14 juillet 1991 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM. François Mitterrand, Président de la République, et George Bush, Président des Etats-Unis, notamment sur l'aide des pays industrialisés à l'URSS et aux pays de l'Est et la possibilité d'une intervention militaire en Irak sur un site nucléaire, Rambouillet le 14 juillet 1991.
LE PRESIDENT.- Nous venons, le Président George Bush et moi-même, de débattre de quelques problèmes majeurs, à la fois de la situation de l'Irak, le comportement des forces alliées ou bien dans l'hypothèse de nouvelles mesures de terreur prises par M. Saddam Hussein à l'égard, aussi bien du Kurdistan, que de la région du marécage du sud où se trouvent les Chiites et dans le cas d'une reprise ou d'une continuation de la formation d'une industrie atomique. Nous avons également parlé de l'ensemble des problèmes touchant au Moyen-Orient et assurément, il y a un lien entre les deux sujets. Nous avons enfin abordé le problème de la sécurité en Europe, indépendamment de quelques conversations de moindre intérêt sur le plan international mais de grand intérêt pour moi. Je tiens à remercier le Président George Bush de sa visite en France et, particulièrement à Rambouillet . Il sait comme Mme Bush qu'ils sont les bienvenus, comme le sont des amis. Amis de notre pays et amis personnels. Ces remerciements étant dits, et ils étaient nécessaires et je les éprouve profondément, je pense que le Président George Bush aura quelques mots à vous dire avant que vous ne posiez les questions de votre choix.
- LE PRESIDENT BUSH.- Monsieur le Président, les quelques mots que je tiens à prononcer sont les suivants : je vous suis très reconnaissant de m'avoir reçu le jour de la fête nationale. La conversation que nous venons d'avoir, absente de toutes préparations, ni préalables, m'a été extrêmement utile. Je tiens également à dire que cette visite toute brève soit-elle m'a donné la possibilité de rendre hommage, comme il se doit, au Général Roquejeoffre, votre général qui s'est distingué dans le Golfe et, en ce 14 juillet j'aimerais exprimer mon appréciation à l'attention du Président de la République pour la coopération constante lors de l'opération Tempête du desert dans le Golfe. Nous avons combattu côte à côte et nous nous sommes tenus côte à côte en temps de paix depuis longtemps et sous la direction du Président Mitterrand je suis certain que cela continuera et je vous remercie de vos aimables paroles.\
QUESTION.- Approuvez-vous la déclaration qu'a faite le Président Mitterrand sur l'Irak aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT BUSH.- Je n'ai pas vu la déclaration à laquelle vous faites allusion mais si, effectivement, elle comporte ces propos je m'y associe. Nous voyons aussi de la même façon la situation en Irak, situation à laquelle je fais allusion à savoir le fait que Saddam Hussein continue d'avoir recours à des subterfuges, continue de mentir pour essayer de dissimuler le fait qu'il est en train d'assembler une force nucléaire, ce qui nous préoccupe à l'échelle mondiale et je n'aime pas me prononcer sur une déclaration que je n'ai pas eu l'occasion de voir mais après mon entretien avec le Président Mitterrand, je suis confiant que la France et les Etats-Unis, une fois de plus, voient cette question de première importance de la même façon.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous pensez qu'en ce qui concerne l'assistance à M. Gorbatchev il faut attendre ou faut-il y aller maintenant et accorder des prêts d'ores et déjà ? Ceci semblant aller à l'encontre des positions prises par les autres alliés occidentaux.
- LE PRESIDENT.- Je souhaite que M. Gorbatchev puisse recevoir l'aide qui lui serait nécessaire pour redresser la situation économique de son pays mais, bien entendu, ce redressement ne sera pas l'oeuvre des puissances étrangères que nous sommes. Elle sera d'abord l'oeuvre du peuple soviétique lui-même et surtout de ses dirigeants. Il faut donc que ses dirigeants s'engagent résolument dans la voie des réformes qui permettraient la réussite. Mais il ne s'agit pas d'engager la discussion quant à l'antériorité de l'oeuf ou de la poule. Faut-il d'abord l'aider pour qu'il la redresse ? Je dis il faut l'aider suffisamment pour qu'il puisse réussir et tout de suite.
