'objet de ce qui est éventuel, c'est-à-dire une action de soutien à des démarches humanitaires, est limité à la démarche humanitaire. (Il ne s'agit pas d'actions militaires sur le terrain en face des belligérants actuels). La Communauté se sent autorisée à prendre des décisions de ce genre, à étudier la manière de les mettre en application et à tenir extrêmement serrée sa relation avec le Conseil de Sécurité pour que la démarche soit commune.\