21 février 1990 - Seul le prononcé fait foi
Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée à la télévision du Bangladesh et diffusée le mercredi 21 février 1990, notamment sur l'aide apportée au Bangladesh pour lutter contre les inondations et sur l'effort consenti par les pays de la CEE en faveur des pays en voie de développement.
QUESTION.- Monsieur le Président, vous allez vous rendre en visite officielle à Dacca. Votre visite reflète les relations extrêmement cordiales qui existent entre le Bangladesh et la France. Il semble qu'il y ait une chaleur particulière dans ces relations. Comment voyez-vous les liens dans l'avenir entre les deux pays ?
- LE PRESIDENT.- Au point de départ, il faut dire que le Bangladesh et la France sont deux pays que tout éloigne, la géographie et l'histoire. Si nous nous sommes ainsi rapprochés c'est par un concours de circonstances.
- J'ai rencontré dans diverses circonstances le Président Ershad : au cours de 1989, l'année dernière, il a accompli une visite d'Etat avec Mme Ershad en France. Nous nous sommes retrouvés pour les fêtes du 14 juillet. Déjà, nous nous étions rencontrés plusieurs fois et j'ai été très intéressé par ce qu'il m'a dit de son pays.
- Bien entendu, je le connaissais au travers des grands événements qui avaient marqué les dernières décennies et particulièrement l'indépendance du Bangladesh £ mais par ces rencontres tout est devenu plus concret. Déjà, je m'en étais occupé peu après mon élection en 1981 puisqu'élu au mois de mai, c'est au mois de septembre que j'ai présidé la Conférence sur les pays les moins développés. Et vous savez que c'est cette année même, au mois de septembre prochain, qu'une deuxième conférence du même ordre, réunissant les mêmes pays, se tiendra encore à Paris.
- Voilà les raisons pour lesquelles la relation entre le Bangladesh et la France est devenue une relation actuelle, présente, moderne.
- Et certains événements qui sont survenus, une catastrophe nationale, des grandes inondations m'ont amené à étudier la situation particulière de votre pays : c'est peut-être un pays qui pourrait être prospère pour ses très nombreux habitants mais qui ne l'est pas à cause des rigueurs de la nature. Mais ces rigueurs de la nature on peut les corriger par la solidarité internationale. C'est pourquoi, la France a pris l'initiative d'une campagne auprès de tous les pays du monde et particulièrement auprès des pays les plus développés pour que le Bangladesh fut l'objet d'un projet qui permet d'assainir sa situation et de le mettre à l'abri, dans les années futures, d'inondations du même ordre.
- En travaillant comme cela, les uns, les autres, vos représentants et les nôtres, des amitiés et des sympathies se sont nouées £ et nous nous considérons aujourd'hui comme de très bons amis. Ma visite d'Etat qui aura lieu la semaine prochaine viendra souligner cet état de chose dont je me réjouis. Je suis très heureux d'aller visiter le peuple du Bangladesh. Je vous demande de bien vouloir précisément le saluer en mon nom, lui dire mes voeux de prospérité en même temps que j'adresse un salut cordial au Président Ershad.\
QUESTION.- Monsieur le Président, la France a été à l'avant-garde des mouvements qui ont été faits pour attirer l'attention du monde sur les désastres qui ont frappé le Bangladesh en 1987 et en 1988. A la suite de cela, à la suite des efforts qui ont été faits par vous personnellement et le gouvernement français, il y a eu la Conférence de Londres et un plan d'action a été élaboré au cours de cette conférence. En quoi devraient consister les futurs efforts sur le plan mondial pour aider le Bangladesh à lutter contre ces cataclysmes ?
- LE PRESIDENT.- Mais vous savez que nous procédons à des études sur place. Après avoir lancé l'idée d'un concours international au bénéfice du Bangladesh, des experts de nombreux pays se sont rencontrés, sont allés dans votre pays et ont examiné les problèmes sur place. Problèmes techniques d'abord, immenses, mais aussi problèmes diplomatiques. Tout ceci a demandé du temps, j'ai envoyé mon propre conseiller spécial M. Jacques Attali. Il en a ramené des relations extrêmement approfondies. Ma femme elle-même est allée au Bangladesh, davantage pour apporter un témoignage de ma part. Elle a pu observer ce qui s'y passait et a pu plaider pour que notre action fut plus importante et plus rapide.