- QUESTION.- Donc il y a une différence ? Il y a effectivement une différence, un écart de position. Est-ce vrai, Président Bush !
- LE PRESIDENT.- Mais vous vous attendez à l'identité absolue ? Le Président Bush, si j'ai bien compris, souhaite également que M. Gorbatchev puisse réussir. Quant à la méthode pour cela, il l'expliquera lui-même. Mais l'objectif est le même.
- QUESTION.- Monsieur le Président, vouliez-vous dire qu'en quittant Londres, M. Gorbatchev devrait pouvoir se prévaloir d'un certain nombre d'engagements, non pas de chèque avec plus ou moins de zéros, mais de mesures qui permettraient d'accompagner - comme on l'a dit dans votre entourage - ces réformes, qu'il soit lié à notre Occident d'une façon un peu durable, par exemple par sa participation aux institutions monétaires internationales ?
- LE PRESIDENT.- Vous allez un peu vite. Il est certain que cette participation à la dernière journée dans un cadre différent de celui de la Conférence des Sept, peut préluder à de nouveaux rapports organiques entre l'Union soviétique et les Sept en question. Mais il faudra d'autres mesures. D'autre part, il n'y a pas à attendre pour mercredi prochain toute une série de décisions qui résulteraient tout simplement d'un échange de vues de quelques heures. Cela sera un signal et je l'espère un point de départ. Ce ne sera pas un point d'arrivée.\
QUESTION.- Président Bush, pouvez-vous nous dire quel est l'état d'avancement des négociations sur les Start quels sont les points d'achoppement ? Est-ce que vous pensez que d'ici mercredi, vous vous serez mis d'accord et que vous pourriez déboucher sur un traité et sur une rencontre au sommet à Moscou ?
- LE PRESIDENT BUSH.- Je crois comprendre qu'hier soir les positions s'étaient beaucoup rapprochées. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec M. Baker à 22h00 hier soir, heure locale de Washington, et ce matin M. Scowcroft a pu parler à M. Baker. Les problèmes essentiels semblent être résolus. Il subsiste deux ou trois problèmes importants qui doivent être réglés avant que l'on puisse réellement dire que l'affaire est faite. Le Secrétaire Baker en fait reportait son heure de départ. Je n'ai pas pu lui parler depuis quatre heures. Je ne peux pas vous en dire plus. Je ne pense pas qu'il serait utile de rentrer dans le détail des questions que l'on cherche à régler mais je crois que les possibilités sont bonnes. Nous n'allons pas conclure une mauvaise affaire uniquement afin de pouvoir dire que l'on a réussi à obtenir un traité d'ici mercredi. Les Soviétiques ne sont pas prêts à le faire non plus.\
QUESTION.- Est-ce que vous avez dit au Président Bush que vous ne croyiez plus beaucoup à la mission Baker entre Israéliens et Arabes ?
- LE PRESIDENT.- J'ai dit au Président Bush exactement ce que je pensais.
- QUESTION.- Il semble que le processus de paix se soit heurté à de nombreux obstacles. Monsieur le Président, croyez-vous que ce processus a échoué ou subsiste-t-il encore une chance ?
- LE PRESIDENT BUSH.- L'initiative américaine, à savoir rassembler différents protagonistes, continue à avoir une chance se réussir en écoutant les mesures prises par les différents pays concernés. Ce processus continue, certes il faut du temps, mais nous n'allons pas abandonner. Nous ne sommes pas prêts à renoncer. J'ai eu la possibilité d'écouter la suggestion émise par le Président Mitterrand et j'ai eu également la possibilité lui faire part de mes sentiments sur ce qui se passait. Il y a quelques jours, j'ai eu moi-même l'occassion de dire qu'il m'incomberait peut-être de dire publiquement exactement ce que l'on cherchait à faire, exactement ce qu'étaient les objectifs et qui doit faire quoi. Non je ne renonce pas.\
QUESTION.- M. Mitterrand a dit "je pense qu'il faut lui donner suffisamment d'assistance pour qu'il puisse réussir et tout de suite". Devons-nous comprendre qu'il lui faut faire davantage ses preuves avant que vous n'estimiez qu'une assistance puisse lui être accordée ? Dans quelle mesure êtes-vous prêt à accorder une assistance à M. Gorbatchev ?
