12 octobre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée à la télévision équatorienne le jeudi 12 octobre 1989, sur les relations franco-équatoriennes, l'aide au développement et le rééchelonnement de la dette, la coopération en matière d'audiovisuel et l'évolution du socialisme.
QUESTION.- Quelles sont les perspectives en ce qui concerne les relations entre l'Equateur et la France après votre visite ? Qu'est-ce qui va se passer une fois que vous serez rentré en France entre l'Equateur et la France, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- La visite, le voyage d'Etat, est un moyen pratique d'établir ou de renforcer des relations. Rien ne remplace le contact direct avec le Président, les autorités équatoriennes et le peuple. Le fait d'avoir la possibilité de voir ce peuple rassemblé, sur les places, dans les rues, dans son environnement, est une façon de pénétrer les problèmes qui cessent de devenir abstraits comme les chiffres sur des dossiers étudiés à 6000 kilomètres. Donc, en soi, ce type de rencontre est un acte positif.
- Ensuite il y a le passé, sans le passé nous ne serions rien. Lorsque La Condamine est venu, l'Académie Royale des Sciences, en France, et les autorités équatoriennes de l'époque, ont établi un type de relations de coopération. Il s'agissait de mesurer le temps du méridien terrestre. Les milieux scientifiques équatoriens ont beaucoup participé à cette initiative. De là est né un type de compréhension scientifique, culturelle, mais aussi politique, par voie de conséquence qui doit inspirer nos relations actuelles.\
Les échanges entre l'Equateur et la France sont faibles. Nous sommes des pays très lointains par la géographie, même si l'histoire nous rapproche. La situation de l'Equateur est celle de nombreux pays d'Amérique latine qui ne sont pas des pays pauvres, mais qui sont des pays si lourdement endettés, que pour retrouver l'élan de la prospérité, ils rencontrent un frein terrible qui les empêche vraiment de s'épanouir. Certes, les réformes et les mouvements imprimés par des dirigeants comme le Président Borja sont des éléments très positifs. Mais la France et l'Equateur n'ont pas d'échanges considérables. Il y a une dette publique de l'Equateur à l'égard de la France ainsi qu'à l'égard d'autres pays. Nous avons travaillé sur ce que la France pourrait faire pour faciliter la politique de redressement. Bien entendu il faudrait insérer cette conversation dans un cadre plus général, car seules, les décisions prises par l'ensemble des pays les plus industriels les plus avancés, permettront de répondre au problème de l'endettement dans le monde. La France et l'Equateur peuvent difficilement s'isoler.
- Premièrement, nous avons passé un accord, de l'importance de 310 millions de francs qui doit nous permettre, à nous Français, de coopérer à l'équipement de l'Equateur et plus particulièrement : la voie ferrée centrale, les adductions d'eau, l'habitat social. Pour ce qui concerne les chemins de fer, j'ai déjà annoncé ce qui représente 165 millions à l'intérieur de ces 310 millions. Je considère que cette aide est une première étape et à mesure qu'on entrera dans la réalité de la rénovation, la France participera à d'autres opérations afin de rénover les 900 kilomètres. De même la France s'est dite disposée à fournir pour les équipements qu'elle fournit déjà, les pièces de rechange nécessaires.
- Quant à la dette elle-même, cette dette de l'Equateur est surtout une dette publique. Nous avons, nous Français, annulé complètement nos créances publiques envers 35 pays d'Afrique. C'est déjà un effort considérable. Ce sont des pays d'Afrique avec lesquels nous avons des liens particuliers et qui sont, eux, tout à fait pauvres.
- La question est posée de savoir si la France peut aider l'Equateur par une mesure de cet ordre, c'est-à-dire annulation d'une partie de la créance française.
