4 janvier 1992 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'engagement de la France en faveur de la paix et de la prévention des conflits et dans la lutte contre le sous-développement, Paris le 4 janvier 1993.

Monsieur le Nonce,
- Je vous remercie une nouvelle fois pour les voeux que vous venez d'exprimer, et qui, au-delà de ma personne, ou de ma famille, vont vers la collectivité que je représente, c'est à dire la France, et vers l'ensemble des nations ici représentées.
- Il est certain que, quelles que soient les mutations constantes sur la surface de la terre, aucun d'entre nous ni aucune société n'a encore eu assez d'autorité pour en chasser le malheur, la misère ou l'inquiétude qui habitent le coeur de l'homme. Le problème est simplement de savoir si nous allons vers un progrès et telle est votre conclusion, Monsieur le Nonce. A force de travaux, de patience, mais aussi avec toutes les ressources de l'intelligence et du savoir, on peut espérer mettre à la disposition de la société humaine un instrument qui permettra, non pas de créer la paix entre les hommes, mais d'en reconnaître les itinéraires. Vous aurez l'obligeance, Monsieur le Nonce, de transmettre à sa sainteté le Pape Jean-Paul II, les sentiments qui sont les miens, qu'il connait : nous avons pu, à travers ces dernières années, entretenir de multiples relations et je vous remercie, non seulement des propos que vous avez tenus mais de la charge du message spirituel qu'ils contenaient. Et vous, monsieur et messieurs vous représentez, on peut le dire, l'ensemble des nations. Dites à vos chefs d'Etat et de gouvernement que la France compte sur eux pour saisir toute occasion qui fera avancer la paix et la concorde. Il y a des points ici et là où l'incendie couve toujours. Mais malgré tout quand on refait l'histoire de ce siècle, quand on a pu vivre, comme moi-même, au temps de deux conflits mondiaux, quand on a connu la somme des malheurs et des misères qui se sont abattus sur de larges fractions de l'humanité, la somme des dictatures, des régimes impitoyables, le compte innombrable des victimes, on se dit que la phase historique dans laquelle nous sommes marque une avancée. C'est vrai, c'est difficile l'Europe d'aujourd'hui, le réveil des nationalismes concurrents qui, souvent, se définissent selon des critères ethniques, ce qui est dangereux. C'est vrai, mais cette période que certains décrivent avec tant d'inquiétude est quand même meilleure que celle qui l'a précédée où les plus grands troubles se sont emparés de la société des hommes, les plus grands malheurs. Les foyers d'incendie, je le répète, sont encore nombreux, mais ils peuvent être dominés, contrôlés £ des méthodes sont en cours, il existe des tribunaux internationaux, une société internationale, il existe mille et une procédures à partir des Nations unies et de quelques autres. Il faut employer à plein les moyens de la négociation et du dialogue plutôt que de recourir à l'intimidation et à la force.\
L'esprit des Européens en particulier est très occupé par le devenir de l'ancienne Yougoslavie, par les combats qui se livrent actuellement surtout en Bosnie, par l'état de déséquilibre où se trouvent la plupart des républiques de cet ancien Etat. Il est vraiment triste que le partage des positions se fasse autour de thèmes ethniques ou religieux. Ce ne sont pas des bases suffisantes pour une nation moderne, mais enfin c'est comme cela. Et le devoir des autres puissances est de veiller à ce que fonctionnent les procédures d'arbitrage et de conciliation et le cas échéant de prévention des conflits comme la France a eu l'honneur de le demander aux Nations unies, à la Communauté européenne et à la CSCE au cours de ces derniers mois. De toute façon, parmi les objectifs qui sont les nôtres il y a aussi la lutte contre le sous-développement, contre tous les moyens de retarder le développement. La plupart de vos pays savent de quoi je parle. Les pays d'Afrique, pour la plupart, reculent sous le poids de leur démographie, ou bien dépendants qu'ils sont des décisions prises en dehors d'eux sur des places financières où l'on se joue de leurs intérêts les plus évidents, (trafic sur les matières premières, sur les changes) et finalement tant de pays qui voient leurs plans de développement contrariés par des décisions arbitraires ou simplement des intérêts plus forts que d'autres. De ce point de vue, la France, je l'ai dit tout à l'heure à un certain nombre d'entre vous, a choisi pour mission d'être auprès des peuples ainsi frappés dans leur dignité et leur souveraineté et qui luttent pied à pied pour tenter de retrouver un minimum de prospérité. Il faut les aider, tel est notre choix en tout cas. Donc le dialogue, le compromis, la conciliation en Europe et dans l'ensemble du monde, un effort des pays développés pour contribuer, non pas à la prospérité mais au redressement des pays les plus pauvres, c'est ce que fait la France qui reste parmi les sept plus grands pays industrialisés, le premier d'entre eux dans l'aide bilatérale et multilatérale apportée à ce que l'on appelle grossiérement le Tiers monde. Nous n'allons pas traiter de tous les problèmes, ni surtout les résoudre. Ce n'est pas le lieu et puis vous les connaissez comme moi. Chacun d'entre vous vit dans son pays ou représente son pays, est appelé à changer de continent au gré d'une carrière. Vous moissonnez les informations, vous connaissez la vie des sociétés, faites-en profiter la France où vous vous trouvez actuellement. Croyez-moi, mesdames et messieurs, je voudrais que, en ce 4 janvier, à l'ouverture d'une année nouvelle, vous vous sentiez bien chez nous, puisque vous êtes appelés à y résider assez longtemps parfois et même si vous n'avez que des passages fugitifs parmi nous, sachez que vous êtes les bienvenus. Nous voulons être un peuple accueillant et recevoir, comme nous le sommes souvent nous-mêmes dans des pays étrangers en ressentant l'honneur de votre présence. Bonne et heureuse année, mesdames et messieurs, pour vous mêmes, pour vos familles, pour vos pays, pour vos peuples. L'année prochaine du temps se sera écoulé, des événements se seront produits. Nous aurons connu des joies et des peines, c'en est banal. J'espère que nous nous retrouverons plus forts et plus conscients des responsabilités qui sont les nôtres. Je veux dès ce soir que vous sachiez que le message de mon pays est à votre égard et à celui des vôtres un message d'amitié et de confiance.\