9 décembre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la construction européenne, notamment l'union économique et monétaire, les relations entre la CEE et l'Europe de l'Est et le problème de l'unité allemande, Strasbourg, le 9 décembre 1989.
Mesdames et messieurs,
- Le Conseil européen finit ses travaux et je viens vous présenter ses conclusions. Je le ferai en termes très schématiques, d'autant plus que vous avez été tenu informés à mesure que les travaux se déroulaient, ce qui vous permettra de poser les questions que vous jugez utiles sans que je sois obligé de faire une exposé de caractère trop exhaustif qui lasserait tout le monde et qui n'apprendrait rien à personne. Je vais donc m'attarder simplement sur quelques points sensibles.
- J'ai là d'ailleurs ces documents. Il y a toute une série de textes. On rappelle que le point de départ est d'aller vers l'union européenne. Vous vous souvenez que c'est ce qui avait été décidé lors d'un Conseil européen à Stuttgart, il y a quelques années. Ensuite, on s'attache à exprimer les moyens de réaliser l'Acte unique, l'espace sans frontières, le marché intérieur qui commence à prendre forme. On a vu le bilan des mesures prises pour l'achèvement de ce marché : législations, opérations de toutes sortes, assurance automobile par exemple, etc... Et une impulsion donnée pour que des décisions rapides interviennent sur les points qui n'ont pas été réglés. Notamment les concentrations d'entreprises, les contrôles vétérinaires, l'interconnexion des grands réseaux d'énergie et de transports, la fiscalité de l'épargne, la fiscalité indirecte. Je ne vous cite qu'un certain nombre de ces points.
- Nous nous sommes attachés à mieux définir encore ce qu'on appelle dans le langage un peu maison, qui ne correspond pas toujours aux règles du dictionnaire, la cohésion économique et sociale, et les politiques structurelles d'accompagnement. Traduction : les pays qui connaissent des retards économiques ou qui possèdent des régions plus difficiles à développer que les autres, ont droit à la solidarité de leurs partenaires. La cohésion économique et sociale a pour objet d'élever peu à peu le niveau de chacun, afin d'harmoniser les conditions d'existence des membres de la Communauté.\
On a décidé que l'Agence de l'environnement, créée dès 1990 verrait son siège choisi. Il y aura d'ailleurs un avis du Parlement européen en la circonstance. On a adopté le principe d'un programme cadre pour la recherche, qui sera décidé avant la fin de l'année 89. Plusieurs réunions sont prévues qui vont marquer une activité très réelle dans les quinze prochains jours.
- Pour l'audiovisuel, on a constaté des progrès très nets pour la télévision haute définition et nous avons trouvés très encourageantes les suites données à Eureka audiovisuel, compte tenu des avis recueillis lors des assises de l'audiovisuel réunies à Paris.
- Libre circulation des personnes, c'est-à-dire l'Europe des citoyens. L'abolition progressive des contrôles aux frontières intérieures de la Communauté, accompagnés de tous les moyens de lutte contre le terrorisme, la toxicomanie et toutes les formes de crime.
- Le Conseil a également souhaité conclure avant la fin 1990 des conventions sur le droit d'asile, sur les frontières intérieures et je le répète sur les visas, toutes conventions proposées par la présidence française. On a pris acte de la nomination qu'à ma demande chaque pays a faite d'un coordonnateur général pour la lutte contre la drogue. Ces douze coordonnateurs se réuniront entre eux pour aménager les propositions qu'ils ont à faire aux gouvernements. Lutte également contre le cancer.
- Dimension sociale ensuite. Il a été décidé une Charte sociale par onze voix sur douze, ce qui veut dire qu'il ne s'agit pas d'un programme communautaire au sens strict du terme, mais intergouvernemental.\
Sur le plan de l'union économique et monétaire, il a été décidé qu'une conférence intergouvernementale se tiendrait à la diligence du gouvernement italien, l'Italie assumant la présidence au second semestre de 1990, avant la fin 1990. La première étape pourra commencer avant le 1er juillet 1990, grâce aux décisions déjà prises par les ministres des finances.
- Le Conseil des affaires générales et les ministres de l'économie et des finances utiliseront tout le temps qui nous reste pour que des travaux préparatoires soient menés à bien. Puis le Conseil de Dublin, pendant que ces travaux préparatoires seront mis au net, fera le point lorsqu'il se tiendra. Comme vous le savez, l'Irlande assumera la présidence à partir du 1er janvier 1990.\
Quant aux relations extérieures de la Communauté, une déclaration a été établie au sujet des relations de la Communauté européenne avec les pays de l'AELE (Association Européenne de Libre Echange) avec les pays d'Europe Centrale et Orientale, notamment la présence de l'Union soviétique aux travaux du GATT, la Conférence commerciale mondiale, la participation des pays de l'Est à des programmes d'éducation et de formation, une fondation européenne pour la formation des cadres de ces pays, une banque pour la reconstruction et le développement des pays de l'Europe centrale et de l'Est, une participation au fonds de stabilisation pour la Pologne - vous savez, le milliard de dollars dont nous avons parlé le 18 novembre - ainsi qu'un crédit-relais de même importance pour la Hongrie.
- Voici l'ensemble des mesures qui ont été rappelées, indépendemment des aides alimentaires, de tout ce qui a été déjà annoncé et que je ne peux pas énumérer en entier ici pour contribuer au redressement de la situation dans ces pays. Voici des données soit tout à fait nouvelles - notamment la banque pour la reconstruction et le développement - ou bien simplement reprises et mises en forme.
- Il a été bien rappelé qu'il existe des relations de caractère préférentiel avec l'ensemble des pays méditerranéens. Il a été fait mention, en particulier, de la Yougoslavie. Nous avons fait état de la création de l'Union du Maghreb arabe et créé des mécanismes de dialogue.\
Nous nous sommes penchés encore une fois sur le problème de la drogue. On a véritablement tenu à souligner le courage des autorités de la République de Colombie et nous avons pensé qu'il serait vraiment utile de réexaminer les conditions dans lesquelles certaines conventions économiques, notamment sur le café, ont exposé ces pays à connaître de grandes difficultés économiques et les producteurs de ces pays à ne trouver des débouchés finalement que dans la drogue plutôt que sur des productions qui pourraient être encouragées par nos pays.\
Nous avons enregistré le succès de la quatrième convention de Lomé. C'est avant la fin du mois de décembre que les signatures auront lieu, à Lomé, pour quelque douze milliards d'écus, pour les pays intéressés d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ce montant est celui que j'espérais. On espère toujours davantage, bien entendu, mais c'est ce qui paraissait le maximum de ce qui pouvait être consenti au moment où l'on avait commencé ces travaux. On était resté longtemps à des chiffres nettement inférieurs et, finalement, la bonne volonté aidant, on est parvenu à obtenir ces douze milliards d'écus.\
Un certain nombre de conclusions ont été adoptées sur Chypre, rappelant des éléments que vous connaissez mais insistant sur la nécessité de contribuer à la réussite des efforts de M. Perez de Cuellar et de son représentant. Un bilan de l'action des Douze, dans le domaine des Droits de l'Homme a été présenté. Sur ce terrain-là comme sur les autres, on n'a pu qu'apprécier l'énorme travail fourni par la commission et par son président qui ont élaboré beaucoup de textes, engagé beaucoup de décisions et considérablement facilité notre travail.\
Une déclaration que l'on jugera importante sans aucun doute sur l'Europe centrale et orientale reprend pour une large part ce que j'avais déclaré au nom du Conseil européen le 18 novembre à Paris. Notre satisfaction devant cette puissante aspiration à la liberté, à la démocratie, au respect des droits de l'homme et à la paix qui s'affirme dans les pays en question. Evénements considérés par tous comme sans doute les plus importants depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
- Nécessité donc d'assurer le développement de la Communauté parallèlement à cette situation qui se développe à l'Est, nécessité de renforcer le noyau des douze , de lui donner plus de force et d'efficacité. En même temps nous affirmons la vitalité du processus de la CSCE et l'importance de la stabilité en matière de sécurité. Vous savez que la CSCE comprend tous les pays du continent européen plus les Etats-Unis d'Amérique et le Canada. Ces changements donnent à espérer que la division de l'Europe pourra être surmontée conformément aux objectifs de l'acte final d'Helsinki. Nous cherchons un état de paix en Europe dans lequel le peuple allemand trouvera son unité à travers une libre auto-détermination. Et ce processus doit se réaliser démocratiquement et pacifiquement, dans le respect des accords et traités, sur la base de tous les principes définis par l'acte final d'Helsinki, dans un contexte de dialogue et de coopération Est-Ouest, et dans la perspective de l'intégration européenne. J'insiste sur ce paragraphe, car vous savez qu'il a été l'objet de débats et qu'il représente un élément important d'appréciation sur les événements qui se déroulent actuellement dans l'Europe de l'Est et particulièrement en Allemagne de l'Est.
