13 novembre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Discours de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'accélérateur de particules, le Centre européen de recherche nucléaire et sur l'importance de la coopération internationale en matière de recherche fondamentale, Genève le 13 novembre 1989.
Majesté,
- monsieur le Président,
- altesses,
- mesdames et messieurs les chefs de délégation,
- monsieur le directeur général,
- mesdames et messieurs,
- Voilà un peu plus de six ans, le 13 septembre 1983 exactement, avec monsieur Pierre Aubert, Président de la Confédération helvétique, j'ouvrais ici même le chantier du collisionneur LEP que nous inaugurons ce matin.
- En tant que chef de l'Etat de l'un des deux pays hôtes, je tiens à vous dire ma fierté et ma joie de participer à cet événement qui marque le début du fonctionnement du plus grand instrument scientifique au monde.
- Vous venez de nous le rappeler, monsieur le directeur général, cet accélérateur de vingt-sept kilomètres de circonférence qui traverse le territoire de plus d'une dizaine de communes suisses et françaises, va permettre aux physiciens européens des particules, en collaboration avec leurs collègues du monde entier, de pénétrer le mystère de la structure intime de la matière.
- Ceux qui sont ici le savent, monsieur le directeur général, vous avez obtenu en 1984 le Prix Nobel de physique avec Monsieur Van der Meer pour la première mise en évidence expérimentale des fameux bosons intermédiaires. Grâce au LEP, les physiciens pourront étudier ces particules et beaucoup d'autres dans de meilleures conditions que celles que vous avez connues vous mêmes jusqu'à présent.
- Je n'énumérerai pas tous les progrès, toutes les découvertes que vous attendez des quatre instruments disposés dans ce long tunnel. Je me bornerai à souligner que vous allez pouvoir comprendre la structure du noyau et de ses composants et révéler l'existence de particules encore inconnues. Paradoxalement, ce collisionneur enterré à une centaine de mètres de profondeur constituera un remarquable observatoire de l'univers. Avec les astrophysiciens, vous avez confirmé ce qui n'était qu'une géniale intuition, je veux dire la relation étroite entre la structure microscopique de la matière et l'évolution du cosmos tout entier. Matière, dis-nous ta nature, nous saurons alors décrire le passé, le présent et le futur du monde dans lequel nous vivons.\
Ce n'est pas un hasard si vous disposez aujourd'hui d'un tel instrument. Le CERN a trente-cinq ans. Il a été le tout premier organisme de recherche européen, celui qui a servi de modèle pour d'autres initiatives, on vient de les citer, comme l'Agence Spatiale Européenne dont nous célébrions en avril le vingt cinquième anniversaire ou bien l'Observatoire européen austral et combien d'autres.
- Les quatorze pays membres - je vais les citer - (Allemagne fédérale, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse) se sont associés pour fournir les meilleurs moyens de travail non seulement aux trois mille sept cents membres du personnel du CERN que je tiens à saluer et à féliciter, mais aussi aux cinq mille trois cents physiciens du monde entier qui viennent travailler ici chaque année. En effet, le CERN accueille des chercheurs venus d'un peu partout, américains, plus nombreux à venir ici que ceux d'entre vous qui vont leur rendre visite, chercheurs japonais. D'autres expériences du LEP sont le fruit d'une collaboration avec les pays de l'Est de l'Europe. Certains pays du tiers monde à grande tradition scientifique comme le Brésil ou l'Inde partagent également vos aventures et vos succès. Votre organisme témoigne ainsi de l'esprit d'ouverture et de fraternité qui vient d'être célébré par plusieurs orateurs qui m'ont précédé et qui doit être notre marque.
- Au moment de la création du CERN qui fut comme toujours, le fait de quelques grandes personnalités, j'ai été heureux d'entendre le Professeur Carlos Rubbia citer messieurs Amaldi et Auger qui sont avec nous ce matin. Mais beaucoup doutaient de la capacité de l'Europe à mettre sur pied une entreprise commune : comment ? Disait-on, comment des physiciens et des techniciens de nationalités si diverses, parlant des langues si différentes seraient-ils capables de travailler ensemble ?
- Votre histoire déjà longue et la réalisation de ce LEP démontrent que la variété de nos cultures constitue en fait notre richesse.
