18 septembre 1990 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Mitterrand, Président de la République, et Helmut Kohl, chancelier de RFA, notamment sur la réunification de l'Allemagne et ses conséquences sur les relations franco-allemandes et la poursuite de la construction européenne, Munich, le 18 septembre 1990.

Monsieur le Président de la République,
- Mesdames et messieurs,
- Je vous souhaite la bienvenue à l'occasion de notre conférence de presse à l'occasion des 56èmes consultations franco-allemandes. Nous venons de terminer la réunion plénière habituelle avec le rapport de différents ministres. Nous venons donc de terminer ces consultations et avant de vous en parler je voudrais utiliser cette occasion, ici, à Munich pour vous remercier tous très cordialement du fond du coeur pour l'accueil très hospitalier que nous avons eu dans cette magnifique salle et surtout M. Max Streibl, toutes les autorités de Munich et surtout les citoyens et les citoyennes de la ville.
- Ces consultations franco-allemandes ont été un succès et très sûrement nous en sommes redevables à nos collaborateurs, mais également au génie de cette grande ville et cela je voudrais le souligner d'une manière toute particulière ici.
- Monsieur le Président de la République, mesdames, messieurs, ces consultations ont lieu à un moment historique de l'histoire européenne et de l'histoire allemande. Il y a une semaine à peine le règlement final sur l'Allemagne a été signé et conclu de manière solennelle £ et cette formule un peu froide "Traité sur le règlement final sur l'Allemagne", cette formule ne peut être bien comprise que par celui qui refait défiler devant ses yeux l'histoire de ces dernières années, et de ces derniers siècles en Europe. Le 3 octobre 1990, dans très peu de temps, l'unité allemande sera accomplie et dans deux mois, du 19 au 21 novembre il y aura, à Paris, la réunion des 35 pays de la CSCE : cela marquera l'entrée dans une nouvelle époque de l'histoire européenne et de l'histoire du monde. Et pour nous les Allemands, c'est tout particulièrement une date importante. A la mi-décembre, à Rome, sous la présidence italienne, dans le cadre de la Communauté européenne, nous aurons les deux conférences internationales sur l'union politique et sur l'union monétaire pour faire avancer, pour accomplir un pas en avant de plus vers l'intégration nécessaire européenne.\
Avant que je vous dise exactement quels sont les résultats de nos discussions d'aujourd'hui et d'hier, j'aimerais vous dire encore quelques mots. Le 3 octobre c'est un rêve que nous avons depuis longtemps qui s'accomplit en Allemagne. C'est l'unification dans la liberté, dans l'autodétermination, après un processus de mutation lent et en accord avec tous nos amis voisins. Nous sommes tout à fait conscients du fait que nous n'avons pu avoir cette unité qu'aux côtés et grâce à l'aide de nos alliés et amis et surtout de nos amis français. Sans la réconciliation entre l'Allemagne et la France, sans le traité d'amitié et de coopération franco-allemand et sans cette bonne amitié de ces dernières années et tout particulièrement, Monsieur le Président, dans ces dernières années, lorsque nous avons eu ensemble cette chance de travailler ensemble, sans vous nous n'aurions pas pu arriver à ce résultat. Eh bien, c'est quelque chose à laquelle nous voulons penser avec gratitude. Nous voulons penser à ceux qui nous ont donné leur aide et leur soutien et quand je parle de gratitude, j'aimerais également saisir l'occasion pour, au-delà des gens qui font partie du gouvernement, penser à ceux qui ont également aider dans ce chemin ou sur ce chemin : je pense à tous les soldats français, par exemple, qui ces dernières dizaines d'années, ont aidé à garantir la paix dans notre pays. Je pense à leur famille, également et à tous ceux qui d'une manière active dans le domaine culturel, dans le domaine des échanges des jeunes par exemple, ont contribué à ce que cette évolution soit si positive. Eux tous, nous ont aidé dans des temps difficiles, nous ont aidé à assurer notre liberté et à arriver à nouveau à notre réunification.
