4 janvier 1990 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République et de M. Helmut Kohl, Chancelier de RFA à la suite de leur rencontre informelle, notamment sur le renforcement de la CEE face à la perspective d'élargissement de l'Europe aux pays de l'Est et sur le problème de la réunification de l'Allemagne, Latché le 4 janvier 1990.
QUESTION.- Vous avez employé tous les deux le mot confédération. Le Chancelier Kohl a parlé de Confédération allemande, vous, monsieur le Président, vous avez parlé de Confédération européenne dans vos voeux du premier janvier, est-ce que c'est une étape, est-ce que c'est ... Je ne veux pas tout simplifier mais...
- LE PRESIDENT.- J'ai bien parlé de Confédération européenne. Le Chancelier n'a pas parlé de confédération allemande. Les deux notions ne se recoupent pas. Le problème pour moi est de considérer que l'axe essentiel de notre politique en Europe, pour nous Français, c'est le développement de la Communauté, son renforcement. Le renforcement de ses structures, le fait qu'elle aille vraiment vers une volonté politique commune. Je pense à partir de là au sort des pays qui ne sont pas membres de la Communauté, mais dont la marche vers la démocratie est évidente. Quand ils y seront parvenus, que feront-ils ? Avec qui traiteront-ils ? Lorsqu'il y aura la Communauté des Douze d'un côté, n'y aurait-il rien pour eux de l'autre, aucune perspective européenne ? Et quand je dis cela j'englobe aussi bien l'Union soviétique que tous les pays du continent. Bien entendu c'est une idée à long terme : il faut organiser une perspective pour tous les pays qui adhéreront à la démocratie, et qui ne pourront pas, pour une raison ou pour une autre, adhérer à la Communauté européenne qui ne peut s'enfler indéfiniment. Le problème allemand est d'une nature différente. Il y a à la fois un problème allemand spécifique et le problème de l'Europe. Sur le plan européen nous avons des points de vue qui sont proches les uns des autres.
- QUESTION.- Est-ce que sur la Confédération en question, le Chancelier Kohl a des vues proches des vôtres ?
- LE PRESIDENT.- Nous en avons parlé aujourd'hui. Le Chancelier a bien voulu prendre connaissance de ma déclaration du 31 décembre.
- LE CHANCELIER KOHL.- Le chemin pour les Allemands dans ces années 1990, ce sont des modifications qui ne peuvent pas se faire du jour au lendemain, mais ce chemin nous le parcourerons en même temps avec nos amis et particulièrement les Français. L'amitié franco-allemande a été très grande l'année dernière, dans les années 1990 elle le sera peut-être encore plus. La phrase de Conrad Adenauer, "Les problèmes allemands ne peuvent être résolus que sous le toit européen" est une phrase très juste. Ce dont nous avons besoin aujourd'hui c'est de patience, d'une manière de vivre ensemble raisonnable, de compréhension pour nos voisins et d'une compréhension de nos voisins pour nous Allemands. Nous ne sommes pas seuls au monde mais nous avons une responsabilité pour les autres Européens, et les Européens ont aussi une responsabilité pour nous. Je suis d'accord avec M. Mitterrand, tout ce que j'ai dit à Strasbourg, il y a quelques semaines, est toujours aussi important et il est important que tous les pays qui se démocratisent à l'est de l'Europe puissent avoir une perspective européenne. Ce sont des pays européens, ce sont de vieux pays européens et le concept de Confédération que le Président de la République a lancé vaut pour ces pays européens. Ce n'est pas la même chose que le développement interne dans la RFA. Dans mes dix points j'ai dit ce que j'avais à dire, je suis optimiste, je pense que nous y arriverons, je vois l'Europe de 1990 comme le temps que nous avons aujourd'hui, c'est-à-dire avec un ciel bleu.\
QUESTION.- L'intangibilité des frontières ... (?)
- LE PRESIDENT.- Je l'ai dit à Berlin. Entre les frontières fondées par les traités, par les accords, par les actes après 1945, qui définissaient très précisément, avec pas mal d'erreurs, les nationalités, et le problème de la frontière allemande, inventée pour séparer le même peuple, il y a une différence de nature. Dans ce dernier cas, l'aspiration des Allemands qui s'exprimeront démocratiquement dans des élections est une élément déterminant. Alors qu'il n'est pas question de régler ce type de problème par la même méthode, et il s'agissait de remettre en cause les autres frontières, qui séparent non seulement des Etats mais des peuples.\
QUESTION.- Vous avez dit récemment que la révolution avait commencé à Moscou, qu'elle ferait le tour de l'Europe et qu'elle retournerait à Moscou ? Vous pensez que c'est en train de se vérifier ? Est-ce que vous avez parlé de M. Gorbatchev ?
- LE PRESIDENT.- Il est souhaitable que M. Gorbatchev puisse adopter une démarche qui permette d'aboutir à la démocratisation de l'Union soviétique dans des conditions qui excluent la violence.
