16 mai 1990 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur la décentralisation et le développement de la Polynésie française, Papara le 16 mai 1990.
Madame le maire,
- Je vous remercie d'avoir organisé un si bel accueil. Déjà, depuis ce matin, nous sommes gâtés par la population de Tahiti, par ses prévenances, son charme et son talent. Et je dois dire que ce soir, nous atteignons un nouveau stade dans la connaissance de vos traditions et de vos qualités artistiques.
- Tout à l'heure, madame, nous irons saluer ceux qui ont organisé et ceux qui ont exécuté ce spectacle. Vous m'avez dit qu'un certain nombre de ces chants avait été composés pour la circonstance, pour célébrer ce pays, les monts, la mer, les rivages, la campagne. Chacun de ces éléments a une explication profonde reliant le temps présent au temps passé. Et comme vous m'avez fourni aimablement la traduction, j'ai pu suivre mot par mot le beau poème que vous avez chanté et dansé. Chanté et dansé si bien ! Je tiens vraiment à vous remercier et je suis sûr que tous ceux qui sont venus avec moi partagent ce sentiment d'un grand talent. Ce sens du rythme, il est bien connu, de loin, mais rien ne vaut ces quelques heures où l'on peut partager avec vous des moments de cette qualité.
- Madame le maire, vous avez profité de la circonstance pour rappeler un certain nombre d'éléments qui nous ramènent à des problèmes pratiques, parfaitement cernés et parfaitement présentés : les considérations qui pourraient paraître arides sur le budget communal, sur la loi de décentralisation et sur ses effets, sur la situation de la Polynésie qui n'a pas encore eu accès, dans le cadre de ses municipalités, à tous les droits reconnus à ceux de la Métropole. Comment ne serait-on pas très indulgent à l'égard de cette leçon civique ?
- Je voudrais dire que ce besoin que vous éprouvez, vous les élus, d'affirmer de plus en plus vos compétences, votre personnalité, votre identité, je les comprends. J'ai voulu, avec le gouvernement de la République, il y a quelques années - vous avez bien voulu le rappeler - cette loi de décentralisation. Elle porte un nom bien sévère et bien abstrait, mais qui veut dire simplement que les citoyens sont appelés de plus en plus à gérer eux-mêmes leurs affaires, là où ils habitent, là où ils vivent et là où ils travaillent. Eh bien, on va continuer ! On continuera selon les moyens. On continuera de telle sorte que de plus en plus la République française sera démocratique, c'est-à-dire qu'elle tiendra son essence du peuple. Vous-même avez fait vos preuves en peu d'années, depuis 1972. Vos communes se sont montrées très responsables. Il n'y a pas de raison de s'arrêter en chemin. Et je vous garantis qu'avant longtemps les communes de Polynésie pourront aborder de nouvelles compétences, de nouvelles responsabilités dont vous êtes dignes.
- Mais j'ai bien entendu que votre plus grande capacité à gérer vous-même vos affaires s'accompagnait du souhait de voir l'Etat intervenir davantage pour financer vos actions. Je ne dirai pas qu'il y a là une contradiction mais enfin disons qu'il y a un ajustement à mettre au point. Enfin nous y veillerons. De toute façon, ce que vous m'avez dit était pétri de bon sens, et reflétait une noble ambition.\
Je suis heureux d'être reçu par une femme, maire d'une commune riche d'expériences. Déjà depuis sept ans, maire de Papara mais depuis beaucoup plus longtemps responsable dans le cadre du territoire. Et j'aimerais que cet exemple fût suivi. J'ai d'ailleurs remarqué qu'au sein du conseil municipal la proportion féminine avait été très soigneusement préparée, peut-être plus qu'ailleurs ! Vous n'êtes pas seule, madame, vous êtes accompagnée de beaucoup de femmes responsables dans votre commune. Eh bien tant mieux, même s'il ne faut pas, non plus, arriver au moment où l'on aura renversé le pouvoir masculin, mais enfin ce risque n'est pas pour demain. Il faudra de plus en plus équilibrer les choses. Alors continuez de promouvoir par le conseil des femmes et par la présence des femmes dans la gestion des municipalités. Continuez vos avancées et continuez aussi de faire la preuve que femme ou homme, on peut accomplir les mêmes tâches avec les mêmes qualités. Je sais qu'ici précisément - est-ce dû à la composition de votre conseil municipal ? - on se préoccupe beaucoup des problèmes sociaux et particulièrement de l'habitat, de la formation des jeunes. Vous cherchez à attirer le maximum de jeunes vers la participation communale en particulier par la voie du sport qui donne semble-t-il des résultats assez remarquables car vous comptez un certain nombre de champions dans vos rangs.