- LE PRESIDENT BUSH.- De quel type d'aide s'agit-il ? D'assistance technique pour l'aider à réformer l'économie, à s'orienter vers une économie de marché avec davantage de liquidités dans l'économie. Nous serions prêts à accorder une assistance de ce type aujourd'hui. Je crois que l'un des sujets de discussion lors de la réunion du G7 sera ce type de proposition.
- Nous avons fait connaître notre proposition à savoir que nous n'allons pas signer de chèque en blanc, que des réformes doivent avoir lieu avant que des fonds ne puissent être déboursés pour aider à résoudre ces problèmes.
- Vous savez qu'aux Etats-Unis, nous avons déjà accordé 1,5 milliard de dollars de crédits agricoles. S'agit-il d'une aide, d'une assistance ? Y va-t-il des intérêts des Etats-Unis ? J'espère que cela leur viendra en aide. Il y a toutes sortes de façons de répondre à cette question. J'ai à coeur de rapprocher les points de vue de nos partenaires au sein du G7 avant l'arrivée de M. Gorbatchev.
- Vous savez qu'à une époque on soutenait, et je ne sais pas si c'était vrai en France, mais c'est vrai aux Etats-Unis, on soutenait que M. Gorbatchev arrivait avec une demande de 150 milliards de dollars, on lui donne un chèque libellé au montant de 150 milliards de dollars. C'est exclu. C'est exclu tant que ses réformes n'ont pas lieu.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous disposez actuellement des preuves tangibles que l'Irak est en train de constituer, ou de reconstituer, ou de tenter de reconstituer un arsenal nucléaire ? Est-ce que le Président Bush vous a apporté des éléments en ce domaine ?
- Deuxième volet de ma question, est-ce que vous pensez qu'une intervention militaire - pour mettre fin à ce que M. Bush qualifie de subterfuge, de mensonge, et ma question s'adresse aussi au Président Bush, rentrerait dans le cadre des missions confiées par l'ONU à la force multinationale ?
- LE PRESIDENT.- Il a été décidé que nos états-majors resteraient en contact constant pour s'informer mutuellement, en l'occurence l'état-major américain auprès de l'état-major français de la réalité des menaces que constitueraient la poursuite de fabrication atomique en Irak. En effet, il faut que nous soyons mutuellement informés pour décider. Serions-nous prêts à une intervention militaire ? Vous n'avez pas parlé du Kurdistan, et c'est pourtant l'immédiat. J'ai décidé de maintenir par un léger déplacement en Turquie, à la frontière de l'Irak quelques centaines d'hommes et des armements, notamment des avions, afin de pouvoir intervenir dans le cadre de la coalition si l'Irak entendait procéder à une répression à l'égard des Kurdes. Cela c'est déjà acquis. Quant à une intervention militaire sur un site présupposé nucléaire, j'ai dit au Président Bush qu'il convenait que des informations me soient apportées de telle sorte qu'elles soient suffisamment certaines pour qu'elle soit justifiée.
