4 mars 1991 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur les liens historique et culturels entre les Pays-Bas et la France et la poursuite de la construction européenne, Paris le 4 mars 1991.
Majesté,
- Nous sommes, ma femme et moi, très heureux de vous recevoir ce soir, ainsi que son Altesse royale le Prince Claus. L'accueil que vous nous aviez réservé, il y a quelques années, six ans déjà, dans votre pays, nous avait beaucoup touchés. Il était cet accueil, en effet, à la mesure des liens qui nous unissent depuis des temps presque immémoriaux : vais-je citer Charlemagne, faut-il l'appeler père de l'Europe, revendiqué aussi bien par les Néerlandais que par les Français et par quelques autres. De même, comment ne pas évoquer le puissant Duché de Bourgogne ? Perçu, selon notre tradition, comme une menace à l'époque pour l'unité française, il a, en revanche constitué pour les Pays-Bas le premier cadre du sentiment national. Sait-on, au demeurant, pour illustrer ce chassé-croisé permanent, que la devise française de votre dynastie "je maintiendrai" rappelle, curieusement, la devise néerlandaise d'un prince français, le Duc de Bourgogne, Jean sans peur ? "Hic houd".
- Si Erasme au XVIème siècle n'a pas participé au rayonnement naissant du Collège de France, et nous le regrettons encore, la visite que vous rendrez demain à cette prestigieuse institution constitue, en revanche, un témoignage éloquent de l'intensité des relations qu'elle a, au fil des siècles, nouées avec votre pays. Et si près de cinq siècles après sa création, le Collège de France a pris l'initiative récemment d'organiser pour la première fois un cycle officiel d'enseignement hors du territoire français, quoi de plus révélateur qu'il ait choisi de le faire aux Pays-Bas, et plus précisément à la maison Descartes à Amsterdam. Cet institut perpétue en effet le souvenir de la présence parmi vous de ce philosophe, de ce grand philosophe qui, comme beaucoup d'autres Français, après lui et pour des raisons différentes, y a trouvé la paix de l'esprit dans la mesure où on la trouve. En sens inverse, Grotius s'échappait de sa prison hollandaise pour se réfugier à Paris, - ce n'est pas à sens unique - et Huyghens participait à la création de notre Académie des sciences.\
L'influence des institutions françaises ne s'est exercée chez vous que pendant moins de vingt ans, bons ou fâcheux souvenirs, je ne sais, au moment du Directoire et de l'Empire £ elle n'en a pas moins marqué, me semble-t-il, d'une façon durable, l'organisation administrative et les lois de votre pays. L'usage de notre langue qui était un bien commun à beaucoup de nations, a entraîné, de Belle de Zuylen à Vincent Van Gogh, - la lecture de leur correspondance le prouve - une véritable symbiose des cultures néerlandaise et française. On peut souligner, dans le même ordre d'idées, à quel point le génie naturel du grand peintre que je viens de citer a pu s'épanouir au contact de la lumière, des paysages de Provence et d'Ile de France.
- Mais notre passé commun est également riche de souvenirs plus tragiques : sans qu'il soit nécessaire d'évoquer longuement le sacrifice et l'efficacité des pontonniers hollandais lors du passage de la Bérézina en 1912, je rappellerai, parce que cela se répand à travers le temps, qu'en mai 1940, plusieurs centaines de soldats français ont fait à vos côtés le sacrifice de leur vie lors de l'invasion nazie. Mais aussi en 1944, la brigade néerlandaise "Princesse Irène", débarquée sur le sol français avec la première armée britannique, s'est distinguée, vous le savez, à Pont-Audemer et à Saint-Omer. Il y a six semaines, la coalition des Nations unies, qui s'est dressée pour arracher le Koweit à l'agression, a rassemblé, unis dans la lutte avec 27 autres nations, des Néerlandais et des Français.