- Les sommes qui ont été envisagées sont très importantes. Les sommes qui ont été engagées ne le sont pas encore, mais c'est parce qu'il faut du temps pour décider ce qu'il convient de faire. Dès maintenant un certain nombre d'actions sont engagées et moi, je suis tout à fait optimiste : nous verrons ces travaux aboutir. Il faut y mettre de la patience et de la tenacité.
- La solidarité internationale est maintenant tout à fait engagée de telle sorte, je pense, qu'il suffit que nous soyons quelques-uns à signaler l'urgence et l'importance pour que nous puissions aboutir. Aboutir, cela veut dire prendre des mesures de haute technologie qui permettront de régulariser le cours des fleuves et des rivières, et aussi d'aménager l'intérieur de votre pays. Cette affaire du Bangladesh a une valeur exemplaire. C'est vraiment la première fois que nous demandons à la société internationale de s'engager sur un grand projet à caractère humanitaire qui s'attaque à un problème qui touche tout un pays affronté à des fléaux naturels qu'il ne peut pas résoudre à lui seul. Et j'aimerais bien que d'autres projets du même ordre à travers les années futures viennent démontrer que désormais les peuples de la terre, les peuples riches et les pays moins riches, et même les pays pauvres, constituent une chaine solide de travail pour le développement.\
QUESTION.- Le peuple du Bangladesh attache beaucoup d'importance au souvenir de la visite de votre épouse, la première dame de France, Mme Mitterrand. Elle est venue à un moment où la situation était extrêmement mauvaise et elle a dit qu'elle agirait, donc qu'elle se ferait l'interprète du Bangladesh auprès du monde extérieur sur le problème des crues. Le Bangladesh compte donc beaucoup sur le soutien français depuis cette visite. Alors est-ce que nous pouvons dire que vous personnellement et la France continuerez à soutenir ce programme d'actions sur le contrôle des crues, jusqu'à son aboutissement ?
- LE PRESIDENT.- Mais vous pouvez en être assuré. C'est la France qui en a pris l'initiative. Elle a pour cela engagé de multiples délibérations avec ses partenaires. Nous sommes déjà entrés dans la réalisation sur la base d'études qui sont maintenant connues.
- Il n'y a aucune raison que l'on s'arrête en chemin. La France a décidé de contribuer de façon importante à un effort collectif sur le plan financier et sur le plan technique en envoyant ses experts. Je peux donc vous garantir que la France suivra ce dossier jusqu'à son achèvement. Elle ne peut pas, à elle seule, régler ce problème. Mais enfin, elle dispose d'amitiés nombreuses dans le monde, et elle pourra rappeler ses partenaires à leur devoir de solidarité.\
QUESTION.- Ce sentiment d'urgence qui a été crée par les crues, a certainement rapproché beaucoup le Bangladesh de la France parce que le Bangladesh, maintenant, considère que la France est un ami et elle en a besoin. Le Bangladesh essaye de s'industrialiser rapidement pour fournir plus d'emplois pour sa population qui augmente. Pour industrialiser le pays il faut des investissements. Le pays cherche des investissements étrangers. Pensez-vous que la France peut jouer un rôle en encourageant les investisseurs occidentaux ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je le souhaite. Nos investissements sont un peu dispersés dans le monde £ c'est un problème, mais j'ai bien l'intention de demander à nos industriels et à nos entreprises de s'intéresser à votre pays. Il y a beaucoup à faire, la population est très nombreuse, c'est une population intelligente et active qui manque d'un instrument de travail. Si cet instrument de travail lui est fourni, on peut lui faire confiance ensuite. Moi, j'engage la France £ mais le tempérament français n'est pas toujours porté vers des opérations commerciales, l'essentiel de ces travaux aujourd'hui s'exerçant en Europe et en Afrique. Mais le Bangladesh est à l'ordre du jour et mon voyage, je l'espère, actualisera l'ensemble de ces efforts.\
QUESTION.- La France s'est beaucoup intéressée aux questions humanitaires sur le plan mondial. Vous, personnellement, vous avez beaucoup soutenu de causes du tiers monde et maintenant que l'Europe devient de plus en plus intégrée, est-ce que cet angle humanitaire de la politique étrangère française risque d'être modifié ?
