15 mai 1990 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur le statut et l'identité culturelle de la Polynésie française, Papeete, le 15 mai 1990.

Monsieur le Président,
- madame et messieurs les ministres,
- Je vous remercie de votre accueil, comme je vous remercie, monsieur le Président, de vos paroles de bienvenue et d'espoir. Je me retrouve pour la troisième fois en Polynésie et je suis heureux d'être parmi vous.
- A tous les Polynésiens, j'apporte le salut et l'amitié de la France tout entière. Si vous êtes loin de l'hexagone vous restez toujours présents au coeur des Français, au coeur de la République.
- Permettez-moi de vous indiquer, monsieur le Président, combien j'apprécie d'être accueilli dans ces conditions, comme cela, chez vous, par vous, dans les locaux du gouvernement du territoire de la Polynésie française et d'être convié, comme à cet instant, à la table du conseil des ministres que vous présidez.
- Je sais la part éminente et déterminante que vous avez prise, d'abord dans la conception et l'élaboration, puis dans la mise en oeuvre des nouvelles institutions qui régissent la vie de la Polynésie.
- Je tiens à rendre hommage publiquement, à travers vous, à tous ceux qui ont su avec clairvoyance, patience, responsabilité et tolérance, travailler pour que nous nous sentions mieux ensemble, dans un cadre institutionnel rénové, solide, moderne. Ce fut, à vrai dire, pour beaucoup une longue attente entrecoupée d'espoirs déçus mais la ténacité et le bon sens ont fini par l'emporter. Et vous savez combien j'ai partagé cette espérance. J'ai eu l'occasion de vous le dire à diverses reprises au temps où les choses étaient encore à faire.
- La tâche n'était pas simple, mais vous avez su, en collaboration étroite avec les représentants du gouvernement, de l'Etat, expliquer sans imposer et demander sans exiger, dans le souci constant et réciproque de l'intérêt commun, avec la ferme volonté de garantir le meilleur avenir possible pour les Polynésiens.
- La dignité de l'un ne passe pas par l'humiliation de l'autre, et le partage plus égalitaire des responsabilités et des compétences ne conduit à l'effacement ou à la disparition ni de l'un, ni de l'autre.
- Bien au contraire, ce qui devait être fait l'a été dans le respect mutuel des idées et des réalités afin de parvenir au plein épanouissement de votre identité au sein de la communauté nationale.
- Les liens puissants, profonds qui unissent nos collectivités ont évolué, naturellement, avec le temps et les transformations qu'il entraîne. Ils ont même changé de nature. Mais ils ne s'altèrent pas. Au contraire, ils se renforcent, car ils prennent en compte l'évolution naturelle et donc la liberté de chacun, dans le maintien d'une forte relation affective.
- Il ne sert à rien aujourd'hui d'évoquer les responsabilités des erreurs ou des lenteurs du passé, mais nous serions coupables si nous n'agissions pas aujourd'hui et demain pour réussir l'entreprise que nous avons voulue.\
C'est vrai, je suis particulièrement heureux d'être ici avec vous, parmi vous, chez vous.
- Maintenant, à vos côtés, je vais découvrir le visage de ce territoire désormais doté de son statut de large autonomie interne, et aller à la rencontre des Polynésiennes et des Polynésiens, à l'écoute de leurs joies, de leurs peines, de leurs craintes ou bien de leurs espoirs.
- Demain, pour l'inauguration de la nouvelle mairie de Papeete, à l'occasion du centième anniversaire de la création de la ville, je verrai, avec M. le maire Juventin, un grand nombre de nos compatriotes rassemblés pour la circonstance. Mais je n'oublie pas les habitants des autres communes, ceux que je rencontrerai à Tahiti et dans les Archipels. Je tirerai particulièrement profit de mon entrevue avec les maires, comme je l'ai souhaitée, demandée, tous les maires de Polynésie qui pourront m'expliquer directement leur action au service de la population. Je m'en réjouis à l'avance. Tout au long de ce séjour j'aurai l'occasion d'aborder les graves questions qui se posent à la Polynésie française. J'énumère brièvement et non pas complètement : les problèmes du développement, l'avenir des jeunes, l'équilibre institutionnel, l'aménagement, et votre rôle dans le Pacifique sud.
- Enfin, pour l'heure, je souhaite seulement vous redire qu'enfin, au sein de la République française et avec l'aide constante de l'Etat, vous avez la responsabilité de vos propres affaires, vous avez la maîtrise de votre destin.
- Le bon fonctionnement de vos institutions, avec un président de gouvernement ayant les moyens et les responsabilités, un gouvernement territorial aussi stable que possible, une assemblée territoriale autonome, des moyens de contrôle adaptés permettra la politique de développement économique, social, culturel dont le territoire a tant besoin.
- De ce combat dépendent la satisfaction des justes exigences d'une société démocratique et libre, le respect de la dignité de chacun, l'égalité des chances et des droits.\
Vous avez bien voulu, monsieur le Président, me dire à quel point il était nécessaire de travailler à l'égalité, ici comme ailleurs. N'oubliez jamais que nous sommes solidaires, que nous avons besoin les uns des autres. Le gouvernement de la République en a conscience et veille, vous le savez bien, à vous associer, comme vous venez de le dire, monsieur le Président, aux grandes décisions dont dépend votre sort, qu'il s'agisse de la zone du Pacifique Sud ou qu'il s'agisse de la communauté de l'Europe.
- Votre rôle a pris des dimensions nouvelles, qu'il s'agisse d'assurer une vie meilleure et plus juste à tous les Polynésiens, à commencer par les plus modestes et de faire ressentir chaque jour davantage la véritable identité polynésienne, d'affirmer partout dans votre région votre propre réalité en même temps que le rayonnement de la France.
- Vous en avez les moyens. S'il en manquait, nous ferions ce qu'il faut pour que la Polynésie tienne la place que ses plus anciennes traditions, l'histoire et la géographie lui désignent.
- Monsieur le Président, madame, messieurs, je crois que vous pouvez être et avec vous la Polynésie française tout entière, légitimement fiers de ces responsabilités acquises, de cet exercice de fonction élective, de la confiance de la population, de votre nouvelle ambition à la suite de tant d'autres. Vos efforts permanents soutenus par ceux de la République donneront à vos enfants l'avenir et c'est bien cela l'essentiel qu'ils sont en droit d'espérer.
- Vive la Polynésie française !
- Vive la République !
- Vive la France !\