- Il n'est donc pas surprenant que nos deux nations aient de nombreux points communs : l'adage de votre diplomatie : "Gallia Amica, sed non vicina", illustre un passé que, de part et d'autre, sans fausse modestie ni orgueil excessif, nous pouvons qualifier de glorieux, un sens des relations internationales, dans lequel se décèle la trace de responsabilités exercées longtemps, notamment outre-mer £ trait commun qui explique sans doute l'importance de l'aide que les Pays-Bas et la France tiennent à apporter au tiers monde, et tous ces traits tissent déjà, entre nous, une trame d'une grande densité.\
Nos deux pays, en jouant, dès la mise en oeuvre du plan Schuman, un rôle actif parmi les membres fondateurs de la Communauté européenne, ont été parmi les initiateurs d'un mouvement qui va conduire les Douze vers l'union politique. Je ne doute pas pour ma part, que les générations futures ne nous envient d'avoir ouvert une telle perspective aux peuples de la partie de notre continent parmi lesquels la géographie nous a placés. La simplicité, la solidité, l'ampleur de ce dessein sont accordés aux immenses changements des temps les plus récents, pensons en particulier à l'unification de l'Allemagne et à l'avénement au centre et à l'Est de l'Europe de régimes conformes à l'idée que nous nous faisons de la démocratie. Il reviendra bientôt aux Pays-Bas qui assumeront pendant le second semestre de cette année, la Présidence des Communautés européennes d'ordonner les débats qui doivent aboutir à la signature d'un nouveau traité entre les Douze Etats membres de la Communauté. Cet accord, du moins je l'espère, nous permettra de parachever l'union monétaire et de tracer le cadre de l'union politique. C'est une tâche ardue, difficile qui exigera encore de nous tous beaucoup d'efforts et de compréhension.
- Mais les Pays-Bas et la France sont et nous en sommes fiers, nous Français partenaires et associés, sans esprit ni possibilité de retour dans une construction à la mesure de la hardiesse à laquelle nous invite le millénaire qui s'annonce.
- A cet égard, majesté, je vous serais reconnaissant de transmettre à votre peuple, mon voeu de voir s'affirmer notre compréhension mutuelle dans la façon de préparer les échéances qui nous attendent. J'observe, en effet, que par manque, sans doute, de communication, l'opinion de votre pays s'inquiète parfois des intentions françaises. Je souhaite que l'on sache que nous comprenons l'Europe en construction comme l'étroite association de peuples dont le droit est égal. J'espère que les circonstances démontreront qu'il en est bien ainsi.\
S'agissant de l'Europe, vous avez, majesté, prononcé il y a peu de temps un discours dans une circonstance analogue, dont vous me permettrez de citer quelques phrases qui me sont venues parmi beaucoup d'autres qui nous intéressent. Vous avez dit que les Pays-Bas voulaient contribuer à la maison européenne, qu'il s'agissait, je vous cite, "d'une maison qui a beaucoup de pièces et dans laquelle non seulement les grands pays mais aussi les moyens, et petits pays peuvent trouver une place qui fasse droit à leur dignité et leur valeur" et vous avez ajouté : "ce sont précisément les petits pays qui sont, le plus souvent, les gardiens des idéaux par lesquels nous sommes liés et ce sont eux - c'est vous qui continuez - qui concrétisent l'unité dans la diversité qui fait la force de l'Europe".
- Vous me permettrez de vous dire à quel point, je suis d'accord avec vous et avec votre gouvernement lorsque vous mettez ainsi l'accent sur l'égale dignité de tous les peuples qui se sont associés dans la Communauté. Ce principe vaudra aussi pour la confédération que j'ai proposée en vue de réunir sur un pied d'égalité, tous les pays de notre continent, bien entendu les pays démocratiques, mais vous avez dit en parlant de votre peuple : votre pays petit. Est-ce si vrai ? Vous l'avez dit aussi parce que l'habileté diplomatique n'est pas étrangère aux Néerlandais, c'est bien de dire petit à un moment donné, étant donné que bien souvent on ne le croit pas. Et après tout la taille est-elle le seul critère d'une grande nation ?
