12 juin 1991 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur les valeurs fondamentales du travail manuel et la formation professionnelle, Paris, le 12 juin 1991.
Mesdames et messieurs,
- J'ai grand plaisir à vous recevoir dans cette salle qui est la salle d'investiture ou d'honneur du Palais de l'Elysée, là où les Présidents de la République reçoivent l'investiture officielle après leur élection et où se déroulent toutes les grandes cérémonies d'Etat. Mais vous voyez ce n'était pas encore assez grand pour les meilleurs ouvriers de France. Je le regrette car on aurait pu s'attarder davantage si on avait pu disposer des sièges et veiller à votre confort.
- C'est pour moi un vrai plaisir de vous accueillir. Je connais certains d'entre vous mais naturellement peu nombreux. Je rencontre ici et là, lorsque je voyage en France des meilleurs ouvriers de France de tous âges. Je n'ai pas besoin de les rencontrer pour savoir ce qu'ils représentent dans l'élite française et vous avez raison de le dire intellectuelle car le lien est direct entre le chef d'oeuvre de la main et la conception de l'esprit.
- Vous avez bien voulu me rappeler monsieur le Président, dans quel état d'esprit a été créé, il y a déjà bientôt soixante-dix ans, le concours des meilleurs ouvriers de France. Je reçois aujourd'hui des lauréats 1991, successeurs des milliers d'ouvriers honorés depuis l'époque de la création pour la réalisation de leurs chefs d'oeuvres. Ce symbole est lié à l'objet, ce qui représente une valeur fondamentale de notre civilisation et de l'artisanat dans sa dimension culturelle : métier, savoir-faire, perfection technique, maîtrise de l'outil.
- Bien entendu, il ne s'agit pas d'un savoir figé dans des métiers traditionnels même si la tradition est une dimension nécessaire à toute société. Le concours va permettre de récompenser des lauréats dans des professions nouvelles, les techniques de pointe en même temps que les techniques transmises de génération en génération.
- J'ajoute que désormais il y a une mesure particulière dont il faut tenir compte que l'on appelle la maîtrise des outils de gestion. C'est pourquoi je crois savoir que les lauréats sont jugés non seulement sur la qualité finale de leur ouvrage mais encore sur leurs connaissances économiques, leur capacité à apprécier le temps passé sur leur projet, le prix de revient de l'objet fabriqué.
- Il faut faire attention de ne pas aller trop loin parce que comme je le disais hier à des artisans rassemblés à côté de Troyes, il ne faudrait pas non plus que les meilleurs ouvriers de France n'aient plus à faire que des papiers, qu'ils ne soient plus que les auxiliaires de l'administration. On peut faire aussi des chefs d'oeuvre dans ce domaine mais enfin ils ne sont pas les plus désirables !\
Enfin le concours me dit-on n'est pas réservé au monde de l'artisanat. Certaines de vos grandes entreprises et c'est une bonne chose incitent leurs salariés à y prendre part. Elles organisent des préparations collectives et s'engagent à assurer une promotion professionnelle, ce dont nous avons le plus grand besoin. Il n'y aura pas de réponse à la crise de l'emploi et à ce drame du chômage si la formation professionnelle ne permet pas à toute jeune fille et à tout jeune homme d'accéder au métier qu'ils feront et dont on a besoin. C'est ce lien entre la tradition et l'innovation qui me paraît en la circonstance passionnant car ce qui caractérise ce que vous faites, c'est la recherche de la qualité. Cette qualité est d'autant plus nécessaire que nous sommes lancés dans une grande aventure internationale. Quand on songe que le 1er janvier 1993 il va y avoir douze pays, 340 millions d'habitants, plus de frontière, plus de barrière entre eux. Il faudra donc être vraiment les meilleurs. Je ne sais pas si on arrivera un jour au meilleur ouvrier d'Europe, ce n'est déjà pas mal d'être le meilleur ouvrier de France mais enfin il faut aspirer à être les meilleurs parmi les meilleurs parce que la transmission du savoir, c'est une valeur de civilisation £ permettez-moi d'y insister, vous y avez certainement réfléchi. Des ouvriers comme vous ont le temps de réfléchir, ont besoin de réfléchir, aiment réfléchir, rien ne s'improvise.\
Vous savez donc que cette transmission du savoir est une nécessité pour notre pays. Vous tous, réunis cet après-midi dans cette salle, je suis certain que vous avez découvert cette immense satisfaction, l'épanouissement, l'accomplissement de votre métier. C'est sans doute dû à vos dons personnels mais aussi à votre formation et en cet instant qui est grave et émouvant pour certains d'entre vous, je suis certain aussi que votre pensée se reporte vers tel ou tel homme ou femme de la génération précédente qui vous a enseigné, poussé à réussir et peut-être donné des conseils utiles. C'est un lien très fort que celui qui unit celui qui enseigne et celui qui apprend. On peut bien entendu obtenir une qualification très élevée à partir d'une démarche pédagogique qui est fondée sur la pratique d'un métier.