- LE PRESIDENT BUSH.- Monsieur le Président, puisque la question était en partie adressée à moi-même, puis-je compléter et ajouter quelque chose ? Des preuves irréfutables ont été présentées au Conseil de sécurité des Nations unies comme quoi il ment, il triche. Des rumeurs couraient comme quoi il y aurait recours à la force, que, après, Saddam Hussein, lui-même a dit la chose suivante "j'ai menti, j'ai triché, je suis coupable des choses dont on m'a accusé et maintenant je m'engage à ne plus le faire". Je pense qu'il est très important, il y va de la sécurité de la région frontière et de la sécurité mondiale qu'il soit empêché de faire ce genre de chose, qu'il n'ait pas les moyens de poursuivre son programme nucléaire, qu'il respecte toutes les résolutions des Nations unies. Voici ce dont il s'agit. Espérons que cette dernière confession, ce dernier aveu, cette dernière déclaration dans laquelle il s'engage à respecter ces résolutions seront effectivement respectées. Je puis vous dire qu'en dépit de tout cela, je continue à être très soucieux face aux intentions. Et j'ai les preuves et des indications dans ce sens.
- LE PRESIDENT.- Le Conseil de sécurité a prévenu l'Irak qu'il encourrait de graves conséquences s'il ne s'inclinait pas devant les règles du droit international. Bon, le Président Bush doit rejoindre Londres. Cette rencontre ne peut pas se prolonger. Je souhaite que le Président des Etats-Unis dise lui-même s'il est prêt à répondre encore à une, deux ou trois questions. Mais déjà trois, ce serait trop.\
QUESTION.- Une question pour le Président Bush. On a entendu dire qu'on va apporter toute l'attention sur la demande du Président Gorbatchev pour une aide, que certaines des démocraties naissantes d'Europe orientale vont être méconnues du fait de cette demande accrue de l'Union soviétique. Pouvez-vous répondre sur la question de l'aide aux autres pays d'Europe orientale ?
- LE PRESIDENT BUSH.- J'ai pu recueillir le point de vue du Président Mitterrand et les conseils du Président Mitterrand à ce propos et je peux vous dire que lui et moi - et j'en suis relativement confiant -, les autres pays du G7 ne feront rien de nature à envoyer un signal comme quoi nous nous détournons des démocraties émergentes d'Europe orientale afin de venir en aide à l'Union soviétique. Ce sont deux approches qui ne s'excluent pas mutuellement. Mais vous soulevez un point très important qui me préoccupe. En ce qui concerne les Etats-Unis nous ferons tout notre possible pour dire clairement à l'Europe orientale que nous voulons participer, être partie prenante dans leurs chemins vers la démocratie. Je ne veux pas parler au nom du Président, mais je crois pouvoir dire que c'est exactement le point de vue qu'il a échangé avec moi et qu'on espère que les Etats-Unis pourront en faire plus, mais nous ne devons pas donner un signal comme quoi l'attention sera détournée de ces pays car nous voulons simplement la réussite du Président Gorbatchev en Union soviétique.
- LE PRESIDENT.- En fait la Communauté européenne a engagé des discussions avec plusieurs des pays de l'Europe centrale et de l'Est. Déjà des accords ont été signés, d'autres sont en vue, des accords et des associations. D'autre part, je vous ferai remarquer que l'aide aux pays de l'Est n'a pas altéré la somme des aides apportées aux pays africains ou aux pays qui sont dans le cadre des accords de Lomé. Ce qui montre bien que nos pays sont disposé à faire un effort important pour répondre à l'ensemble des demandes. Bien entendu, c'est difficile pour eux.\
QUESTION.- S'agissant de Saddam, posons la question en termes clairs, selon vous, est-il temps de s'en débarrasser ?
- LE PRESIDENT BUSH.- Vous l'avez posée de façon directe et je vais vous répondre de façon indirecte.
- Les Etats-Unis n'auront pas de relations améliorées, de relations normalisées avec l'Irak tant que Saddam Hussein est au pouvoir. Je ne permettrai pas que nous levions les sanctions tant qu'il est au pouvoir. Il nuit à son propre peuple. Avant le début de la guerre, j'ai dit à maintes reprises et très clairement que nous ne cherchions pas querelle à la population irakienne ni même au régime irakien, mais bien à Saddam Hussein.