- Je n'en veux pour preuve que le rayonnement culturel que soulignent le prodigieux épanouissement de la peinture hollandaise au XVIIème siècle, sans parler de politique ou bien les douze prix Nobel dont peuvent s'enorgueillir vos savants, ou encore la perfection de votre technologie dont j'ai pu mesurer l'audacieuse ambition lorsque vous m'avez convié à l'inauguration du barrage de l'Escaut oriental. Quel beau spectacle, je me souviens aussi de vous avoir accompagnée pour visiter le marché aux fleurs, mais j'étais un peu fâché d'observer que les fleurs venues de Nice avant de revenir en France devaient passer par votre marché. Ce n'était pas écrit dans le discours, mais je préfère éveiller mes souvenirs personnels. Je reconnais également que votre organisation méritait bien ce détour, même si je nourrissais l'espoir qu'un jour, cela fut rendu inutile.
- Cette aptitude, à mettre l'accent sur les applications pratiques de la science explique la place que tient votre pays dans les domaines les plus variés de la vie scientifique et industrielle. Je remercie à ce propos votre gouvernement de m'avoir invité à participer au 5ème anniversaire du lancement d'Eurêka, programme européen dont les Pays-Bas assurent brillamment la Présidence en ce moment.\
Mais il est un autre succès qui retient l'attention, celui de la société néerlandaise elle-même, dont la cohésion est due, sans doute, à une solidarité ancienne qui a trouvé depuis longtemps son expression dans la lutte menée par votre peuple sur tous les terrains. Il fallait qu'il vive et je pense en particulier à la manière dont il a apprivoisé l'eau, conquis sa terre. Ce sens de la solidarité, vous en êtes, majesté, l'interprète particulièrement éloquente. Puisse votre message de Noël de 1989 être entendu de tous, vous disiez "ce n'est pas la prospérité qui risque de nous être fatale", mais "la constante aspiration a vouloir toujours davantage, combinée à l'incapacité de partager". Croyez-moi, majesté, je pourrais vous en dire autant.
- Votre patrie a décidément cultivé, bien avant la plupart des autres, certaines valeurs telles que l'esprit de tolérance, l'importance des échanges pacifiques, culturels ou commerciaux, la dignité, nous l'avons dit. Mais aussi l'utilité de la démocratie, comme condition du développement. Il y a là, en somme, un faisceau convergent de valeurs que l'on retrouve à des degrés divers, dans toutes les sociétés modernes qui se développent rapidement, ou que recherchent les sociétés qui aspirent à se développer.
- D'une façon peut-être un peu inhabituelle, je rendrai enfin un hommage particulier à votre famille celle que j'ai eu la chance de connaître lorsque j'étais votre hôte, celle qui est restée dans nos mémoires par l'histoire de leurs actions, de leur règne, votre famille au beau nom français, dont le destin est intimement lié à l'histoire de votre pays, mais aussi un peu à notre histoire à nous depuis son origine et qui a souvent incarné l'ultime recours de la fierté néerlandaise. Il n'y a pas si longtemps encore, qui n'a éprouvé un immense sentiment de respect, pour le comportement de ces souverains attachés si fidèlement à leur peuple et à leur terre, qu'ils n'ont jamais failli.
- Restant sur cette note personnelle, j'associerai, bien entendu, son altesse royale le Prince Claus, mais aussi vos enfants, votre famille rencontrée dans son ensemble là et dans sa plénitude, il y a quelques années. Aux voeux que ma femme et moi-même nous formons pour votre personne, pour ceux que vous aimez, alors que dans quelques jours vous allez célébrer dans l'intimité familiale l'anniversaire des vingt-cinq premières années de votre mariage. Mais au-delà, chacun le comprendra c'est au peuple des Pays-Bas que j'adresserai mes souhaits et mes voeux pour sa réussite, son succès pour qu'il connaisse autant qu'il est possible le bonheur dû à un peuple valeureux.
