21 octobre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Message de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la nuit de la poésie, Paris samedi 21 octobre 1989.
Mesdames et messieurs,
- Je suis heureux de la nuit consacrée à la poésie et je souhaite qu'avec les rencontres organisées en France durant cette fin de semaine, elle éveille un intérêt plus vif, plus large, pour les poètes et pour leurs oeuvres.
- Je n'imagine pas plus que vous un monde sans poésie et sans poètes. Car la preuve de la poésie, ce sont d'abord les poètes, permettez-moi de vous le dire.
- Nous en avons de grands, de bons, aimés bien au-delà de nos frontières. Nous en aimons aussi venus d'ailleurs. Deux hommes à l'art étincelant, René Char et Francis Ponge, nous ont quittés il n'y a pas si longtemps mais de jeunes talents continuent d'apparaître et ainsi va la relève, qui ne remplace personne mais à son tour fait oeuvre neuve.
- Les poètes ne sont pas assez lus, c'est sûr, quoique les tirages d'aujourd'hui eussent fait envie, de leur vivant, à Baudelaire et à Rimbaud. C'est pourquoi, et je sais qu'on le fait, il faut aider non seulement la création mais aussi l'édition et la diffusion des oeuvres poétiques.
- La poésie parle pour tous, même pour ceux qui ne la lisent pas. De Reverdy qui y voyait "le seul moyen de combler l'abîme qui baille entre les choses qui existent" à Octavio Paz pour qui la poésie "permet de découvrir la figure du monde dans la dispersion de ses fragments", de René Char qui définissait le poème comme "un bout d'existence incorruptible" à Aimé Césaire pour qui "la musique poétique ne peut être que le battement de la vague mentale contre le rocher du monde", on en revient toujours à cette définition d'Yves Bonnefoy : "la poésie est ce qui prépare à un rêve partagé qui ne serait plus solitude".
- C'est vrai que la poésie, lorsqu'elle est juste, atteint à l'essentiel.
- La force ramassée du poème va droit au coeur de ce qui est £ elle suggère, en quelques mots, tout ce qui pourrait être.
- Voilà pourquoi, sans doute, la poésie est messagère d'espoir, de liberté, si apte à circuler et si fort entendue dans les périodes et dans les lieux où d'autres paroles sont aisément muselées.
- Je n'imagine pas que nous puissions un jour nous en passer. Et je ne me résigne pas à ce que tous n'y aient pas accès. J'aime que la poésie soit rétive aux approches superficielles, aux engouements éphémères orchestrés çà et là. J'aime qu'elle exige du lecteur qu'il fasse lui-même un bout de chemin et, de préférence, le silence autour de lui, peut-être en lui. J'aime que, de l'éthique du poète à la pratique du lecteur, certaines correspondances s'établissent.
- J'en ai moi-même pris le goût jeune, en cet âge - l'adolescence - qui est le temps de l'éveil des curiosités, des interrogations. Et je voudrais, si le poète, comme on l'a dit, est le dernier habitant de son enfance, qu'il fût aussi, très tôt, le compagnon de nos enfants.\
- Je suis heureux de la nuit consacrée à la poésie et je souhaite qu'avec les rencontres organisées en France durant cette fin de semaine, elle éveille un intérêt plus vif, plus large, pour les poètes et pour leurs oeuvres.
- Je n'imagine pas plus que vous un monde sans poésie et sans poètes. Car la preuve de la poésie, ce sont d'abord les poètes, permettez-moi de vous le dire.
- Nous en avons de grands, de bons, aimés bien au-delà de nos frontières. Nous en aimons aussi venus d'ailleurs. Deux hommes à l'art étincelant, René Char et Francis Ponge, nous ont quittés il n'y a pas si longtemps mais de jeunes talents continuent d'apparaître et ainsi va la relève, qui ne remplace personne mais à son tour fait oeuvre neuve.
- Les poètes ne sont pas assez lus, c'est sûr, quoique les tirages d'aujourd'hui eussent fait envie, de leur vivant, à Baudelaire et à Rimbaud. C'est pourquoi, et je sais qu'on le fait, il faut aider non seulement la création mais aussi l'édition et la diffusion des oeuvres poétiques.
- La poésie parle pour tous, même pour ceux qui ne la lisent pas. De Reverdy qui y voyait "le seul moyen de combler l'abîme qui baille entre les choses qui existent" à Octavio Paz pour qui la poésie "permet de découvrir la figure du monde dans la dispersion de ses fragments", de René Char qui définissait le poème comme "un bout d'existence incorruptible" à Aimé Césaire pour qui "la musique poétique ne peut être que le battement de la vague mentale contre le rocher du monde", on en revient toujours à cette définition d'Yves Bonnefoy : "la poésie est ce qui prépare à un rêve partagé qui ne serait plus solitude".
- C'est vrai que la poésie, lorsqu'elle est juste, atteint à l'essentiel.
- La force ramassée du poème va droit au coeur de ce qui est £ elle suggère, en quelques mots, tout ce qui pourrait être.
- Voilà pourquoi, sans doute, la poésie est messagère d'espoir, de liberté, si apte à circuler et si fort entendue dans les périodes et dans les lieux où d'autres paroles sont aisément muselées.
- Je n'imagine pas que nous puissions un jour nous en passer. Et je ne me résigne pas à ce que tous n'y aient pas accès. J'aime que la poésie soit rétive aux approches superficielles, aux engouements éphémères orchestrés çà et là. J'aime qu'elle exige du lecteur qu'il fasse lui-même un bout de chemin et, de préférence, le silence autour de lui, peut-être en lui. J'aime que, de l'éthique du poète à la pratique du lecteur, certaines correspondances s'établissent.
- J'en ai moi-même pris le goût jeune, en cet âge - l'adolescence - qui est le temps de l'éveil des curiosités, des interrogations. Et je voudrais, si le poète, comme on l'a dit, est le dernier habitant de son enfance, qu'il fût aussi, très tôt, le compagnon de nos enfants.\