- On a rappelé les déclarations antérieures, celles de Rhodes, et, dans les circonstances actuelles, la manière dont nous entendons développer, mais j'en ai déjà parlé, nos relations avec les pays de l'Est notamment avec l'Union soviétique.\
Une déclaration sur le Moyen-Orient rappelle des éléments connus, mais en insistant sur le Liban. Nous nous accordons dans ce texte pour soutenir les accords de Taef. Il faut reconnaître la légitimité du Président et du gouvernement issus de l'application de ces accords et du vote du Parlement libanais. Mais en disant, ce qui est complémentaire, qu'il convient que soit restaurées la souveraineté du Liban, son indépendance, son unité, son intégrité territoriale £ ce qui implique le retrait des armées étrangères. D'autre part, il convient que fort de sa légitimité, le Président du Liban et son gouvernement poursuivent leurs efforts par le dialogue à l'exclusion de tout recours à des moyens de force. La préservation du cessez-le-feu demeurant prioritaire.\
Puis vient une déclaration sur la conférence euro-arabe du 22 décembre. Il y aura en effet un dialogue euro-arabe lors de la réunion qui se tiendra le 22 décembre. C'est le résultat d'une décision prise il y a de nombreuses années - je crois que c'était 1975 - mais dont la mise en oeuvre avait été interrompue. 22 pays et organisations arabes, et les douze de l'Europe seront donc conduits à se rencontrer dans quelques jours à Paris le 22 décembre £ ensuite une déclaration sur l'Afrique australe, sur la Namibie, l'Angola, le Mozambique, l'Afrique du Sud, une déclaration sur l'aide à apporter à l'Ethiopie pour éviter la famine, ou pour l'enrayer.
- Une déclaration aussi des Douze à la veille des élections générales au Chili, bien entendu en faveur du déroulement du processus démocratique. Enfin un bilan sur l'action des Douze dans le domaine des droits de l'homme.\
QUESTION.- Monsieur le Président y a-t-il eu au cours de ces discussions pendant ces deux jours, un lien entre les problèmes de l'Est et les problèmes monétaires de l'Ouest ? Y a-t-il eu comme certaines rumeurs ont couru un espèce de marchandage des Allemands pour appuyer les projets monétaires, contre une reconnaissance de cette autodétermination à l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas eu l'ombre d'un marchandage et ces problèmes n'ont été liés à aucun moment. Je pense d'ailleurs que chacun s'y serait refusé, c'est la moindre des choses. Il n'y a eu aucune discussion mêlant ces deux problèmes. L'accord monétaire était pratiquement fait depuis quelques jours, tandis que ce que je vous ai lu touchant au problème allemand n'a été réglé qu'hier soir, lors de la séance qui a suivi le dîner entre les chefs d'Etats et de gouvernement, et les ministres des affaires étrangères. C'était d'ailleurs l'objet de discussions sérieuses. Aucune forme d'échange qui serait inacceptable n'a été essayée par qui que ce soit.
- QUESTION.- Monsieur le Président, a été évoquée à la veille de ce Sommet l'éventualité d'une crise bilatérale grave en cas de désaccord, par quelqu'un qui connaît ses classiques. Est-ce que vous avez jamais perçu ce risque, quelles en étaient les raisons, et par quels facteurs, quels éléments ce risque a été finalement évité ?
- LE PRESIDENT.- Il y a eu risque, il a été évité. Vous avez très bien parlé. C'est vrai que nous n'étions pas d'accord au point de départ, sur les conditions et sur le délai dans lesquelles devaient s'ouvrir la conférence intergouvernementale sur l'union économique et monétaire. Mais il n'y avait pas de divergence sur l'objectif à atteindre. La divergence était limitée aux dates. A la suite des conversations qui ont eu lieu entre les ministres des affaires étrangères et des contacts que j'ai eus personnellement avec le Chancelier Kohl, cela a été pratiquement réglé. C'est-à-dire que nous étions d'accord.
- S'il n'y avait pas eu d'accord, il y aurait peut-être eu crise. Mais il n'y a pas eu de crise parce qu'il y a eu accord ! Et l'accord s'imposait de lui-même, puisque nous étions en mesure de poursuivre les travaux préparatoires et que jusqu'au dernier jour - je ne sais pas quel sera ce dernier jour puisqu'il sera fixé par la présidence italienne en décembre 90 - ces travaux continueront. Finalement ceux qui redoutaient, notamment l'Allemagne, que les travaux ne fussent pas prêts, ont convenu qu'ils le seraient. A partir de là la date a pu être fixée.\
QUESTION.- Monsieur le Président, ma question vous paraîtra peut-être naïve, mais beaucoup de gens se la posent chez nous, pourquoi faut-il aujourd'hui mettre les points sur les i sur l'inviolabilité des frontières en Europe ? est-ce que parce qu'à votre avis, le Chancelier Kohl aurait manifesté des tentations pour récupérer les frontières d'avant 37 `1937` ? Dans le cas contraire, vous aurait-il fait une promesse, un engagement, pour que la ligne Oder-Neisse soit respectée comme étant la frontière avec la Pologne ?
- LE PRESIDENT.- Mais quels points sur quels i ? Enfin...
- QUESTION.- Sur les frontières...
- LE PRESIDENT.- Il n'a pas été question de toucher à ce principe de l'inviolabilité des frontières décidées à Helsinki. Lorsque j'avais posé la question à l'ouverture même du Conseil européen qui s'est tenu à Paris le 18 novembre, on s'est étonné quelquefois dans la presse qu'on ne parle pas de ces problèmes. Mais c'est parce que, ayant posé la question il m'a été répondu par l'ensemble des délégations, qu'elle ne se posait pas. Je ne l'ai pas davantage posée cette fois-ci. Bien entendu, un certain nombre de journalistes, justement curieux de savoir ce qu'il en était, ont préféré s'attarder sur les non-dits plutôt que sur les affirmations. Il n'y a pas eu d'affirmation du tout dans le sens contraire.
- Donc le rappel d'Helsinki dans le texte en question vient en corollaire de l'affirmation sur l'aspiration juste et légitime du peuple allemand à son unité. A partir du moment où est rappelé le principe d'Helsinki, on voit bien de quels Allemands il s'agit. Et à partir de là, aucun autre point n'a été ajouté sur l'i, puisque l'accord général s'est fait, en conformité notamment avec ce qui a été exprimé par le chancelier allemand.
- Il n'y a pas lieu a priori de suspecter d'autant plus que le chancelier allemand a répété justement qu'ayant fixé un programme d'action, il n'avait pas subordonné ce programme d'action à un calendrier. C'est une direction qu'il entend suivre. C'est bien son droit. Mais l'ensemble des délégations y compris celle de la République fédérale allemande ont adopté ce texte. C'est vraiment l'unanimité pour les textes dont je vous ai donnés connaissance tout à l'heure.\
QUESTIONS.- Monsieur le Président, la sortie de Yalta a toujours été un de vos objectifs majeurs, après ces conseils si politisés que vous avez présidés. Quels sont les dessins, quels sont les équilibres que vous avez envisagés pour l'Europe de demain ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez d'un côté il y a les frontières. Si on touche aux frontières, vous voyez bien où sera la contagion. "Yalta" ce n'est pas que des frontières. Nous avons constamment parlé de la séparation de l'Europe en deux. "Yalta", c'est l'Europe coupée en deux, en deux systèmes philosophiques, politiques, économiques, sociaux, non seulement différents mais antagonistes, chacune des parties de l'Europe, obéissant aux directives d'une des deux grandes puissances. C'est cela "Yalta". De ce point de vue, on peut estimer que cela commence à appartenir au passé. Aucune des deux plus grandes puissances n'est aujourd'hui en mesure, ni d'ailleurs ne cherche à donner des ordres, à la partie anciennement contrôlée, de l'Est ou de l'Ouest. Dès lors, on peut vraiment, non pas spécialement à partir d'aujourd'hui, mais notamment d'aujourd'hui, on peut dire, que "Yalta" commence à entrer dans l'histoire que l'on raconte et à sortir de l'histoire présente.\
QUESTION.- Monsieur le Président, les habitués des sommets disent tel sommet a été un sommet important, marquant, décisif. Est-ce qu'à votre avis on le dira du sommet de Strasbourg ?
- LE PRESIDENT.- C'est vous qui le direz. Mais moi, j'en ai l'impression. L'importance tient à l'ampleur des problèmes traités. Raremement, un Conseil européen a été saisi de tant de problèmes aussi graves, aussi déterminants et aussi difficiles que ceux qui se présentaient à nous. Or il a été apporté un certain nombre de réponses pour la Communauté, et de réponses très importantes : la Charte sociale, qui va se remplir peu à peu avec les mesures prévues par la Commission, - quelque 17 directives dans le cadre d'une quarantaine de mesures différentes -. Désormais le cadre existe, il a été fixé, les principes ont été édictés.
- D'autre part la convocation de la Conférence intergouvernementale sur l'Union économique et monétaire. Ce sont deux décisions considérables, qui dans la vie intérieure de la Communauté, n'ont pas beaucoup d'équivalents de cette envergure.
- Par rapport aux relations extérieures de la Communauté : la création de la Banque pour la reconstruction et le développement de l'Europe centrale et orientale, sur les bases suivantes : accès de tous les pays qui le souhaiteront du côté des fournisseurs de capitaux, mais aussi présence des pays qui le désireront pour en être bénéficiaires. Donc, collaboration constante, sur ce terrain-là, entre les pays de l'Est et les pays de l'Ouest, avec l'accès d'autres pays que ceux de la Communauté. Cela représente une initiative d'une importance rare. On doit travailler ensemble dans l'intérêt de ces pays. C'est une mesure très importante.