- Pour cette compréhension, pour cette sympathie, nous sommes particulièrement reconnaissants. Et nous savons bien que cela est d'autant plus important - cette aide et ce soutien - que dans certains pays comme la France, par exemple, le passé aurait pu pousser à avoir certaines craintes. Nous pensons qu'il faut bien, maintenant, penser à l'avenir et particulièrement à ce que nous pouvons faire avec nos amis français dans l'avenir de la même manière que nous avons travaillé dans le passé avec nos amis français.\
Monsieur le Président et moi nous avons ainsi et pour cette raison mis sur point une déclaration commune que nous avons approuvée aujourd'hui et qui dit exactement quelles seront les lignes de la coopération franco-allemande à l'avenir. Vous avez le texte sous les yeux, mais je voudrais quand même vous en lire quelques points.
- D'une part le traité de l'Elysée de 1963 dans son protocole supplémentaire additionnel de 88 sera, continuera à être à la base de la politique de notre peuple. Deuxièmement, nous voulons continuer à renforcer l'intégration de nos deux peuples et utiliser également les nouvelles possibilités de coopération que l'unité de l'Allemagne peut offrir tout particulièrement dans les domaines économique et culturel. Nous engageons également les entreprises françaises en même temps que les entreprises allemandes à s'investir durablement dans les cinq nouveaux landers de ce qu'était la République démocratique allemande. Nous voudrions aussi qu'à l'avenir, dans la limite de nos possibilités bien sûr, nous puissions contribuer à l'intégration européenne. Et nous voulons conformément à notre initiative du 18 avril 1990 donner un fondement très sûr à l'unification européenne. Nous voulons également avoir un voisinage très stable avec tous nos voisins aussi bien au nord qu'au sud et à l'est et nous voulons continuer à améliorer notre coopération dans le domaine militaire.
- Je suis content de voir qu'en dehors de la décision de principe du Président de la République, les forces françaises restent en Allemagne et que nous allons étudier les modalités par lesquelles cela se fera dans les années à venir. Nous avons, et cela est dans la nature des choses, surtout ces jours-ci, particulièrement réfléchi également au conflit qui se déroule dans le Golfe en ce moment et nous avons également réfléchi aux répercussions que cela entraînera, nous avons parlé de deux thèmes particuliers. Un de ces thèmes c'est l'introduction, dans le domaine culturel, de la nouvelle norme D2 MAC et je crois que là M. Schwarz Schilling et son collègue français ont accompli un travail énorme. Nous avons également eu un autre sujet : c'était la politique intérieure en République, enfin dans l'Allemagne et nous avons dit que les questions de la chaîne culturelle allaient être réglées. Nous nous sommes mis d'accord, c'est mon souhait personnel, le souhait que j'adresse au lander, ce que je voudrais c'est que ce traité soit signé par les landers puisque ce sont des landers qui signeront assez rapidement et M. Späth a pris la responsabilité de mettre ses collègues ministres-présidents au courant. On disait toujours que si c'était le Bund qui voulait, les landers voudraient aussi £ et bien maintenant le bund a bien déclaré que c'était sa volonté et les landers, les Bundeslanders de la République fédérale ont maintenant une occasion merveilleuse de montrer leur désir d'avancer dans ce domaine.
- Voilà c'était une vue rapide des domaines que nous avons discutés. Maintenant je voudrais donner la parole au Président de la République.\
LE PRESIDENT.- Mesdames et messieurs, je ne peux que confirmer que ce qui vient d'être dit. Un certain nombre de décisions ont été prises au cours de ce 56ème sommet, elles vous seront communiquées.
- Sur le plan général assurément le point le plus important est dû au fait que nous soyons, si je puis dire, à la veille du 3 octobre et de l'unité entre les anciens, on peut déjà parler ainsi, Etats allemands. C'est une date très importante pour les Allemands, pour tous les Européens, pour le monde. C'est sans doute la dernière fois qu'il m'arrive de m'adresser d'Allemagne, avant cette date, à des Allemands et je tiens à leur rappeler ce que j'avais dit à Bonn, le 3 novembre de l'an dernier : j'avais déjà dit que la France ne faisait pas de réserve à l'éventualité - ce n'était encore qu'une éventualité - de l'unification allemande. C'était une semaine avant la chute du mur de Berlin. Je continue de penser que ce qui a été accompli depuis lors est allé dans le sens d'une histoire qui s'imposait, et sur le plan du devenir de notre continent, et sur le plan de la simple justice à rendre à un peuple déchiré.