- J'ai eu la possibilité de m'entretenir à ce propos avec le Président Mitterrand, et je continue d'être de l'avis que la meilleure chose qui pourrait se passer, ça pourrait être pour lui de céder la place. A ce moment-là peut-être y aurait-il une possibilité d'avoir des relations normales. Naturellement, ce sera conditionné par le respect intégral de toutes les résolutions des Nations unies. Nous envoyons des denrées alimentaires au peuple irakien, denrées qui sont détournées par les forces armées irakiennes, et je vois que l'opinion publique mondiale, hélas, en a assez. Voici donc la position des Etats-Unis.
- LE PRESIDENT.- Merci au Président George Bush, je lui souhaite un bon voyage jusqu'à Londres où j'aurai le plaisir de le retrouver dès demain et merci à vous mesdames et messieurs.\
- LE PRESIDENT BUSH.- Monsieur le Président, les quelques mots que je tiens à prononcer sont les suivants : je vous suis très reconnaissant de m'avoir reçu le jour de la fête nationale. La conversation que nous venons d'avoir, absente de toutes préparations, ni préalables, m'a été extrêmement utile. Je tiens également à dire que cette visite toute brève soit-elle m'a donné la possibilité de rendre hommage, comme il se doit, au Général Roquejeoffre, votre général qui s'est distingué dans le Golfe et, en ce 14 juillet j'aimerais exprimer mon appréciation à l'attention du Président de la République pour la coopération constante lors de l'opération Tempête du desert dans le Golfe. Nous avons combattu côte à côte et nous nous sommes tenus côte à côte en temps de paix depuis longtemps et sous la direction du Président Mitterrand je suis certain que cela continuera et je vous remercie de vos aimables paroles.\
QUESTION.- Approuvez-vous la déclaration qu'a faite le Président Mitterrand sur l'Irak aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT BUSH.- Je n'ai pas vu la déclaration à laquelle vous faites allusion mais si, effectivement, elle comporte ces propos je m'y associe. Nous voyons aussi de la même façon la situation en Irak, situation à laquelle je fais allusion à savoir le fait que Saddam Hussein continue d'avoir recours à des subterfuges, continue de mentir pour essayer de dissimuler le fait qu'il est en train d'assembler une force nucléaire, ce qui nous préoccupe à l'échelle mondiale et je n'aime pas me prononcer sur une déclaration que je n'ai pas eu l'occasion de voir mais après mon entretien avec le Président Mitterrand, je suis confiant que la France et les Etats-Unis, une fois de plus, voient cette question de première importance de la même façon.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous pensez qu'en ce qui concerne l'assistance à M. Gorbatchev il faut attendre ou faut-il y aller maintenant et accorder des prêts d'ores et déjà ? Ceci semblant aller à l'encontre des positions prises par les autres alliés occidentaux.
- LE PRESIDENT.- Je souhaite que M. Gorbatchev puisse recevoir l'aide qui lui serait nécessaire pour redresser la situation économique de son pays mais, bien entendu, ce redressement ne sera pas l'oeuvre des puissances étrangères que nous sommes. Elle sera d'abord l'oeuvre du peuple soviétique lui-même et surtout de ses dirigeants. Il faut donc que ses dirigeants s'engagent résolument dans la voie des réformes qui permettraient la réussite. Mais il ne s'agit pas d'engager la discussion quant à l'antériorité de l'oeuf ou de la poule. Faut-il d'abord l'aider pour qu'il la redresse ? Je dis il faut l'aider suffisamment pour qu'il puisse réussir et tout de suite.
- QUESTION.- Donc il y a une différence ? Il y a effectivement une différence, un écart de position. Est-ce vrai, Président Bush !
- LE PRESIDENT.- Mais vous vous attendez à l'identité absolue ? Le Président Bush, si j'ai bien compris, souhaite également que M. Gorbatchev puisse réussir. Quant à la méthode pour cela, il l'expliquera lui-même. Mais l'objectif est le même.