- J'étais aussi très sensible aux poèmes, aux discours poèmes, prononcés par votre premier adjoint, élu municipal qui sait parfaitement lier la composition littéraire, poétique et son expression. Grâce à la traduction française, faute de connaître le tahitien, j'ai remarqué la beauté du propos. De même, j'entendais les voix épouser le rythme inventé par l'âme musicienne des Polynésiens.\
Mesdames et messieurs, comment ne serais-je pas très sensible à tout ce qui se passe ce soir ? Quand je serai de nouveau à Paris je pourrai réfléchir à ce qui se déroule dans ces archipels : cet avènement à l'autonomie interne, à la responsabilité. Eveil par toutes les consciences tout en rejoignant les plus anciennes traditions. On est moderne et on respecte le temps passé, voilà la bonne synthèse, mesdames et messieurs ! J'espère que les plus jeunes qui sont là, que j'ai plaisir à voir devant moi, retiendront la leçon et perpétueront à leur tour avec les nouvelles générations l'enseignement qui leur est donné par les anciens.
- Dans un moment nous vous quitterons pour aller un peu plus loin. Vous, vous resterez parce que vous êtes chez vous et j'espère que vous trouverez de plus en plus la possibilité d'y travailler car tel est le problème principal qui vous est posé. J'espère que vous y trouverez tout ce qu'une vie peut offrir d'équilibre et de joie. C'est difficile, rien n'est donné d'avance, tout se construit, rien ne vous sera consenti que vous n'aurez conquis par le travail, l'intelligence et le goût de la beauté. Vous êtes bien partis ! Je sais que vous en avez envie, et je vois bien que la Polynésie est en marche vers un destin qu'elle maîtrisera de plus en plus, de mieux en mieux. Voilà ce que je vous dis, inspiré à mon tour par ce que j'ai entendu. Vous aurez d'autres fêtes, d'autres rendez-vous, d'autres rassemblements, et votre âme s'éveillera à d'autres accents, vous chanterez d'autres rythmes et ainsi continuera la vie de votre peuple auquel je souhaite bonne chance, paix et bonheur.
- Vive la commune de Papara,
- Vive la Polynésie française,
- Vive la République,
- Vive la France !\
- Je vous remercie d'avoir organisé un si bel accueil. Déjà, depuis ce matin, nous sommes gâtés par la population de Tahiti, par ses prévenances, son charme et son talent. Et je dois dire que ce soir, nous atteignons un nouveau stade dans la connaissance de vos traditions et de vos qualités artistiques.
- Tout à l'heure, madame, nous irons saluer ceux qui ont organisé et ceux qui ont exécuté ce spectacle. Vous m'avez dit qu'un certain nombre de ces chants avait été composés pour la circonstance, pour célébrer ce pays, les monts, la mer, les rivages, la campagne. Chacun de ces éléments a une explication profonde reliant le temps présent au temps passé. Et comme vous m'avez fourni aimablement la traduction, j'ai pu suivre mot par mot le beau poème que vous avez chanté et dansé. Chanté et dansé si bien ! Je tiens vraiment à vous remercier et je suis sûr que tous ceux qui sont venus avec moi partagent ce sentiment d'un grand talent. Ce sens du rythme, il est bien connu, de loin, mais rien ne vaut ces quelques heures où l'on peut partager avec vous des moments de cette qualité.
- Madame le maire, vous avez profité de la circonstance pour rappeler un certain nombre d'éléments qui nous ramènent à des problèmes pratiques, parfaitement cernés et parfaitement présentés : les considérations qui pourraient paraître arides sur le budget communal, sur la loi de décentralisation et sur ses effets, sur la situation de la Polynésie qui n'a pas encore eu accès, dans le cadre de ses municipalités, à tous les droits reconnus à ceux de la Métropole. Comment ne serait-on pas très indulgent à l'égard de cette leçon civique ?
- Je voudrais dire que ce besoin que vous éprouvez, vous les élus, d'affirmer de plus en plus vos compétences, votre personnalité, votre identité, je les comprends. J'ai voulu, avec le gouvernement de la République, il y a quelques années - vous avez bien voulu le rappeler - cette loi de décentralisation. Elle porte un nom bien sévère et bien abstrait, mais qui veut dire simplement que les citoyens sont appelés de plus en plus à gérer eux-mêmes leurs affaires, là où ils habitent, là où ils vivent et là où ils travaillent. Eh bien, on va continuer ! On continuera selon les moyens. On continuera de telle sorte que de plus en plus la République française sera démocratique, c'est-à-dire qu'elle tiendra son essence du peuple. Vous-même avez fait vos preuves en peu d'années, depuis 1972. Vos communes se sont montrées très responsables. Il n'y a pas de raison de s'arrêter en chemin. Et je vous garantis qu'avant longtemps les communes de Polynésie pourront aborder de nouvelles compétences, de nouvelles responsabilités dont vous êtes dignes.