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas. Je pense même que l'ensemble de la Communauté est de plus en plus attiré, intéressé par des problèmes de ce type, c'est-à-dire par les causes humanitaires.
- Je suis intervenu à diverses reprises au sein de la conférence des plus grands pays industriels qui a lieu comme vous le savez chaque année et qui réunit les sept pays les plus riches du monde, je suis intervenu aux Nations unies, à New York et j'ai saisi toutes les occasions pour alerter le monde entier afin que le problème du développement soit pris à la base : pas simplement pour corriger les inégalités, les souffrances, mais aussi pour avoir une conception rationnelle du développement qui consiste d'une part à régler au plus tôt les problèmes de l'endettement pour les pays qui en souffrent et qui sont handicapés par leurs dettes, d'autre part à trouver une solution pour moderniser des équipements qui permettront, comme vous le disiez à l'instant pour le Bangladesh, de créer des entreprises qui seront génératrices d'emplois et donc de richesses. Je pense vraiment que la Communauté des Douze comprend ce problème et qu'elle se ralliera aux vues de la France et non pas le contraire.
- D'ailleurs j'ai pu observer que pour la 4ème Convention de Lomé qui intéresse 66 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, le dernier débat a abouti à une dotation de 12 milliards d'Ecus pour le plan que nous commençons : c'est une somme supérieure à ce que les plus optimistes pensaient. Cela prouve bien qu'il y a une disponibilité de nos partenaires en même temps que de nous-mêmes.
- QUESTION.- Il y a un sentiment dans beaucoup de pays du tiers monde y compris au Bangladesh, qu'avec le mouvement qui se développe en Europe de l'Est on voudra aider l'Europe de l'Est et que tout ceci se fera au détriment de l'aide au tiers monde.
- LE PRESIDENT.- Cela n'a pas été le cas. Comme je viens de vous le dire, la Convention de Lomé et les 12 milliards d'Ecus, cela représente une augmentation et non pas une diminution de l'aide aux 66 pays dont je vous ai parlé.\
QUESTION.- La préoccupation de beaucoup de pays est qu'il y aura de plus en plus d'aide vers l'Est de l'Europe et que ceci pourrait être au détriment du tiers monde qui a régulièrement besoin d'aide. Les pays comme le Bangladesh et d'autres pays parmi les moins avancés demandent que la politique soit équilibrée entre le fait qu'il faut aider les pays nouvellement libres de l'Europe de l'Est et les obligations vis-à-vis du tiers monde. Est-ce que vous utiliserez votre influence et votre poids politique auprès des autres dirigeants occidentaux pour que justement il y ait une politique équilibrée entre l'aide à l'Europe de l'Est et le tiers monde ?
- LE PRESIDENT.- Je ne sais pas si c'est mon influence mais beaucoup d'autres dirigeants de l'Europe des Douze ont les mêmes sentiments que moi. Les actes que nous avons accomplis en 1989 alors même que le mouvement de libération des peuples de l'Est avait commencé a bien montré que nous n'avions pas remplaçé une aide par une autre. Nous avons additionné nos charges. Ce sera assez ardu de convaincre nos partenaires d'avoir à multiplier les concours dans tous les azimuts. Mais au point où nous en sommes au moment de notre conversation, toutes les indications vont dans ce sens : le tiers monde n'a pas été lésé.
- Maitenant les besoins urgents de l'Europe de l'Est "nous prennent à la gorge". Ce sont nos voisins. Il s'agit de peuples qui ont pratiquement développé et partagé la même culture et la même histoire, certains depuis mille ans. Cela nous intéresse donc beaucoup. Mais nous-mêmes, dans notre budget de cette année, nous avons prévu de maintenir le même taux de participation aux aides bilatérales et multilatérales aux pays du tiers monde et même de les accroître un peu, indépendamment de l'effort que nous faisons en Pologne, en Roumanie et demain en Hongrie ou en Tchécoslovaquie.