- Deux difficultés : la première est que la France redoute naturellement l'effet de contagion. Elle l'a déjà fait pour 35 pays, il lui est difficile de renoncer a priori, à elle seule, isolément, à l'ensemble des créances qu'elle a dans le monde.\
QUESTION.- Monsieur le Président, excusez-moi de vous interrompre, est-il possible que la position de la France exerce une influence sur d'autres pays créanciers et sur la Banque commerciale pour arriver au moins dans de meilleures conditions de délais plus longs et des intérêts plus bas par exemple ?
- LE PRESIDENT.- Je vous parlais jusqu'ici de ce que pouvait faire la France par sa seule décision et pour elle-même, dans ses relations avec l'Equateur. Elle peut aussi agir dans les enceintes internationales où elle siège. Elle a aussi des relations avec des institutions internationales, le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale. Le Fonds Monétaire International a pris des décisions, ouvrant la voie, par exemple, au quatrième rééchelonnement de la dette équatorienne. C'est un organisme que l'on appelle le Club de Paris, que la France préside, qui examinera la manière de faire, à l'égard de l'Equateur notamment. J'ai dit au président Borja que mon intention était de donner des instructions pour que le ministre français qui préside ces réunions se fasse, comme le fait également l'Espagne, l'avocat de l'Equateur pour obtenir des rééchelonnements convenables. De même, je pense qu'un certain nombre de procédures particulières peuvent être adoptées. Au sein du Club de Paris, et d'une façon plus générale dans l'ensemble des institutions internationales, nous plaidons pour la réduction, l'annulation et en tout cas la mise en oeuvre d'un plan global mondial au regard des pays endettés. J'ai fait des propositions dans ce sens à la Conférence des Sept plus grands pays industrialisés à Toronto en 1988. J'ai fait des propositions du même ordre devant l'Assemblée générale des Nations unies. J'ai dit qu'on ne pourra résoudre ce problème de l'endettement que par la création d'un Fonds Mondial qui sera alimenté par de l'argent frais, qui viendra naturellement de ceux qui en possèdent et qui devrait permettre de rembourser dans une certaine proportion les pays créanciers et notamment les banques privées, sans que ce soient les pays endettés qui déjà font un effort formidable, qui demandent à leurs producteurs, leurs travailleurs, un effort pour simplement payer la dette et non pas pour améliorer leur propre pouvoir d'achat. Cela fait des conditions économiques et sociales terribles. Il faut créer un fonds de ce type.
- QUESTION.- Comment a été reçue cette proposition, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Elle fait des progrès. D'abord, l'idée d'une décision globale n'avait pas été retenue par mes principaux partenaires. Nous avons, récemment, au dernier Sommet des Pays industrialisés à Paris, le 14 juillet, décidé de nous engager sur ce terrain en commun. C'est à l'origine du Plan Brady qui examine cas par cas, mais en fonction de règles générales. Je ne suis pas très convaincu de l'efficacité de ce système, mais j'ai le sentiment que l'on comprend de mieux en mieux la nécessité d'un fonds international dont certains ont dit souvent, grossièrement, qu'il s'agissait d'un plan Marshall. Mais c'est bien ça l'idée. Tout cela parce que je considère que le problème du décalage croissant qui existe entre les économies riches et les économies en développement sera la principale cause de désordre pour le monde dans les années à venir. Voilà ce que je peux vous dire. Il y a d'autres aspects particuliers, les accords passés avec l'Equateur. Mais je résumerai mon propos pour vos auditeurs que je salue, ainsi que le peuple équatorien. Pour tout ce qui touche à nos relations bilatérales, nous allons procéder à des aides, à des crédits, le cas échéant à des réductions. Nous serons prêts à recommencer pour tout ce qui touche aux décisions internationales, nous plaiderons pour l'Equateur, parce que nous pensons qu'il le mérite et ses populations ont le droit de vivre et sont capables ensuite d'organiser leur pays.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans les perspectives culturelles de coopération, la télévision équatorienne se trouve à l'heure actuelle sous le domaine de la technologie et de la programmation américaine ou japonaise. Comment est-ce qu'il serait possible d'encourager une action qui permettrait d'augmenter la coopération entre la France et l'Equateur dans ce domaine étant donné que la France a sans aucun doute beaucoup de matériels sur le plan audiovisuel ?
