10 novembre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors de la cérémonie en l'honneur du Général Delestraint, Paris le 10 novembre 1989.
Il y a de cela un peu plus d'un an, après la disparition d'Henri Frenay, j'ai voulu ici même m'adresser d'abord à ceux qui, en 1940, sans jamais douter de la patrie, ont vécu la guerre perdue et la France humiliée, à ceux qui ont relevé le défi, qui ont fondé ou maintenu la Résistance, partagé ses combats.
- C'est encore à ceux-là que je m'adresse d'abord aujourd'hui, en cette cérémonie dédiée à la mémoire du Général Charles Delestraint l'un des plus grands qui dès le 8 juillet 1940, au lendemain d'une campagne harassante, exhortait ses compagnons de combat à continuer la lutte, à aller au devant des épreuves qui les attendaient, à les affronter avec courage, avec confiance et a conserver leur foi dans les destinées de la France.
- Aucune trace de lassitude, aucune trace d'amertume £ et pourtant le Général Delestraint était du petit nombre de ceux qui savaient que bien des malheurs auraient été évités si on les avait entendus. Il n'avait cessé, entre les deux guerres, de demander que notre armée fût dotée d'une force cuirassée et d'une doctrine d'emploi de cette force, qui, plus encore que le matériel, lui-même manquait cruellement.
- Au cours de la campagne de 1940, il avait demandé que le Haut Commandement l'autorisât à mettre en oeuvre cette doctrine £ il avait reçu en réponse qu'un refus.
- Charles Delestraint, qui avait alors 60 ans passés, aurait été en droit de penser qu'ayant tout fait pour ouvrir des yeux obstinément fermés, qu'ayant accompli son devoir et plus que son devoir, il pouvait passer à d'autres un flambeau qu'il avait tenu très haut, mais ce n'était pas dans la nature d'un homme dont la rigueur intellectuelle n'avait d'égale que la rigueur morale.
- Promu Général de division à la veille de sa démobilisation, Charles Delestraint fut, en 1940, le dernier Officier général à recevoir cette promotion.\
Il faut aussi le premier Officier général, sur le territoire français, à prendre ouvertement position pour la résistance à l'envahisseur. Il l'a fait dès son ordre du jour du 8 juillet, il a continué de le faire de 1940 à 1942 dans sa retraite de Bourg-en-Bresse, d'où, malgré les avertissements, les mises en garde, il communiquait sa résolution à ceux qui venaient le voir, anciens des chars de combat, prisonniers de guerre évadés, combien d'autres encore ?
- C'est à lui, on peut dire que c'est tout naturellement à lui qu'Henri Frenay penser au cours de l'été 1942, lorsqu'il devint nécessaire de donner un chef à l'armée secrète qui venait de se former entre trois des plus importants mouvements de résistance de la zone sud.
- On sait comment, après un voyage à Londres où il séjourna quelques semaines au début de 1943 avec Jean Moulin, le Général Delestraint fut directement investi par le chef de la France libre, son ancien subordonné et son ami d'une mission militaire parallèle à la mission civile confiée à Jean Moulin.
- Cela ne se fit pas sans certains froissements qu'expliquent les circonstances du moment £ mais rien n'empêcha le Général Delestraint de se remettre à l'ouvrage dès son retour en France, et, en un temps qui fut très court, d'organiser, d'instruire, de développer ce noyau d'armée dont il fit, comme il en avait reçu la mission, une véritable force militaire.
-
- De mars à juin 1943, le Général Delestraint structura l'armée secrète, l'ouvrit à des nouveaux éléments - comme les maquis - pour donner naissance aux Forces françaises de l'intérieur dont il a été le fédérateur et le fondateur.
- Nul n'a oublié la trahison qui livra le Général Delestraint à l'ennemi le 9 juin 1943, alors qu'il s'était rendu à Paris pour y rencontrer des responsables de la zone nord et qui, quelques jours plus tard, perdit à son tour Jean Moulin lors de la réunion organisée à Caluire afin précisément de pouvoir à la succession du chef de l'armée secrète.
- Nul n'oubliera non plus la grandeur que montra Charles Delestraint devant ses tortionnaires, qui durent se résigner à l'envoyer au Struthof puis à Dachau sans en avoir rien obtenu. Dans l'abominable misère des camps de la mort, dans cette dernière étape relatée par Robert Sheppart qui ne l'a pas quitté avant les derniers jours, il sut conserver la même foi, la même maîtrise de lui-même, le même ascendant sur les autres.
- On l'a rappelé, un matin d'avril 1945, alors que l'ennemi était en pleine déroute et que la libération du camp n'était plus que l'affaire de quelques jours, Charles Delestraint revendiqua fièrement, à l'appel de son nom, sa qualité d'officier général. Le 19 avril, les SS l'abattaient d'une balle dans la nuque.