- D'autre part, ce qui vient d'être dit sur les problèmes de l'Est, sur le plan géographique et des frontières, de l'aspiration à l'unité du peuple allemand, tout cela a abouti à un texte, qui tranche avec l'ordinaire de nos débats et qui par rapport à la fin de la seconde guerre mondiale et par référence à l'Acte final d'Helsinki, traite des rapprochements entre l'Est et l'Ouest. Tout cela nous fait entrer désormais dans ce que j'évoquais tout à l'heure £ désormais, il n'y a plus de partie de l'Europe agissant dans l'ombre ou à l'initiative de deux grandes puissances. Alors, à vous maintenant de qualifier le degré d'importance de ce Sommet européen.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je voulais revenir sur les relations franco-allemandes. Vous avez admis tout à l'heure qu'il y avait eu un risque de crise et vous avez évoqué un compromis. Sur le fond, est-ce que vous pouvez nous donner la nature de ce compromis et nous dire ce qui a permis d'arriver à ce compromis ?
- LE PRESIDENT.- Qu'est-ce qui a permis cette évolution ? Je pense que c'est le bon sens, en même temps que la volonté de constuire l'Europe de la Communauté, volonté égale chez les uns et les autres. On discute souvent des moyens et des procédures, c'est normal, mais nous sommes d'accord sur les fins. On discute des étapes, mais on est d'accord sur les objectifs : alors, ayant discuté sur les étapes, nous nous sommes mis d'accord pour considérer que, sur ce plan, il y aurait une étape importante à la fin de 1990. J'avais précisé cela dès le point de départ comme Président du Conseil européen. J'avais estimé qu'il fallait en venir là. Je me réjouis que nos amis, particulièrement nos amis allemands, aient admis que c'était assez important pour que cette décision fût prise.\
QUESTION.- Monsieur le Président, devant le Parlement européen il y a quelques semaines, vous avez exposé l'espoir et la détermination de compléter le processus de préparation pour l'Union monétaire pour la date de l'achèvement du marché interne 1992. Est-ce que vous pensez qu'il y a eu lors de ce Sommet une volonté politique de réaliser des progrès conformément à l'espoir que vous avez exprimé à Strasbourg ?
- LE PRESIDENT.- J'avais exprimé cet espoir comme j'avais exprimé l'espoir que l'on déciderait d'une conférence intergouvernementale pour le mois de décembre 1990. Je suis très heureux de voir que mes arguments ont convaincu nos amis. De même, j'exprime l'espoir que nous pourrons harmoniser nos décisions par rapport à l'échéance du 1er janvier 1993 ce qui est la moindre des choses. Le processus de l'Union économique et monétaire devrait être un peu plus lent, parce qu'intervient un problème de ratification parlementaire, selon des procédures différentes à l'intérieur des Douze pays. De telle sorte que le voeu optimiste c'est fin 1992. Le voeu réaliste ce serait avant les nouvelles élections européennes de 1994. Disons que c'est entre ces deux dates que se situe l'éventail des dates possibles.\
QUESTION.- Monsieur le Président, ne croyez-vous pas que le blocage actuel de la situation au Liban ne pourrait peut-être pas aboutir à un statut comme celui qui prévaut à Chypre ?
- LE PRESIDENT.- On peut craindre beaucoup de choses au Liban. Il y a de quoi ! Votre hypothèse, une sorte de sécession ou de partition - est quand même peu probable. Et elle n'est pas souhaitable. Elle n'est pas souhaitée par la France. Elle est, je le répète peu probable. Je crois encore aux vertus du dialogue dès lors que tous les Libanais seront d'accord, tout en préservant leurs amitiés respectives pour servir la souveraineté de leur propre pays. Et, dès lors que chacun aura compris que la perpétuation de la guerre ne profite à personne, ce qui est démontré depuis tant d'années. Nous continuons, d'espérer, mais en rappelant où se trouve la légitimité.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans le cadre des relations avec les pays de l'Europe centrale et orientale et de la défense des droits de l'homme, pouvez-vous préciser l'action des Douze en ce qui concerne la Roumanie ?
- LE PRESIDENT.- Ils n'ont pas beaucoup d'action possible sur ce pays qui est très fermé et qui vit aujourd'hui une expérience isolée avec d'autant plus d'entêtement. Nous disons simplement, que le jour où commencera le processus démocratique en Roumanie, dans des conditions que je ne puis imaginer aujourd'hui, mais qui pourraient ressembler à celles qui se produisent dans les autres pays de l'Europe centrale et de l'Est, ce jour-là, la Roumanie trouvera une Communauté également prête à apporter son aide pour le développement des libertés, mais aussi pour le développement économique. En attendant ce pays s'enferme dans son isolement et la Communauté le constate avec beaucoup de regret.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pour la première fois de l'histoire, la Grande-Bretagne s'est isolée sur deux accords fondamentaux. Comment voyez-vous l'avenir de cette Communauté dont vous souhaitiez qu'à Strasbourg, elle montre un signe de cohésion sans faille face aux bouleversements à l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez, ce n'est pas la première fois. D'ailleurs, c'est rarement la première fois en quoi que ce soit ! J'ai connu cela à Milan en 1987. Nous avons eu un Conseil européen à Milan et il y a eu un vote, dix contre deux. Là, je n'ai pas eu besoin de faire de vote. Chaque délégation s'était exprimée. Il était clair que onze s'étaient exprimés positivement, le douzième négativement. Vous n'avez qu'à en tirer la conclusion, une majorité s'est dégagée. C'est vrai dans les deux cas, social et monétaire. Mais j'ai déjà connu cela à Milan. On avait alors décidé la Conférence intergouvernementale. Et puis on avait tenu la réunion de Luxembourg. L'acte unique en est sorti et l'acte unique a été adopté par tous. Alors, naturellement, je ne préjuge pas la suite. Mais, cet exemple existe et il est plutôt encourageant. En tous cas, j'exprime mes voeux pour que les douze se retrouvent, y compris la Grande-Bretagne dont je respecte les réserves, dans l'application désormais inéluctable d'une Charte sociale et dans la démarche vers une monnaie unique et une banque centrale. Je souhaite que la Grande-Bretagne qui a beaucoup de sens pratique puisse prendre part en tous cas aux mesures d'application d'un principe qu'elle déplore.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce qu'il va être nécessaire d'aller expliquer de la part de la Communauté aux Soviétiques, le droit à l'auto-détermination du peuple allemand et éventuellement le même droit pour les autres peuples de l'Europe de l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Si nous avions le temps, si nous étions dans une petite conférence privée entre nous, on pourrait parler, approfondir ces sujets. Je vous dirai quand même qu'il y a là une assimilation audacieuse, dans la mesure où les frontières de la plupart des Etats sont toujours remaniées selon le hasard des guerres, mais que l'identité nationale a eu tendance à apparaître en tout cas depuis la fin de la guerre de 1914 - 1918 avec la destruction de l'empire austro-hongrois notamment et puis après 1945 ou bien en sens contraire, avec la disparition de certains Etats, je pense en particulier aux pays Baltes. C'est le va-et-vient de l'histoire avec son cortège de déchirements ou d'espoirs. Mais le problème allemand est un peu différent. C'est une frontière qui a été instaurée à la fin de la deuxième guerre mondiale à travers un même peuple. Personne ne conteste qu'il s'agisse d'un peuple, d'ailleurs qui avait vécu son unité depuis la création de l'empire allemand, à la fin de la guerre de 1870, sous des formes et des avatars tout à fait différents. Donc çà, c'est une frontière d'une nature différente. Il y a deux Etats, mais cette frontière est d'une nature quand même différente. Reportez-vous aux déclarations que j'ai faites à Bonn, au début du mois de novembre à la suite d'un sommet franco-allemand. J'avais déjà dit cela. J'avais dit : je ne crains pas l'unification qui me paraît légitime mais il y a des obligations internationales de toutes sortes auxquelles il faut souscrire si l'on ne veut pas compliquer la situation et créer des tensions inutiles et dangereuses. Humainement, un peuple aspire naturellement à sa réunion. Ce peuple a aussi des obligations. Ces obligations ont été fixées. C'est pourquoi le rappel d'Helsinki notamment, parmi bien d'autres choses, a été inscrit dans le document qui vous sera remis. Il ne faut donc pas confondre les choses. Il peut y avoir contagion. Il y a déjà eu contagion : voir ce qui s'est passé en Pologne et ce qui s'est passé en Hongrie et puis maintenant en Bulgarie, en Allemagne de l'Est, la Tchécoslovaquie, etc... C'est évident : les choses sont souvent liées.\
`Suite sur une éventuelle auto-détermination des pays de l'Est` Parmi les différents pays qui font l'Union soviétique, certains d'entre eux ont eu une existence nationale dans le passé mais il faut remonter très loin pour bon nombre d'entre eux, alors que l'on remonte beaucoup moins loin, du temps de Staline, pour les pays Baltes. Il faut donc faire les distinctions qui s'imposent.
- On ne peut pas non plus en revenir à chaque Etat connu par la géographie de l'Europe. Je n'ai jamais demandé à mes partenaires de restaurer l'Empire français dans sa réalité de 1805 et je ne pleure pas après la disparition des départements qui englobaient la rive gauche du Rhin, une partie de la Belgique, de l'Italie. Il y a des réalités nationales, qui sont offensées dans beaucoup de domaines actuellement en Europe : vous connaissez le litige entre la Roumanie et la Hongrie £ la revendication roumaine, pas de l'Etat mais du peuple, par rapport à la Moldavie £ vous connaissez le regret ambiant de beaucoup d'Allemands à l'égard de la perte de la Silésie, de la Poméranie, de la Mazurie polonaise ou de la partie de Prusse orientale soviétique. C'est vrai pour l'ensemble des nationalités, qui correspondraient à des réalités profondes - indépendamment de la fixation exacte des frontières due au hasard des guerres et des conflits - ce qui n'est souvent pas juste. Mais les réalités nationales ne sont pas contestées. Le problème allemand de la séparation, qui date de 45 ans, est de nature différente. Je l'ai rappelé à chacune de mes déclarations et j'ai toujours ajouté des termes que vous retrouverez dans ce texte en disant : "il faut que ce soit démocratique et pacifique".