- LE PRESIDENT.- On peut dire qu'il y a une domination dans le monde, de la technologie japonaise, elle envahit même les Etats-Unis d'Amérique et puis il y a aussi les capitaux, l'avance prise par les Etats-Unis d'Amérique dans de nombreux domaines technologiques et particulièrement dans la production d'images audiovisuelles. C'est un problème général. En ce qui concerne les relations avec l'Equateur pour d'autres technologies, la France est déjà en accord avec votre pays pour de multiples technologies importantes. Les chemins de fer, on vient de le dire, mais aussi les télécommunications. Et nous allons procéder à des missions d'études, qui, à la fois, nous diront quelles sont les productions équatoriennes que nous pouvons davantage importer en France, je pense aux produits de la pêche, notamment aux crevettes, et puis dans certains domaines de la technologie.
- L'audiovisuel : Nous avons pris des décisions en Europe avec l'adoption de ce qu'on appelle la directive télévision sans frontières. Nous avons constaté que nous sommes arrivés à un certain niveau de production d'images ou de coproductions. Ce niveau est déjà important, mais il pourrait être plus important encore. Nous avons donc décidé que chacun des pays membres de la Communauté des douze s'interdirait de descendre au-dessous du seuil actuel des productions en essayant naturellement de les développer, et en étudiant les coproductions inter-européennes ce dont nous sommes parfaitement capables. En même temps nous avons par l'intermédiaire d'un organisme qu'on appelle Eurêka créé entre plusieurs pays d'Europe dans le domaine des hautes technologies mis au point un système de télévision dit à haute définition qui donne une image sans doute supérieure à toutes les autres. Nous avons décidé entre nous de faire l'effort industriel et financier suffisant pour que cette définition soit adoptée dans chacun de nos pays et qu'elles aient des possibilités d'expansion sur les marchés extérieurs. C'est un terrain sur lequel nous sommes bien placés. Les Etats-Unis d'Amérique viennent de faire des contestations récentes, ils considèrent que nous faisons une sorte de protectionnisme, c'est inexact. Nous nous organisons pour produire mieux. Si nous sommes les meilleurs dans ce cas-là pourquoi est-ce que nous ne l'emporterions pas ? Nous ne le sommes pas encore £ comment l'être ?.\
QUESTION.- Finalement, monsieur le Président, je voudrais poser une question d'ordre politique. Les changements qui se produisent dans le monde communiste, et une série de décisions que votre gouvernement a prises dans le domaine de la privatisation des entreprises, suggèrent que finalement le socialisme est en retrait. Certains pensent finalement qu'il y a une révision en faisant un petit retour en arrière, on pourrait dire que le socialisme est passé de mode ? Qu'il est dépassé ?
- LE PRESIDENT.- J'ai l'impression que le socialisme fait des progrès. D'une part on voit des pays qui se disent libéraux, obligés de recourir à l'inspiration de caractère socialiste sans le reconnaître, ils seraient très étonnés de ce que je dis. Quand on voit, par exemple les Etats-Unis d'Amérique subventionner la recherche des grandes compagnies privées, ou lorsqu'ils viennent au secours d'une banque pour les sauver de la faillite n'est-ce pas du socialisme ? Ils s'inspirent d'une conception du rôle que doit remplir le pouvoir public dans une société, le pouvoir régulateur.
- QUESTION.- Donc, à votre avis, il est plus pragmatique, il se renouvelle le socialisme à votre avis, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Non, ce que je veux dire c'est que les sociétés libérales doivent s'inspirer d'un certain nombre de ses méthodes. D'autre part, quand on parle de privatisation en France, elles ont été faites par un gouvernement qui était représentatif, à cette époque, de la majorité populaire, qui a privatisé un certain nombre d'entreprises que j'avais nationalisées. Mais ce mouvement a été interrompu depuis ma réélection en 1988. Nous ne privatisons pas.