- Je vais donc lever maintenant selon la tradition qui nous est commune, majesté, mon verre à votre santé en vous disant merci d'être venue et vive les Pays-Bas.\
- Nous sommes, ma femme et moi, très heureux de vous recevoir ce soir, ainsi que son Altesse royale le Prince Claus. L'accueil que vous nous aviez réservé, il y a quelques années, six ans déjà, dans votre pays, nous avait beaucoup touchés. Il était cet accueil, en effet, à la mesure des liens qui nous unissent depuis des temps presque immémoriaux : vais-je citer Charlemagne, faut-il l'appeler père de l'Europe, revendiqué aussi bien par les Néerlandais que par les Français et par quelques autres. De même, comment ne pas évoquer le puissant Duché de Bourgogne ? Perçu, selon notre tradition, comme une menace à l'époque pour l'unité française, il a, en revanche constitué pour les Pays-Bas le premier cadre du sentiment national. Sait-on, au demeurant, pour illustrer ce chassé-croisé permanent, que la devise française de votre dynastie "je maintiendrai" rappelle, curieusement, la devise néerlandaise d'un prince français, le Duc de Bourgogne, Jean sans peur ? "Hic houd".
- Si Erasme au XVIème siècle n'a pas participé au rayonnement naissant du Collège de France, et nous le regrettons encore, la visite que vous rendrez demain à cette prestigieuse institution constitue, en revanche, un témoignage éloquent de l'intensité des relations qu'elle a, au fil des siècles, nouées avec votre pays. Et si près de cinq siècles après sa création, le Collège de France a pris l'initiative récemment d'organiser pour la première fois un cycle officiel d'enseignement hors du territoire français, quoi de plus révélateur qu'il ait choisi de le faire aux Pays-Bas, et plus précisément à la maison Descartes à Amsterdam. Cet institut perpétue en effet le souvenir de la présence parmi vous de ce philosophe, de ce grand philosophe qui, comme beaucoup d'autres Français, après lui et pour des raisons différentes, y a trouvé la paix de l'esprit dans la mesure où on la trouve. En sens inverse, Grotius s'échappait de sa prison hollandaise pour se réfugier à Paris, - ce n'est pas à sens unique - et Huyghens participait à la création de notre Académie des sciences.\
L'influence des institutions françaises ne s'est exercée chez vous que pendant moins de vingt ans, bons ou fâcheux souvenirs, je ne sais, au moment du Directoire et de l'Empire £ elle n'en a pas moins marqué, me semble-t-il, d'une façon durable, l'organisation administrative et les lois de votre pays. L'usage de notre langue qui était un bien commun à beaucoup de nations, a entraîné, de Belle de Zuylen à Vincent Van Gogh, - la lecture de leur correspondance le prouve - une véritable symbiose des cultures néerlandaise et française. On peut souligner, dans le même ordre d'idées, à quel point le génie naturel du grand peintre que je viens de citer a pu s'épanouir au contact de la lumière, des paysages de Provence et d'Ile de France.
- Mais notre passé commun est également riche de souvenirs plus tragiques : sans qu'il soit nécessaire d'évoquer longuement le sacrifice et l'efficacité des pontonniers hollandais lors du passage de la Bérézina en 1912, je rappellerai, parce que cela se répand à travers le temps, qu'en mai 1940, plusieurs centaines de soldats français ont fait à vos côtés le sacrifice de leur vie lors de l'invasion nazie. Mais aussi en 1944, la brigade néerlandaise "Princesse Irène", débarquée sur le sol français avec la première armée britannique, s'est distinguée, vous le savez, à Pont-Audemer et à Saint-Omer. Il y a six semaines, la coalition des Nations unies, qui s'est dressée pour arracher le Koweit à l'agression, a rassemblé, unis dans la lutte avec 27 autres nations, des Néerlandais et des Français.