- Vous êtes l'exemple vivant de ce que l'on peut faire et de ce que j'aimerais voir faire davantage encore par beaucoup d'autres que par vous-même. Ce n'est pas simplement un prix, une distinction qui peut qualifier le mérite mais c'est déjà une référence fort importante si on sait le sérieux avec lequel sont examinées les diverses compétences en cause. Alors je tiens à vous féliciter, à vous remercier pour ce que vous avez fait et autant que possible à vous encourager à poursuivre. Vous n'avez pas terminé de créer et nous en avons bien besoin.
- Je veux féliciter les animateurs de ce concours. Il y a là M. Raffarin, Président du Comité d'Organisation des Expositions nationales qui prend en charge le concours et l'exposition des chefs d'oeuvre. Il se trouve par le hasard des choses que nous nous connaissons depuis 1952 et que nous avons toujours pu entretenir un dialogue qui se poursuit ce soir d'une façon inattendue. Je veux aussi remercier Mme Saurat, Président de la Société des Meilleurs Ouvriers de France créée en 1929 qui regroupe les lauréats, qui assure la promotion du travail manuel, la tradition de la qualité et la transmission des métiers. Je tiens à les remercier parce qu'ils symbolisent ce que vous êtes tous ensemble.
- Je vais maintenant remettre les médailles à ceux qui ont été choisis à cet effet car il m'était impossible d'en remettre à 350 personnes. Cette sélection a été faite par des autorités compétentes. Cela n'a pas dû être facile. Quelle chance que de ne pas avoir à le faire ! Je veux aussi dire aux lauréats qui recevront la médaille qu'ils doivent se considérer comme l'avant-garde, comme le petit peloton symbolique qui porte en eux l'espérance, qui exprime la volonté de tous, qui signifie le lien profond qui existe entre la France, notre patrie commune et ses travailleurs, je veux dire ses meilleurs travailleurs que je salue ici comme des créateurs, comme des inventeurs, des manuels capables de transformer la matière, de lui donner un sens et une beauté.\
- J'ai grand plaisir à vous recevoir dans cette salle qui est la salle d'investiture ou d'honneur du Palais de l'Elysée, là où les Présidents de la République reçoivent l'investiture officielle après leur élection et où se déroulent toutes les grandes cérémonies d'Etat. Mais vous voyez ce n'était pas encore assez grand pour les meilleurs ouvriers de France. Je le regrette car on aurait pu s'attarder davantage si on avait pu disposer des sièges et veiller à votre confort.
- C'est pour moi un vrai plaisir de vous accueillir. Je connais certains d'entre vous mais naturellement peu nombreux. Je rencontre ici et là, lorsque je voyage en France des meilleurs ouvriers de France de tous âges. Je n'ai pas besoin de les rencontrer pour savoir ce qu'ils représentent dans l'élite française et vous avez raison de le dire intellectuelle car le lien est direct entre le chef d'oeuvre de la main et la conception de l'esprit.
- Vous avez bien voulu me rappeler monsieur le Président, dans quel état d'esprit a été créé, il y a déjà bientôt soixante-dix ans, le concours des meilleurs ouvriers de France. Je reçois aujourd'hui des lauréats 1991, successeurs des milliers d'ouvriers honorés depuis l'époque de la création pour la réalisation de leurs chefs d'oeuvres. Ce symbole est lié à l'objet, ce qui représente une valeur fondamentale de notre civilisation et de l'artisanat dans sa dimension culturelle : métier, savoir-faire, perfection technique, maîtrise de l'outil.
- Bien entendu, il ne s'agit pas d'un savoir figé dans des métiers traditionnels même si la tradition est une dimension nécessaire à toute société. Le concours va permettre de récompenser des lauréats dans des professions nouvelles, les techniques de pointe en même temps que les techniques transmises de génération en génération.
- J'ajoute que désormais il y a une mesure particulière dont il faut tenir compte que l'on appelle la maîtrise des outils de gestion. C'est pourquoi je crois savoir que les lauréats sont jugés non seulement sur la qualité finale de leur ouvrage mais encore sur leurs connaissances économiques, leur capacité à apprécier le temps passé sur leur projet, le prix de revient de l'objet fabriqué.