- L'ensemble des ays de l'Est qui visiblement supportent de plus en plus mal le couvercle du marxisme-léninisme ou d'économie stalinienne, ne vont pas vers une société libérale, ils comprennent qu'il puisse y avoir une liberté des échanges, des lois du marché, c'est ce que nous faisons nous-mêmes. Il y a deux familles socialistes dont l'origine remonte au 19ème siècle. Il y a ceux qui ont préconisé la création d'un Etat central s'accompagnant sur le plan macro-économique, d'une collectivisation intégrale, et ceux qui ont estimé qu'il n'y avait pas de socialisme sans liberté, c'est notre cas, et qui ont fait ce qu'il fallait pour assurer la maîtrise de l'Etat sans dépasser la mesure, en laissant la liberté d'initiative, d'entreprise et des échanges, jusqu'à la limite à partir de laquelle on verrait un plus grand nombre dominé, écrasé par les plus forts ou par les plus riches. Il y a donc une nécessité de corriger à tout instant, c'est que nous faisons : mais ces pays de l'Est ne vont pas vers des systèmes libéraux comme il en existe en Angleterre, aux Etats-Unis d'Amérique et dans beaucoup d'autres pays. Ils se réclament précisément, pour mobiliser encore leur opinion, du socialisme démocratique. Ils prononcent même les mots, et le système qu'ils désirent devrait aller en se rapprochant de celui que nous, nous mettons en place, les quelques gouvernements qui se réclament du socialisme en Europe occidentale. Ce ne sont pas les plus nombreux, mais observez les évolutions ici et là, à l'intérieur, cela va dans le sens d'un progrès. Donc, je vous contredis là-dessus. Ce n'est pas une idée en recul, ce qui est un recul c'est la société communiste totalitaire et centralisée. Mais le socialisme dans son inspiration fondamentale, qui est celle de la justice sociale, de la souveraineté populaire, de l'égalité des chances, de la production des faibles, cela se développe fort bien. Et je suis plein d'espoir.\
- LE PRESIDENT.- La visite, le voyage d'Etat, est un moyen pratique d'établir ou de renforcer des relations. Rien ne remplace le contact direct avec le Président, les autorités équatoriennes et le peuple. Le fait d'avoir la possibilité de voir ce peuple rassemblé, sur les places, dans les rues, dans son environnement, est une façon de pénétrer les problèmes qui cessent de devenir abstraits comme les chiffres sur des dossiers étudiés à 6000 kilomètres. Donc, en soi, ce type de rencontre est un acte positif.
- Ensuite il y a le passé, sans le passé nous ne serions rien. Lorsque La Condamine est venu, l'Académie Royale des Sciences, en France, et les autorités équatoriennes de l'époque, ont établi un type de relations de coopération. Il s'agissait de mesurer le temps du méridien terrestre. Les milieux scientifiques équatoriens ont beaucoup participé à cette initiative. De là est né un type de compréhension scientifique, culturelle, mais aussi politique, par voie de conséquence qui doit inspirer nos relations actuelles.\
Les échanges entre l'Equateur et la France sont faibles. Nous sommes des pays très lointains par la géographie, même si l'histoire nous rapproche. La situation de l'Equateur est celle de nombreux pays d'Amérique latine qui ne sont pas des pays pauvres, mais qui sont des pays si lourdement endettés, que pour retrouver l'élan de la prospérité, ils rencontrent un frein terrible qui les empêche vraiment de s'épanouir. Certes, les réformes et les mouvements imprimés par des dirigeants comme le Président Borja sont des éléments très positifs. Mais la France et l'Equateur n'ont pas d'échanges considérables. Il y a une dette publique de l'Equateur à l'égard de la France ainsi qu'à l'égard d'autres pays. Nous avons travaillé sur ce que la France pourrait faire pour faciliter la politique de redressement. Bien entendu il faudrait insérer cette conversation dans un cadre plus général, car seules, les décisions prises par l'ensemble des pays les plus industriels les plus avancés, permettront de répondre au problème de l'endettement dans le monde. La France et l'Equateur peuvent difficilement s'isoler.
