12 avril 1992 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. François Mitterrand, président de la République, accordée à la télévision turque et au journal "Hurriyet" sur les relations entre la Turquie et l'Europe et sur les revendications indépendantistes des Kurdes du sud-est anatolien, le 12 avril 1992.

QUESTION.- Monsieur le Président, merci de nous avoir accordé cet entretien. Demain vous serez en Turquie. Cela fait maintenant vingt trois ans qu'aucune visite présidentielle n'a été effectuée. Il y a eu des hauts et des bas entre nos deux pays. Pourquoi allez-vous en Turquie ? Qu'est-ce qui est changé ? Qu'est-ce que vous attendez de ce voyage ?
- LE PRESIDENT.- Ce qui est changé ? Je ne dis pas depuis hier ou avant-hier, c'est qu'aujourd'hui la Turquie vit dans le cadre d'institutions démocratiques, et d'une pratique qui la rapproche de la plupart des pays d'Europe occidentale, ce qui facilite les choses. Et d'autre part précisément, beaucoup de temps a passé, et nos deux pays qui ont des relations très anciennes ne pouvaient pas rester dans cette sorte d'ignorance mutuelle.
- J'ai d'ailleurs l'occasion de rencontrer plusieurs des hautes personnalités turques au cours de ces dernières années et nous étions convenus qu'un jour ce voyage aurait lieu. Il est maintenant fixé, c'est très bien. J'attends avec beaucoup d'intérêt cette relation directe qui va s'établir, non seulement avec les dirigeants, mais aussi avec le peuple turc.
- QUESTION.- Cela veut-t-il dire que les anciennes critiques vis-à-vis de la Turquie sont maintenant passées ?
- LE PRESIDENT.- Vous pouvez apprécier vous-même. Il y a tout de même un sérieux changement.\
QUESTION.- Quant on vous dit "Turc", monsieur le Président, qu'est-ce que cela vous dit ? Et quelle est votre perception de la Turquie, surtout parce que les valeurs changent, les frontières changent et que l'ont vit dans une région qui est très instable. Nous avons les Balkans, le Caucase !
- LE PRESIDENT.- Turc, Turquie pour nous cela rappelle beaucoup de choses à travers les siècles et nous n'oublions pas ici que la France a été l'un des premiers pays de l'Europe a s'ouvrir à la civilisation turque, - en même temps qu'il y pénétrait - et à la connaître. C'est une grande civilisation, cela a été un peuple conquérant qui a rempli de grandes actions. Donc, quand on évoque la Turquie, on pense à l'une de ces grandes constructions qu'a connue l'humanité.
- Cela a naturellement beaucoup influé sur notre culture, sur nos modes de pensée et nous avons toujours considéré - cela est propre à la France - qu'il était de notre intérêt d'avoir, à l'autre bout de l'Europe, de bons alliés ou de bonnes relations avec un pays fort comme l'a été la Turquie la plupart du temps à travers les siècles. Donc c'est une chose déjà ancienne qui est en train de se modifier, vous avez raison de le dire. Bien que la situation de la Turquie, ses relations avec son voisinage, son voisinage tout entier, tout cela soit bouleversé.
- La Turquie apparaît comme un point fort, et finalement stable qui est très différent de la plupart des pays qui l'entourent et qui connaissent à l'heure actuelle de graves bouleversements. Comme nous appartenons à la même alliance, comme nous avons repris l'habitude de nous fréquenter beaucoup, la Turquie représente un élément déterminant dans la politique mondiale telle qu'on peut la considérer à Paris.
- QUESTION.- C'est ce que je voulais savoir ! Comme le monde a beaucoup changé, votre vision de la Turquie aussi a tout naturellement changé. Que représente la Turquie pour vous dans les années à venir ?
- LE PRESIDENT.- D'abord c'est un pays qui s'est beaucoup modernisé et cela ne date pas d'hier ! C'est un pays qui est rentré pleinement dans le monde d'aujourd'hui, qui joue un rôle certain. Moi j'y suis déjà allé, à titre personnel, touristique, dans le passé. Et j'y ai rencontré beaucoup de merveilles. Toute une partie de ma formation culturelle trouve ses sources dans votre pays.