- Cela, naturellement, confère à l'Allemagne des devoirs nouveaux mais ces devoirs, elle les appréhende de la manière que nous voyons, c'est-à-dire en continuant de lier le développement allemand au développement de la Communauté et particulièrement dans le cadre de l'amitié avec la France. Le Chancelier a choisi quelques exemples pour en faire la démonstration et je n'y reviens pas.
- J'ai été touché, en effet, par les démarches qui ont été faites auprès de moi par plusieurs municipalités allemandes pour demander le maintien des troupes françaises en Allemagne alors qu'elles y étaient venues dans des circonstances historiques qui pouvaient laisser derrière elles beaucoup d'amertume. Cela prouve que les relations humaines ont accompagné les démarches politiques. J'ai eu l'occasion de répondre que, malgré cela, l'objectif fixé par la France était le départ de ses troupes d'Allemagne, d'un pays appelé aujourd'hui à vivre pleinement sa souveraineté et sa sécurité. Mais il y a des inconnues : la démarche entre l'Allemagne et l'Union soviétique pour le départ des troupes qui se trouvent aujourd'hui en RDA, les convenances de nos alliés qui partageaient avec nous la garantie du statut de l'Allemagne mais aussi avec nos amis allemands. Cela n'ôte rien à l'objectif que j'ai initialement défini. Il faut se réinscrire dans l'ordre naturel des relations internationales, mais cela permettra de mettre au point une série de modalités que nous avons commencées d'aborder et qui se retrouvent dans le texte qui vous sera distribué.\
J'observe en même temps que toute une série d'accords ont été parachevés aujourd'hui. Le Chancelier vous a dit les principaux et ce ne sont pas les seuls, mais ils sont très importants. Par ailleurs, le Chancelier a réinsisté sur ce qui a été constamment son propre engagement : l'unité de son pays mais aussi l'unité européenne. On dispose aujourd'hui de la Communauté des Douze. Cette Communauté devra passer des accords avec plusieurs autres pays, ceux qui aspirent à élargir la Communauté et ceux qui désirent disposer d'accords d'association solides avec elle, et tout ceci pendant que se déroulent les conversations autour de la CSCE dont la réunion au mois de novembre sera un point majeur de l'histoire de cette année déjà si importante.
- Pour l'Europe elle-même, c'est pour ce semestre, le Président du Conseil des ministres italien qui a la charge d'émettre des propositions. Nous faciliterons sa tâche, surtout dans l'intention de voir un délai fixé pour l'union économique et monétaire, et l'union politique. De ce point de vue, l'étape qui s'annonce à partir du 1er janvier 1993 devrait permettre tous les développements souhaitables.
- Voilà, mesdames et messieurs, ce que je puis dire en l'état actuel des choses, en réitérant aux Allemands qui m'écoutent grâce à vous, les voeux que la France forme pour eux dans ce moment de leur histoire si chargée d'émotion, de souvenir et d'espérance.\
H. KOHL.- Merci, Monsieur le Président, je propose que nous utilisions le temps qui nous reste pour des questions.
- QUESTION.- La France accueille avec beaucoup d'amitié l'unification allemande. Deux questions à ce sujet : que pensez-vous, Monsieur le Président, de la proposition faite par un conseiller du Président Gorbatchev, M. Portugaloff, de proposer un sixième siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, et qu'en pense le Chancelier Kohl ? Est-ce que vous en avez discuté ? Deuxièmement, au sujet du 3 octobre, est-ce que la France a été invitée ou avait été invitée à participer aux cérémonies de l'unification le 3 octobre à Berlin ? Et sinon, pourquoi est-ce qu'elle ne l'a pas, été ?