- Cela sera difficile mais je serai de ceux qui diront qu'il ne faut pas oublier le tiers monde, les pays les moins avancés, qu'il ne faut pas oublier le Bangladesh. Je vais revenir la semaine prochaine avec des images plein les yeux. J'aurai vu votre pays que je ne connais pas. Il sera donc plus présent encore dans mon esprit.\
- LE PRESIDENT.- Au point de départ, il faut dire que le Bangladesh et la France sont deux pays que tout éloigne, la géographie et l'histoire. Si nous nous sommes ainsi rapprochés c'est par un concours de circonstances.
- J'ai rencontré dans diverses circonstances le Président Ershad : au cours de 1989, l'année dernière, il a accompli une visite d'Etat avec Mme Ershad en France. Nous nous sommes retrouvés pour les fêtes du 14 juillet. Déjà, nous nous étions rencontrés plusieurs fois et j'ai été très intéressé par ce qu'il m'a dit de son pays.
- Bien entendu, je le connaissais au travers des grands événements qui avaient marqué les dernières décennies et particulièrement l'indépendance du Bangladesh £ mais par ces rencontres tout est devenu plus concret. Déjà, je m'en étais occupé peu après mon élection en 1981 puisqu'élu au mois de mai, c'est au mois de septembre que j'ai présidé la Conférence sur les pays les moins développés. Et vous savez que c'est cette année même, au mois de septembre prochain, qu'une deuxième conférence du même ordre, réunissant les mêmes pays, se tiendra encore à Paris.
- Voilà les raisons pour lesquelles la relation entre le Bangladesh et la France est devenue une relation actuelle, présente, moderne.
- Et certains événements qui sont survenus, une catastrophe nationale, des grandes inondations m'ont amené à étudier la situation particulière de votre pays : c'est peut-être un pays qui pourrait être prospère pour ses très nombreux habitants mais qui ne l'est pas à cause des rigueurs de la nature. Mais ces rigueurs de la nature on peut les corriger par la solidarité internationale. C'est pourquoi, la France a pris l'initiative d'une campagne auprès de tous les pays du monde et particulièrement auprès des pays les plus développés pour que le Bangladesh fut l'objet d'un projet qui permet d'assainir sa situation et de le mettre à l'abri, dans les années futures, d'inondations du même ordre.
- En travaillant comme cela, les uns, les autres, vos représentants et les nôtres, des amitiés et des sympathies se sont nouées £ et nous nous considérons aujourd'hui comme de très bons amis. Ma visite d'Etat qui aura lieu la semaine prochaine viendra souligner cet état de chose dont je me réjouis. Je suis très heureux d'aller visiter le peuple du Bangladesh. Je vous demande de bien vouloir précisément le saluer en mon nom, lui dire mes voeux de prospérité en même temps que j'adresse un salut cordial au Président Ershad.\
QUESTION.- Monsieur le Président, la France a été à l'avant-garde des mouvements qui ont été faits pour attirer l'attention du monde sur les désastres qui ont frappé le Bangladesh en 1987 et en 1988. A la suite de cela, à la suite des efforts qui ont été faits par vous personnellement et le gouvernement français, il y a eu la Conférence de Londres et un plan d'action a été élaboré au cours de cette conférence. En quoi devraient consister les futurs efforts sur le plan mondial pour aider le Bangladesh à lutter contre ces cataclysmes ?
- LE PRESIDENT.- Mais vous savez que nous procédons à des études sur place. Après avoir lancé l'idée d'un concours international au bénéfice du Bangladesh, des experts de nombreux pays se sont rencontrés, sont allés dans votre pays et ont examiné les problèmes sur place. Problèmes techniques d'abord, immenses, mais aussi problèmes diplomatiques. Tout ceci a demandé du temps, j'ai envoyé mon propre conseiller spécial M. Jacques Attali. Il en a ramené des relations extrêmement approfondies. Ma femme elle-même est allée au Bangladesh, davantage pour apporter un témoignage de ma part. Elle a pu observer ce qui s'y passait et a pu plaider pour que notre action fut plus importante et plus rapide.
