18 février 1991 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur les relations franco-équatoriennes, la participation de l'Equateur au Conseil de sécurité de l'ONU et les relations entre la CEE et le Pacte andin, Paris, le 18 février 1991.

Monsieur le Président,
- Mesdames,
- C'est avec un vrai plaisir que nous accueillons aujourd'hui le premier Président de la République de l'Equateur reçu en France dans le cadre d'une visite d'Etat.
- Si l'on considère tour à tour l'ancienneté des liens qui nous unissent (je rappellerai en 1735 : Charles-Marie de la Condamine traça près de Quito la ligne de partage entre l'hémisphère Nord et l'hémisphère Sud), si l'on considère aussi l'étendue de la coopération qui, depuis plus de deux siècles, associe nos deux peuples, et l'ampleur des affinités, qui de longue date, les rapprochent dans le respect des mêmes valeurs, il est surprenant après tout qu'une telle visite n'ait pas eu lieu plus tôt. Mais voici que cette lacune est désormais comblée, et je suis heureux, monsieur le Président, mesdames, que ce soit par votre présence.
- Le 11 octobre 1989, vous nous receviez à Quito ma femme et moi et nous avons pu voir que votre capitale témoigne de la richesse d'une civilisation née de la rencontre de deux mondes, dont on célébrera l'an prochain le cinquième centenaire. Cette rencontre a permis d'écrire des chapitres marquants de notre histoire et a donné naissance à l'Amérique latine, ensemble de territoires et de peuples, indépendants, libres, confrontés aux exigences du développement et de la démocratie, désormais presque partout retrouvée.
- Je garde très présent à l'esprit le souvenir de ce séjour, de votre accueil si chaleureux, de nos entretiens confiants, du bonheur que procure la découverte d'une ville qui raconte l'histoire d'un pays au travers de ses places, de ses palais, de ses églises et que de splendeurs accumulées dans votre capitale.\
Octobre 1989, c'était hier. Et pourtant, que de changements se sont produits dans le monde depuis lors. Nous avions évoqué, monsieur le Président, les perspectives qui s'ouvraient devant nous : la renaissance de la liberté et de la démocratie en Europe de l'Est, la fin de la guerre froide, l'unification de l'Allemagne... Après avoir paru immobile, comme figée pendant quarante-cinq ans, l'histoire se remettait en marche à vive allure sous nos yeux. Aujourd'hui la métamorphose profonde de l'Europe qui s'annonçait s'est amorcée : le conflit est-ouest s'est estompé, l'Allemagne s'est unifiée et les pays de l'est de l'Europe ont retrouvé leur identité. Certes, il convient de rester vigilant, d'aider les peuples en marche vers la liberté, dans un contexte économique souvent très difficile, de fournir aux états libérés des anciennes tutelles l'assistance dont ils ont besoin pour préserver cette indépendance et garantir ce développement.
- Nous sommes entrés de ce fait dans un monde plus instable et plus imprévisible, qui semble hésiter parfois entre le consentement aux notions de démocratie, de liberté, de respect de la personne humaine et des règles du droit et de l'autre côté du retour aux nationalismes, au jeu classique des puissances qui conduit trop souvent à imposer la loi du plus fort.
- C'est pour cette raison en particulier que la France a jugé de son devoir de prendre part au Moyen-Orient, à l'action entreprise, dans le cadre des Nations unies, pour rétablir la souveraineté du Koweit. C'est pourquoi elle appelle aussi de ses voeux l'examen, dans le cadre d'une conférence internationale ou de plusieurs, des revendications légitimes de tous les peuples, de tant de peuples, qui vivent dans cette région du monde et qui ont tant besoin eux aussi soit de trouver une patrie, soit de vivre librement.
- Votre pays, monsieur le Président, prend une part de plus en plus active à notre effort commun. Membre du Conseil de Sécurité des Nations unies depuis le 1er janvier dernier, il s'emploie à promouvoir la recherche de solutions pacifiques aux conflits qui divisent notre planète. Je me réjouis de cet engagement de l'Equateur, car il le fait au service du droit. Nous avons pu le constater comme de l'intérêt accru que, sous votre autorité, votre pays porte au développement de ses relations avec le reste du monde, en particulier avec l'Europe.\
L'Equateur a choisi d'assurer son développement dans le cadre d'une intégration régionale, celle du Pacte andin, qui s'inspire de l'exemple donné en la matière par la Communauté économique européenne. Cette orientation impliquait que certains contentieux anciens, même s'ils subsistent, ne fissent plus obstacle à l'approfondissement des liens avec vos voisins. Permettez-moi de rendre hommage à cette politique résolument tournée vers l'avenir et le progrès.
- Je n'ignore pas non plus l'ampleur des efforts que votre gouvernement accomplit, dans l'ordre interne, pour assainir l'économie, assurer le développement, affermir la démocratie. J'en mesure, même à distance les difficultés et le courage qu'il faut pour mener à bien cette tâche.
- Dans cette entreprise, l'Equateur peut compter sur la France et sur son amitié, et cela a été démontré depuis notre rencontre de Quito, et sur son appui effectif. Les engagements que nous avions pris ensemble à cette époque, qui n'est pas lointaine et qui visaient à resserrer davantage notre coopération tant dans le domaine de nos échanges économiques que dans celui de nos relations culturelles, scientifiques et technique, ont été scrupuleusement tenus, et même dans certains cas au-delà de ce qui était espéré. J'en veux pour preuve nos échanges commerciaux, dès 1990 et en particulier la progression sensible des exportations équatoriennes vers le marché français.
- C'est bien dans cet esprit, que nous avons plaidé à Bruxelles pour que votre pays bénéficie, au même titre que ses voisins, des facilités accordées par la Communauté européenne aux pays andins, comme à bien d'autres pays sur la surface de la planète.\
La France sait que, fidèle à la vocation que lui avaient assignée les héros de son émancipation, le général Simon Bolivar, dont nous regardions ensemble la statue en passant tout à l'heure, du côté des Invalides et le Maréchal Sucre. J'ai visité à vos côtés le mémorial et le tombeau de ce héros dont l'importance historique reste considérable. Je pense que dans cette lignée-là, le peuple équatorien a de quoi trouver des leçons et continuer d'avancer sur le chemin de son indépendance et de ses libertés.
- Je pense à tout cela sans vouloir allonger plus qu'il ne convient cette allocution de bienvenue. Nous nous reverrons demain, nous avons déjà pu échanger des propos dans le courant de cet après-midi. Vous retrouvez Paris, monsieur le Président, que vous avez connu en touriste, en touriste inlassable, cherchant à voir, tout ce que l'on peut voir en peu de jours et vous, mesdames, je pense que vous avez, cette fois-ci, l'occasion de vous attarder un peu parmi nous, et d'apprécier la vie de notre ville et d'en approcher les reflets, mais aussi les réalités de son histoire et de sa culture. C'est en pensant à cela, monsieur le Président, mesdames, et vous mesdames et messieurs qui l'avez accompagné dans ce long voyage, que je forme pour vous toutes et pour vous tous, des voeux que vous voudrez bien transmettre, voeux de bonheur au peuple équatorien, mais aussi, voeux pour votre réussite et je vais lever mon verre, selon la tradition, à vos santés personnelles, santés de ceux que vous aimez.
- Vive l'Equateur et Vive la France !.\