11 décembre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Discours de M. François Mitterrand, Président de la République, prononcé lors de la remise des bourses de la Fondation pour la vocation, Paris, le 11 décembre 1989.
LE PRESIDENT.- Mesdames et messieurs, lorsqu'on m'a convié à venir participer à cette remise des prix de la Fondation pour la Vocation, j'en connaissais depuis longtemps l'existence. J'étais très désireux de rencontrer une fois une promotion afin de mieux me rendre compte du travail accompli et de qualité dans toutes les disciplines requises pour obtenir ces prix. Je n'oublierai pas, pour commencer, le rôle joué par Marcel Bleustein-Blanchet. Je pense que si quelqu'un y avait pensé plus tôt lorsqu'il avait 20 ans il aurait peut-être eu une chance de figurer parmi les lauréats. Il s'est sans doute inspiré de la rude bataille de la vie, des rudes efforts pendant sa propre jeunesse, des difficultés rencontrées. Il n'y a que des difficultés à rencontrer tout le long de la vie, il faut bien que vous en soyez sûrs. Il a donc forgé sa volonté en même temps que son talent, le travail, l'inspiration : difficile synthèse. Vous avez avec Marcel Bleustein-Blanchet l'exemple même de ce que l'on peut accomplir quand on le veut. On peut dire quand on le peut mais moi je suis de ceux qui sont convaincus que même celles et ceux qui n'ont pas confiance en eux-mêmes ou qui croient n'avoir aucun talent, à un moment de leur existence une occasion viendra, soudain une passion, la rencontre avec une discipline, avec un art, avec un besoin profond venu d'eux-mêmes. A partir de là, ce sont la volonté et le travail qui feront le reste. Ils seront, à leur tour, ceux pour qui la Fondation a été créée, même s'ils n'ont pas de prix, tout le monde ne peut pas en avoir, ni vous ni moi ni beaucoup d'autres ici n'ont jamais eu de prix de la Fondation pour la Vocation. D'ailleurs quand a-t-on réussi ce qu'il convient de faire ? On l'a réussi quand on est en accord avec soi-même et avec le sens même de sa vie.
- Tout ce qui vous a valu d'être aujourd'hui distingués c'est déjà la marque que vous êtes sur le bon chemin. Le reste est à faire. Et parce que le reste est à faire c'est assez passionnant pour vous. C'est la vie, c'est votre vie. Ce sera la vie de la nation aussi dont vous faites partie. Vous serez des éléments parmi d'autres, des individus qui apporteront beaucoup, peut-être plus que les autres. Plus personne peut-être ne se retournera vers vous pour vous décerner des prix, vous vous souviendrez de celui là. Et peut-être vous aura-t-il donné, et même sûrement, l'occasion de vous affirmer et de vous découvrir. C'est en ce sens qu'il s'agit là d'une grande et belle entreprise.\
Je sais qu'il existe un certain nombre de personnes qui, en somme, acceptent de parrainer pour permettre aux jeunes en question d'aller un peu plus loin dans leur connaissance des choses. C'est un bon alliage, ou une bonne alliance entre ceux qui disposent de moyens grâce à leur propre action d'entreprises tournées vers le futur, qui ne s'enferment pas en elles-mêmes, qui cherchent aussi à distinguer les autres, à apporter un peu plus, dans des domaines différents qui ne sont pas forcément les domaines de ces entreprises mêmes. Bref, une idée générale de ce que peut être le progrès de l'homme. Tout cela est bien conçu et je suis venu précisément en témoigner. Je ne vous ferai pas un autre discours. C'est vrai que les situations de la naissance, de l'environnement familial, les conditions de vie sociales et matérielles, aussi morales, tout cela est donné d'une façon très indistincte, d'une façon très inégale. Certaines ou certains doivent parcourir une distance sous forme de handicap avant même d'être sur la ligne de départ. Pensons d'abord, précisément, à celles et ceux qui ont vaincu tous les obstacles d'une société qui n'est jamais en harmonie, pour parvenir eux-mêmes à l'harmonie désirable sans laquelle il n'est pas de vie réussie. D'autant plus qu'il faut généralement vaincre l'indifférence. On cherche souvent les résultats immédiats, les réussites tout de suite acquises et bien peu misées sur l'espoir. C'est ce que vous avez fait cher Marcel Bleustein-Blanchet, vous avez misé sur l'espoir, vous avez parié sur le futur et il appartient maintenant à ces jeunes gens de démontrer que le futur peut nous appartenir pour peu qu'on le veuille. Moi, je plaide, partout où je vais, pour une nation où l'innovation, la création, l'invention se trouveraient à leur place. Nul ne pourrait dire alors de ce pays qu'il est vieux. Naturellement il a, en tant que nation, quelques 1000 ans derrière lui. C'est pas mal, cela paraîtrait beaucoup pour un individu, ce n'est pas beaucoup pour une nation. C'est assez pour que souvent certains doutent d'elle et croient qu'elle n'est pas parmi les peuples jeunes, notre nation l'est ou le sera parce que des jeunes, dans son sein, à la fois sauront ce qu'ils sont capables de devenir et trouveront des concours parmi leurs anciens pour fonder cet espoir.
