23 octobre 1991 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'action de la France et de l'Indonésie dans le règlement du conflit du Cambodge et sur le rôle joué par l'ONU dans le règlement des conflits régionaux, Paris, le 23 octobre 1991.
Monseigneur,
- Monsieur le secrétaire général,
- Madame et messieurs les ministres,
- Mesdames, messieurs,
- Au nom de la France, je vous souhaite la bienvenue. Et je déclare ouverte la conférence de Paris sur le Cambodge. Nous sommes aujourd'hui réunis, pour conclure un accord de paix sur le Cambodge et, par là-même, tourner une page sombre de l'histoire de ce pays, non seulement de ce pays mais aussi de toute l'Asie du Sud-Est, région du monde où, pour la première fois depuis cinquante ans, les armes vont se taire.
- Certains d'entre vous se souviendront sans doute que c'est dans cette même salle que s'est tenu, il y a bientôt un an, le sommet de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe au cours duquel fut proclamée la fin de la guerre froide et adoptée la Charte de Paris. Je vois dans cette coïncidence un signe encourageant puisqu'après l'Europe c'est en Asie que nous nous employons à jeter les bases d'un nouvel ordre de paix et de coopération.\
Lorsqu'en septembre 1988, à New York, à la tribune de l'Assemblée générale de l'organisation des Nations unies, j'avais invité les parties concernées par le conflit du Cambodge à se rencontrer à Paris, j'étais animé, comme vous tous, par le souci de voir s'achever le long calvaire que connaissait ce pays depuis 1970. J'avais aussi la conviction que seul un règlement politique d'ensemble était en mesure de mettre fin à la tragédie de ce peuple pris dans la tourmente de la deuxième guerre d'Indochine, puis livré à un régime impitoyable entre tous.
- L'action tenace de la France et de l'Indonésie à ses côtés en faveur de la paix est aujourd'hui couronnée de succès. En juillet 1989, nous avions commencé d'espérer. Mais des dissensions entre puissances de la région et des querelles entre Cambodgiens nous avaient empêché d'aboutir. Cette rencontre de 1989 avait cependant permis à tous de se réunir pour la première fois autour d'une même table et de définir les axes d'un règlement politique, après tout, ces axes sont ceux qui ont fini par s'imposer. On le constate dans d'autres conflits : établir un cadre de travail, se mettre d'accord sur les prémices d'une solution, c'est déjà faire la moitié du chemin. L'accord que nous allons signer tout à l'heure est l'oeuvre des pays de la région, et d'abord de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, qui ont veillé pendant de longues années à ce que ce conflit ne fut pas oublié. Elle est l'oeuvre aussi des voisins immédiats du Cambodge et de pays qui ont surmonté le découragement en préconisant l'intervention des Nations unies.
- Cette idée a conduit aux travaux qui ont été menés depuis janvier 1990 par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Ceux-ci n'entendaient pas dicter au Cambodge, bien entendu, les termes d'un accord mais, en se fondant sur les responsabilités qui sont les leurs au titre de la Charte, ils ont voulu user de leur influence pour contribuer à la recherche d'un règlement de paix. L'association, très étroite, à ces travaux, du secrétaire général des Nations unies, que je salue, et de ses collaborateurs, ont confirmé une nouvelle fois le rôle déterminant joué par les Nations unies au cours des dernières années pour le règlement de nombre de conflits qu'il est convenu par euphémisme diplomatique de dénommer "régionaux". Mais rien n'aurait pu se faire sans la volonté des Cambodgiens eux-mêmes de surmonter les haines, les rancunes, de se réconcilier, retrouvant en cela l'esprit de l'ancienne devise khmère "le Cambodge s'aide lui-même".