- QUESTION.- Monsieur le Président, vouliez-vous dire qu'en quittant Londres, M. Gorbatchev devrait pouvoir se prévaloir d'un certain nombre d'engagements, non pas de chèque avec plus ou moins de zéros, mais de mesures qui permettraient d'accompagner - comme on l'a dit dans votre entourage - ces réformes, qu'il soit lié à notre Occident d'une façon un peu durable, par exemple par sa participation aux institutions monétaires internationales ?
- LE PRESIDENT.- Vous allez un peu vite. Il est certain que cette participation à la dernière journée dans un cadre différent de celui de la Conférence des Sept, peut préluder à de nouveaux rapports organiques entre l'Union soviétique et les Sept en question. Mais il faudra d'autres mesures. D'autre part, il n'y a pas à attendre pour mercredi prochain toute une série de décisions qui résulteraient tout simplement d'un échange de vues de quelques heures. Cela sera un signal et je l'espère un point de départ. Ce ne sera pas un point d'arrivée.\
QUESTION.- Président Bush, pouvez-vous nous dire quel est l'état d'avancement des négociations sur les Start quels sont les points d'achoppement ? Est-ce que vous pensez que d'ici mercredi, vous vous serez mis d'accord et que vous pourriez déboucher sur un traité et sur une rencontre au sommet à Moscou ?
- LE PRESIDENT BUSH.- Je crois comprendre qu'hier soir les positions s'étaient beaucoup rapprochées. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec M. Baker à 22h00 hier soir, heure locale de Washington, et ce matin M. Scowcroft a pu parler à M. Baker. Les problèmes essentiels semblent être résolus. Il subsiste deux ou trois problèmes importants qui doivent être réglés avant que l'on puisse réellement dire que l'affaire est faite. Le Secrétaire Baker en fait reportait son heure de départ. Je n'ai pas pu lui parler depuis quatre heures. Je ne peux pas vous en dire plus. Je ne pense pas qu'il serait utile de rentrer dans le détail des questions que l'on cherche à régler mais je crois que les possibilités sont bonnes. Nous n'allons pas conclure une mauvaise affaire uniquement afin de pouvoir dire que l'on a réussi à obtenir un traité d'ici mercredi. Les Soviétiques ne sont pas prêts à le faire non plus.\
QUESTION.- Est-ce que vous avez dit au Président Bush que vous ne croyiez plus beaucoup à la mission Baker entre Israéliens et Arabes ?
- LE PRESIDENT.- J'ai dit au Président Bush exactement ce que je pensais.
- QUESTION.- Il semble que le processus de paix se soit heurté à de nombreux obstacles. Monsieur le Président, croyez-vous que ce processus a échoué ou subsiste-t-il encore une chance ?
- LE PRESIDENT BUSH.- L'initiative américaine, à savoir rassembler différents protagonistes, continue à avoir une chance se réussir en écoutant les mesures prises par les différents pays concernés. Ce processus continue, certes il faut du temps, mais nous n'allons pas abandonner. Nous ne sommes pas prêts à renoncer. J'ai eu la possibilité d'écouter la suggestion émise par le Président Mitterrand et j'ai eu également la possibilité lui faire part de mes sentiments sur ce qui se passait. Il y a quelques jours, j'ai eu moi-même l'occassion de dire qu'il m'incomberait peut-être de dire publiquement exactement ce que l'on cherchait à faire, exactement ce qu'étaient les objectifs et qui doit faire quoi. Non je ne renonce pas.\
QUESTION.- M. Mitterrand a dit "je pense qu'il faut lui donner suffisamment d'assistance pour qu'il puisse réussir et tout de suite". Devons-nous comprendre qu'il lui faut faire davantage ses preuves avant que vous n'estimiez qu'une assistance puisse lui être accordée ? Dans quelle mesure êtes-vous prêt à accorder une assistance à M. Gorbatchev ?