- LE PRESIDENT.- La question consistant à proposer la création d'un sixième poste d'un membre permanent du Conseil de sécurité est tout à fait normale en raison du rôle que joue l'Allemagne et qu'elle jouera dans les affaires du monde. Mais cette question ne m'a pas été posée. J'en ai pris connaissance assurément car vous n'êtes pas le seul à l'avoir appris ! Mais la question ne m'a pas été posée : je ne l'ai pas examinée, je n'ai pu en parler à personne, j'arrête donc là mes commentaires. Quant au 3 octobre, la France, si elle y est conviée, sera certainement représentée. Peut-être voulez-vous me demander sans l'avoir précisé, à quel niveau ? Je ne sais pas, moi. Je ne peux donc pas vous répondre sur ce sujet. Mais la France, en tant que telle - je ne suis pas le seul à la représenter - sera naturellement aux côtés de l'Allemagne dans ce grand moment.
- H. KOHL.- Oui, j'ai déjà entendu parler de cette remarque d'un conseiller du dirigeant soviétique. Et, pour qui réfléchit à cette question, c'est une question qui va encore beaucoup plus loin que simplement la question de ce que sera l'Allemagne unie. C'est une question qui touche à l'équilibre total des nations, et donc, je n'aimerais pas du tout que l'on mène une discussion officielle sur ce sujet. Si l'on veut changer la composition du Conseil de sécurité actuel, eh bien, il faut réfléchir à ce qu'il reflète d'un point de vue global, d'un point de vue mondial. Et, il est évident que si l'on réfléchit à cela, ce sont de tous nouveaux aspects qui devront être intégrés. C'est une chose à laquelle nous ne pensons pas pour l'instant, nous n'avons aucun intérêt à entrer dans une discussion mondiale sur ce genre de question. Nous avons bien d'autres problèmes énormes à résoudre dans notre pays et nous voulons les résoudre. Si, au cours du temps, cette question devait se reposer, il faudrait en discuter mais certainement pas dans une discussion officielle, et certainement pas dans une conférence de presse. Il faut que cela se fasse dans le cadre d'une responsabilité globale des Nations unies et la participation allemande n'est qu'une partie du monde, le monde a des dimensions tout à fait différentes.
- Pour la deuxième partie de votre question, nous avons bien entendu réfléchi à la manière dont nous allions organiser cette manifestation, la journée de l'unité allemande. Il y a eu des réflexions, nous avons eu l'idée d'inviter les quatre pays les plus importants pour l'Allemagne, et bien entendu ses alliés. Mais il était évident, pas pour des raisons d'animosité mais pour des raisons de temps, de date et que d'autre part, tout le monde ne pourrait pas accepter cette invitation, et bien, nous avons décidé de faire en sorte que nous aurions une manifestation qui serait plus tournée vers l'intérieur, vers l'intérieur de notre pays.\
QUESTION.- La déclaration commune contient une déclaration claire sur les dates pour l'union monétaire. M. le Chancelier, est-ce que vous arriverez à imposer cela d'une manière aussi claire vis-à-vis du ministre des finances, ou est-ce qu'il y aura encore des discussions ? Deuxième question au Président français : est-ce que j'ai compris ce que vous avez dit : après la première étape du retrait des troupes d'Allemagne, vous pensez à retirer complètement dans une deuxième étape toutes les troupes françaises.
- H. KOHL.- Non, ce que vous dîtes pour la première partie de votre question, il n'y a rien de nouveau dans ce texte, et la préparation de la conférence à Rome, nous en avons parlé avec notre ami français et nous continuerons à en parler en détail. Il y a beaucoup de choses à discuter, d'ailleurs, pour les deux conférences, et la deuxième partie de la question vous concernait, Monsieur le Président.