- J'entends également rendre ici hommage au Prince Sihanouk qui a su, au moment opportun, remplir le rôle historique que les circonstances exigeaient et que lui seul, je le pense, pouvait assumer. Son retour à Phnom-Penh, le mois prochain, sera le symbole de la renaissance du Cambodge, de la réconciliation de tous les Cambodgiens. Et tous, ici présents, méritent qu'on leur dise qu'ils ont agi, à la fois dans l'intérêt de leur peuple et dans l'intérêt de la paix dans le monde. Ce soir, une nouvelle page de l'histoire du Cambodge commencera d'être écrite.\
Il appartient désormais aux Nations unies d'organiser une opération d'une envergure sans précédent dans leurs annales. Une autorité provisoire dotée d'une composante civile et militaire va veiller au maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité du Cambodge pendant la période transitoire et garantira durant ce temps la neutralité politique, indispensable à la tenue prochaine d'élections libres, démocratiques et à la réconciliation nationale. Les accords auxquels nous avons abouti ne laissent dans l'ombre aucune des dimensions du conflit. Ils traitent de façon précise de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale, de la neutralité et de l'unité nationale du Cambodge, ainsi que de la démobilisation et du désarmement, du retour des réfugiés et des personnes déplacées. Pour tenir compte de la spécificité du problème cambodgien et de tout ce qui s'y est accompli, ces accords contiennent également des dispositions contraignantes en matière de respect des droits de l'homme, ce qui n'a de précédent dans aucun autre accord international. En signant ce document ce soir, nous savons que notre rôle n'est pas terminé. Des difficultés subsistent et subsisteront et nous craignons en particulier que les conditions de retour des 350000 réfugiés ne s'effectuent pas toujours dans des conditions de sécurité, de liberté et de dignité compatibles avec les engagements pris par tous.
- C'est pourquoi, je lance ici un appel solennel à tous les responsables, pour qu'ils reconnaissent au seul Haut Commissaire pour les réfugiés des Nations unies la responsabilité du rapatriement et de la réinstallation des personnes déplacées. Il faut que tous le comprennent et l'admettent. Les opérations que les Nations unies engageront au Cambodge seront d'une ampleur jamais atteinte pour et par la communauté internationale. Mais c'est le prix de la paix. Et il sera, croyez-moi, moins élevé que celui de la poursuite de la guerre et de la misère d'un peuple.
- A compter d'aujourd'hui, le peuple kmer va retrouver la pleine maîtrise de son destin. Il n'appartient qu'à lui de déterminer son avenir politique. Mais personne n'acceptera qu'il connaisse de nouvelles souffrances. Les Cambodgiens, je crois pouvoir le dire en votre nom, aspirent à la paix, de toutes leurs forces. Ce qui exige l'abandon de tout esprit de revanche qui serait aussi dangereux que l'oubli de l'histoire et de ses drames.
- A tous les Cambodgiens, je souhaite bonne chance et longue vie, dans leur peuple, réunis, et dans leur pays, libres. L'Asie comme le reste du monde change. Elle connait depuis plusieurs années une croissance économique exceptionnelle. Les principes démocratiques y gagnent progressivement du terrain et la fin de la guerre du Cambodge ouvre dans cette région de l'Asie du Sud-Est des perspectives prometteuses fondées sur la croissance et les valeurs communes du progrès et de la démocratie. Les frontières vont enfin s'ouvrir pour le pays khmer. Le Cambodge va reprendre sa place dans le monde, comme ce fut le cas le mois dernier, à l'Assemblée générale des Nations unies. En faisant ce choix, le Cambodge a fait aussi celui de la démocratie. Et je salue l'engagement solennel pris par tous les membres du Conseil national suprême en faveur d'une démocratie pluraliste. Rien ne pouvait mieux inciter la communauté internationale et ses institutions financières ainsi que les organisations spécialisées des Nations unies à fournir à ce pays, à votre pays, les moyens de sa reconstruction et de son développement.\
Qu'on me permette, puisque vous vous réunissez à Paris, et que j'exerce la charge suprême de la France, de saluer aussi la reprise des relations entre le Cambodge et mon pays. Comment n'en serai-je pas très heureux, en raison des liens si forts qui nous unissent et qui n'ont jamais été rompus ? Nos sentiments pour le Cambodge n'ont jamais décliné. Je crois pouvoir dire que notre façon d'agir montre que ni l'aide ni les sentiments n'ont été taris. Et nous sommes prêts à continuer, en particulier à accueillir dans nos grandes écoles, nos universités, nos laboratoires ceux qui sont appelés à diriger le Cambodge de demain. C'est une invitation très amicale. J'encourage aussi très vivement tous nos chefs d'entreprise, nos hommes d'affaires, nos banquiers et les autres, ingénieurs, techniciens à reprendre le chemin du Cambodge. Je dis cela au nom de la France, parce que c'est elle que j'engage, mais je suis sûr que les paroles que je prononce ici pourraient être dites aussi bien par les responsables de nombreux autres pays.