- Il n'est donc pas surprenant que nos deux nations aient de nombreux points communs : l'adage de votre diplomatie : "Gallia Amica, sed non vicina", illustre un passé que, de part et d'autre, sans fausse modestie ni orgueil excessif, nous pouvons qualifier de glorieux, un sens des relations internationales, dans lequel se décèle la trace de responsabilités exercées longtemps, notamment outre-mer £ trait commun qui explique sans doute l'importance de l'aide que les Pays-Bas et la France tiennent à apporter au tiers monde, et tous ces traits tissent déjà, entre nous, une trame d'une grande densité.\
Nos deux pays, en jouant, dès la mise en oeuvre du plan Schuman, un rôle actif parmi les membres fondateurs de la Communauté européenne, ont été parmi les initiateurs d'un mouvement qui va conduire les Douze vers l'union politique. Je ne doute pas pour ma part, que les générations futures ne nous envient d'avoir ouvert une telle perspective aux peuples de la partie de notre continent parmi lesquels la géographie nous a placés. La simplicité, la solidité, l'ampleur de ce dessein sont accordés aux immenses changements des temps les plus récents, pensons en particulier à l'unification de l'Allemagne et à l'avénement au centre et à l'Est de l'Europe de régimes conformes à l'idée que nous nous faisons de la démocratie. Il reviendra bientôt aux Pays-Bas qui assumeront pendant le second semestre de cette année, la Présidence des Communautés européennes d'ordonner les débats qui doivent aboutir à la signature d'un nouveau traité entre les Douze Etats membres de la Communauté. Cet accord, du moins je l'espère, nous permettra de parachever l'union monétaire et de tracer le cadre de l'union politique. C'est une tâche ardue, difficile qui exigera encore de nous tous beaucoup d'efforts et de compréhension.
- Mais les Pays-Bas et la France sont et nous en sommes fiers, nous Français partenaires et associés, sans esprit ni possibilité de retour dans une construction à la mesure de la hardiesse à laquelle nous invite le millénaire qui s'annonce.
- A cet égard, majesté, je vous serais reconnaissant de transmettre à votre peuple, mon voeu de voir s'affirmer notre compréhension mutuelle dans la façon de préparer les échéances qui nous attendent. J'observe, en effet, que par manque, sans doute, de communication, l'opinion de votre pays s'inquiète parfois des intentions françaises. Je souhaite que l'on sache que nous comprenons l'Europe en construction comme l'étroite association de peuples dont le droit est égal. J'espère que les circonstances démontreront qu'il en est bien ainsi.\
S'agissant de l'Europe, vous avez, majesté, prononcé il y a peu de temps un discours dans une circonstance analogue, dont vous me permettrez de citer quelques phrases qui me sont venues parmi beaucoup d'autres qui nous intéressent. Vous avez dit que les Pays-Bas voulaient contribuer à la maison européenne, qu'il s'agissait, je vous cite, "d'une maison qui a beaucoup de pièces et dans laquelle non seulement les grands pays mais aussi les moyens, et petits pays peuvent trouver une place qui fasse droit à leur dignité et leur valeur" et vous avez ajouté : "ce sont précisément les petits pays qui sont, le plus souvent, les gardiens des idéaux par lesquels nous sommes liés et ce sont eux - c'est vous qui continuez - qui concrétisent l'unité dans la diversité qui fait la force de l'Europe".
- Vous me permettrez de vous dire à quel point, je suis d'accord avec vous et avec votre gouvernement lorsque vous mettez ainsi l'accent sur l'égale dignité de tous les peuples qui se sont associés dans la Communauté. Ce principe vaudra aussi pour la confédération que j'ai proposée en vue de réunir sur un pied d'égalité, tous les pays de notre continent, bien entendu les pays démocratiques, mais vous avez dit en parlant de votre peuple : votre pays petit. Est-ce si vrai ? Vous l'avez dit aussi parce que l'habileté diplomatique n'est pas étrangère aux Néerlandais, c'est bien de dire petit à un moment donné, étant donné que bien souvent on ne le croit pas. Et après tout la taille est-elle le seul critère d'une grande nation ?