- Démocratique, que l'évolution se poursuive à l'intérieur, et pacifique, c'est-à-dire qu'il convient de tenir compte et des traités et de la réalité communautaire en Europe, et de la réalité de l'évolution de l'Est. Rien ne doit être fait qui remette en cause des frontières dont dépend sans doute l'équilibre européen. Donc, je ne vois pas comment ce texte-là pourrait, à partir du cas allemand, être un encouragement pour les autres. Etant entendu qu'à titre personnel, je considère qu'il y a beaucoup de revendications tout à fait légitimes de peuples opprimés qui ont disparu de l'histoire de la façon la plus injuste. Mais cela, c'est une autre affaire, nous ne sommes pas ici dans une conversation à caractère personnel.\
QUESTION.- Monsieur Mitterrand, récemment les Etats-Unis, le Canada et le Japon ont créé des fondations pour promouvoir les droits politiques et civiques, avec un succès notable, surtout en Pologne et en Amérique du Sud. Qu'est-ce que la Communauté européenne, sous votre présidence, pendant les derniers six mois, a fait pour promouvoir la démocratie dans les pays ACP de la Convention de Lomé ? En Europe même, la charte sociale a des chapitres sur la jeunesse et les personnes âgées. Dans beaucoup de pas d'Europe, les jeunes moins favorisés et les personnes âgées. Dans beaucoup de pays d'Europe, les jeunes moins favorisés et les personnes âgées moins favorisées sont des femmes, qu'est-ce que vous allez recommander à la présidence irlandaise de faire comme exécution de la charte sociale en faveur des jeunes filles et des femmes âgées européennes ?
- LE PRESIDENT.- Je me contenterai de répondre à cette très vaste question que, quelle que soit l'amitié et le respect que je porte aux Etats-Unis, au Canada et au Japon, ils ne sont pas seuls détenteurs de la défense des Droits de l'homme. Par exemple, en traitant avec les pays de l'ACP la Communauté a inséré une clause, dans le cadre de Lomé IV, impliquant le respect des Droits de l'homme dans ces pays et une démarche, là où cela manque, vers la démocratie.\
QUESTION.- A quoi croyez-vous, monsieur le Président, que nous devons à présent nous attendre : voir se réaliser d'abord l'unité allemande (je veux dire la réunion des deux Allemagne sous une forme ou sous une autre), ou l'unité européenne (je pense à une forme ou une autre d'union politique entre les Etats de la Communauté) ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que ces deux mouvements s'inscrivent dans le devenir de l'Europe mais pas n'importe quand ni n'importe comment et je dis tout de suite que la sagesse consisterait à développer et à renforcer et à accélérer les structures de la Communauté avant tout autre démarche. La Communauté est apparue comme un môle et comme un pôle d'attraction pour la plupart des pays de l'Est en mouvement vers la liberté et la démocratie.
- Elle n'existerait pas, les choses ne se passeraient pas de la même façon. On irait vite vers l'anarchie européenne que nous avons connue avant la guerre de 1914, accentuée, il faut le dire, au lendemain de la guerre de 1914-18 par la disparition de l'Autriche-Hongrie - que je ne regrette pas mais que je constate - et la multiplicité des parties prenantes. Si l'on renforce d'abord la Communauté, le mouvement des peuples et des Etats qui n'y appartiennent pas, s'organisera autour de cette réalité. Le nouvel équilibre allemand, auquel aspirent les Allemands s'inscrira dans l'équilibre européen car la Communauté non seulement devra se renforçer - elle a commencé - mais encore continuer d'établir une nouvelle forme de rapport et de coopération avec les pas de l'Est, et notamment avec l'Union soviétique. A partir de la Communauté, on peut espérer que les fondements de l'Europe - telle qu'elle est, selon les termes de la géographie - seront assurés. Il n'y a plus de barrières, il n'y a plus de mur entre l'Est et l'Ouest. Si dans le même moment le peuple allemand fait mouvement alors que l'évolution de la Communauté que je viens de décrire se réalise, cela changera de sens. Voilà pourquoi, dans l'ordre des facteurs que j'ai exposés déjà depuis de nombreuses semaines, le renforcement de la Communauté passe en premier. D'où mon insistance pour la conférence intergouvernementale.\
`Suite sur l'unité européenne et l'unité allemande` Je réponds là à mon premier interlocuteur : c'est le seul lien objectif que l'on puisse voir entre les différents points sur lesquels nous avons abouti aujourd'hui. Cela dit, l'auto-détermination est un droit reconnu et il faut agir avec assez de prudence et de réalisme, ne pas bousculer les frontières, ne pas bouleverser les données d'équilibre que nous connaissons en Europe. Il y a déjà beaucoup de bouleversements qui se produisent. Ce n'est pas la peine d'en rajouter. J'imagine que l'on pourrait arriver à un processus idéal, avec tout ce que ce mot doit provoquer de réserves quand on voit la marque des affaires humaines, c'est-à-dire au renforcement de la Communauté, d'une coopération intense entre la Communauté et le reste de l'Europe, l'Europe de l'Est et dans le même temps à une démarche des pays notamment du peuple allemand qui doivent se soumettre à l'équilibre général mais qui ont le droit de réaliser leur aspiration la plus profonde. C'est comme cela que je vois les choses. Si l'ordre était inversé, comme cela pourrait se produire en raison de la brusquerie et de la rapidité des événements, l'Europe connaîtrait des déboires. Il y aurait des débats difficiles. Nous sommes tous d'accord là-dessus, y compris l'Union soviétique. Naturellement, je n'avais pas besoin d'aller à Kiev pour m'en assurer, mais enfin cela a été confirmé de la façon la plus nette. Comme nous tenons tous à préserver précisément l'état de nos frontières, vous imaginez la somme de difficultés qui se présenteraient si l'on prétendait agir sans en tenir compte.
- Voilà donc comment je vois les choses : la Communauté, une sorte de règlement permanent entre les pays d'Europe, la réalisation des aspirations particulières lorsqu'elles sont légitimes. En l'occurence l'aspiration à l'unité du peuple allemand, entre les Allemands des deux Etats en question, ne peut pas être contestée, ne peut pas être appelée illégitime. La méthode pourrait être illégitime, l'inspiration ne l'est pas.\
QUESTION.- Monsieur le Président, l'Union économique et monétaire implique un toilettage des institutions, d'autres comme le Parlement européen estiment qu'il faut en profiter pour faire une grande lessive des institutions. Où va votre préférence ?
- LE PRESIDENT.- Moi, je suis pour une modification, je veux dire pour un perfectionnement des institutions. Je pense même que la conférence intergouvernementale qui sera convoquée, devrait dans une deuxième phase - il ne faut pas mélanger les choses - s'occuper des institutions. C'est une bonne mécanique, c'est une bonne méthode. Alors on va discuter de l'Union économique et monétaire. Si on mélange les choses, avec toutes les revendications institutionnelles souvent contraires que tel ou tel pays désirera, à ce moment-là, on compromettra la réalisation de l'Union économique et monétaire. Il faut donc bien distinguer. Quand nous serons arrivés aux termes de nos décisions sur l'Union économique et monétaire, on devrait pouvoir, dans le laps de temps que j'ai indiqué, avant 1994, aborder et régler le problème des institutions. En tout cas, tel est mon voeu.\
QUESTION.- Monsieur le Président, il a été question à plusieurs reprises au cours du Conseil, de l'immigration. Il semble que vous ayiez souhaité que l'on ne prolonge pas la discussion sur ce sujet, en particulier plusieurs Etats-membres sembleraient souhaiter qu'il y ait une communautarisation de la politique de l'immigration ou quelque chose qui s'en rapproche. Quel est votre sentiment là-dessus ? et pourquoi au fond, ne souhaitiez-vous pas que l'on en parle davantage cette fois-ci ?
- LE PRESIDENT.- Ah ! je ne m'en étais pas aperçu.
- QUESTION.- C'est ce que nous avons cru comprendre.
- LE PRESIDENT.- Non, mais je veux bien que l'on me prête des intentions, mais le plus sage serait de me demander mon avis avant. Moi, je ne suis pas du tout contre, au contraire, je suis pour. J'ai même demandé qu'il y ait un paragraphe consacré à cela. Simplement il faut bien spécifier les choses. Je crois qu'une harmonisation communautaire est tout à fait souhaitable. Nous allons même y être contraint par la nécessité puisque nous allons avoir les mêmes frontières extérieures. Il va bien falloir que nous ayons des attitudes semblables, des législations comparables, des administrations capables de faire à peu près la même chose. La seule réserve que j'émets à cela, c'est que je ne voudrais pas que l'on traite ces questions au rabais. Nous avons des discussions, particulièrement avec nos amis Hollandais, sur le droit d'asile. Mais, je crois que c'est un sujet suffisamment important pour qu'on le traite avec beaucoup de sang-froid. Mais, que l'on puisse avoir une politique commune de l'immigration serait une bonne chose, dès lors, et comment en douter, qu'elle préserve le droit des gens.\
- Le Conseil européen finit ses travaux et je viens vous présenter ses conclusions. Je le ferai en termes très schématiques, d'autant plus que vous avez été tenu informés à mesure que les travaux se déroulaient, ce qui vous permettra de poser les questions que vous jugez utiles sans que je sois obligé de faire une exposé de caractère trop exhaustif qui lasserait tout le monde et qui n'apprendrait rien à personne. Je vais donc m'attarder simplement sur quelques points sensibles.