- LE PRESIDENT BUSH.- De quel type d'aide s'agit-il ? D'assistance technique pour l'aider à réformer l'économie, à s'orienter vers une économie de marché avec davantage de liquidités dans l'économie. Nous serions prêts à accorder une assistance de ce type aujourd'hui. Je crois que l'un des sujets de discussion lors de la réunion du G7 sera ce type de proposition.
- Nous avons fait connaître notre proposition à savoir que nous n'allons pas signer de chèque en blanc, que des réformes doivent avoir lieu avant que des fonds ne puissent être déboursés pour aider à résoudre ces problèmes.
- Vous savez qu'aux Etats-Unis, nous avons déjà accordé 1,5 milliard de dollars de crédits agricoles. S'agit-il d'une aide, d'une assistance ? Y va-t-il des intérêts des Etats-Unis ? J'espère que cela leur viendra en aide. Il y a toutes sortes de façons de répondre à cette question. J'ai à coeur de rapprocher les points de vue de nos partenaires au sein du G7 avant l'arrivée de M. Gorbatchev.
- Vous savez qu'à une époque on soutenait, et je ne sais pas si c'était vrai en France, mais c'est vrai aux Etats-Unis, on soutenait que M. Gorbatchev arrivait avec une demande de 150 milliards de dollars, on lui donne un chèque libellé au montant de 150 milliards de dollars. C'est exclu. C'est exclu tant que ses réformes n'ont pas lieu.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous disposez actuellement des preuves tangibles que l'Irak est en train de constituer, ou de reconstituer, ou de tenter de reconstituer un arsenal nucléaire ? Est-ce que le Président Bush vous a apporté des éléments en ce domaine ?
- Deuxième volet de ma question, est-ce que vous pensez qu'une intervention militaire - pour mettre fin à ce que M. Bush qualifie de subterfuge, de mensonge, et ma question s'adresse aussi au Président Bush, rentrerait dans le cadre des missions confiées par l'ONU à la force multinationale ?
- LE PRESIDENT.- Il a été décidé que nos états-majors resteraient en contact constant pour s'informer mutuellement, en l'occurence l'état-major américain auprès de l'état-major français de la réalité des menaces que constitueraient la poursuite de fabrication atomique en Irak. En effet, il faut que nous soyons mutuellement informés pour décider. Serions-nous prêts à une intervention militaire ? Vous n'avez pas parlé du Kurdistan, et c'est pourtant l'immédiat. J'ai décidé de maintenir par un léger déplacement en Turquie, à la frontière de l'Irak quelques centaines d'hommes et des armements, notamment des avions, afin de pouvoir intervenir dans le cadre de la coalition si l'Irak entendait procéder à une répression à l'égard des Kurdes. Cela c'est déjà acquis. Quant à une intervention militaire sur un site présupposé nucléaire, j'ai dit au Président Bush qu'il convenait que des informations me soient apportées de telle sorte qu'elles soient suffisamment certaines pour qu'elle soit justifiée.
- LE PRESIDENT BUSH.- Monsieur le Président, puisque la question était en partie adressée à moi-même, puis-je compléter et ajouter quelque chose ? Des preuves irréfutables ont été présentées au Conseil de sécurité des Nations unies comme quoi il ment, il triche. Des rumeurs couraient comme quoi il y aurait recours à la force, que, après, Saddam Hussein, lui-même a dit la chose suivante "j'ai menti, j'ai triché, je suis coupable des choses dont on m'a accusé et maintenant je m'engage à ne plus le faire". Je pense qu'il est très important, il y va de la sécurité de la région frontière et de la sécurité mondiale qu'il soit empêché de faire ce genre de chose, qu'il n'ait pas les moyens de poursuivre son programme nucléaire, qu'il respecte toutes les résolutions des Nations unies. Voici ce dont il s'agit. Espérons que cette dernière confession, ce dernier aveu, cette dernière déclaration dans laquelle il s'engage à respecter ces résolutions seront effectivement respectées. Je puis vous dire qu'en dépit de tout cela, je continue à être très soucieux face aux intentions. Et j'ai les preuves et des indications dans ce sens.