- Je veux maintenant, pour conclure, répéter mes voeux les plus ardents pour la renaissance du Cambodge, mes voeux pour ce peuple, votre peuple, pour la paix, pour la démocratie. Il y a droit, le peuple khmer. Et nous, membres de la Conférence de Paris, ici assemblés, nous entendons en rester les garants, quoi qu'il advienne. C'est une sorte d'engagement auquel nous souscrivons puisque nous avons l'honneur d'être auprès de vous pour signifier une ère nouvelle.\
- Monsieur le secrétaire général,
- Madame et messieurs les ministres,
- Mesdames, messieurs,
- Au nom de la France, je vous souhaite la bienvenue. Et je déclare ouverte la conférence de Paris sur le Cambodge. Nous sommes aujourd'hui réunis, pour conclure un accord de paix sur le Cambodge et, par là-même, tourner une page sombre de l'histoire de ce pays, non seulement de ce pays mais aussi de toute l'Asie du Sud-Est, région du monde où, pour la première fois depuis cinquante ans, les armes vont se taire.
- Certains d'entre vous se souviendront sans doute que c'est dans cette même salle que s'est tenu, il y a bientôt un an, le sommet de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe au cours duquel fut proclamée la fin de la guerre froide et adoptée la Charte de Paris. Je vois dans cette coïncidence un signe encourageant puisqu'après l'Europe c'est en Asie que nous nous employons à jeter les bases d'un nouvel ordre de paix et de coopération.\
Lorsqu'en septembre 1988, à New York, à la tribune de l'Assemblée générale de l'organisation des Nations unies, j'avais invité les parties concernées par le conflit du Cambodge à se rencontrer à Paris, j'étais animé, comme vous tous, par le souci de voir s'achever le long calvaire que connaissait ce pays depuis 1970. J'avais aussi la conviction que seul un règlement politique d'ensemble était en mesure de mettre fin à la tragédie de ce peuple pris dans la tourmente de la deuxième guerre d'Indochine, puis livré à un régime impitoyable entre tous.
- L'action tenace de la France et de l'Indonésie à ses côtés en faveur de la paix est aujourd'hui couronnée de succès. En juillet 1989, nous avions commencé d'espérer. Mais des dissensions entre puissances de la région et des querelles entre Cambodgiens nous avaient empêché d'aboutir. Cette rencontre de 1989 avait cependant permis à tous de se réunir pour la première fois autour d'une même table et de définir les axes d'un règlement politique, après tout, ces axes sont ceux qui ont fini par s'imposer. On le constate dans d'autres conflits : établir un cadre de travail, se mettre d'accord sur les prémices d'une solution, c'est déjà faire la moitié du chemin. L'accord que nous allons signer tout à l'heure est l'oeuvre des pays de la région, et d'abord de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, qui ont veillé pendant de longues années à ce que ce conflit ne fut pas oublié. Elle est l'oeuvre aussi des voisins immédiats du Cambodge et de pays qui ont surmonté le découragement en préconisant l'intervention des Nations unies.
- Cette idée a conduit aux travaux qui ont été menés depuis janvier 1990 par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Ceux-ci n'entendaient pas dicter au Cambodge, bien entendu, les termes d'un accord mais, en se fondant sur les responsabilités qui sont les leurs au titre de la Charte, ils ont voulu user de leur influence pour contribuer à la recherche d'un règlement de paix. L'association, très étroite, à ces travaux, du secrétaire général des Nations unies, que je salue, et de ses collaborateurs, ont confirmé une nouvelle fois le rôle déterminant joué par les Nations unies au cours des dernières années pour le règlement de nombre de conflits qu'il est convenu par euphémisme diplomatique de dénommer "régionaux". Mais rien n'aurait pu se faire sans la volonté des Cambodgiens eux-mêmes de surmonter les haines, les rancunes, de se réconcilier, retrouvant en cela l'esprit de l'ancienne devise khmère "le Cambodge s'aide lui-même".
- J'entends également rendre ici hommage au Prince Sihanouk qui a su, au moment opportun, remplir le rôle historique que les circonstances exigeaient et que lui seul, je le pense, pouvait assumer. Son retour à Phnom-Penh, le mois prochain, sera le symbole de la renaissance du Cambodge, de la réconciliation de tous les Cambodgiens. Et tous, ici présents, méritent qu'on leur dise qu'ils ont agi, à la fois dans l'intérêt de leur peuple et dans l'intérêt de la paix dans le monde. Ce soir, une nouvelle page de l'histoire du Cambodge commencera d'être écrite.\
Il appartient désormais aux Nations unies d'organiser une opération d'une envergure sans précédent dans leurs annales. Une autorité provisoire dotée d'une composante civile et militaire va veiller au maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité du Cambodge pendant la période transitoire et garantira durant ce temps la neutralité politique, indispensable à la tenue prochaine d'élections libres, démocratiques et à la réconciliation nationale. Les accords auxquels nous avons abouti ne laissent dans l'ombre aucune des dimensions du conflit. Ils traitent de façon précise de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale, de la neutralité et de l'unité nationale du Cambodge, ainsi que de la démobilisation et du désarmement, du retour des réfugiés et des personnes déplacées. Pour tenir compte de la spécificité du problème cambodgien et de tout ce qui s'y est accompli, ces accords contiennent également des dispositions contraignantes en matière de respect des droits de l'homme, ce qui n'a de précédent dans aucun autre accord international. En signant ce document ce soir, nous savons que notre rôle n'est pas terminé. Des difficultés subsistent et subsisteront et nous craignons en particulier que les conditions de retour des 350000 réfugiés ne s'effectuent pas toujours dans des conditions de sécurité, de liberté et de dignité compatibles avec les engagements pris par tous.