- J'ai là d'ailleurs ces documents. Il y a toute une série de textes. On rappelle que le point de départ est d'aller vers l'union européenne. Vous vous souvenez que c'est ce qui avait été décidé lors d'un Conseil européen à Stuttgart, il y a quelques années. Ensuite, on s'attache à exprimer les moyens de réaliser l'Acte unique, l'espace sans frontières, le marché intérieur qui commence à prendre forme. On a vu le bilan des mesures prises pour l'achèvement de ce marché : législations, opérations de toutes sortes, assurance automobile par exemple, etc... Et une impulsion donnée pour que des décisions rapides interviennent sur les points qui n'ont pas été réglés. Notamment les concentrations d'entreprises, les contrôles vétérinaires, l'interconnexion des grands réseaux d'énergie et de transports, la fiscalité de l'épargne, la fiscalité indirecte. Je ne vous cite qu'un certain nombre de ces points.
- Nous nous sommes attachés à mieux définir encore ce qu'on appelle dans le langage un peu maison, qui ne correspond pas toujours aux règles du dictionnaire, la cohésion économique et sociale, et les politiques structurelles d'accompagnement. Traduction : les pays qui connaissent des retards économiques ou qui possèdent des régions plus difficiles à développer que les autres, ont droit à la solidarité de leurs partenaires. La cohésion économique et sociale a pour objet d'élever peu à peu le niveau de chacun, afin d'harmoniser les conditions d'existence des membres de la Communauté.\
On a décidé que l'Agence de l'environnement, créée dès 1990 verrait son siège choisi. Il y aura d'ailleurs un avis du Parlement européen en la circonstance. On a adopté le principe d'un programme cadre pour la recherche, qui sera décidé avant la fin de l'année 89. Plusieurs réunions sont prévues qui vont marquer une activité très réelle dans les quinze prochains jours.
- Pour l'audiovisuel, on a constaté des progrès très nets pour la télévision haute définition et nous avons trouvés très encourageantes les suites données à Eureka audiovisuel, compte tenu des avis recueillis lors des assises de l'audiovisuel réunies à Paris.
- Libre circulation des personnes, c'est-à-dire l'Europe des citoyens. L'abolition progressive des contrôles aux frontières intérieures de la Communauté, accompagnés de tous les moyens de lutte contre le terrorisme, la toxicomanie et toutes les formes de crime.
- Le Conseil a également souhaité conclure avant la fin 1990 des conventions sur le droit d'asile, sur les frontières intérieures et je le répète sur les visas, toutes conventions proposées par la présidence française. On a pris acte de la nomination qu'à ma demande chaque pays a faite d'un coordonnateur général pour la lutte contre la drogue. Ces douze coordonnateurs se réuniront entre eux pour aménager les propositions qu'ils ont à faire aux gouvernements. Lutte également contre le cancer.
- Dimension sociale ensuite. Il a été décidé une Charte sociale par onze voix sur douze, ce qui veut dire qu'il ne s'agit pas d'un programme communautaire au sens strict du terme, mais intergouvernemental.\
Sur le plan de l'union économique et monétaire, il a été décidé qu'une conférence intergouvernementale se tiendrait à la diligence du gouvernement italien, l'Italie assumant la présidence au second semestre de 1990, avant la fin 1990. La première étape pourra commencer avant le 1er juillet 1990, grâce aux décisions déjà prises par les ministres des finances.
- Le Conseil des affaires générales et les ministres de l'économie et des finances utiliseront tout le temps qui nous reste pour que des travaux préparatoires soient menés à bien. Puis le Conseil de Dublin, pendant que ces travaux préparatoires seront mis au net, fera le point lorsqu'il se tiendra. Comme vous le savez, l'Irlande assumera la présidence à partir du 1er janvier 1990.\
Quant aux relations extérieures de la Communauté, une déclaration a été établie au sujet des relations de la Communauté européenne avec les pays de l'AELE (Association Européenne de Libre Echange) avec les pays d'Europe Centrale et Orientale, notamment la présence de l'Union soviétique aux travaux du GATT, la Conférence commerciale mondiale, la participation des pays de l'Est à des programmes d'éducation et de formation, une fondation européenne pour la formation des cadres de ces pays, une banque pour la reconstruction et le développement des pays de l'Europe centrale et de l'Est, une participation au fonds de stabilisation pour la Pologne - vous savez, le milliard de dollars dont nous avons parlé le 18 novembre - ainsi qu'un crédit-relais de même importance pour la Hongrie.
- Voici l'ensemble des mesures qui ont été rappelées, indépendemment des aides alimentaires, de tout ce qui a été déjà annoncé et que je ne peux pas énumérer en entier ici pour contribuer au redressement de la situation dans ces pays. Voici des données soit tout à fait nouvelles - notamment la banque pour la reconstruction et le développement - ou bien simplement reprises et mises en forme.
- Il a été bien rappelé qu'il existe des relations de caractère préférentiel avec l'ensemble des pays méditerranéens. Il a été fait mention, en particulier, de la Yougoslavie. Nous avons fait état de la création de l'Union du Maghreb arabe et créé des mécanismes de dialogue.\
Nous nous sommes penchés encore une fois sur le problème de la drogue. On a véritablement tenu à souligner le courage des autorités de la République de Colombie et nous avons pensé qu'il serait vraiment utile de réexaminer les conditions dans lesquelles certaines conventions économiques, notamment sur le café, ont exposé ces pays à connaître de grandes difficultés économiques et les producteurs de ces pays à ne trouver des débouchés finalement que dans la drogue plutôt que sur des productions qui pourraient être encouragées par nos pays.\
Nous avons enregistré le succès de la quatrième convention de Lomé. C'est avant la fin du mois de décembre que les signatures auront lieu, à Lomé, pour quelque douze milliards d'écus, pour les pays intéressés d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ce montant est celui que j'espérais. On espère toujours davantage, bien entendu, mais c'est ce qui paraissait le maximum de ce qui pouvait être consenti au moment où l'on avait commencé ces travaux. On était resté longtemps à des chiffres nettement inférieurs et, finalement, la bonne volonté aidant, on est parvenu à obtenir ces douze milliards d'écus.\
Un certain nombre de conclusions ont été adoptées sur Chypre, rappelant des éléments que vous connaissez mais insistant sur la nécessité de contribuer à la réussite des efforts de M. Perez de Cuellar et de son représentant. Un bilan de l'action des Douze, dans le domaine des Droits de l'Homme a été présenté. Sur ce terrain-là comme sur les autres, on n'a pu qu'apprécier l'énorme travail fourni par la commission et par son président qui ont élaboré beaucoup de textes, engagé beaucoup de décisions et considérablement facilité notre travail.\
Une déclaration que l'on jugera importante sans aucun doute sur l'Europe centrale et orientale reprend pour une large part ce que j'avais déclaré au nom du Conseil européen le 18 novembre à Paris. Notre satisfaction devant cette puissante aspiration à la liberté, à la démocratie, au respect des droits de l'homme et à la paix qui s'affirme dans les pays en question. Evénements considérés par tous comme sans doute les plus importants depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
- Nécessité donc d'assurer le développement de la Communauté parallèlement à cette situation qui se développe à l'Est, nécessité de renforcer le noyau des douze , de lui donner plus de force et d'efficacité. En même temps nous affirmons la vitalité du processus de la CSCE et l'importance de la stabilité en matière de sécurité. Vous savez que la CSCE comprend tous les pays du continent européen plus les Etats-Unis d'Amérique et le Canada. Ces changements donnent à espérer que la division de l'Europe pourra être surmontée conformément aux objectifs de l'acte final d'Helsinki. Nous cherchons un état de paix en Europe dans lequel le peuple allemand trouvera son unité à travers une libre auto-détermination. Et ce processus doit se réaliser démocratiquement et pacifiquement, dans le respect des accords et traités, sur la base de tous les principes définis par l'acte final d'Helsinki, dans un contexte de dialogue et de coopération Est-Ouest, et dans la perspective de l'intégration européenne. J'insiste sur ce paragraphe, car vous savez qu'il a été l'objet de débats et qu'il représente un élément important d'appréciation sur les événements qui se déroulent actuellement dans l'Europe de l'Est et particulièrement en Allemagne de l'Est.