- Mais j'ai bien entendu que votre plus grande capacité à gérer vous-même vos affaires s'accompagnait du souhait de voir l'Etat intervenir davantage pour financer vos actions. Je ne dirai pas qu'il y a là une contradiction mais enfin disons qu'il y a un ajustement à mettre au point. Enfin nous y veillerons. De toute façon, ce que vous m'avez dit était pétri de bon sens, et reflétait une noble ambition.\
Je suis heureux d'être reçu par une femme, maire d'une commune riche d'expériences. Déjà depuis sept ans, maire de Papara mais depuis beaucoup plus longtemps responsable dans le cadre du territoire. Et j'aimerais que cet exemple fût suivi. J'ai d'ailleurs remarqué qu'au sein du conseil municipal la proportion féminine avait été très soigneusement préparée, peut-être plus qu'ailleurs ! Vous n'êtes pas seule, madame, vous êtes accompagnée de beaucoup de femmes responsables dans votre commune. Eh bien tant mieux, même s'il ne faut pas, non plus, arriver au moment où l'on aura renversé le pouvoir masculin, mais enfin ce risque n'est pas pour demain. Il faudra de plus en plus équilibrer les choses. Alors continuez de promouvoir par le conseil des femmes et par la présence des femmes dans la gestion des municipalités. Continuez vos avancées et continuez aussi de faire la preuve que femme ou homme, on peut accomplir les mêmes tâches avec les mêmes qualités. Je sais qu'ici précisément - est-ce dû à la composition de votre conseil municipal ? - on se préoccupe beaucoup des problèmes sociaux et particulièrement de l'habitat, de la formation des jeunes. Vous cherchez à attirer le maximum de jeunes vers la participation communale en particulier par la voie du sport qui donne semble-t-il des résultats assez remarquables car vous comptez un certain nombre de champions dans vos rangs.
- J'étais aussi très sensible aux poèmes, aux discours poèmes, prononcés par votre premier adjoint, élu municipal qui sait parfaitement lier la composition littéraire, poétique et son expression. Grâce à la traduction française, faute de connaître le tahitien, j'ai remarqué la beauté du propos. De même, j'entendais les voix épouser le rythme inventé par l'âme musicienne des Polynésiens.\
Mesdames et messieurs, comment ne serais-je pas très sensible à tout ce qui se passe ce soir ? Quand je serai de nouveau à Paris je pourrai réfléchir à ce qui se déroule dans ces archipels : cet avènement à l'autonomie interne, à la responsabilité. Eveil par toutes les consciences tout en rejoignant les plus anciennes traditions. On est moderne et on respecte le temps passé, voilà la bonne synthèse, mesdames et messieurs ! J'espère que les plus jeunes qui sont là, que j'ai plaisir à voir devant moi, retiendront la leçon et perpétueront à leur tour avec les nouvelles générations l'enseignement qui leur est donné par les anciens.
- Dans un moment nous vous quitterons pour aller un peu plus loin. Vous, vous resterez parce que vous êtes chez vous et j'espère que vous trouverez de plus en plus la possibilité d'y travailler car tel est le problème principal qui vous est posé. J'espère que vous y trouverez tout ce qu'une vie peut offrir d'équilibre et de joie. C'est difficile, rien n'est donné d'avance, tout se construit, rien ne vous sera consenti que vous n'aurez conquis par le travail, l'intelligence et le goût de la beauté. Vous êtes bien partis ! Je sais que vous en avez envie, et je vois bien que la Polynésie est en marche vers un destin qu'elle maîtrisera de plus en plus, de mieux en mieux. Voilà ce que je vous dis, inspiré à mon tour par ce que j'ai entendu. Vous aurez d'autres fêtes, d'autres rendez-vous, d'autres rassemblements, et votre âme s'éveillera à d'autres accents, vous chanterez d'autres rythmes et ainsi continuera la vie de votre peuple auquel je souhaite bonne chance, paix et bonheur.
- Vive la commune de Papara,
- Vive la Polynésie française,
- Vive la République,
- Vive la France !\