- QUESTION.- Qui vous a initié à la Turquie ? Qui a commencé à vous en donner l'idée ?
- LE PRESIDENT.- D'abord la lecture, - nous avons beaucoup d'écrivains français qui ont été passionnés par la Turquie - et puis l'histoire. Comment pourrais-je ignorer que depuis François 1er, d'autres aussi, constamment nous nous sommes rencontrés soit sur un plan conflictuel, les luttes religieuses, les luttes politiques, mais beaucoup plus souvent, une sorte de clin d'oeil, de soucis de se ménager, entre ce qui fût l'Empire ottoman, la Turquie et la France. J'ai été nourri de tout cela. Forcément, je porte un grand intérêt à tout ce qui se passe dans votre pays, à son évolution actuelle.
- QUESTION.- Est-ce que la Turquie, est-ce que le Turc fait peur dans votre pays ?
- LE PRESIDENT.- Non, mais non. Pourquoi feraient-ils peur ? C'est un pays qui dispose indiscutablement, depuis sa révolution, il y a maintenant pas mal de décennies, d'une grande réputation. Ce n'est pas un pays tranquille. Ce n'est pas un pays dans lequel il ne se passe rien. C'est un pays intéressant avec lequel nous avons des obligations de discuter dès lors que le dialogue peut s'exercer dans le cadre normal de relations entre pays démocratiques.\
QUESTION.- L'Europe : d'un côté nous voyons, même chez nous, la montée de la droite, et même du racisme, de la fragmentation politique, du séparatisme et des courants nationaux £ de l'autre côté il y a des tendances dangereuses. Quelle sorte d'Europe va-t-on avoir, monsieur le Président ? Une Europe chaotique, indécise ? Une Europe des riches ? Une Europe des Allemands ?
- LE PRESIDENT.- Il y a pour l'instant plusieurs Europes. Il y a essentiellement celle de la Communauté des Douze qui est notre point fixe. Ce n'est pas rien que trois cent quarante, bientôt trois cent soixante millions de personnes puissent vivre ensemble, soumises à des lois communes, sans frontières, sans barrières. On peut penser qu'une zone de paix s'est définitivement établie dans cette partie du monde qui a connu tant de drames. Cela est un énorme progrès en plus c'est une Europe, quand même, prospère même si bien des gens y vivent difficilement. C'est aujourd'hui même, la première puissance commerciale du monde ! Mais il y a des courants un peu partout minoritaires. Il y a des passions, il y a des excès, mais c'est un pays, c'est une région stable et forte. Donc cela est une Europe en plein progrès £ en plein mouvement, mais en plein progrès. Puis il y a aussi d'autres Europes £ l'Europe dite libérale, du libre échange, qui ressemble beaucoup à celle dont je viens de parler au travers de la Suède, de la Suisse ou de l'Autriche, est-il utile d'insister ? Il y a surtout l'Europe héritière du communisme qui est éclatée, qui est aujourd'hui traversée de drames. Je pense à tout ce qui risque d'opposer les Républiques qui hier appartenaient au même Etat. Et puis il y a aussi la tragédie yougoslave ! Alors là c'est la zone d'instabilité, d'insécurité. Nous avons quand même quelques institutions communes, fortes. La CSCE - c'Est-à-dire le système de coopération pour la sécurité commune en Europe à laquelle participent, d'ailleurs comme vous le savez, deux pays extérieurs à l'Europe qui sont les Etats-Unis d'Amérique et le Canada -, qui réunit déjà cinquante-et-un partenaires. C'est une chance de débattre de tout ce qu'elle nous apporte et notamment de notre sécurité commune. C'est un facteur et il y a aussi d'autres institutions : il y a le Conseil de l'Europe auquel vous appartenez, il y a aussi l'Union de l'Europe occidentale. Vous êtes associés avec la Communauté et il est question d'accroître les relations entre la Turquie et l'UEO. Donc, à partir de la Communauté européenne, on peut penser que devrait s'élargir, peu à peu, cette zone de paix et de progrès dans laquelle nous avons la chance, nous, de nous trouver.