- En effet, quand nos pays savent s'unir, c'est vrai de tant de domaines, comme c'est le cas ici même, ils sont capables de remporter de très grands succès et de surmonter beaucoup d'obstacles tout en restant ouverts au travail avec les nations d'autres continents. Pour une bonne dizaine d'années au moins l'Europe, grâce à vous, est assurée de se trouver au premier rang dans ce domaine de pointe de la recherche fondamentale.
- Pourtant, quand on considère les très nombreux problèmes auxquels l'humanité doit faire face aujourd'hui, je pense à la faim dans le monde, à la lutte contre les maladies, contre les fléaux naturels, à la protection de l'environnement, la liste serait longue. On se demande parfois si la recherche fondamentale en général, le CERN en particulier, ne sont pas un luxe de pays riches.\
Or, en matière de recherche tout se tient. Certains voudraient opposer à la physique et particulièrement à la physique lourde des sciences comme la biologie. Or, il n'y a pas de progrès possible en biologie sans progrès en chimie et en physique, en chimie sans physique, etc.. Votre science est à la base de notre compréhension de la matière et de ses interactions. Les physiciens du CERN ont eu une influence directe sur la découverte des rayons X, des lasers et de la supraconductivité. Vous aidez les industriels à accomplir des progrès significatifs, comme l'a souligné, monsieur le Président Delamuraz en microélectronique, en informatique. C'est ainsi que l'un des inventeurs du transistor, Walter Brattein, écrit : "le transistor est né parce que les connaissances fondamentales avaient été suffisamment perfectionnées pour permettre à l'esprit humain de comprendre les phénomènes qui avaient été observés depuis longtemps". Bref, le développement technologique s'appuie nécessairement sur les progrès de la science que l'on dit pure.
- Et voilà que le CERN aborde aujourd'hui une nouvelle étape de son histoire. La France comme les autres pays membres, veillera à ce qu'elle soit florissante. Cette période sera marquée par notre volonté commune de comprendre chaque jour davantage la nature du monde et le fonctionnement de la matière dont nous sommes issus. La recherche fondamentale et singulièrement cette recherche lourde, complexe, difficile, constitue je le crois, l'une des plus exaltantes aventures proposées à l'humanité. Elle nous montre que lorsque les hommes de toutes races et de toutes cultures s'unissent pour poursuivre des ambitions exigeantes, rien ne leur est impossible.\
- monsieur le Président,
- altesses,
- mesdames et messieurs les chefs de délégation,
- monsieur le directeur général,
- mesdames et messieurs,
- Voilà un peu plus de six ans, le 13 septembre 1983 exactement, avec monsieur Pierre Aubert, Président de la Confédération helvétique, j'ouvrais ici même le chantier du collisionneur LEP que nous inaugurons ce matin.
- En tant que chef de l'Etat de l'un des deux pays hôtes, je tiens à vous dire ma fierté et ma joie de participer à cet événement qui marque le début du fonctionnement du plus grand instrument scientifique au monde.
- Vous venez de nous le rappeler, monsieur le directeur général, cet accélérateur de vingt-sept kilomètres de circonférence qui traverse le territoire de plus d'une dizaine de communes suisses et françaises, va permettre aux physiciens européens des particules, en collaboration avec leurs collègues du monde entier, de pénétrer le mystère de la structure intime de la matière.
- Ceux qui sont ici le savent, monsieur le directeur général, vous avez obtenu en 1984 le Prix Nobel de physique avec Monsieur Van der Meer pour la première mise en évidence expérimentale des fameux bosons intermédiaires. Grâce au LEP, les physiciens pourront étudier ces particules et beaucoup d'autres dans de meilleures conditions que celles que vous avez connues vous mêmes jusqu'à présent.
- Je n'énumérerai pas tous les progrès, toutes les découvertes que vous attendez des quatre instruments disposés dans ce long tunnel. Je me bornerai à souligner que vous allez pouvoir comprendre la structure du noyau et de ses composants et révéler l'existence de particules encore inconnues. Paradoxalement, ce collisionneur enterré à une centaine de mètres de profondeur constituera un remarquable observatoire de l'univers. Avec les astrophysiciens, vous avez confirmé ce qui n'était qu'une géniale intuition, je veux dire la relation étroite entre la structure microscopique de la matière et l'évolution du cosmos tout entier. Matière, dis-nous ta nature, nous saurons alors décrire le passé, le présent et le futur du monde dans lequel nous vivons.\
Ce n'est pas un hasard si vous disposez aujourd'hui d'un tel instrument. Le CERN a trente-cinq ans. Il a été le tout premier organisme de recherche européen, celui qui a servi de modèle pour d'autres initiatives, on vient de les citer, comme l'Agence Spatiale Européenne dont nous célébrions en avril le vingt cinquième anniversaire ou bien l'Observatoire européen austral et combien d'autres.