- On a rappelé les déclarations antérieures, celles de Rhodes, et, dans les circonstances actuelles, la manière dont nous entendons développer, mais j'en ai déjà parlé, nos relations avec les pays de l'Est notamment avec l'Union soviétique.\
Une déclaration sur le Moyen-Orient rappelle des éléments connus, mais en insistant sur le Liban. Nous nous accordons dans ce texte pour soutenir les accords de Taef. Il faut reconnaître la légitimité du Président et du gouvernement issus de l'application de ces accords et du vote du Parlement libanais. Mais en disant, ce qui est complémentaire, qu'il convient que soit restaurées la souveraineté du Liban, son indépendance, son unité, son intégrité territoriale £ ce qui implique le retrait des armées étrangères. D'autre part, il convient que fort de sa légitimité, le Président du Liban et son gouvernement poursuivent leurs efforts par le dialogue à l'exclusion de tout recours à des moyens de force. La préservation du cessez-le-feu demeurant prioritaire.\
Puis vient une déclaration sur la conférence euro-arabe du 22 décembre. Il y aura en effet un dialogue euro-arabe lors de la réunion qui se tiendra le 22 décembre. C'est le résultat d'une décision prise il y a de nombreuses années - je crois que c'était 1975 - mais dont la mise en oeuvre avait été interrompue. 22 pays et organisations arabes, et les douze de l'Europe seront donc conduits à se rencontrer dans quelques jours à Paris le 22 décembre £ ensuite une déclaration sur l'Afrique australe, sur la Namibie, l'Angola, le Mozambique, l'Afrique du Sud, une déclaration sur l'aide à apporter à l'Ethiopie pour éviter la famine, ou pour l'enrayer.
- Une déclaration aussi des Douze à la veille des élections générales au Chili, bien entendu en faveur du déroulement du processus démocratique. Enfin un bilan sur l'action des Douze dans le domaine des droits de l'homme.\
QUESTION.- Monsieur le Président y a-t-il eu au cours de ces discussions pendant ces deux jours, un lien entre les problèmes de l'Est et les problèmes monétaires de l'Ouest ? Y a-t-il eu comme certaines rumeurs ont couru un espèce de marchandage des Allemands pour appuyer les projets monétaires, contre une reconnaissance de cette autodétermination à l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas eu l'ombre d'un marchandage et ces problèmes n'ont été liés à aucun moment. Je pense d'ailleurs que chacun s'y serait refusé, c'est la moindre des choses. Il n'y a eu aucune discussion mêlant ces deux problèmes. L'accord monétaire était pratiquement fait depuis quelques jours, tandis que ce que je vous ai lu touchant au problème allemand n'a été réglé qu'hier soir, lors de la séance qui a suivi le dîner entre les chefs d'Etats et de gouvernement, et les ministres des affaires étrangères. C'était d'ailleurs l'objet de discussions sérieuses. Aucune forme d'échange qui serait inacceptable n'a été essayée par qui que ce soit.
- QUESTION.- Monsieur le Président, a été évoquée à la veille de ce Sommet l'éventualité d'une crise bilatérale grave en cas de désaccord, par quelqu'un qui connaît ses classiques. Est-ce que vous avez jamais perçu ce risque, quelles en étaient les raisons, et par quels facteurs, quels éléments ce risque a été finalement évité ?
- LE PRESIDENT.- Il y a eu risque, il a été évité. Vous avez très bien parlé. C'est vrai que nous n'étions pas d'accord au point de départ, sur les conditions et sur le délai dans lesquelles devaient s'ouvrir la conférence intergouvernementale sur l'union économique et monétaire. Mais il n'y avait pas de divergence sur l'objectif à atteindre. La divergence était limitée aux dates. A la suite des conversations qui ont eu lieu entre les ministres des affaires étrangères et des contacts que j'ai eus personnellement avec le Chancelier Kohl, cela a été pratiquement réglé. C'est-à-dire que nous étions d'accord.
- S'il n'y avait pas eu d'accord, il y aurait peut-être eu crise. Mais il n'y a pas eu de crise parce qu'il y a eu accord ! Et l'accord s'imposait de lui-même, puisque nous étions en mesure de poursuivre les travaux préparatoires et que jusqu'au dernier jour - je ne sais pas quel sera ce dernier jour puisqu'il sera fixé par la présidence italienne en décembre 90 - ces travaux continueront. Finalement ceux qui redoutaient, notamment l'Allemagne, que les travaux ne fussent pas prêts, ont convenu qu'ils le seraient. A partir de là la date a pu être fixée.\
QUESTION.- Monsieur le Président, ma question vous paraîtra peut-être naïve, mais beaucoup de gens se la posent chez nous, pourquoi faut-il aujourd'hui mettre les points sur les i sur l'inviolabilité des frontières en Europe ? est-ce que parce qu'à votre avis, le Chancelier Kohl aurait manifesté des tentations pour récupérer les frontières d'avant 37 `1937` ? Dans le cas contraire, vous aurait-il fait une promesse, un engagement, pour que la ligne Oder-Neisse soit respectée comme étant la frontière avec la Pologne ?
- LE PRESIDENT.- Mais quels points sur quels i ? Enfin...
- QUESTION.- Sur les frontières...
- LE PRESIDENT.- Il n'a pas été question de toucher à ce principe de l'inviolabilité des frontières décidées à Helsinki. Lorsque j'avais posé la question à l'ouverture même du Conseil européen qui s'est tenu à Paris le 18 novembre, on s'est étonné quelquefois dans la presse qu'on ne parle pas de ces problèmes. Mais c'est parce que, ayant posé la question il m'a été répondu par l'ensemble des délégations, qu'elle ne se posait pas. Je ne l'ai pas davantage posée cette fois-ci. Bien entendu, un certain nombre de journalistes, justement curieux de savoir ce qu'il en était, ont préféré s'attarder sur les non-dits plutôt que sur les affirmations. Il n'y a pas eu d'affirmation du tout dans le sens contraire.
- Donc le rappel d'Helsinki dans le texte en question vient en corollaire de l'affirmation sur l'aspiration juste et légitime du peuple allemand à son unité. A partir du moment où est rappelé le principe d'Helsinki, on voit bien de quels Allemands il s'agit. Et à partir de là, aucun autre point n'a été ajouté sur l'i, puisque l'accord général s'est fait, en conformité notamment avec ce qui a été exprimé par le chancelier allemand.
- Il n'y a pas lieu a priori de suspecter d'autant plus que le chancelier allemand a répété justement qu'ayant fixé un programme d'action, il n'avait pas subordonné ce programme d'action à un calendrier. C'est une direction qu'il entend suivre. C'est bien son droit. Mais l'ensemble des délégations y compris celle de la République fédérale allemande ont adopté ce texte. C'est vraiment l'unanimité pour les textes dont je vous ai donnés connaissance tout à l'heure.\
QUESTIONS.- Monsieur le Président, la sortie de Yalta a toujours été un de vos objectifs majeurs, après ces conseils si politisés que vous avez présidés. Quels sont les dessins, quels sont les équilibres que vous avez envisagés pour l'Europe de demain ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez d'un côté il y a les frontières. Si on touche aux frontières, vous voyez bien où sera la contagion. "Yalta" ce n'est pas que des frontières. Nous avons constamment parlé de la séparation de l'Europe en deux. "Yalta", c'est l'Europe coupée en deux, en deux systèmes philosophiques, politiques, économiques, sociaux, non seulement différents mais antagonistes, chacune des parties de l'Europe, obéissant aux directives d'une des deux grandes puissances. C'est cela "Yalta". De ce point de vue, on peut estimer que cela commence à appartenir au passé. Aucune des deux plus grandes puissances n'est aujourd'hui en mesure, ni d'ailleurs ne cherche à donner des ordres, à la partie anciennement contrôlée, de l'Est ou de l'Ouest. Dès lors, on peut vraiment, non pas spécialement à partir d'aujourd'hui, mais notamment d'aujourd'hui, on peut dire, que "Yalta" commence à entrer dans l'histoire que l'on raconte et à sortir de l'histoire présente.\
QUESTION.- Monsieur le Président, les habitués des sommets disent tel sommet a été un sommet important, marquant, décisif. Est-ce qu'à votre avis on le dira du sommet de Strasbourg ?
- LE PRESIDENT.- C'est vous qui le direz. Mais moi, j'en ai l'impression. L'importance tient à l'ampleur des problèmes traités. Raremement, un Conseil européen a été saisi de tant de problèmes aussi graves, aussi déterminants et aussi difficiles que ceux qui se présentaient à nous. Or il a été apporté un certain nombre de réponses pour la Communauté, et de réponses très importantes : la Charte sociale, qui va se remplir peu à peu avec les mesures prévues par la Commission, - quelque 17 directives dans le cadre d'une quarantaine de mesures différentes -. Désormais le cadre existe, il a été fixé, les principes ont été édictés.
- D'autre part la convocation de la Conférence intergouvernementale sur l'Union économique et monétaire. Ce sont deux décisions considérables, qui dans la vie intérieure de la Communauté, n'ont pas beaucoup d'équivalents de cette envergure.
- Par rapport aux relations extérieures de la Communauté : la création de la Banque pour la reconstruction et le développement de l'Europe centrale et orientale, sur les bases suivantes : accès de tous les pays qui le souhaiteront du côté des fournisseurs de capitaux, mais aussi présence des pays qui le désireront pour en être bénéficiaires. Donc, collaboration constante, sur ce terrain-là, entre les pays de l'Est et les pays de l'Ouest, avec l'accès d'autres pays que ceux de la Communauté. Cela représente une initiative d'une importance rare. On doit travailler ensemble dans l'intérêt de ces pays. C'est une mesure très importante.