- Je ne suis pas pessimiste pour l'Europe !\
QUESTION.- Les membres de la CEE seront-ils au nombre de douze pour longtemps ?
- LE PRESIDENT.- Cela va s'étendre ! Il y a des candidatures qui seront examinées après 1993, après le 1er janvier, disons en 1993 ou 1994. Vous savez fort bien que l'Autriche ou la Suède se trouvent aux portes de l'adhésion. La Turquie a elle-même fait une demande déjà relativement ancienne. Il y en aura d'autres, je parle de la Norvège ou de la Finlande.
- Il est tout à fait souhaitable que la Communauté s'élargisse, mais elle ne peut pas s'élargir au détriment de son homogénéité. C'est là ce que je souhaite faire comprendre. Il n'y a pas une Europe des riches et une Europe des pauvres ! Le problème est de savoir si les institutions européennes, qui sont économiquement très contraignantes notamment avec une perspective de monnaie unique, peuvent être véritablement supportées par des pays pauvres qui seraient très rapidement envahis par le capital, les marchandises et la puissance occidentale. Ce ne serait pas bon pour eux, ce ne serait pas forcément bon pour la Communauté.
- Il faut donc imaginer toute une série de systèmes qui permettront aux uns et aux autres de coopérer d'une façon régulière.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pour la décennie à venir est-ce que le danger que vous prévoyez pour l'Europe est l'intégrisme de l'islam ou le racisme qui monte ?
- LE PRESIDENT.- Ce sont des dangers qui peuvent et doivent être contenus. Nous avons nos lois. Elles doivent être respectées et si l'on observe une sorte de réapparition des pires idéologies que nous avons connues, que j'ai connues dans ma jeunesse, qui ont été à l'origine de la guerre de 1939 - 1940, on peut penser que l'expérience historique - certes les générations présentes ne l'ont pas vécue mais elles ont quand même une mémoire historique - on peut penser que tout cela n'est qu'une série d'épiphénomènes. Certes, j'y prête la plus grande attention. Mais les démocraties ne se laisseront pas déborder.\
QUESTION.- Monsieur le Président, notre opinion publique a le sentiment d'être négligée, écartée quand on pose la question de l'appartenance de la Turquie à l'Europe. Où peut-on placer la Turquie dans l'Europe des années 2000 ? Est-ce que l'on va attendre dans l'antichambre indéfiniment ? C'est ce que notre opinion publique veut savoir. Qu'allez-vous faire de la Turquie ? Un membre à part entière de la Communauté ?
- LE PRESIDENT.- D'abord, il ne m'appartient pas de décider pour la Communauté, nous sommes Douze. Ensuite, ce raisonnement que vous tenez pour la Turquie, il serait applicable à tous les autres candidats à la Communauté qui ne sont pas encore admis. Aucun n'a été admis depuis maintenant de longues années, donc il ne faut pas avoir de complexes, les autres pourraient l'avoir aussi. On doit prendre beaucoup de précautions. Même pour l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, rappelez-vous, il nous a fallu batailler pour obtenir le consentement des Douze et pourtant l'Espagne et le Portugal sont du même type de civilisation et sont tout à fait à nos portes. Donc, ce n'est pas un problème si facile que cela et si je vous rappelle ce que je viens de vous dire à savoir que deux pays l'Autriche et la Suède, se trouvent proches de l'adhésion - ils l'ont demandée, la réponse n'a pas encore été donnée, l'examen doit être accompli - tout cela va selon une solennelle lenteur. Il en est de même pour la Turquie bien qu'il se pose des problèmes particuliers pour la Turquie, vous le savez bien. Le problème particulier pour la Turquie c'est la libre circulation des personnes et la possibilité de s'installer et de travailler là où on le désire. Or la Turquie représente une très forte densité démographique...
- QUESTION.- C'est un danger que vous prévoyez ?
- LE PRESIDENT.- C'est un danger. Humainement, la demande de la Turquie est parfaitement compréhensible et ce n'est pas du tout une demande abusive de la part de la Turquie £ c'est parfaitement admissible mais c'est un gros problème pratique qui se pose pour des pays occidentaux qui ont déjà devant eux des problèmes d'émigration extrêmement compliqués.
