12 octobre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République et du Président équatorien M. Rodrigo Borja Cevallos, sur le bilan de leurs entretiens et les accords conclus, ainsi que sur la lutte contre le trafic de drogue, l'aide au développement et la position française sur le problème de la dette des pays intermédiaires, Quito le jeudi 12 octobre 1989.
Mesdames et messieurs,
- Je ne pourrais que confirmer ce qui vient d'être dit sur l'intérêt, l'agrément, et j'espère l'utilité de ce voyage en Equateur. Mes premiers mots seront pour remercier le Président Borja dont l'accueil a été amical, personnel en même temps qu'il m'a permis de mieux approcher l'ensemble des problèmes propres à l'Equateur. Et ces remerciements, je les adresse au peuple équatorien qui nous a accompagné tout le long de cette visite à Quito avec une sincérité, une spontanéité qui m'a beaucoup touché. J'espère que plus encore que par le passé, il nous sera donné de donner aux relations de nos deux pays une tournure nouvelle, plus productive, plus réaliste. Cela est possible, mais nous allons en parler dans un moment, indépendamment des liens qui eux sont très anciens et permanents, qui sont d'ordre culturel et affectif. Ils sont très forts si l'on songe à l'histoire de nos deux pays aux inter-actions par la pensée philosophique et politique, et au fait que depuis déjà quelques siècles, nos deux pays ont collaboré, travaillé ensemble dans de nombreux domaines scientifiques. C'est donc un voyage qui, pour moi, m'apparaît comme extrêmement utile, prometteur, et qui m'a procuré, je dois le dire, beaucoup de satisfactions de tous ordres, le seul regret en étant la brièveté. Mais cela peut se réparer d'autres fois si le destin nous est favorable, nous nous reverrons. J'avais déjà rencontré le Président de l'Equateur, nos actions surtout s'étaient rencontrées sur tous les itinéraires de la politique internationale.
- Nous allons maintenant commencer la conférence de presse proprement dite, mais je voudrais que cette note personnelle soit soulignée particulièrement par la presse équatorienne qui a droit également à ma gratitude pour la manière dont elle a exposé très largement et très complètement les éléments de ce voyage. Merci.
- Je crois que nous pourrions demander à mesdames et messieurs les journalistes de bien vouloir poser les questions de leur choix. Il suffit maintenant de les écouter.\
QUESTION.- Monsieur le Président Mitterrand, je voudrais vous demander fondamentalement quels sont les principaux accords de coopération auxquels vous êtes parvenu ? Merci d'être venu à notre pays et je voudrais que vous me disiez quelles sont les mesures visant à résoudre nos problèmes économiques de façon concrète. Merci monsieur le Président.
- LE PRESIDENT.- Cela s'adresse à moi ? Parce que monsieur le Président, ce n'est pas un signe distinctif tout le monde est président d'ailleurs. Je vous remercie de me poser la question.
- Le principal de nos accords tourne autour d'une assistance financière, de certains éléments de la dette, du commerce bilatéral, tenons-nous en à cela pour l'instant puisque c'est la question qui m'est posée.
- Sur le plan financier, le principal concerne une lettre d'intention signée pour 310 millions de francs, dont 165 millions affectés plus spécifiquement à la rénovation de la ligne de chemin de fer central de l'Equateur. Dans les sommes qui restent, j'attirerai votre attention sur les adductions d'eau. Il est apparu comme très important aux autorités équatoriennes de moderniser, de développer leurs lignes de chemin de fer et la France connaît bien et pratique beaucoup cette technologie. Elle est tout à fait disposée à contribuer à l'équipement de l'Equateur. Cependant, il ne faut pas se dissimuler que 165 millions de francs consacrés à la rénovation de cette ligne de chemin de fer seront insuffisants. J'ai donc dit au Président Borja que je considérais qu'il s'agissait là d'un engagement à répétition, que nous poursuivrions cet effort dans une deuxième étape. Nous avons besoin d'abord de digérer la première, de la mettre en oeuvre, de l'achever mais l'Equateur doit savoir que nous n'arrêterons pas là cet effort initial. Cela restera à débattre mais dès maintenant j'en informe publiquement la presse, la France sera présente pour participer dans des conditions similaires, que je ne peux exactement estimer aujourd'hui à la continuation de la rénovation de cette ligne de chemin de fer.\
Quant à la dette, notre conversation avec le Président Borja s'est beaucoup portée sur la possibilité d'accords bilatéraux sur ce point. J'ai indiqué au Président que la France avait déjà procédé à l'annulation de la dette publique à l'égard de trente-cinq pays d'Afrique, sans compter d'autres dispositions dont je vous ferai grâce, mais qui représentent une charge supplémentaire pour nos finances publiques.
- La France est un pays créancier d'une façon importante sur l'ensemble de l'Amérique latine, particulièrement au Brésil. Alors, je suis pris entre deux positions contraires £ la première me pousse à donner raison au Président Borja. Il serait normal qu'un pays comme le vôtre, travailleur, actif, dont le redressement est amorcé, qui dispose de richesses naturelles, et surtout de la capacité de travail de son peuple, soit encouragé à cesser, par des accords bilatéraux, d'être freiné dans son développement par le poids de la dette. Indépendemment des problèmes de caractère global dont je vais dire un mot dans un instant, la France est tout prête à contribuer de son côté, mais par un accord directement Equateur-France, cela mérite d'être étudié. Je crais et je l'ai dit au Président Borja, je crains un peu la contagion. En effet, admettre des positions différentes selon le pays en dehors des liens privilégiés que nous avons avec l'Afrique, c'est un problème politique qui risque de se poser à nous, politique et financier. Cependant, il y a actuellement un certain nombre d'indices qui permettent de penser que le Fonds monétaire international devrait favoriser un quatrième rééchelonnement de la dette équatorienne. La France exerce actuellement la présidence du Club de Paris qui mettra en oeuvre les dispositions qui restent à prendre. Elle se fera l'avocat au sein de ce Club de Paris qu'elle préside pour que toutes les facilités possibles soient mises à la disposition de l'Equateur, et pour que des mesures sérieuses, conséquentes, permettent à l'Equateur de trouver une réponse favorable. Donc tout cela va être fait.