- Tel fut ce général de la nuit, cette figure lumineuse que nous honorons ce matin. Tel fut cet homme qui, par son oeuvre autant que par son exemple, a sa place, je l'ai dit, parmi les plus grands. Tel enfin, est le sens de l'inscription qui sera dévoilée tout à l'heure au Panthéon, face à celle qui perpétue la mémoire du Capitaine Guynemer, et qui est le gage indestructible de la reconnaissance de la Nation. En cet instant, comment ne pas tourner notre pensée vers les siens, sa famille, ceux qui l'aimaient et ceux qu'il a formés, vers ses amis et ses compagnons de combat qui survivent encore parmi nous, vers ses compagnons morts au service de la France. Et réfléchissons, ce sont des exemples de cette sorte qui assurent la continuité de la patrie.\
- C'est encore à ceux-là que je m'adresse d'abord aujourd'hui, en cette cérémonie dédiée à la mémoire du Général Charles Delestraint l'un des plus grands qui dès le 8 juillet 1940, au lendemain d'une campagne harassante, exhortait ses compagnons de combat à continuer la lutte, à aller au devant des épreuves qui les attendaient, à les affronter avec courage, avec confiance et a conserver leur foi dans les destinées de la France.
- Aucune trace de lassitude, aucune trace d'amertume £ et pourtant le Général Delestraint était du petit nombre de ceux qui savaient que bien des malheurs auraient été évités si on les avait entendus. Il n'avait cessé, entre les deux guerres, de demander que notre armée fût dotée d'une force cuirassée et d'une doctrine d'emploi de cette force, qui, plus encore que le matériel, lui-même manquait cruellement.
- Au cours de la campagne de 1940, il avait demandé que le Haut Commandement l'autorisât à mettre en oeuvre cette doctrine £ il avait reçu en réponse qu'un refus.
- Charles Delestraint, qui avait alors 60 ans passés, aurait été en droit de penser qu'ayant tout fait pour ouvrir des yeux obstinément fermés, qu'ayant accompli son devoir et plus que son devoir, il pouvait passer à d'autres un flambeau qu'il avait tenu très haut, mais ce n'était pas dans la nature d'un homme dont la rigueur intellectuelle n'avait d'égale que la rigueur morale.
- Promu Général de division à la veille de sa démobilisation, Charles Delestraint fut, en 1940, le dernier Officier général à recevoir cette promotion.\
Il faut aussi le premier Officier général, sur le territoire français, à prendre ouvertement position pour la résistance à l'envahisseur. Il l'a fait dès son ordre du jour du 8 juillet, il a continué de le faire de 1940 à 1942 dans sa retraite de Bourg-en-Bresse, d'où, malgré les avertissements, les mises en garde, il communiquait sa résolution à ceux qui venaient le voir, anciens des chars de combat, prisonniers de guerre évadés, combien d'autres encore ?
- C'est à lui, on peut dire que c'est tout naturellement à lui qu'Henri Frenay penser au cours de l'été 1942, lorsqu'il devint nécessaire de donner un chef à l'armée secrète qui venait de se former entre trois des plus importants mouvements de résistance de la zone sud.
- On sait comment, après un voyage à Londres où il séjourna quelques semaines au début de 1943 avec Jean Moulin, le Général Delestraint fut directement investi par le chef de la France libre, son ancien subordonné et son ami d'une mission militaire parallèle à la mission civile confiée à Jean Moulin.
- Cela ne se fit pas sans certains froissements qu'expliquent les circonstances du moment £ mais rien n'empêcha le Général Delestraint de se remettre à l'ouvrage dès son retour en France, et, en un temps qui fut très court, d'organiser, d'instruire, de développer ce noyau d'armée dont il fit, comme il en avait reçu la mission, une véritable force militaire.
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- De mars à juin 1943, le Général Delestraint structura l'armée secrète, l'ouvrit à des nouveaux éléments - comme les maquis - pour donner naissance aux Forces françaises de l'intérieur dont il a été le fédérateur et le fondateur.
- Nul n'a oublié la trahison qui livra le Général Delestraint à l'ennemi le 9 juin 1943, alors qu'il s'était rendu à Paris pour y rencontrer des responsables de la zone nord et qui, quelques jours plus tard, perdit à son tour Jean Moulin lors de la réunion organisée à Caluire afin précisément de pouvoir à la succession du chef de l'armée secrète.
- Nul n'oubliera non plus la grandeur que montra Charles Delestraint devant ses tortionnaires, qui durent se résigner à l'envoyer au Struthof puis à Dachau sans en avoir rien obtenu. Dans l'abominable misère des camps de la mort, dans cette dernière étape relatée par Robert Sheppart qui ne l'a pas quitté avant les derniers jours, il sut conserver la même foi, la même maîtrise de lui-même, le même ascendant sur les autres.
- On l'a rappelé, un matin d'avril 1945, alors que l'ennemi était en pleine déroute et que la libération du camp n'était plus que l'affaire de quelques jours, Charles Delestraint revendiqua fièrement, à l'appel de son nom, sa qualité d'officier général. Le 19 avril, les SS l'abattaient d'une balle dans la nuque.
- Tel fut ce général de la nuit, cette figure lumineuse que nous honorons ce matin. Tel fut cet homme qui, par son oeuvre autant que par son exemple, a sa place, je l'ai dit, parmi les plus grands. Tel enfin, est le sens de l'inscription qui sera dévoilée tout à l'heure au Panthéon, face à celle qui perpétue la mémoire du Capitaine Guynemer, et qui est le gage indestructible de la reconnaissance de la Nation. En cet instant, comment ne pas tourner notre pensée vers les siens, sa famille, ceux qui l'aimaient et ceux qu'il a formés, vers ses amis et ses compagnons de combat qui survivent encore parmi nous, vers ses compagnons morts au service de la France. Et réfléchissons, ce sont des exemples de cette sorte qui assurent la continuité de la patrie.\