- Je n'en veux pour preuve que le rayonnement culturel que soulignent le prodigieux épanouissement de la peinture hollandaise au XVIIème siècle, sans parler de politique ou bien les douze prix Nobel dont peuvent s'enorgueillir vos savants, ou encore la perfection de votre technologie dont j'ai pu mesurer l'audacieuse ambition lorsque vous m'avez convié à l'inauguration du barrage de l'Escaut oriental. Quel beau spectacle, je me souviens aussi de vous avoir accompagnée pour visiter le marché aux fleurs, mais j'étais un peu fâché d'observer que les fleurs venues de Nice avant de revenir en France devaient passer par votre marché. Ce n'était pas écrit dans le discours, mais je préfère éveiller mes souvenirs personnels. Je reconnais également que votre organisation méritait bien ce détour, même si je nourrissais l'espoir qu'un jour, cela fut rendu inutile.
- Cette aptitude, à mettre l'accent sur les applications pratiques de la science explique la place que tient votre pays dans les domaines les plus variés de la vie scientifique et industrielle. Je remercie à ce propos votre gouvernement de m'avoir invité à participer au 5ème anniversaire du lancement d'Eurêka, programme européen dont les Pays-Bas assurent brillamment la Présidence en ce moment.\
Mais il est un autre succès qui retient l'attention, celui de la société néerlandaise elle-même, dont la cohésion est due, sans doute, à une solidarité ancienne qui a trouvé depuis longtemps son expression dans la lutte menée par votre peuple sur tous les terrains. Il fallait qu'il vive et je pense en particulier à la manière dont il a apprivoisé l'eau, conquis sa terre. Ce sens de la solidarité, vous en êtes, majesté, l'interprète particulièrement éloquente. Puisse votre message de Noël de 1989 être entendu de tous, vous disiez "ce n'est pas la prospérité qui risque de nous être fatale", mais "la constante aspiration a vouloir toujours davantage, combinée à l'incapacité de partager". Croyez-moi, majesté, je pourrais vous en dire autant.
- Votre patrie a décidément cultivé, bien avant la plupart des autres, certaines valeurs telles que l'esprit de tolérance, l'importance des échanges pacifiques, culturels ou commerciaux, la dignité, nous l'avons dit. Mais aussi l'utilité de la démocratie, comme condition du développement. Il y a là, en somme, un faisceau convergent de valeurs que l'on retrouve à des degrés divers, dans toutes les sociétés modernes qui se développent rapidement, ou que recherchent les sociétés qui aspirent à se développer.
- D'une façon peut-être un peu inhabituelle, je rendrai enfin un hommage particulier à votre famille celle que j'ai eu la chance de connaître lorsque j'étais votre hôte, celle qui est restée dans nos mémoires par l'histoire de leurs actions, de leur règne, votre famille au beau nom français, dont le destin est intimement lié à l'histoire de votre pays, mais aussi un peu à notre histoire à nous depuis son origine et qui a souvent incarné l'ultime recours de la fierté néerlandaise. Il n'y a pas si longtemps encore, qui n'a éprouvé un immense sentiment de respect, pour le comportement de ces souverains attachés si fidèlement à leur peuple et à leur terre, qu'ils n'ont jamais failli.
- Restant sur cette note personnelle, j'associerai, bien entendu, son altesse royale le Prince Claus, mais aussi vos enfants, votre famille rencontrée dans son ensemble là et dans sa plénitude, il y a quelques années. Aux voeux que ma femme et moi-même nous formons pour votre personne, pour ceux que vous aimez, alors que dans quelques jours vous allez célébrer dans l'intimité familiale l'anniversaire des vingt-cinq premières années de votre mariage. Mais au-delà, chacun le comprendra c'est au peuple des Pays-Bas que j'adresserai mes souhaits et mes voeux pour sa réussite, son succès pour qu'il connaisse autant qu'il est possible le bonheur dû à un peuple valeureux.
- Je vais donc lever maintenant selon la tradition qui nous est commune, majesté, mon verre à votre santé en vous disant merci d'être venue et vive les Pays-Bas.\