- Premièrement, nous avons passé un accord, de l'importance de 310 millions de francs qui doit nous permettre, à nous Français, de coopérer à l'équipement de l'Equateur et plus particulièrement : la voie ferrée centrale, les adductions d'eau, l'habitat social. Pour ce qui concerne les chemins de fer, j'ai déjà annoncé ce qui représente 165 millions à l'intérieur de ces 310 millions. Je considère que cette aide est une première étape et à mesure qu'on entrera dans la réalité de la rénovation, la France participera à d'autres opérations afin de rénover les 900 kilomètres. De même la France s'est dite disposée à fournir pour les équipements qu'elle fournit déjà, les pièces de rechange nécessaires.
- Quant à la dette elle-même, cette dette de l'Equateur est surtout une dette publique. Nous avons, nous Français, annulé complètement nos créances publiques envers 35 pays d'Afrique. C'est déjà un effort considérable. Ce sont des pays d'Afrique avec lesquels nous avons des liens particuliers et qui sont, eux, tout à fait pauvres.
- La question est posée de savoir si la France peut aider l'Equateur par une mesure de cet ordre, c'est-à-dire annulation d'une partie de la créance française.
- Deux difficultés : la première est que la France redoute naturellement l'effet de contagion. Elle l'a déjà fait pour 35 pays, il lui est difficile de renoncer a priori, à elle seule, isolément, à l'ensemble des créances qu'elle a dans le monde.\
QUESTION.- Monsieur le Président, excusez-moi de vous interrompre, est-il possible que la position de la France exerce une influence sur d'autres pays créanciers et sur la Banque commerciale pour arriver au moins dans de meilleures conditions de délais plus longs et des intérêts plus bas par exemple ?
- LE PRESIDENT.- Je vous parlais jusqu'ici de ce que pouvait faire la France par sa seule décision et pour elle-même, dans ses relations avec l'Equateur. Elle peut aussi agir dans les enceintes internationales où elle siège. Elle a aussi des relations avec des institutions internationales, le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale. Le Fonds Monétaire International a pris des décisions, ouvrant la voie, par exemple, au quatrième rééchelonnement de la dette équatorienne. C'est un organisme que l'on appelle le Club de Paris, que la France préside, qui examinera la manière de faire, à l'égard de l'Equateur notamment. J'ai dit au président Borja que mon intention était de donner des instructions pour que le ministre français qui préside ces réunions se fasse, comme le fait également l'Espagne, l'avocat de l'Equateur pour obtenir des rééchelonnements convenables. De même, je pense qu'un certain nombre de procédures particulières peuvent être adoptées. Au sein du Club de Paris, et d'une façon plus générale dans l'ensemble des institutions internationales, nous plaidons pour la réduction, l'annulation et en tout cas la mise en oeuvre d'un plan global mondial au regard des pays endettés. J'ai fait des propositions dans ce sens à la Conférence des Sept plus grands pays industrialisés à Toronto en 1988. J'ai fait des propositions du même ordre devant l'Assemblée générale des Nations unies. J'ai dit qu'on ne pourra résoudre ce problème de l'endettement que par la création d'un Fonds Mondial qui sera alimenté par de l'argent frais, qui viendra naturellement de ceux qui en possèdent et qui devrait permettre de rembourser dans une certaine proportion les pays créanciers et notamment les banques privées, sans que ce soient les pays endettés qui déjà font un effort formidable, qui demandent à leurs producteurs, leurs travailleurs, un effort pour simplement payer la dette et non pas pour améliorer leur propre pouvoir d'achat. Cela fait des conditions économiques et sociales terribles. Il faut créer un fonds de ce type.
