6 novembre 1989 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la mission et les travaux du comité national d'évaluation des universités ainsi que sur la politique menée en faveur de l'enseignement supérieur, Paris, le 6 novembre 1989.

Mesdames, messieurs,
- Lorsque j'ai procédé, ici même, il y a quatre ans, à l'installation du Comité national d'évaluation, j'ai dit que cette institution, que j'avais voulue, serait pour notre pays une innovation d'importance majeure. Et j'ai, en parlant de l'action que vous alliez conduire, terminé par ces mots : "J'ai confiance". Aujourd'hui, alors que le premier Comité, présidé par M. Laurent Schwartz, termine son mandat, je peux affirmer que cette confiance n'a pas été déçue. Bien au contraire.
- Le rapport que vous m'avez remis symboliquement aujourd'hui - j'en connaissais l'essentiel, vous me l'aviez remis il y a quelques mois - témoigne de l'importance quantitative et qualitative de vos travaux. Vous avez évalué le tiers des établissements, associé plus de cinq cents experts à vos enquêtes, rencontré de nombreuses personnalités, tenu des dizaines et des dizaines de séances de travail, mis au point vos observations, affiné vos analyses, et livré des centaines de pages de rapport pleines de suggestions pour les enseignants-chercheurs, les universités, les responsables nationaux. Tout ceci sous l'impulsion très dynamique et infatigable de M. Laurent Schwartz. A lui comme à vous, je tiens à dire merci.
- Je n'ignore pas, parce que vous m'en avez parlé, monsieur Schwartz, les difficultés matérielles que vous avez rencontrées pendant longtemps. On peut dire qu'elles n'ont jamais été réglées autant qu'il aurait fallu. Pendant des mois et des mois, vous avez dû compter uniquement sur votre propre compétence, sans pouvoir obtenir, faute d'avoir les moyens, les concours indispensables. J'espère que cela s'est amélioré. En tout cas il serait bien que le prochain comité puisse obtenir des autorités de l'Etat les moyens nécessaires.
- Vous avez su faire admettre l'idée que l'évaluation est une composante nécessaire de l'action, et qu'elle est la contre-partie indispensable de l'autonomie et de la responsabilité. Sans évaluation, comment être assuré d'être sur le chemin qui a été tracé ? Comment être convaincu que les actions entreprises produisent les effets désirés ? Vous avez si bien fait admettre cette pratique que plusieurs universités ont demandé spontanément à être évaluées. Vous avez créé une méthode, vous avez amorcé un processus qui durera. Cela marquera, parmi bien d'autres choses, votre présidence, monsieur Schwartz.\
Vos constats, vos recommandations ont donné tout leur effet à des décisions particulièrement importantes pour l'évolution de l'enseignement supérieur. Je citerai la création des instituts universitaires de formation des maîtres, le développement de la politique contractuelle entre les universités et le ministère de l'éducation nationale, la mise en place d'un observatoire de la vie étudiante, l'élaboration de schémas régionaux concertés des formations post-baccalauréats. Tout cela en harmonie avec vos analyses et vos suggestions.
- Sur d'autres points, vous attirez l'attention des autorités. C'est votre rôle. Assumez-le pleinement, mesdames et messieurs. Quand vous évoquez la qualité de la recherche dans telle discipline, quand vous évoquez les conséquences d'une orientation quelquefois insatisfaisante des étudiants, quand vous affrontez le trop grand nombre d'échecs dans le premier cycle, vous êtes dans votre mission. Il se peut que les solutions des uns et des autres ne soient pas les mêmes, et il appartient au gouvernement et aux responsables pédagogiques et administratifs de prendre les décisions qui paraissent les meilleures. Mais il est bon que vous puissiez les éclairer comme vous le faites. C'est pour cela que la loi du 10 juillet dernier a précisé que votre comité, je cite : "constitue une autorité administrative indépendante". Cette formule honore votre travail passé et doit constituer votre règle pour l'avenir.
- Mesdames et messieurs, la qualité de notre enseignement supérieur et de notre recherche est la clef de l'avenir de notre pays. Je l'ai répété partout, j'ai veillé à ce que les moyens fussent donnés à tout ce qui pouvait s'identifier à la recherche et l'enseignement supérieur. Monsieur le ministre d'Etat, qui est là, a pu y consacrer, dans le cadre des nouvelles dispositions budgétaires dont il dispose, toute une partie de son effort. Je sais à quel point il y tient. Les mesures prises par le gouvernement pour revaloriser les carrières des enseignants-chercheurs, pour accroître le taux et le nombre des bourses, pour amorcer une rénovation des conditions d'activités et d'études, s'inscrivent dans cette obligation qui est la nôtre. Le ministre d'Etat, que je cite de nouveau, vient d'ouvrir plusieurs chantiers concernant les locaux, les personnels non enseignants et les étudiants. Ces chantiers donneront lieu à des décisions tout au long de cette année scolaire. Je crois vraiment que nous sommes engagés sur la bonne voie. Nous sommes naturellement loin du compte. Mais il y a convergence des efforts des uns et des autres pour donner corps à ce qui est la première priorité nationale. Et je suis certain, monsieur le Président Luchaire, que le Comité, placé désormais sous votre autorité, poursuivra son action si utile à l'Université mais aussi à la France.\
Je n'évoquerai pas, nous n'en avons pas le temps, tous les dossiers que vous lègue le précédent comité, ni ceux qu'il faudra ouvrir. Ils sont l'objet du rapport qui m'a été remis ce soir. Il en est un cependant dont je tiens à vous dire quelques mots. Il est mentionné dans la conclusion du rapport : la participation de la France au réseau universitaire européen. C'est un retour aux sources. L'université médiévale - on le répète sans arrêt, mais c'est vrai - avait une dimension européenne que nous ne connaissons plus, qui s'est dissoute à travers le temps, et qu'il faut faire revivre. C'est essentiel, car comme l'écrit votre rapport : "c'est en partie l'université qui fera l'Europe". Et vous savez à quel point nous y sommes attachés. Monsieur le Président Luchaire, je vous engage bien volontiers à prendre en charge, pour votre part, dans vos activités à venir, cette orientation. Elle correspond à bien des travaux qui sont vôtres et à des choix que je connais bien.
- Evaluer notre enseignement supérieur, ce doit être désormais en mesurer les effets dans le contexte européen. C'est un travail exaltant que de travailler non seulement pour son pays mais aussi pour le développement intellectuel et culturel de l'Europe dont nous sommes. Vos analyses, vos suggestions, dans ce domaine comme dans les autres, seront, j'en suis sûr, très utiles. En tout cas, je les attends avec impatience.
- Voilà, mesdames et messieurs, ce que je souhaitais évoquer devant vous au moment où le premier comité passe le flambeau au deuxième. Je suis heureux de dire aux uns qu'ils ont bien rempli leur tâche et je les en remercie. Des autres, j'en attends pour le moins tout autant. Les deux Présidents ici présents ont droit l'un à notre gratitude puisqu'il achève bien une lourde tâche, (il faut l'en remercier), et le deuxième à des voeux de succès, que je lui adresse, mesdames et messieurs, comme à vous-mêmes.
- Il faut accomplir une grande tâche qui dépasse chacun d'entre nous. Vous en avez mesuré l'ampleur et la difficulté. Vous en aurez le mérite. Il faut que nous réussissions ensemble à donner à notre pays dans l'Europe l'instrument intellectuel et culturel dont il a le plus grand besoin, sans lequel rien d'autre ne tiendrait. Je vous en remercie.\