- LE PRESIDENT.- Le Conseil de sécurité a prévenu l'Irak qu'il encourrait de graves conséquences s'il ne s'inclinait pas devant les règles du droit international. Bon, le Président Bush doit rejoindre Londres. Cette rencontre ne peut pas se prolonger. Je souhaite que le Président des Etats-Unis dise lui-même s'il est prêt à répondre encore à une, deux ou trois questions. Mais déjà trois, ce serait trop.\
QUESTION.- Une question pour le Président Bush. On a entendu dire qu'on va apporter toute l'attention sur la demande du Président Gorbatchev pour une aide, que certaines des démocraties naissantes d'Europe orientale vont être méconnues du fait de cette demande accrue de l'Union soviétique. Pouvez-vous répondre sur la question de l'aide aux autres pays d'Europe orientale ?
- LE PRESIDENT BUSH.- J'ai pu recueillir le point de vue du Président Mitterrand et les conseils du Président Mitterrand à ce propos et je peux vous dire que lui et moi - et j'en suis relativement confiant -, les autres pays du G7 ne feront rien de nature à envoyer un signal comme quoi nous nous détournons des démocraties émergentes d'Europe orientale afin de venir en aide à l'Union soviétique. Ce sont deux approches qui ne s'excluent pas mutuellement. Mais vous soulevez un point très important qui me préoccupe. En ce qui concerne les Etats-Unis nous ferons tout notre possible pour dire clairement à l'Europe orientale que nous voulons participer, être partie prenante dans leurs chemins vers la démocratie. Je ne veux pas parler au nom du Président, mais je crois pouvoir dire que c'est exactement le point de vue qu'il a échangé avec moi et qu'on espère que les Etats-Unis pourront en faire plus, mais nous ne devons pas donner un signal comme quoi l'attention sera détournée de ces pays car nous voulons simplement la réussite du Président Gorbatchev en Union soviétique.
- LE PRESIDENT.- En fait la Communauté européenne a engagé des discussions avec plusieurs des pays de l'Europe centrale et de l'Est. Déjà des accords ont été signés, d'autres sont en vue, des accords et des associations. D'autre part, je vous ferai remarquer que l'aide aux pays de l'Est n'a pas altéré la somme des aides apportées aux pays africains ou aux pays qui sont dans le cadre des accords de Lomé. Ce qui montre bien que nos pays sont disposé à faire un effort important pour répondre à l'ensemble des demandes. Bien entendu, c'est difficile pour eux.\
QUESTION.- S'agissant de Saddam, posons la question en termes clairs, selon vous, est-il temps de s'en débarrasser ?
- LE PRESIDENT BUSH.- Vous l'avez posée de façon directe et je vais vous répondre de façon indirecte.
- Les Etats-Unis n'auront pas de relations améliorées, de relations normalisées avec l'Irak tant que Saddam Hussein est au pouvoir. Je ne permettrai pas que nous levions les sanctions tant qu'il est au pouvoir. Il nuit à son propre peuple. Avant le début de la guerre, j'ai dit à maintes reprises et très clairement que nous ne cherchions pas querelle à la population irakienne ni même au régime irakien, mais bien à Saddam Hussein.
- J'ai eu la possibilité de m'entretenir à ce propos avec le Président Mitterrand, et je continue d'être de l'avis que la meilleure chose qui pourrait se passer, ça pourrait être pour lui de céder la place. A ce moment-là peut-être y aurait-il une possibilité d'avoir des relations normales. Naturellement, ce sera conditionné par le respect intégral de toutes les résolutions des Nations unies. Nous envoyons des denrées alimentaires au peuple irakien, denrées qui sont détournées par les forces armées irakiennes, et je vois que l'opinion publique mondiale, hélas, en a assez. Voici donc la position des Etats-Unis.
- LE PRESIDENT.- Merci au Président George Bush, je lui souhaite un bon voyage jusqu'à Londres où j'aurai le plaisir de le retrouver dès demain et merci à vous mesdames et messieurs.\