- LE CHANCELIER KOHL.- Il n'y a aucune méfiance ni à Paris vis-à-vis de Bonn, ni à Bonn vis-à-vis de Paris. Nous sommes devant des événements d'une ampleur inattendue en Europe. Nous nous attendions tous à ce que ces pays deviennent plus démocratiques mais personne ne s'attendait à ce que cela se passe en quelques mois. Aujourd'hui, il s'agit de faire en sorte que ce développement se fasse de manière raisonnable. La France et la RFA peuvent y apporter une grande contribution, parce que la France est un des moteurs de l'intégration européenne en même temps que la RFA. J'ai souvent dit et mes collègues européens l'ont cru, que nous autres Allemands, plus encore que d'autres, avions besoin d'une intégration européenne rapide. C'est donc important que François Mitterrand et moi fassions avancer les choses. Plus l'intégration européenne se fera vite, plus nous ferons le marché unique rapidement, plus grande sera la force d'attraction des Douze vis-à-vis du reste de l'Europe. Je trouve les propositions du Président très bonnes, car il faut réfléchir à ce que l'on peut faire avec les autres pays qui ne font pas partie de la Communauté. C'est dans ce cadre-là qu'il faut voir la Confédération. On devra en parler en détail. En tant qu'Allemands, et moi en tant que Chancelier, nous nous trouvons devant des décisions difficiles à prendre. Il est donc très important que les décisions que nous prenons soient soutenues par la confiance de nos amis à l'extérieur de l'Allemagne. Il faut que nous parlions entre nous, ici et aussi avec M. Gorbatchev, parce qu'il faut aussi prendre en compte les intérêts des Soviétiques. Il faut également parler avec nos amis occidentaux : des craintes justifiées, mais aussi artificielles, fabriquées de l'extérieur, et il est très bon que dans des situations de ce genre, on ne soit pas seul. Il est bon de savoir que l'on a des amis pour vous soutenir sur ce chemin difficile. C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui et c'est pourquoi en 1990, nous allons travailler particulièrement étroitement le Président de la République et moi. Il y a un seul souhait, que je partage, c'est que nous le fassions avec patience et sens de la mesure. Je pense qu'il faut faire beaucoup de petits pas et qu'il ne faut pas faire de grands pas de géant sans réfléchir et je suis très optimiste. Je pense que nous y arriverons.
- QUESTION.- Irez-vous à Bucarest ?
- LE PRESIDENT.- J'irai, avec grand plaisir, dès que ce sera possible. Je vais en Hongrie d'abord, dans quinze jours.
- QUESTION.- Est-ce qu'il y avait un sujet précis sur lequel vous vouliez vous entretenir avec le Chancelier Kohl ?
- LE PRESIDENT.- Le monde.\
- LE PRESIDENT.- J'ai bien parlé de Confédération européenne. Le Chancelier n'a pas parlé de confédération allemande. Les deux notions ne se recoupent pas. Le problème pour moi est de considérer que l'axe essentiel de notre politique en Europe, pour nous Français, c'est le développement de la Communauté, son renforcement. Le renforcement de ses structures, le fait qu'elle aille vraiment vers une volonté politique commune. Je pense à partir de là au sort des pays qui ne sont pas membres de la Communauté, mais dont la marche vers la démocratie est évidente. Quand ils y seront parvenus, que feront-ils ? Avec qui traiteront-ils ? Lorsqu'il y aura la Communauté des Douze d'un côté, n'y aurait-il rien pour eux de l'autre, aucune perspective européenne ? Et quand je dis cela j'englobe aussi bien l'Union soviétique que tous les pays du continent. Bien entendu c'est une idée à long terme : il faut organiser une perspective pour tous les pays qui adhéreront à la démocratie, et qui ne pourront pas, pour une raison ou pour une autre, adhérer à la Communauté européenne qui ne peut s'enfler indéfiniment. Le problème allemand est d'une nature différente. Il y a à la fois un problème allemand spécifique et le problème de l'Europe. Sur le plan européen nous avons des points de vue qui sont proches les uns des autres.
- QUESTION.- Est-ce que sur la Confédération en question, le Chancelier Kohl a des vues proches des vôtres ?
- LE PRESIDENT.- Nous en avons parlé aujourd'hui. Le Chancelier a bien voulu prendre connaissance de ma déclaration du 31 décembre.