- Bien souvent il y a un petit jeu de société qui consiste à interroger sur les devises préférées des uns ou des autres. Il y en a une qui m'a toujours frappé - elle est d'ailleurs très connue - je l'avais lue dans un poème de Walt Whitman : "Deviens ce que tu es". Vous vous apercevrez qu'au bout du compte ce que vous allez devenir vous l'avez déjà, seulement voilà, vous ne le saviez pas. Si la Fondation de la Vocation permet cette découverte c'est déjà beaucoup.\
- Tout ce qui vous a valu d'être aujourd'hui distingués c'est déjà la marque que vous êtes sur le bon chemin. Le reste est à faire. Et parce que le reste est à faire c'est assez passionnant pour vous. C'est la vie, c'est votre vie. Ce sera la vie de la nation aussi dont vous faites partie. Vous serez des éléments parmi d'autres, des individus qui apporteront beaucoup, peut-être plus que les autres. Plus personne peut-être ne se retournera vers vous pour vous décerner des prix, vous vous souviendrez de celui là. Et peut-être vous aura-t-il donné, et même sûrement, l'occasion de vous affirmer et de vous découvrir. C'est en ce sens qu'il s'agit là d'une grande et belle entreprise.\
Je sais qu'il existe un certain nombre de personnes qui, en somme, acceptent de parrainer pour permettre aux jeunes en question d'aller un peu plus loin dans leur connaissance des choses. C'est un bon alliage, ou une bonne alliance entre ceux qui disposent de moyens grâce à leur propre action d'entreprises tournées vers le futur, qui ne s'enferment pas en elles-mêmes, qui cherchent aussi à distinguer les autres, à apporter un peu plus, dans des domaines différents qui ne sont pas forcément les domaines de ces entreprises mêmes. Bref, une idée générale de ce que peut être le progrès de l'homme. Tout cela est bien conçu et je suis venu précisément en témoigner. Je ne vous ferai pas un autre discours. C'est vrai que les situations de la naissance, de l'environnement familial, les conditions de vie sociales et matérielles, aussi morales, tout cela est donné d'une façon très indistincte, d'une façon très inégale. Certaines ou certains doivent parcourir une distance sous forme de handicap avant même d'être sur la ligne de départ. Pensons d'abord, précisément, à celles et ceux qui ont vaincu tous les obstacles d'une société qui n'est jamais en harmonie, pour parvenir eux-mêmes à l'harmonie désirable sans laquelle il n'est pas de vie réussie. D'autant plus qu'il faut généralement vaincre l'indifférence. On cherche souvent les résultats immédiats, les réussites tout de suite acquises et bien peu misées sur l'espoir. C'est ce que vous avez fait cher Marcel Bleustein-Blanchet, vous avez misé sur l'espoir, vous avez parié sur le futur et il appartient maintenant à ces jeunes gens de démontrer que le futur peut nous appartenir pour peu qu'on le veuille. Moi, je plaide, partout où je vais, pour une nation où l'innovation, la création, l'invention se trouveraient à leur place. Nul ne pourrait dire alors de ce pays qu'il est vieux. Naturellement il a, en tant que nation, quelques 1000 ans derrière lui. C'est pas mal, cela paraîtrait beaucoup pour un individu, ce n'est pas beaucoup pour une nation. C'est assez pour que souvent certains doutent d'elle et croient qu'elle n'est pas parmi les peuples jeunes, notre nation l'est ou le sera parce que des jeunes, dans son sein, à la fois sauront ce qu'ils sont capables de devenir et trouveront des concours parmi leurs anciens pour fonder cet espoir.
- Bien souvent il y a un petit jeu de société qui consiste à interroger sur les devises préférées des uns ou des autres. Il y en a une qui m'a toujours frappé - elle est d'ailleurs très connue - je l'avais lue dans un poème de Walt Whitman : "Deviens ce que tu es". Vous vous apercevrez qu'au bout du compte ce que vous allez devenir vous l'avez déjà, seulement voilà, vous ne le saviez pas. Si la Fondation de la Vocation permet cette découverte c'est déjà beaucoup.\