- Il faut faire attention de ne pas aller trop loin parce que comme je le disais hier à des artisans rassemblés à côté de Troyes, il ne faudrait pas non plus que les meilleurs ouvriers de France n'aient plus à faire que des papiers, qu'ils ne soient plus que les auxiliaires de l'administration. On peut faire aussi des chefs d'oeuvre dans ce domaine mais enfin ils ne sont pas les plus désirables !\
Enfin le concours me dit-on n'est pas réservé au monde de l'artisanat. Certaines de vos grandes entreprises et c'est une bonne chose incitent leurs salariés à y prendre part. Elles organisent des préparations collectives et s'engagent à assurer une promotion professionnelle, ce dont nous avons le plus grand besoin. Il n'y aura pas de réponse à la crise de l'emploi et à ce drame du chômage si la formation professionnelle ne permet pas à toute jeune fille et à tout jeune homme d'accéder au métier qu'ils feront et dont on a besoin. C'est ce lien entre la tradition et l'innovation qui me paraît en la circonstance passionnant car ce qui caractérise ce que vous faites, c'est la recherche de la qualité. Cette qualité est d'autant plus nécessaire que nous sommes lancés dans une grande aventure internationale. Quand on songe que le 1er janvier 1993 il va y avoir douze pays, 340 millions d'habitants, plus de frontière, plus de barrière entre eux. Il faudra donc être vraiment les meilleurs. Je ne sais pas si on arrivera un jour au meilleur ouvrier d'Europe, ce n'est déjà pas mal d'être le meilleur ouvrier de France mais enfin il faut aspirer à être les meilleurs parmi les meilleurs parce que la transmission du savoir, c'est une valeur de civilisation £ permettez-moi d'y insister, vous y avez certainement réfléchi. Des ouvriers comme vous ont le temps de réfléchir, ont besoin de réfléchir, aiment réfléchir, rien ne s'improvise.\
Vous savez donc que cette transmission du savoir est une nécessité pour notre pays. Vous tous, réunis cet après-midi dans cette salle, je suis certain que vous avez découvert cette immense satisfaction, l'épanouissement, l'accomplissement de votre métier. C'est sans doute dû à vos dons personnels mais aussi à votre formation et en cet instant qui est grave et émouvant pour certains d'entre vous, je suis certain aussi que votre pensée se reporte vers tel ou tel homme ou femme de la génération précédente qui vous a enseigné, poussé à réussir et peut-être donné des conseils utiles. C'est un lien très fort que celui qui unit celui qui enseigne et celui qui apprend. On peut bien entendu obtenir une qualification très élevée à partir d'une démarche pédagogique qui est fondée sur la pratique d'un métier.
- Vous êtes l'exemple vivant de ce que l'on peut faire et de ce que j'aimerais voir faire davantage encore par beaucoup d'autres que par vous-même. Ce n'est pas simplement un prix, une distinction qui peut qualifier le mérite mais c'est déjà une référence fort importante si on sait le sérieux avec lequel sont examinées les diverses compétences en cause. Alors je tiens à vous féliciter, à vous remercier pour ce que vous avez fait et autant que possible à vous encourager à poursuivre. Vous n'avez pas terminé de créer et nous en avons bien besoin.
- Je veux féliciter les animateurs de ce concours. Il y a là M. Raffarin, Président du Comité d'Organisation des Expositions nationales qui prend en charge le concours et l'exposition des chefs d'oeuvre. Il se trouve par le hasard des choses que nous nous connaissons depuis 1952 et que nous avons toujours pu entretenir un dialogue qui se poursuit ce soir d'une façon inattendue. Je veux aussi remercier Mme Saurat, Président de la Société des Meilleurs Ouvriers de France créée en 1929 qui regroupe les lauréats, qui assure la promotion du travail manuel, la tradition de la qualité et la transmission des métiers. Je tiens à les remercier parce qu'ils symbolisent ce que vous êtes tous ensemble.
- Je vais maintenant remettre les médailles à ceux qui ont été choisis à cet effet car il m'était impossible d'en remettre à 350 personnes. Cette sélection a été faite par des autorités compétentes. Cela n'a pas dû être facile. Quelle chance que de ne pas avoir à le faire ! Je veux aussi dire aux lauréats qui recevront la médaille qu'ils doivent se considérer comme l'avant-garde, comme le petit peloton symbolique qui porte en eux l'espérance, qui exprime la volonté de tous, qui signifie le lien profond qui existe entre la France, notre patrie commune et ses travailleurs, je veux dire ses meilleurs travailleurs que je salue ici comme des créateurs, comme des inventeurs, des manuels capables de transformer la matière, de lui donner un sens et une beauté.\