- Les sommes qui ont été envisagées sont très importantes. Les sommes qui ont été engagées ne le sont pas encore, mais c'est parce qu'il faut du temps pour décider ce qu'il convient de faire. Dès maintenant un certain nombre d'actions sont engagées et moi, je suis tout à fait optimiste : nous verrons ces travaux aboutir. Il faut y mettre de la patience et de la tenacité.
- La solidarité internationale est maintenant tout à fait engagée de telle sorte, je pense, qu'il suffit que nous soyons quelques-uns à signaler l'urgence et l'importance pour que nous puissions aboutir. Aboutir, cela veut dire prendre des mesures de haute technologie qui permettront de régulariser le cours des fleuves et des rivières, et aussi d'aménager l'intérieur de votre pays. Cette affaire du Bangladesh a une valeur exemplaire. C'est vraiment la première fois que nous demandons à la société internationale de s'engager sur un grand projet à caractère humanitaire qui s'attaque à un problème qui touche tout un pays affronté à des fléaux naturels qu'il ne peut pas résoudre à lui seul. Et j'aimerais bien que d'autres projets du même ordre à travers les années futures viennent démontrer que désormais les peuples de la terre, les peuples riches et les pays moins riches, et même les pays pauvres, constituent une chaine solide de travail pour le développement.\
QUESTION.- Le peuple du Bangladesh attache beaucoup d'importance au souvenir de la visite de votre épouse, la première dame de France, Mme Mitterrand. Elle est venue à un moment où la situation était extrêmement mauvaise et elle a dit qu'elle agirait, donc qu'elle se ferait l'interprète du Bangladesh auprès du monde extérieur sur le problème des crues. Le Bangladesh compte donc beaucoup sur le soutien français depuis cette visite. Alors est-ce que nous pouvons dire que vous personnellement et la France continuerez à soutenir ce programme d'actions sur le contrôle des crues, jusqu'à son aboutissement ?
- LE PRESIDENT.- Mais vous pouvez en être assuré. C'est la France qui en a pris l'initiative. Elle a pour cela engagé de multiples délibérations avec ses partenaires. Nous sommes déjà entrés dans la réalisation sur la base d'études qui sont maintenant connues.
- Il n'y a aucune raison que l'on s'arrête en chemin. La France a décidé de contribuer de façon importante à un effort collectif sur le plan financier et sur le plan technique en envoyant ses experts. Je peux donc vous garantir que la France suivra ce dossier jusqu'à son achèvement. Elle ne peut pas, à elle seule, régler ce problème. Mais enfin, elle dispose d'amitiés nombreuses dans le monde, et elle pourra rappeler ses partenaires à leur devoir de solidarité.\
QUESTION.- Ce sentiment d'urgence qui a été crée par les crues, a certainement rapproché beaucoup le Bangladesh de la France parce que le Bangladesh, maintenant, considère que la France est un ami et elle en a besoin. Le Bangladesh essaye de s'industrialiser rapidement pour fournir plus d'emplois pour sa population qui augmente. Pour industrialiser le pays il faut des investissements. Le pays cherche des investissements étrangers. Pensez-vous que la France peut jouer un rôle en encourageant les investisseurs occidentaux ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je le souhaite. Nos investissements sont un peu dispersés dans le monde £ c'est un problème, mais j'ai bien l'intention de demander à nos industriels et à nos entreprises de s'intéresser à votre pays. Il y a beaucoup à faire, la population est très nombreuse, c'est une population intelligente et active qui manque d'un instrument de travail. Si cet instrument de travail lui est fourni, on peut lui faire confiance ensuite. Moi, j'engage la France £ mais le tempérament français n'est pas toujours porté vers des opérations commerciales, l'essentiel de ces travaux aujourd'hui s'exerçant en Europe et en Afrique. Mais le Bangladesh est à l'ordre du jour et mon voyage, je l'espère, actualisera l'ensemble de ces efforts.\
QUESTION.- La France s'est beaucoup intéressée aux questions humanitaires sur le plan mondial. Vous, personnellement, vous avez beaucoup soutenu de causes du tiers monde et maintenant que l'Europe devient de plus en plus intégrée, est-ce que cet angle humanitaire de la politique étrangère française risque d'être modifié ?
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas. Je pense même que l'ensemble de la Communauté est de plus en plus attiré, intéressé par des problèmes de ce type, c'est-à-dire par les causes humanitaires.