- QUESTION.- Comment a été reçue cette proposition, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Elle fait des progrès. D'abord, l'idée d'une décision globale n'avait pas été retenue par mes principaux partenaires. Nous avons, récemment, au dernier Sommet des Pays industrialisés à Paris, le 14 juillet, décidé de nous engager sur ce terrain en commun. C'est à l'origine du Plan Brady qui examine cas par cas, mais en fonction de règles générales. Je ne suis pas très convaincu de l'efficacité de ce système, mais j'ai le sentiment que l'on comprend de mieux en mieux la nécessité d'un fonds international dont certains ont dit souvent, grossièrement, qu'il s'agissait d'un plan Marshall. Mais c'est bien ça l'idée. Tout cela parce que je considère que le problème du décalage croissant qui existe entre les économies riches et les économies en développement sera la principale cause de désordre pour le monde dans les années à venir. Voilà ce que je peux vous dire. Il y a d'autres aspects particuliers, les accords passés avec l'Equateur. Mais je résumerai mon propos pour vos auditeurs que je salue, ainsi que le peuple équatorien. Pour tout ce qui touche à nos relations bilatérales, nous allons procéder à des aides, à des crédits, le cas échéant à des réductions. Nous serons prêts à recommencer pour tout ce qui touche aux décisions internationales, nous plaiderons pour l'Equateur, parce que nous pensons qu'il le mérite et ses populations ont le droit de vivre et sont capables ensuite d'organiser leur pays.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans les perspectives culturelles de coopération, la télévision équatorienne se trouve à l'heure actuelle sous le domaine de la technologie et de la programmation américaine ou japonaise. Comment est-ce qu'il serait possible d'encourager une action qui permettrait d'augmenter la coopération entre la France et l'Equateur dans ce domaine étant donné que la France a sans aucun doute beaucoup de matériels sur le plan audiovisuel ?
- LE PRESIDENT.- On peut dire qu'il y a une domination dans le monde, de la technologie japonaise, elle envahit même les Etats-Unis d'Amérique et puis il y a aussi les capitaux, l'avance prise par les Etats-Unis d'Amérique dans de nombreux domaines technologiques et particulièrement dans la production d'images audiovisuelles. C'est un problème général. En ce qui concerne les relations avec l'Equateur pour d'autres technologies, la France est déjà en accord avec votre pays pour de multiples technologies importantes. Les chemins de fer, on vient de le dire, mais aussi les télécommunications. Et nous allons procéder à des missions d'études, qui, à la fois, nous diront quelles sont les productions équatoriennes que nous pouvons davantage importer en France, je pense aux produits de la pêche, notamment aux crevettes, et puis dans certains domaines de la technologie.
- L'audiovisuel : Nous avons pris des décisions en Europe avec l'adoption de ce qu'on appelle la directive télévision sans frontières. Nous avons constaté que nous sommes arrivés à un certain niveau de production d'images ou de coproductions. Ce niveau est déjà important, mais il pourrait être plus important encore. Nous avons donc décidé que chacun des pays membres de la Communauté des douze s'interdirait de descendre au-dessous du seuil actuel des productions en essayant naturellement de les développer, et en étudiant les coproductions inter-européennes ce dont nous sommes parfaitement capables. En même temps nous avons par l'intermédiaire d'un organisme qu'on appelle Eurêka créé entre plusieurs pays d'Europe dans le domaine des hautes technologies mis au point un système de télévision dit à haute définition qui donne une image sans doute supérieure à toutes les autres. Nous avons décidé entre nous de faire l'effort industriel et financier suffisant pour que cette définition soit adoptée dans chacun de nos pays et qu'elles aient des possibilités d'expansion sur les marchés extérieurs. C'est un terrain sur lequel nous sommes bien placés. Les Etats-Unis d'Amérique viennent de faire des contestations récentes, ils considèrent que nous faisons une sorte de protectionnisme, c'est inexact. Nous nous organisons pour produire mieux. Si nous sommes les meilleurs dans ce cas-là pourquoi est-ce que nous ne l'emporterions pas ? Nous ne le sommes pas encore £ comment l'être ?.\
QUESTION.- Finalement, monsieur le Président, je voudrais poser une question d'ordre politique. Les changements qui se produisent dans le monde communiste, et une série de décisions que votre gouvernement a prises dans le domaine de la privatisation des entreprises, suggèrent que finalement le socialisme est en retrait. Certains pensent finalement qu'il y a une révision en faisant un petit retour en arrière, on pourrait dire que le socialisme est passé de mode ? Qu'il est dépassé ?