- QUESTION.- Est-ce que la religion ne pose pas un problème, monsieur le Président ?
- QUESTION.- Il y a pas mal de gens qui commencent à dire "vous êtes Musulmans, ici c'est un "club des Chrétiens", n'est-ce pas ? LE PRESIDENT.- C'est possible dans l'esprit de beaucoup mais pas dans le mien. Je pense que les différences religieuses, les différences ethniques doivent être surmontées et si l'on veut construire un grand ensemble on ne peut pas non plus prétendre s'identifier à ce type de croyance. Après tout ce problème, d'une façon plus réduite, pourrait se poser à l'égard de plusieurs républiques, de la Yougoslavie, de l'Albanie... mais c'est vrai, dans l'esprit de beaucoup, c'est une raison qui n'est pas exprimée mais qui pèse. Je vous le répète, pas dans mon esprit.\
QUESTION.- Monsieur le Président d'après vos descriptions de la Turquie, votre vision de la Turquie, vous prévoyez un pays unitaire, stable, laïque, démocratique. Mais il y a pas mal de pays qui donnent leur appui, du moins moral, aux activités terroristes des groupes kurdes. Est-ce que ce n'est pas une contradiction ?
- LE PRESIDENT.- Il ne faut pas assimiler exactement les Kurdes et le terrorisme. D'autre part, vous avez bien voulu rappeler notre attachement à la démocratie. Eh bien nous demandons précisément que la démocratie s'applique à tout le monde à l'intérieur des frontières de chaque Etat. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faille encourager la revendication de nombreux Kurdes vers la création d'un Etat unifié qui provoquerait d'immenses difficultés avec plusieurs pays du Proche et du Moyen-Orient, en particulier la Turquie. Non, je ne pense pas qu'il le faille mais il faut que les droits les plus élémentaires de l'homme et du citoyen soient respectés. Parmi ces droits, il y a les droits culturels, c'est-à-dire le droit d'exister, de pouvoir s'exprimer, de pouvoir pratiquer sa langue, de pouvoir être reconnu et cela ne peut pas signifier un encouragement au terrorisme qui est toujours une méthode détestable.
- QUESTION.- Le P.K.K., c'est quoi pour la France ?
- LE PRESIDENT.- Nous ne sommes pas confrontés à ce type de problèmes puisqu'il s'agit d'une région pour nous assez lointaine. C'est l'une des fractions d'un peuple kurde divisé entre plusieurs Etats, lié par une très grande unité culturelle et que séparent beaucoup d'autres choses. C'est un parti politique, ce parti politique recourt à la violence. Cela existe un peu partout en Europe - et même en France, par une extrême minorité, ce n'est pas un problème du même ordre naturellement - mais il y a des gens qui préconisent la violence pour arriver à leurs fins, la violence indistincte, indéterminée, aveugle. Cela n'est pas acceptable. Mais vous ne trouverez pas de solution et vous ne serez pas approuvés par un pays comme le mien si à la base les Kurdes turcs ne bénéficient pas de tous les droits qui doivent être les leurs.
- QUESTION.- Comment séparer le terrorisme kurde et le problème turc ?
- LE PRESIDENT.- Il y a de grandes différences. Je connais un certain nombre de Kurdes qui ont une revendication proprement kurde et qui cependant acceptent fort bien d'être des citoyens turcs. Il m'est arrivé d'en discuter d'ailleurs souvent avec Yasar Kemal et bien d'autres. J'ai rencontré un certain nombre de dirigeants des grands mouvements politiques kurdes et tous ne préconisent pas le terrorisme.