- LE PRESIDENT.- Je croyais avoir été clair. J'ai dit que l'objectif c'est le retour en France des troupes françaises stationnées en Allemagne. Elle ne comportait aucune ambiguïté. J'ai simplement ajouté que cela ne se faisait pas comme cela par simple décision bilatérale, même si l'objectif est très clair et qu'il convenait de débattre des modalités d'exécution - parmi les modalités, il y a les délais, et ces délais peuvent être étudiés, il n'y a pas d'urgence - avec les trois autres puissances qui se trouvaient impliquées dans le statut de l'Allemagne fédérale, y compris avec le gouvernement allemand en prenant en compte tout ce que suppose la courtoisie, l'intérêt mutuel pour entacher en rien les bonnes relations qui nous unissent. je ne l'ai pas précisé, mais vous l'aviez compris, que ce raisonnement ne s'appliquait ni aux troupes de Berlin ni à la brigade franco-allemande.\
QUESTION.- La coopération avec les Etats méditerranéens et d'Afrique du Nord pourrait-elle s'étendre au domaine militaire ou s'agit-il seulement de relations politique et économique ?
- LE PRESIDENT.- Je ne comprends pas très bien votre question, bien qu'elle soit très claire ! Car avec les pays méditerranéens, s'il s'agit de la Méditerranée occidentale et pour le nord du continent européen, inutile, je suppose, d'insister sur la réponse à faire : avec l'Espagne, l'Italie, etc..., nous avons déjà des accords entre nous, nous participons également à la même organisation - l'UEO - et nous appartenons à la même alliance. Pour ce qui touche à l'Europe orientale, toujours la zone européenne, je n'ai pas grand chose à ajouter. Pour ce qui concerne l'Afrique du Nord, et au-delà l'extrême pointe du Proche-Orient, là-dessus je n'ai rien à dire sinon que nous n'avons aucune disposition militaire, dans aucun de ces pays.
- Nous avons de très bons accords, nous Français, avec le Maroc, avec l'Algérie, avec la Tunisie. Nous voisinons avec la Libye. Nous travaillons en très bonne harmonie avec l'Egypte, pour énumérer quelques uns de ces pays, mais nous n'avons pas d'accord militaire. La question ne s'est donc pas posée. Nous n'avons pas de visée militaire, nous n'avons pas d'alliance militaire, nous n'avons pas l'intention de demander à ces pays, dans l'état actuel, des pactes d'assistance mutuelle. Je pense que vous avez dû comprendre qu'il s'agissait essentiellement de relations politiques, économiques et culturelles.
- H. KOHL.- Et puis surtout, il s'agit en fait d'une coopération dans le cadre européen, comme le texte le dit clairement.\
QUESTION.- Une question au Président et au Chancelier. Il y a des ministres des institutions, pas seulement en Angleterre mais également en Allemagne qui veulent freiner une union monétaire. L'on dit aussi en Angleterre que les Allemands rendront les conditions d'une telle union si difficile que les autres ne pourront pas suivre. Qu'est-ce que vous avez à dire, à répondre, à ce genre de rumeurs qui existent aussi bien en Allemagne qu'à l'étranger ?
- H. KOHL.- Eh bien, mon message est tout à fait clair : dans cette histoire, dans cette époque historique, nous voulons vivre l'autre message qui est contenu dans le préambule de notre constitution. C'est l'unification européenne. Or, cette unification européenne exige une unification politique et l'unification politique implique une union monétaire et économique. Ce n'est rien de nouveau et c'est le sens des deux conférences gouvernementales qui vont s'ouvrir en décembre à Rome. Il s'agit simplement de détails importants. Il y a eu des premières discussions dans le Conseil ECOFI, d'autres vont suivre. Nous avons conclu avec nos amis français, que comme par le passé, nous allons nous concerter pour la préparation de ces conférences importantes à Rome dans les semaines à venir, car notre but commun c'est de faire en sorte que les choses avancent en Europe.
