15 mai 1991 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution radio-télévisée de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la démission de M. Michel Rocard et les priorités d'action du nouveau gouvernement dirigé par Mme Edith Cresson pour donner un "nouvel élan" à la France et la préparer pour 1993, Paris le 15 mai 1991.

Mes chers compatriotes,
- Vous savez que, ce matin, M. Michel Rocard m'a remis sa démission. Cet après-midi, j'ai nommé Mme Edith Cresson Premier ministre. Elle me proposera demain jeudi la liste des ministres. Ils se mettront aussitôt au travail. Mais sur ces événements je souhaite vous dire dès ce soir quelques mots.
- Michel Rocard a pendant trois ans, à la tête du gouvernement, pris une part déterminante à la conduite de la politique française. Il y a consacré de grandes qualités, réalisé de vraies réformes et obtenu d'utiles résultats. L'Histoire associera son nom aux progrès de la France pendant cette période. Je le remercie de l'oeuvre accomplie comme je remercie les membres de son gouvernement, et je suis assuré qu'il saura, le jour venu, rendre d'autres services au pays.
- Nous avons traversé, il y a quelques mois, avec la guerre du Golfe, une grave crise internationale. Notre peuple a fait face, comme toujours, quand l'essentiel est en jeu. Mais dans le monde où nous sommes, la paix a, elle-aussi, ses exigences. Or, le 1er janvier 1993, dans dix-huit mois, un an et demi, l'Europe ne connaîtra plus de frontières entre les douze pays de la Communauté dont nous sommes. Nous entrerons dans un grand marché où circuleront librement les personnes, les biens, les capitaux. Dans cet espace, où vivent trois cent quarante millions d'êtres humains, la compétition sera dure, la concurrence sévère, l'avenir de la France y sera engagé.
- N'en doutons pas, nous n'aurons d'autres protections que notre talent, notre capacité créatrice et notre volonté. Cette voie est difficile, mais c'est la seule ouverte, la seule digne de notre histoire et de notre ambition. Tout repli sur nous-mêmes serait fatal. Il nous faut donc mobiliser nos énergies, rassembler nos efforts, préparer notre pays à cette étape décisive. Il n'y a pas de temps à perdre pour muscler davantage encore notre économie et porter nos industries au plus haut, tout en préservant nos équilibres financiers. C'est à cette condition seulement que seront créés les emplois qui nous sont indispensables, que sera garantie notre sécurité sociale et que s'exercera pleinement la solidarité nationale nécessaire à notre réussite. Tous ensemble, nous gagnerons !
- Croyez-moi, une France plus forte en Europe, c'est ce que nous pouvons faire de mieux pour la Nation, ce que nous pouvons faire de mieux pour nos enfants, ce que nous pouvons faire de mieux pour réduire les inégalités sociales, pour remédier à vos difficultés et pour alléger la peine de tant d'entre vous. Je pense aussi que c'est le plus bel apport que nous puissions faire à l'Europe de demain et, au-delà, à la paix qui a besoin de notre présence, de notre puissance et de notre détermination.
- C'est pourquoi j'ai jugé que le nouvel élan auquel je vous ai conviés dès la fin de la guerre du Golfe devait être animé par un gouvernement identifié à cette tâche. Mme Edith Cresson qui a été successivement ministre de l'agriculture, de l'industrie, du commerce extérieur et des affaires européennes et qui a montré partout compétence et caractère, m'est apparue comme la plus apte à diriger ce gouvernement puisqu'il s'agit d'atteindre l'objectif que j'ai fixé : objectif 93.
- Mes chers compatriotes, moi, j'ai confiance, si nous nous mettons tous, cela marchera.
- Vive la République,
- Vive la France.\