- Les quatorze pays membres - je vais les citer - (Allemagne fédérale, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse) se sont associés pour fournir les meilleurs moyens de travail non seulement aux trois mille sept cents membres du personnel du CERN que je tiens à saluer et à féliciter, mais aussi aux cinq mille trois cents physiciens du monde entier qui viennent travailler ici chaque année. En effet, le CERN accueille des chercheurs venus d'un peu partout, américains, plus nombreux à venir ici que ceux d'entre vous qui vont leur rendre visite, chercheurs japonais. D'autres expériences du LEP sont le fruit d'une collaboration avec les pays de l'Est de l'Europe. Certains pays du tiers monde à grande tradition scientifique comme le Brésil ou l'Inde partagent également vos aventures et vos succès. Votre organisme témoigne ainsi de l'esprit d'ouverture et de fraternité qui vient d'être célébré par plusieurs orateurs qui m'ont précédé et qui doit être notre marque.
- Au moment de la création du CERN qui fut comme toujours, le fait de quelques grandes personnalités, j'ai été heureux d'entendre le Professeur Carlos Rubbia citer messieurs Amaldi et Auger qui sont avec nous ce matin. Mais beaucoup doutaient de la capacité de l'Europe à mettre sur pied une entreprise commune : comment ? Disait-on, comment des physiciens et des techniciens de nationalités si diverses, parlant des langues si différentes seraient-ils capables de travailler ensemble ?
- Votre histoire déjà longue et la réalisation de ce LEP démontrent que la variété de nos cultures constitue en fait notre richesse.
- En effet, quand nos pays savent s'unir, c'est vrai de tant de domaines, comme c'est le cas ici même, ils sont capables de remporter de très grands succès et de surmonter beaucoup d'obstacles tout en restant ouverts au travail avec les nations d'autres continents. Pour une bonne dizaine d'années au moins l'Europe, grâce à vous, est assurée de se trouver au premier rang dans ce domaine de pointe de la recherche fondamentale.
- Pourtant, quand on considère les très nombreux problèmes auxquels l'humanité doit faire face aujourd'hui, je pense à la faim dans le monde, à la lutte contre les maladies, contre les fléaux naturels, à la protection de l'environnement, la liste serait longue. On se demande parfois si la recherche fondamentale en général, le CERN en particulier, ne sont pas un luxe de pays riches.\
Or, en matière de recherche tout se tient. Certains voudraient opposer à la physique et particulièrement à la physique lourde des sciences comme la biologie. Or, il n'y a pas de progrès possible en biologie sans progrès en chimie et en physique, en chimie sans physique, etc.. Votre science est à la base de notre compréhension de la matière et de ses interactions. Les physiciens du CERN ont eu une influence directe sur la découverte des rayons X, des lasers et de la supraconductivité. Vous aidez les industriels à accomplir des progrès significatifs, comme l'a souligné, monsieur le Président Delamuraz en microélectronique, en informatique. C'est ainsi que l'un des inventeurs du transistor, Walter Brattein, écrit : "le transistor est né parce que les connaissances fondamentales avaient été suffisamment perfectionnées pour permettre à l'esprit humain de comprendre les phénomènes qui avaient été observés depuis longtemps". Bref, le développement technologique s'appuie nécessairement sur les progrès de la science que l'on dit pure.
- Et voilà que le CERN aborde aujourd'hui une nouvelle étape de son histoire. La France comme les autres pays membres, veillera à ce qu'elle soit florissante. Cette période sera marquée par notre volonté commune de comprendre chaque jour davantage la nature du monde et le fonctionnement de la matière dont nous sommes issus. La recherche fondamentale et singulièrement cette recherche lourde, complexe, difficile, constitue je le crois, l'une des plus exaltantes aventures proposées à l'humanité. Elle nous montre que lorsque les hommes de toutes races et de toutes cultures s'unissent pour poursuivre des ambitions exigeantes, rien ne leur est impossible.\