- Je suis intervenu à diverses reprises au sein de la conférence des plus grands pays industriels qui a lieu comme vous le savez chaque année et qui réunit les sept pays les plus riches du monde, je suis intervenu aux Nations unies, à New York et j'ai saisi toutes les occasions pour alerter le monde entier afin que le problème du développement soit pris à la base : pas simplement pour corriger les inégalités, les souffrances, mais aussi pour avoir une conception rationnelle du développement qui consiste d'une part à régler au plus tôt les problèmes de l'endettement pour les pays qui en souffrent et qui sont handicapés par leurs dettes, d'autre part à trouver une solution pour moderniser des équipements qui permettront, comme vous le disiez à l'instant pour le Bangladesh, de créer des entreprises qui seront génératrices d'emplois et donc de richesses. Je pense vraiment que la Communauté des Douze comprend ce problème et qu'elle se ralliera aux vues de la France et non pas le contraire.
- D'ailleurs j'ai pu observer que pour la 4ème Convention de Lomé qui intéresse 66 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, le dernier débat a abouti à une dotation de 12 milliards d'Ecus pour le plan que nous commençons : c'est une somme supérieure à ce que les plus optimistes pensaient. Cela prouve bien qu'il y a une disponibilité de nos partenaires en même temps que de nous-mêmes.
- QUESTION.- Il y a un sentiment dans beaucoup de pays du tiers monde y compris au Bangladesh, qu'avec le mouvement qui se développe en Europe de l'Est on voudra aider l'Europe de l'Est et que tout ceci se fera au détriment de l'aide au tiers monde.
- LE PRESIDENT.- Cela n'a pas été le cas. Comme je viens de vous le dire, la Convention de Lomé et les 12 milliards d'Ecus, cela représente une augmentation et non pas une diminution de l'aide aux 66 pays dont je vous ai parlé.\
QUESTION.- La préoccupation de beaucoup de pays est qu'il y aura de plus en plus d'aide vers l'Est de l'Europe et que ceci pourrait être au détriment du tiers monde qui a régulièrement besoin d'aide. Les pays comme le Bangladesh et d'autres pays parmi les moins avancés demandent que la politique soit équilibrée entre le fait qu'il faut aider les pays nouvellement libres de l'Europe de l'Est et les obligations vis-à-vis du tiers monde. Est-ce que vous utiliserez votre influence et votre poids politique auprès des autres dirigeants occidentaux pour que justement il y ait une politique équilibrée entre l'aide à l'Europe de l'Est et le tiers monde ?
- LE PRESIDENT.- Je ne sais pas si c'est mon influence mais beaucoup d'autres dirigeants de l'Europe des Douze ont les mêmes sentiments que moi. Les actes que nous avons accomplis en 1989 alors même que le mouvement de libération des peuples de l'Est avait commencé a bien montré que nous n'avions pas remplaçé une aide par une autre. Nous avons additionné nos charges. Ce sera assez ardu de convaincre nos partenaires d'avoir à multiplier les concours dans tous les azimuts. Mais au point où nous en sommes au moment de notre conversation, toutes les indications vont dans ce sens : le tiers monde n'a pas été lésé.
- Maitenant les besoins urgents de l'Europe de l'Est "nous prennent à la gorge". Ce sont nos voisins. Il s'agit de peuples qui ont pratiquement développé et partagé la même culture et la même histoire, certains depuis mille ans. Cela nous intéresse donc beaucoup. Mais nous-mêmes, dans notre budget de cette année, nous avons prévu de maintenir le même taux de participation aux aides bilatérales et multilatérales aux pays du tiers monde et même de les accroître un peu, indépendamment de l'effort que nous faisons en Pologne, en Roumanie et demain en Hongrie ou en Tchécoslovaquie.
- Cela sera difficile mais je serai de ceux qui diront qu'il ne faut pas oublier le tiers monde, les pays les moins avancés, qu'il ne faut pas oublier le Bangladesh. Je vais revenir la semaine prochaine avec des images plein les yeux. J'aurai vu votre pays que je ne connais pas. Il sera donc plus présent encore dans mon esprit.\