- D'autre part, ce qui vient d'être dit sur les problèmes de l'Est, sur le plan géographique et des frontières, de l'aspiration à l'unité du peuple allemand, tout cela a abouti à un texte, qui tranche avec l'ordinaire de nos débats et qui par rapport à la fin de la seconde guerre mondiale et par référence à l'Acte final d'Helsinki, traite des rapprochements entre l'Est et l'Ouest. Tout cela nous fait entrer désormais dans ce que j'évoquais tout à l'heure £ désormais, il n'y a plus de partie de l'Europe agissant dans l'ombre ou à l'initiative de deux grandes puissances. Alors, à vous maintenant de qualifier le degré d'importance de ce Sommet européen.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je voulais revenir sur les relations franco-allemandes. Vous avez admis tout à l'heure qu'il y avait eu un risque de crise et vous avez évoqué un compromis. Sur le fond, est-ce que vous pouvez nous donner la nature de ce compromis et nous dire ce qui a permis d'arriver à ce compromis ?
- LE PRESIDENT.- Qu'est-ce qui a permis cette évolution ? Je pense que c'est le bon sens, en même temps que la volonté de constuire l'Europe de la Communauté, volonté égale chez les uns et les autres. On discute souvent des moyens et des procédures, c'est normal, mais nous sommes d'accord sur les fins. On discute des étapes, mais on est d'accord sur les objectifs : alors, ayant discuté sur les étapes, nous nous sommes mis d'accord pour considérer que, sur ce plan, il y aurait une étape importante à la fin de 1990. J'avais précisé cela dès le point de départ comme Président du Conseil européen. J'avais estimé qu'il fallait en venir là. Je me réjouis que nos amis, particulièrement nos amis allemands, aient admis que c'était assez important pour que cette décision fût prise.\
QUESTION.- Monsieur le Président, devant le Parlement européen il y a quelques semaines, vous avez exposé l'espoir et la détermination de compléter le processus de préparation pour l'Union monétaire pour la date de l'achèvement du marché interne 1992. Est-ce que vous pensez qu'il y a eu lors de ce Sommet une volonté politique de réaliser des progrès conformément à l'espoir que vous avez exprimé à Strasbourg ?
- LE PRESIDENT.- J'avais exprimé cet espoir comme j'avais exprimé l'espoir que l'on déciderait d'une conférence intergouvernementale pour le mois de décembre 1990. Je suis très heureux de voir que mes arguments ont convaincu nos amis. De même, j'exprime l'espoir que nous pourrons harmoniser nos décisions par rapport à l'échéance du 1er janvier 1993 ce qui est la moindre des choses. Le processus de l'Union économique et monétaire devrait être un peu plus lent, parce qu'intervient un problème de ratification parlementaire, selon des procédures différentes à l'intérieur des Douze pays. De telle sorte que le voeu optimiste c'est fin 1992. Le voeu réaliste ce serait avant les nouvelles élections européennes de 1994. Disons que c'est entre ces deux dates que se situe l'éventail des dates possibles.\
QUESTION.- Monsieur le Président, ne croyez-vous pas que le blocage actuel de la situation au Liban ne pourrait peut-être pas aboutir à un statut comme celui qui prévaut à Chypre ?
- LE PRESIDENT.- On peut craindre beaucoup de choses au Liban. Il y a de quoi ! Votre hypothèse, une sorte de sécession ou de partition - est quand même peu probable. Et elle n'est pas souhaitable. Elle n'est pas souhaitée par la France. Elle est, je le répète peu probable. Je crois encore aux vertus du dialogue dès lors que tous les Libanais seront d'accord, tout en préservant leurs amitiés respectives pour servir la souveraineté de leur propre pays. Et, dès lors que chacun aura compris que la perpétuation de la guerre ne profite à personne, ce qui est démontré depuis tant d'années. Nous continuons, d'espérer, mais en rappelant où se trouve la légitimité.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans le cadre des relations avec les pays de l'Europe centrale et orientale et de la défense des droits de l'homme, pouvez-vous préciser l'action des Douze en ce qui concerne la Roumanie ?
- LE PRESIDENT.- Ils n'ont pas beaucoup d'action possible sur ce pays qui est très fermé et qui vit aujourd'hui une expérience isolée avec d'autant plus d'entêtement. Nous disons simplement, que le jour où commencera le processus démocratique en Roumanie, dans des conditions que je ne puis imaginer aujourd'hui, mais qui pourraient ressembler à celles qui se produisent dans les autres pays de l'Europe centrale et de l'Est, ce jour-là, la Roumanie trouvera une Communauté également prête à apporter son aide pour le développement des libertés, mais aussi pour le développement économique. En attendant ce pays s'enferme dans son isolement et la Communauté le constate avec beaucoup de regret.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pour la première fois de l'histoire, la Grande-Bretagne s'est isolée sur deux accords fondamentaux. Comment voyez-vous l'avenir de cette Communauté dont vous souhaitiez qu'à Strasbourg, elle montre un signe de cohésion sans faille face aux bouleversements à l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez, ce n'est pas la première fois. D'ailleurs, c'est rarement la première fois en quoi que ce soit ! J'ai connu cela à Milan en 1987. Nous avons eu un Conseil européen à Milan et il y a eu un vote, dix contre deux. Là, je n'ai pas eu besoin de faire de vote. Chaque délégation s'était exprimée. Il était clair que onze s'étaient exprimés positivement, le douzième négativement. Vous n'avez qu'à en tirer la conclusion, une majorité s'est dégagée. C'est vrai dans les deux cas, social et monétaire. Mais j'ai déjà connu cela à Milan. On avait alors décidé la Conférence intergouvernementale. Et puis on avait tenu la réunion de Luxembourg. L'acte unique en est sorti et l'acte unique a été adopté par tous. Alors, naturellement, je ne préjuge pas la suite. Mais, cet exemple existe et il est plutôt encourageant. En tous cas, j'exprime mes voeux pour que les douze se retrouvent, y compris la Grande-Bretagne dont je respecte les réserves, dans l'application désormais inéluctable d'une Charte sociale et dans la démarche vers une monnaie unique et une banque centrale. Je souhaite que la Grande-Bretagne qui a beaucoup de sens pratique puisse prendre part en tous cas aux mesures d'application d'un principe qu'elle déplore.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce qu'il va être nécessaire d'aller expliquer de la part de la Communauté aux Soviétiques, le droit à l'auto-détermination du peuple allemand et éventuellement le même droit pour les autres peuples de l'Europe de l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Si nous avions le temps, si nous étions dans une petite conférence privée entre nous, on pourrait parler, approfondir ces sujets. Je vous dirai quand même qu'il y a là une assimilation audacieuse, dans la mesure où les frontières de la plupart des Etats sont toujours remaniées selon le hasard des guerres, mais que l'identité nationale a eu tendance à apparaître en tout cas depuis la fin de la guerre de 1914 - 1918 avec la destruction de l'empire austro-hongrois notamment et puis après 1945 ou bien en sens contraire, avec la disparition de certains Etats, je pense en particulier aux pays Baltes. C'est le va-et-vient de l'histoire avec son cortège de déchirements ou d'espoirs. Mais le problème allemand est un peu différent. C'est une frontière qui a été instaurée à la fin de la deuxième guerre mondiale à travers un même peuple. Personne ne conteste qu'il s'agisse d'un peuple, d'ailleurs qui avait vécu son unité depuis la création de l'empire allemand, à la fin de la guerre de 1870, sous des formes et des avatars tout à fait différents. Donc çà, c'est une frontière d'une nature différente. Il y a deux Etats, mais cette frontière est d'une nature quand même différente. Reportez-vous aux déclarations que j'ai faites à Bonn, au début du mois de novembre à la suite d'un sommet franco-allemand. J'avais déjà dit cela. J'avais dit : je ne crains pas l'unification qui me paraît légitime mais il y a des obligations internationales de toutes sortes auxquelles il faut souscrire si l'on ne veut pas compliquer la situation et créer des tensions inutiles et dangereuses. Humainement, un peuple aspire naturellement à sa réunion. Ce peuple a aussi des obligations. Ces obligations ont été fixées. C'est pourquoi le rappel d'Helsinki notamment, parmi bien d'autres choses, a été inscrit dans le document qui vous sera remis. Il ne faut donc pas confondre les choses. Il peut y avoir contagion. Il y a déjà eu contagion : voir ce qui s'est passé en Pologne et ce qui s'est passé en Hongrie et puis maintenant en Bulgarie, en Allemagne de l'Est, la Tchécoslovaquie, etc... C'est évident : les choses sont souvent liées.\
`Suite sur une éventuelle auto-détermination des pays de l'Est` Parmi les différents pays qui font l'Union soviétique, certains d'entre eux ont eu une existence nationale dans le passé mais il faut remonter très loin pour bon nombre d'entre eux, alors que l'on remonte beaucoup moins loin, du temps de Staline, pour les pays Baltes. Il faut donc faire les distinctions qui s'imposent.
- On ne peut pas non plus en revenir à chaque Etat connu par la géographie de l'Europe. Je n'ai jamais demandé à mes partenaires de restaurer l'Empire français dans sa réalité de 1805 et je ne pleure pas après la disparition des départements qui englobaient la rive gauche du Rhin, une partie de la Belgique, de l'Italie. Il y a des réalités nationales, qui sont offensées dans beaucoup de domaines actuellement en Europe : vous connaissez le litige entre la Roumanie et la Hongrie £ la revendication roumaine, pas de l'Etat mais du peuple, par rapport à la Moldavie £ vous connaissez le regret ambiant de beaucoup d'Allemands à l'égard de la perte de la Silésie, de la Poméranie, de la Mazurie polonaise ou de la partie de Prusse orientale soviétique. C'est vrai pour l'ensemble des nationalités, qui correspondraient à des réalités profondes - indépendamment de la fixation exacte des frontières due au hasard des guerres et des conflits - ce qui n'est souvent pas juste. Mais les réalités nationales ne sont pas contestées. Le problème allemand de la séparation, qui date de 45 ans, est de nature différente. Je l'ai rappelé à chacune de mes déclarations et j'ai toujours ajouté des termes que vous retrouverez dans ce texte en disant : "il faut que ce soit démocratique et pacifique".