- QUESTION.- Est-ce que l'Europe veut un Kurdistan indépendant ? LE PRESIDENT.- Je viens de vous en parler à l'instant, je vous ai dit que je ne pense pas que le peuple kurde, qui est frappé peut-être par un certain malheur des temps, puisque des frontières ont été tracées qui l'ignorent, qui font qu'il se trouve réparti sur plusieurs Etats, je ne pense pas que ce soit un problème que l'on puisse résoudre par la création d'un Etat proprement dit. Cela conduirait à des conflits multiples auxquels personne n'a intérêt. Mais il faut que cette population, en Turquie comme ailleurs, se voie reconnue avec les droits normaux de toute minorité. Vous savez, le grand problème de l'Europe de demain, ce sera le problème des garanties pour les minorités. Et il faut qu'il y ait des cours arbitrales, des institutions internationales qui à la fois reconnaissent l'existence des Etats, mais aussi qui puissent veiller à ce que les minorités ne soient pas opprimées. Ce problème se pose partout.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous allez voir le Président Ozal, demain, qu'est-ce que vous allez lui dire ? Parce que chez nous aussi il y a une cohabitation qui n'est pas facile, et vous êtes le mieux placé pour le savoir.
- LE PRESIDENT.- Il est normal qu'il y ait une cohabitation si le peuple en décide ainsi.
- QUESTION.- Pour cette visite, votre interlocuteur, c'est M. Ozal ou M. Demirel ?
- LE PRESIDENT.- Mon interlocuteur à moi c'est forcément le Président de la République, mais il y a un Gouvernement en France qui a pour mission d'être en relation directe avec le Gouvernement turc. Cela ne signifie pas qu'il y ait de hauts murs qui séparent une fonction de l'autre. Je rencontrerai avec beaucoup d'intérêt M. Demirel. D'autant plus que cette visite marque bien une évolution intéressante entre la Turquie et la France, car vous savez qu'il y a maintenant des consultations régulières entre les ministres des affaires étrangères. Vous savez qu'il y a des conversations et des entreprises communes de plus en plus nombreuses en matière économique. Vous savez qu'il y a tout un développement culturel dont je suis très heureux, notamment l'Université de langue française.
- QUESTION.- Je suis moi-même de Galatasaray.
- LE PRESIDENT.- Alors vous parlez un excellent français. Ce qui prouve que c'est une bonne base d'éducation et vous parlez beaucoup mieux français que je ne parle le turc !
- QUESTION.- Oui, c'est un peu difficile de parler le turc.
- LE PRESIDENT.- C'est certainement très difficile, mais je vous envie car il est très important d'avoir une culture pour qu'il soit possible en effet de mieux comprendre un peuple à travers son langage. Il y a aussi des développements sur le plan du tourisme. Nos relations se sont approfondies dans la lutte contre l'usage des stupéfiants, le trafic. Donc il y a beaucoup de domaines que nous avons à approfondir dans nos conversations, celles que nous allons avoir avec vos dirigeants. Mais enfin, mon partenaire normal c'est le Président de la République, à cela près que nos institutions sont différentes et que je dispose - c'est la Constitution française - de capacités d'intervention directe dans le domaine exécutif, ce qui n'est pas exactement la traduction de vos institutions à vous. Il ne faut pas être exagérément formaliste et je rencontrerai donc ces deux personnalités avec la même ouverture d'esprit.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que l'on peut dire que votre visite va ouvrir une nouvelle période de relations turco-françaises ?
- LE PRESIDENT.- Je l'espère. En soi, c'est déjà une nouvelle période, puisque vous avez rappelé que cela faisait vingt-trois ans qu'il n'y avait pas eu de visite du même ordre. Mais je l'espère. J'espère que la Turquie va pouvoir confirmer les intentions qu'elle a affirmées, et sur le plan extérieur, et sur le plan intérieur. Je ne me pose pas du tout en une sorte de "contrôleur" de l'évolution turque et ce n'est pas mon rôle. Je trouverais cela choquant et j'ai suffisamment d'estime et de considération pour votre peuple pour ne pas jouer ce rôle-là. Je ne suis pas là pour inspecter ! Je dis simplement, il s'agit là d'un grand peuple, historiquement très incrusté dans l'histoire de l'Europe. C'est aussi un pays qui a su se moderniser, ce qui exige beaucoup de courage, beaucoup de volonté. Et comme nous sommes appelés de plus en plus à vivre ensemble, eh bien aller vous visiter m'intéresse et j'en profite pour m'adresser aux Turcs. Ils nous écoutent, il faut leur dire que je viens chez eux avec le souci d'approfondir, d'améliorer nos relations, de retrouver la grande veine historique qui fut la nôtre.\