- C'est pourquoi, je lance ici un appel solennel à tous les responsables, pour qu'ils reconnaissent au seul Haut Commissaire pour les réfugiés des Nations unies la responsabilité du rapatriement et de la réinstallation des personnes déplacées. Il faut que tous le comprennent et l'admettent. Les opérations que les Nations unies engageront au Cambodge seront d'une ampleur jamais atteinte pour et par la communauté internationale. Mais c'est le prix de la paix. Et il sera, croyez-moi, moins élevé que celui de la poursuite de la guerre et de la misère d'un peuple.
- A compter d'aujourd'hui, le peuple kmer va retrouver la pleine maîtrise de son destin. Il n'appartient qu'à lui de déterminer son avenir politique. Mais personne n'acceptera qu'il connaisse de nouvelles souffrances. Les Cambodgiens, je crois pouvoir le dire en votre nom, aspirent à la paix, de toutes leurs forces. Ce qui exige l'abandon de tout esprit de revanche qui serait aussi dangereux que l'oubli de l'histoire et de ses drames.
- A tous les Cambodgiens, je souhaite bonne chance et longue vie, dans leur peuple, réunis, et dans leur pays, libres. L'Asie comme le reste du monde change. Elle connait depuis plusieurs années une croissance économique exceptionnelle. Les principes démocratiques y gagnent progressivement du terrain et la fin de la guerre du Cambodge ouvre dans cette région de l'Asie du Sud-Est des perspectives prometteuses fondées sur la croissance et les valeurs communes du progrès et de la démocratie. Les frontières vont enfin s'ouvrir pour le pays khmer. Le Cambodge va reprendre sa place dans le monde, comme ce fut le cas le mois dernier, à l'Assemblée générale des Nations unies. En faisant ce choix, le Cambodge a fait aussi celui de la démocratie. Et je salue l'engagement solennel pris par tous les membres du Conseil national suprême en faveur d'une démocratie pluraliste. Rien ne pouvait mieux inciter la communauté internationale et ses institutions financières ainsi que les organisations spécialisées des Nations unies à fournir à ce pays, à votre pays, les moyens de sa reconstruction et de son développement.\
Qu'on me permette, puisque vous vous réunissez à Paris, et que j'exerce la charge suprême de la France, de saluer aussi la reprise des relations entre le Cambodge et mon pays. Comment n'en serai-je pas très heureux, en raison des liens si forts qui nous unissent et qui n'ont jamais été rompus ? Nos sentiments pour le Cambodge n'ont jamais décliné. Je crois pouvoir dire que notre façon d'agir montre que ni l'aide ni les sentiments n'ont été taris. Et nous sommes prêts à continuer, en particulier à accueillir dans nos grandes écoles, nos universités, nos laboratoires ceux qui sont appelés à diriger le Cambodge de demain. C'est une invitation très amicale. J'encourage aussi très vivement tous nos chefs d'entreprise, nos hommes d'affaires, nos banquiers et les autres, ingénieurs, techniciens à reprendre le chemin du Cambodge. Je dis cela au nom de la France, parce que c'est elle que j'engage, mais je suis sûr que les paroles que je prononce ici pourraient être dites aussi bien par les responsables de nombreux autres pays.
- Je veux maintenant, pour conclure, répéter mes voeux les plus ardents pour la renaissance du Cambodge, mes voeux pour ce peuple, votre peuple, pour la paix, pour la démocratie. Il y a droit, le peuple khmer. Et nous, membres de la Conférence de Paris, ici assemblés, nous entendons en rester les garants, quoi qu'il advienne. C'est une sorte d'engagement auquel nous souscrivons puisque nous avons l'honneur d'être auprès de vous pour signifier une ère nouvelle.\