- Démocratique, que l'évolution se poursuive à l'intérieur, et pacifique, c'est-à-dire qu'il convient de tenir compte et des traités et de la réalité communautaire en Europe, et de la réalité de l'évolution de l'Est. Rien ne doit être fait qui remette en cause des frontières dont dépend sans doute l'équilibre européen. Donc, je ne vois pas comment ce texte-là pourrait, à partir du cas allemand, être un encouragement pour les autres. Etant entendu qu'à titre personnel, je considère qu'il y a beaucoup de revendications tout à fait légitimes de peuples opprimés qui ont disparu de l'histoire de la façon la plus injuste. Mais cela, c'est une autre affaire, nous ne sommes pas ici dans une conversation à caractère personnel.\
QUESTION.- Monsieur Mitterrand, récemment les Etats-Unis, le Canada et le Japon ont créé des fondations pour promouvoir les droits politiques et civiques, avec un succès notable, surtout en Pologne et en Amérique du Sud. Qu'est-ce que la Communauté européenne, sous votre présidence, pendant les derniers six mois, a fait pour promouvoir la démocratie dans les pays ACP de la Convention de Lomé ? En Europe même, la charte sociale a des chapitres sur la jeunesse et les personnes âgées. Dans beaucoup de pas d'Europe, les jeunes moins favorisés et les personnes âgées. Dans beaucoup de pays d'Europe, les jeunes moins favorisés et les personnes âgées moins favorisées sont des femmes, qu'est-ce que vous allez recommander à la présidence irlandaise de faire comme exécution de la charte sociale en faveur des jeunes filles et des femmes âgées européennes ?
- LE PRESIDENT.- Je me contenterai de répondre à cette très vaste question que, quelle que soit l'amitié et le respect que je porte aux Etats-Unis, au Canada et au Japon, ils ne sont pas seuls détenteurs de la défense des Droits de l'homme. Par exemple, en traitant avec les pays de l'ACP la Communauté a inséré une clause, dans le cadre de Lomé IV, impliquant le respect des Droits de l'homme dans ces pays et une démarche, là où cela manque, vers la démocratie.\
QUESTION.- A quoi croyez-vous, monsieur le Président, que nous devons à présent nous attendre : voir se réaliser d'abord l'unité allemande (je veux dire la réunion des deux Allemagne sous une forme ou sous une autre), ou l'unité européenne (je pense à une forme ou une autre d'union politique entre les Etats de la Communauté) ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que ces deux mouvements s'inscrivent dans le devenir de l'Europe mais pas n'importe quand ni n'importe comment et je dis tout de suite que la sagesse consisterait à développer et à renforcer et à accélérer les structures de la Communauté avant tout autre démarche. La Communauté est apparue comme un môle et comme un pôle d'attraction pour la plupart des pays de l'Est en mouvement vers la liberté et la démocratie.
- Elle n'existerait pas, les choses ne se passeraient pas de la même façon. On irait vite vers l'anarchie européenne que nous avons connue avant la guerre de 1914, accentuée, il faut le dire, au lendemain de la guerre de 1914-18 par la disparition de l'Autriche-Hongrie - que je ne regrette pas mais que je constate - et la multiplicité des parties prenantes. Si l'on renforce d'abord la Communauté, le mouvement des peuples et des Etats qui n'y appartiennent pas, s'organisera autour de cette réalité. Le nouvel équilibre allemand, auquel aspirent les Allemands s'inscrira dans l'équilibre européen car la Communauté non seulement devra se renforçer - elle a commencé - mais encore continuer d'établir une nouvelle forme de rapport et de coopération avec les pas de l'Est, et notamment avec l'Union soviétique. A partir de la Communauté, on peut espérer que les fondements de l'Europe - telle qu'elle est, selon les termes de la géographie - seront assurés. Il n'y a plus de barrières, il n'y a plus de mur entre l'Est et l'Ouest. Si dans le même moment le peuple allemand fait mouvement alors que l'évolution de la Communauté que je viens de décrire se réalise, cela changera de sens. Voilà pourquoi, dans l'ordre des facteurs que j'ai exposés déjà depuis de nombreuses semaines, le renforcement de la Communauté passe en premier. D'où mon insistance pour la conférence intergouvernementale.\
`Suite sur l'unité européenne et l'unité allemande` Je réponds là à mon premier interlocuteur : c'est le seul lien objectif que l'on puisse voir entre les différents points sur lesquels nous avons abouti aujourd'hui. Cela dit, l'auto-détermination est un droit reconnu et il faut agir avec assez de prudence et de réalisme, ne pas bousculer les frontières, ne pas bouleverser les données d'équilibre que nous connaissons en Europe. Il y a déjà beaucoup de bouleversements qui se produisent. Ce n'est pas la peine d'en rajouter. J'imagine que l'on pourrait arriver à un processus idéal, avec tout ce que ce mot doit provoquer de réserves quand on voit la marque des affaires humaines, c'est-à-dire au renforcement de la Communauté, d'une coopération intense entre la Communauté et le reste de l'Europe, l'Europe de l'Est et dans le même temps à une démarche des pays notamment du peuple allemand qui doivent se soumettre à l'équilibre général mais qui ont le droit de réaliser leur aspiration la plus profonde. C'est comme cela que je vois les choses. Si l'ordre était inversé, comme cela pourrait se produire en raison de la brusquerie et de la rapidité des événements, l'Europe connaîtrait des déboires. Il y aurait des débats difficiles. Nous sommes tous d'accord là-dessus, y compris l'Union soviétique. Naturellement, je n'avais pas besoin d'aller à Kiev pour m'en assurer, mais enfin cela a été confirmé de la façon la plus nette. Comme nous tenons tous à préserver précisément l'état de nos frontières, vous imaginez la somme de difficultés qui se présenteraient si l'on prétendait agir sans en tenir compte.
- Voilà donc comment je vois les choses : la Communauté, une sorte de règlement permanent entre les pays d'Europe, la réalisation des aspirations particulières lorsqu'elles sont légitimes. En l'occurence l'aspiration à l'unité du peuple allemand, entre les Allemands des deux Etats en question, ne peut pas être contestée, ne peut pas être appelée illégitime. La méthode pourrait être illégitime, l'inspiration ne l'est pas.\
QUESTION.- Monsieur le Président, l'Union économique et monétaire implique un toilettage des institutions, d'autres comme le Parlement européen estiment qu'il faut en profiter pour faire une grande lessive des institutions. Où va votre préférence ?
- LE PRESIDENT.- Moi, je suis pour une modification, je veux dire pour un perfectionnement des institutions. Je pense même que la conférence intergouvernementale qui sera convoquée, devrait dans une deuxième phase - il ne faut pas mélanger les choses - s'occuper des institutions. C'est une bonne mécanique, c'est une bonne méthode. Alors on va discuter de l'Union économique et monétaire. Si on mélange les choses, avec toutes les revendications institutionnelles souvent contraires que tel ou tel pays désirera, à ce moment-là, on compromettra la réalisation de l'Union économique et monétaire. Il faut donc bien distinguer. Quand nous serons arrivés aux termes de nos décisions sur l'Union économique et monétaire, on devrait pouvoir, dans le laps de temps que j'ai indiqué, avant 1994, aborder et régler le problème des institutions. En tout cas, tel est mon voeu.\
QUESTION.- Monsieur le Président, il a été question à plusieurs reprises au cours du Conseil, de l'immigration. Il semble que vous ayiez souhaité que l'on ne prolonge pas la discussion sur ce sujet, en particulier plusieurs Etats-membres sembleraient souhaiter qu'il y ait une communautarisation de la politique de l'immigration ou quelque chose qui s'en rapproche. Quel est votre sentiment là-dessus ? et pourquoi au fond, ne souhaitiez-vous pas que l'on en parle davantage cette fois-ci ?
- LE PRESIDENT.- Ah ! je ne m'en étais pas aperçu.
- QUESTION.- C'est ce que nous avons cru comprendre.
- LE PRESIDENT.- Non, mais je veux bien que l'on me prête des intentions, mais le plus sage serait de me demander mon avis avant. Moi, je ne suis pas du tout contre, au contraire, je suis pour. J'ai même demandé qu'il y ait un paragraphe consacré à cela. Simplement il faut bien spécifier les choses. Je crois qu'une harmonisation communautaire est tout à fait souhaitable. Nous allons même y être contraint par la nécessité puisque nous allons avoir les mêmes frontières extérieures. Il va bien falloir que nous ayons des attitudes semblables, des législations comparables, des administrations capables de faire à peu près la même chose. La seule réserve que j'émets à cela, c'est que je ne voudrais pas que l'on traite ces questions au rabais. Nous avons des discussions, particulièrement avec nos amis Hollandais, sur le droit d'asile. Mais, je crois que c'est un sujet suffisamment important pour qu'on le traite avec beaucoup de sang-froid. Mais, que l'on puisse avoir une politique commune de l'immigration serait une bonne chose, dès lors, et comment en douter, qu'elle préserve le droit des gens.\