10 février 1992 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la recherche universitaire, l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et la coopération inter universitaire en Europe, Paris, le 10 février 1992.

Mesdames,
- Messieurs,
- Il était bien naturel que nous nous retrouvions ici. Vous avez créé, mis en place, une université, c'en est une dont j'attends beaucoup, et je vous devais bien, à vous-même, comme à vous toutes et à vous tous, mesdames et messieurs, d'inaugurer cette initiative en vous recevant dans ces lieux. Comme il vient d'être dit, vous représentez diverses entités, la science, la culture, la recherche, l'enseignement et j'ai souhaité marquer cet événement avec une certaine solennité, marquer, en votre compagnie, la création de l'Institut universitaire de France.
- Vous le savez, la France possède de grands établissements de création et de diffusion du savoir. Ses universités sont parmi les plus anciennes du monde. Elles ont été complétées au fil des siècles par des institutions prestigieuses comme le Collège de France, les écoles spéciales (qui sont les ancêtres de nos grandes écoles), et plus récemment par des instituts de recherche comme le Centre National de la Recherche scientifique. Chaque époque a su créer les instruments culturels qui ont permis à notre pays de tenir son rang - et quel rang ! - dans le domaine de l'esprit et du savoir.
- L'histoire nous a ainsi légué un véritable réseau de recherche et d'enseignement supérieur, dense, dynamique, de grande qualité. Mais, vous admettrez qu'il ne suffit pas d'hériter d'un tel dispositif et que notre devoir est de veiller à ce qu'il soit toujours en mesure de produire les effets que l'on attend de lui, à ce qu'il puisse être toujours aussi créatif et utile. L'adaptation de l'Université aux évolutions du monde est une nécessité d'autant plus évidente qu'elle conditionne la réussite de notre pays dans l'avenir.\
C'est pour cette raison que j'ai placé l'éducation, et en particulier l'enseignement supérieur ou la recherche en tête des priorités pour le gouvernement. Dès 1981, de nombreuses actions ont été engagées pour augmenter les niveaux de formation et de qualification, pour les adapter davantage aux réalités des professions, et pour ouvrir au plus grand nombre la culture.
- Dans cet esprit, le ministre de l'éducation nationale a entrepris cet important plan de rénovation de l'enseignement supérieur qui n'était pas tâche facile, il y fallait de l'imagination et du courage. Mais cette rénovation commence à porter ses fruits. Même s'il reste des secteurs où le débat ne fait que commencer, on peut dire qu'il y a déjà de nombreuses réalisations qui ont amélioré le fonctionnement de l'Université.
- L'augmentation du budget - cela n'est pas négligeable - consacré à l'enseignement supérieur est significative : 70 % de plus en quatre ans. Je crois pouvoir dire que jamais l'augmentation n'a été aussi forte. Ce qui a permis de prendre des initiatives multiples : revalorisation des carrières, formation des enseignants, créations de postes, augmentation massive des effectifs d'étudiants, adoption d'un plan social à leur intention et enfin élaboration et conduite, avec les collectivités territoriales, du plan "Université 2000" qui va doter la France des installations universitaires dont elle a besoin. Bref, un effort considérable a été fourni.
- Cet effort était nécessaire pour plusieurs raisons, en tout cas celles-ci : la première de ces raisons c'est qu'elle tient à la nature de la compétition économique actuelle. Il faut tenir notre place dans cette compétition, compter de plus en plus sur l'intelligence, après tout la meilleure des matières premières. Le développement de l'enseignement supérieur et de la recherche est plus que jamais un investissement d'avenir, l'investissement de l'avenir.\
Une seconde raison qui justifie notre effort en matière de formation supérieure tient à notre volonté de réussir la construction européenne £ nous arrivons maintenant au rendez-vous déterminant puisqu'il faudra, avant la moitié de cette année, savoir ce que la France entend faire des dispositions adoptées à Maastricht sur l'unité économique, monétaire et politique des douze pays de l'Europe.
- Mais pour exister, l'Europe a besoin d'institutions universitaires. Chaque pays membre développera les siennes. Grâce à la rénovation engagée par le ministre de l'éducation nationale, et sans tomber dans un excès d'amour-propre national, les universités françaises, ce que nous représentons, ce que vous représentez, ce que votre enseignement signifie, la longue histoire dont il est porteur, ces universités françaises, par leur qualité, nous permettront, à nous la France, d'apporter tous ensemble une contribution très importante à l'Europe tout entière.
- Telles sont, mesdames et messieurs, les raisons pour lesquelles je tiens à ce que la formation et la recherche universitaires soient l'objet d'une attention très particulière de la part du gouvernement. Et c'est dans ce contexte que la création de l'Institut universitaire de France prend sa signification.
- Comme vous venez de le dire, monsieur le ministre, il s'agit là d'un organisme original et sans équivalent. En fait, c'est une université, je vous le disais, une université sans mur. Ceux qui en feront partie auront des conditions de travail que je crois améliorées et ils pourront ainsi amplifier et accélérer leurs travaux. Mais ce qui est, en plus, intéressant, c'est qu'ils pourront continuer leurs recherches là où ils ont leurs laboratoires, leurs équipes, leurs bibliothèques, sans avoir à changer de poste, à s'exiler, à reconstruire le dispositif et le matériel dont ils ont besoin.
- Eh bien, il y aura un nouvel organisme universitaire destiné à dynamiser la recherche. Ses membres seront dispersés dans toute la France, dans toutes les régions, ce qui sera peut-être également très heureux pour que la recherche ne reste pas concentrée à Paris et dans sa région - mme si Paris est un lieu d'élection - pour qu'elle puisse essaimer, se développer sur l'étendue de tout le territoire national.
- Vous le comprendrez, une telle institution n'a de sens que si elle permet une véritable impulsion. Il fallait que puissent s'y exprimer des savants confirmés, mais aussi des jeunes chercheurs au talent prometteur, des personnalités étrangères. C'est ce qui sera réalisé puisque l'Institut universitaire de France sera composé de membres seniors, de membres juniors, de membres associés. Tout est donc réuni pour assurer la complémentarité, l'ouverture, et la qualité. Que demander de plus ?... C'est peut-être déjà demander beaucoup.\
Mesdames et messieurs, nous recevons, vous recevez avec moi, les premiers lauréats de ce nouvel Institut. Ils ont été choisis avec soin par un jury présidé, comme on l'a dit, par M. Laurent Schwartz qui, une nouvelle fois - j'ai souvent fait appel à lui, peut-être à l'excès - a bien voulu apporter sa compétence et sa passion pour l'université française. Je l'en remercie, ainsi que tous ceux qui ont participé à la mise en place du nouvel institut ainsi qu'à la sélection des lauréats.
- Ces lauréats, que je salue aussi, représentent par leur talent, par leurs travaux, par leurs recherches, ce qu'il y a précisément de plus affiné en France dans le domaine de l'esprit. Ils portent - avec d'autres - mais ils portent les espoirs de notre université future, qui sera faite de renouveau et de tradition.
- Je suis certain qu'ils en seront dignes. Je leur exprime ma confiance, ma reconnaissance, mes encouragements, et quand je dis mes encouragements, ma reconnaissance et ma confiance, je veux dire la reconnaissance du monde universitaire, mais bien au-delà, la reconnaissance du pays.\