- Nous, en tant qu'Allemands, nous comprendrions mal le message de l'histoire si nous nous occupions uniquement de l'unification allemande et pas, parallèlement, également, de l'unification européenne. Je l'ai déjà dit, ces deux dates vont bien ensemble : 3 octobre 1990, jour de l'unité allemande, 31 décembre 1992, le premier pas concret pour l'ouverture du grand marché unique pour plus de 320 millions d'européens. Je suis tout à fait convaincu qu'en 1994 le Parlement qui sera élu devra avoir plus de compétences que le Parlement européen actuel. Mais, il y a encore beaucoup de travail à accomplir dans ce sens. Travail qui doit être accompli entre Paris et Bonn, mais également, puisque la question venait d'un journaliste du Financial Times tout cela doit être rediscuté entre nous et Londres.
- LE PRESIDENT.- La France a déjà exprimé le désir de voir l'union monétaire entrer dans une phase nouvelle à partir du 1er janvier 1993. Elle réitérera ce souhait au sein des instances qualifiées c'est-à-dire la Conférence intergouvernementale déjà prévue. Et plusieurs démarches ont déjà eu lieu avec l'Allemagne fédérale afin, précisément, de parvenir à un accord pour que les phases successives de cette mise en place se déroulent conformément aux prévisions initiales.\
QUESTION.- Jacques Delors disait dimanche qu'à la lumière des événements du Golfe il était logique que la CEE se dote d'une force d'intervention militaire. Est-ce que la France et l'Allemagne sont prêtent à appuyer une telle proposition ?
- H. KOHL.- Je ne crois pas que pour l'instant, vu la situation constitutionnelle et la situation juridique de la CEE, une telle idée soit réalisable. En nous avançant, en nous approchant d'une véritable union de l'Europe, c'est bien sûr une vision d'avenir que je peux très bien endosser, que je peux très bien imaginer. Mais, malheureusement nous n'en sommes pas là.
- LE PRESIDENT.- Je répondrais de mon côté qu'une défense commune aux pays de la Communauté et une Europe capable d'assurer elle-même sa propre sécurité, c'est un objectif désirable auquel il faut travailler. Mais, il ne peut pas passer ailleurs que par une union politique préalable. Voilà pourquoi l'objet essentiel, c'est l'union politique. Il faut un pouvoir politique capable d'exercer sa capacité dans un domaine aussi sensible que celui de la sécurité.
- Mais, en attendant, l'UEO fonctionne de plus en plus, je dirais même de mieux en mieux. Les conversations qui s'y déroulent ne sont pas inutiles, elles ont d'ailleurs abouti dans différentes instances à des prises de position que je ne juge pas, ni vous non plus sans doute, négligeables dans l'affaire du Golfe. De là à une intervention organique pour des forces d'interposition, le pas ne peut pas être franchi puisque le système n'existe pas, que le fondement juridique n'a pas encore été défini.\
QUESTION.- On voudrait savoir si Landau et Treves vont être beaucoup touchés par les retraits de troupe. C'est une question de voisinage.
- H. KOHL.- Je voudrais votre compréhension. La position de principe que le Président de la République vient de vous exposer, acceptez-là, prenez-là en compte, c'est une décision importante que je respecte tout à fait. Mais le Président de la République a bien dit clairement pour tout le monde que c'est un principe, et qu'il pense que maintenant c'est par des discussions dans le cadre de ce principe que l'on va arriver à des règlements raisonnables pour la période de transition. Vous pouvez bien comprendre que je vais garder un oeil sur ce qui se passe, car ma sympathie va vers les troupes françaises.
- LE PRESIDENT.- Sur le dernier sujet, je répondrais que Landau et Treves nous sont très sympathiques et que nos soldats y sont très bien reçus. Il y a lieu de penser que ce n'est pas ici, comme cela, que je vais décider, moi tout seul, de façon unilatérale. Les choses vont se faire dans les deux ans qui viennent, c'est-à-dire pour la réduction de la première moitié de nos troupes. Mais, c'est plutôt avec sympathie que j'ai entendu votre question.
- Pour le reste, je ne vais pas conclure sans avoir à porter mes remerciements aux responsables de la Bavière. vraiment, nous avons été admirablement reçus dans des lieux de beauté, dans le cadre d'une belle et grande ville. A quoi s'est ajoutée une chaleur humaine qui a rendu très agréable notre séjour ici. Je tiens à remercier la Bavière et les Bavarois.\