- LE PRESIDENT.- J'ai l'impression que le socialisme fait des progrès. D'une part on voit des pays qui se disent libéraux, obligés de recourir à l'inspiration de caractère socialiste sans le reconnaître, ils seraient très étonnés de ce que je dis. Quand on voit, par exemple les Etats-Unis d'Amérique subventionner la recherche des grandes compagnies privées, ou lorsqu'ils viennent au secours d'une banque pour les sauver de la faillite n'est-ce pas du socialisme ? Ils s'inspirent d'une conception du rôle que doit remplir le pouvoir public dans une société, le pouvoir régulateur.
- QUESTION.- Donc, à votre avis, il est plus pragmatique, il se renouvelle le socialisme à votre avis, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Non, ce que je veux dire c'est que les sociétés libérales doivent s'inspirer d'un certain nombre de ses méthodes. D'autre part, quand on parle de privatisation en France, elles ont été faites par un gouvernement qui était représentatif, à cette époque, de la majorité populaire, qui a privatisé un certain nombre d'entreprises que j'avais nationalisées. Mais ce mouvement a été interrompu depuis ma réélection en 1988. Nous ne privatisons pas.
- L'ensemble des ays de l'Est qui visiblement supportent de plus en plus mal le couvercle du marxisme-léninisme ou d'économie stalinienne, ne vont pas vers une société libérale, ils comprennent qu'il puisse y avoir une liberté des échanges, des lois du marché, c'est ce que nous faisons nous-mêmes. Il y a deux familles socialistes dont l'origine remonte au 19ème siècle. Il y a ceux qui ont préconisé la création d'un Etat central s'accompagnant sur le plan macro-économique, d'une collectivisation intégrale, et ceux qui ont estimé qu'il n'y avait pas de socialisme sans liberté, c'est notre cas, et qui ont fait ce qu'il fallait pour assurer la maîtrise de l'Etat sans dépasser la mesure, en laissant la liberté d'initiative, d'entreprise et des échanges, jusqu'à la limite à partir de laquelle on verrait un plus grand nombre dominé, écrasé par les plus forts ou par les plus riches. Il y a donc une nécessité de corriger à tout instant, c'est que nous faisons : mais ces pays de l'Est ne vont pas vers des systèmes libéraux comme il en existe en Angleterre, aux Etats-Unis d'Amérique et dans beaucoup d'autres pays. Ils se réclament précisément, pour mobiliser encore leur opinion, du socialisme démocratique. Ils prononcent même les mots, et le système qu'ils désirent devrait aller en se rapprochant de celui que nous, nous mettons en place, les quelques gouvernements qui se réclament du socialisme en Europe occidentale. Ce ne sont pas les plus nombreux, mais observez les évolutions ici et là, à l'intérieur, cela va dans le sens d'un progrès. Donc, je vous contredis là-dessus. Ce n'est pas une idée en recul, ce qui est un recul c'est la société communiste totalitaire et centralisée. Mais le socialisme dans son inspiration fondamentale, qui est celle de la justice sociale, de la souveraineté populaire, de l'égalité des chances, de la production des faibles, cela se développe fort bien. Et je suis plein d'espoir.\