24 octobre 1991 - Seul le prononcé fait foi

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Interview accordée par M. François Mitterrand, Président de la République, dans "Le Journal du Centre" du 24 octobre 1991, sur les mesures envisagées pour résoudre les problèmes de l'agriculture.

QUESTION.- Après vos déclarations à France-Inter mardi matin, qu'est-ce que le gouvernement va faire concrètement ?
- LE PRESIDENT.- Permettez-moi d'énumérer les principaux problèmes posés par les agriculteurs et leurs dirigeants. Si j'en juge par les dispositions prises ou prévues par Mme Cresson et MM. Mermaz et Bérégovoy, vous constaterez qu'aucun de ces problèmes n'est insurmontable.
- Le foncier non bâti ?
- Cet impôt va être réformé et pourquoi pas disparaîtra à terme, si une compensation est trouvée pour les communes rurales. Pour les éleveurs, il a été allégé en 1991, il le sera en 1992. En deux ou trois ans, on en finira avec ce débat.
- Les préretraites ?
- Elles seront généralisées pour les exploitants âgés de 55 ans et plus qui le désirent.
- Les carburants verts ?
- Absolument d'accord pour les détaxes qui permettront le développement de cette forme d'énergie renouvelable.
- La prime à la vache allaitante ?
- La France a déjà décidé d'augmenter de 40 % la partie payée sur le budget national. Pour la partie communautaire, on en discute à Bruxelles. On peut être optimiste.
- Les calamités agricoles ?
- Le gouvernement a mis sur la table une proposition de réforme. Les objectifs en sont clairs : une accélération des procédures d'indemnisation et en contre-partie une plus grande responsabilité de la profession. Celle-ci y est-elle prête ?
- Le contrôle aux frontières des importations de viande ? Il a déjà été considérablement renforcé. Il continuera de l'être.\
`Suite sur les propositions en matière de politique agricole`
- Des mesures fiscales sur les transmissions d'exploitation ?
- Le système fiscal français est excessif et complexe. Il met nos agriculteurs dans une situation de concurrence difficile. Procédons à une simplification et à des abattements. Mais, en contrepartie, les bénéficiaires de ces mesures devront s'engager à maintenir l'affectation agricole de leurs biens. De façon générale, la fiscalité agricole doit favoriser l'investissement comme c'est le cas dans l'industrie.
- Une nouvelle organisation de l'espace rural ?
- Oui. J'invite à une vaste concertation sur ce point, non seulement les organisations agricoles, mais plus largement toutes les associations du monde rural. Pourquoi pas des états généraux ? La dotation de solidarité rurale que j'ai demandée va dans ce sens. Enfin, le débat sur les nouvelles orientations de la politique agricole à Bruxelles ?
- La France n'est fermée à rien, à condition que les principes fondamentaux de la politique agricole soient respectés : prix unique dans un marché unique, solidarité financière, préférence communautaire. Ainsi, pourra être trouvé un meilleur équilibre entre aide aux produits et aide à la personne.\
QUESTION.- Vous avez dit que le gouvernement n'avait pas de responsabilité dans la crise actuelle de l'agriculture. Qu'est-ce que cela veut dire ?
- LE PRESIDENT.- Je comprends l'inquiétude et les difficultés des agriculteurs et surtout des éleveurs. Mais je ne comprends pas pourquoi ils se retournent contre le gouvernement. Le gouvernement cherche à réparer les dommages causés par les calamités naturelles. Il n'est pas maître de la fixation des cours sur les marchés agricoles qui obéissent aux lois du libéralisme économique. Il intervient pour tenter d'en atténuer les excès.
- Il n'est à l'origine d'aucune des difficultés majeures rencontrées par l'agriculture française, bien au contraire. Alors pourquoi s'en prendre à lui ?
- Je vous laisse le soin de répondre.\