- LE CHANCELIER KOHL.- Le chemin pour les Allemands dans ces années 1990, ce sont des modifications qui ne peuvent pas se faire du jour au lendemain, mais ce chemin nous le parcourerons en même temps avec nos amis et particulièrement les Français. L'amitié franco-allemande a été très grande l'année dernière, dans les années 1990 elle le sera peut-être encore plus. La phrase de Conrad Adenauer, "Les problèmes allemands ne peuvent être résolus que sous le toit européen" est une phrase très juste. Ce dont nous avons besoin aujourd'hui c'est de patience, d'une manière de vivre ensemble raisonnable, de compréhension pour nos voisins et d'une compréhension de nos voisins pour nous Allemands. Nous ne sommes pas seuls au monde mais nous avons une responsabilité pour les autres Européens, et les Européens ont aussi une responsabilité pour nous. Je suis d'accord avec M. Mitterrand, tout ce que j'ai dit à Strasbourg, il y a quelques semaines, est toujours aussi important et il est important que tous les pays qui se démocratisent à l'est de l'Europe puissent avoir une perspective européenne. Ce sont des pays européens, ce sont de vieux pays européens et le concept de Confédération que le Président de la République a lancé vaut pour ces pays européens. Ce n'est pas la même chose que le développement interne dans la RFA. Dans mes dix points j'ai dit ce que j'avais à dire, je suis optimiste, je pense que nous y arriverons, je vois l'Europe de 1990 comme le temps que nous avons aujourd'hui, c'est-à-dire avec un ciel bleu.\
QUESTION.- L'intangibilité des frontières ... (?)
- LE PRESIDENT.- Je l'ai dit à Berlin. Entre les frontières fondées par les traités, par les accords, par les actes après 1945, qui définissaient très précisément, avec pas mal d'erreurs, les nationalités, et le problème de la frontière allemande, inventée pour séparer le même peuple, il y a une différence de nature. Dans ce dernier cas, l'aspiration des Allemands qui s'exprimeront démocratiquement dans des élections est une élément déterminant. Alors qu'il n'est pas question de régler ce type de problème par la même méthode, et il s'agissait de remettre en cause les autres frontières, qui séparent non seulement des Etats mais des peuples.\
QUESTION.- Vous avez dit récemment que la révolution avait commencé à Moscou, qu'elle ferait le tour de l'Europe et qu'elle retournerait à Moscou ? Vous pensez que c'est en train de se vérifier ? Est-ce que vous avez parlé de M. Gorbatchev ?
- LE PRESIDENT.- Il est souhaitable que M. Gorbatchev puisse adopter une démarche qui permette d'aboutir à la démocratisation de l'Union soviétique dans des conditions qui excluent la violence.
- LE CHANCELIER KOHL.- Il n'y a aucune méfiance ni à Paris vis-à-vis de Bonn, ni à Bonn vis-à-vis de Paris. Nous sommes devant des événements d'une ampleur inattendue en Europe. Nous nous attendions tous à ce que ces pays deviennent plus démocratiques mais personne ne s'attendait à ce que cela se passe en quelques mois. Aujourd'hui, il s'agit de faire en sorte que ce développement se fasse de manière raisonnable. La France et la RFA peuvent y apporter une grande contribution, parce que la France est un des moteurs de l'intégration européenne en même temps que la RFA. J'ai souvent dit et mes collègues européens l'ont cru, que nous autres Allemands, plus encore que d'autres, avions besoin d'une intégration européenne rapide. C'est donc important que François Mitterrand et moi fassions avancer les choses. Plus l'intégration européenne se fera vite, plus nous ferons le marché unique rapidement, plus grande sera la force d'attraction des Douze vis-à-vis du reste de l'Europe. Je trouve les propositions du Président très bonnes, car il faut réfléchir à ce que l'on peut faire avec les autres pays qui ne font pas partie de la Communauté. C'est dans ce cadre-là qu'il faut voir la Confédération. On devra en parler en détail. En tant qu'Allemands, et moi en tant que Chancelier, nous nous trouvons devant des décisions difficiles à prendre. Il est donc très important que les décisions que nous prenons soient soutenues par la confiance de nos amis à l'extérieur de l'Allemagne. Il faut que nous parlions entre nous, ici et aussi avec M. Gorbatchev, parce qu'il faut aussi prendre en compte les intérêts des Soviétiques. Il faut également parler avec nos amis occidentaux : des craintes justifiées, mais aussi artificielles, fabriquées de l'extérieur, et il est très bon que dans des situations de ce genre, on ne soit pas seul. Il est bon de savoir que l'on a des amis pour vous soutenir sur ce chemin difficile. C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui et c'est pourquoi en 1990, nous allons travailler particulièrement étroitement le Président de la République et moi. Il y a un seul souhait, que je partage, c'est que nous le fassions avec patience et sens de la mesure. Je pense qu'il faut faire beaucoup de petits pas et qu'il ne faut pas faire de grands pas de géant sans réfléchir et je suis très optimiste. Je pense que nous y arriverons.
- QUESTION.- Irez-vous à Bucarest ?
- LE PRESIDENT.- J'irai, avec grand plaisir, dès que ce sera possible. Je vais en Hongrie d'abord, dans quinze jours.
- QUESTION.- Est-ce qu'il y avait un sujet précis sur lequel vous vouliez vous entretenir avec le Chancelier Kohl ?
- LE PRESIDENT.- Le monde.\