- Quant à l'accord particulier, celui qui a été annoncé par la presse espagnole, il y a quelques temps, d'un accord spécifique entre l'Espagne et l'Equateur sur le problème de la dette, sans doute s'agit-il pour l'instant d'intention, indépendamment des aides directes. Quant à la remise de la dette, il faut d'abord que nous passions par le Club de Paris. Alors dans quelle mesure est-ce que nous pourrons prendre une attitude singulière, particulière. J'ai demandé au Président Borja d'avoir le temps d'étudier cette question à mon retour, avec bien entendu dans mon esprit l'intention de rendre plus concrète encore l'amitié qui nous lie.\
Nous avons parlé aussi du commerce bilatéral £ il y a, vous le savez sans doute, un fort déséquilibre en faveur de la France £ il y a un certain nombre de productions équatoriennes sur lesquelles mes interlocuteurs équatoriens ont insisté puisque plusieurs de nos ministres ont conduit des conversations au cours de ces dernières heures avec leurs homologues équatoriens, en particulier sur le problème des bananes dont vous êtes un fort producteur. Nous avons d'autres circuits, nous en France, spécialement avec l'Afrique pour nos importations. Donc cela mérite examen de notre part. De toute manière, nous nous sommes entendus sur l'envoi d'une mission par la France en Equateur, d'une mission d'assistance pour faire le compte, pour identifier, comme l'on dit dans ce langage, les produits exportables à partir de l'Equateur, le cas échéant contribuer à une meilleure commercialisation de ces produits et ouvrir notre marché français. Je vous dis cela sans que ce soit un engagement précis de ma part car cela mérite évidemment une étude très approfondie. Dans les échanges subtils qui occupent le commerce international qui sont souvent des fusils à tir courbe, on fait un accord ici dont les conséquences se font là, mais par exemple pour votre pêche de crevettes, nous pourrions examiner de quelle façon, dans le cadre de cette étude pour identifier les produits exportables, elle ne pourrait pas prendre une plus grande place sur le marché français. Bref, nous ne fermons pas la porte, au contraire nous l'ouvrons.
- Mais il m'est impossible a priori et dans la discussion entre les experts de conclure. Cela n'a donc qu'une valeur d'indication, sinon qu'il est certain qu'à la suite de cette étude, il y aura des accords entre l'Equateur et la France pour améliorer la balance commerciale. On verra par quel biais on s'y prendra. Je donne les indications qui sont concrètes et qui méritent encore examen. L'assistance technique pour un certain nombre de biens. L'Equateur achète à la France un certain nombre d'équipements, il faut bien que nous nous entendions pour que la France en facilite l'entretien cela va de soi.
- Pour le reste, il s'agit de problèmes qui échappent à l'analyse financière immédiate : je vais donc laisser la parole à d'autres journalistes pour que nous puissions développer cette conférence de presse. Alors je répète pour l'utilisation de ces 310 millions de francs auxquels s'ajouteront 20 millions sous forme de don : chemin de fer, modernisation, adduction d'eau, on a même noté la province de Manabie et la ville d'Ibarra et le développement de l'habitat social. Position favorable de la France au sein des organismes internationaux, particulièrement au sein du Club de Paris pour que l'Equateur obtienne les satisfactions dont il a besoin sur le plan de sa dette. Renforcement du commerce bilatéral. Voilà l'essentiel de nos conversations.\
QUESTION.- Ma question s'adresse aux deux Présidents, la question de la drogue est aujourd'hui dans tous les esprits, or vous n'en avez parlé ni l'un, ni l'autre hier soir dans vos discours officiels. Faut-il en conclure que vous n'en avez pas parlé et sinon si vous en avez parlé, pourriez-vous nous dire quelle mesure vous avez décidé de prendre en commun ?
- LE PRESIDENT.- Je vous rassure tout de suite, nous avons beaucoup parlé, hier et ce matin. Mais il ne nous est pas apparu comme indispensable d'en parler dès maintenant car l'Equateur, beaucoup par la vigilance de ses gouvernements, échappe pour l'instant à la production de la drogue et sert surtout de lieu de passage à un certain nombre d'avions allant d'un pays à l'autre, vers la Colombie généralement. Donc ce n'est pas un sujet spécifique équatorien-français. C'est un problème de caractère général qui frappe particulièrement cette région du monde quant à la production et à l'existence de bandes de trafiquants. Donc nous n'avons pas de réponse propre à l'Equateur et à la France. En revanche nous avons bien entendu des projets pour qu'une campagne mondiale de sensibilisation, pour que des décisions internationales soient prises. Mais il ne nous a pas semblé que c'était à Quito que les choses devaient être traitées de cette façon. Mais je vous rassure - je le répète - nous en avons beaucoup parlé et ce matin encore. Le Président Borja vous dira de quelle façon il considère ce problème. Cela est de son domaine.\
`Réponse à la question sur la drogue` LE PRESIDENT BORJA.- En réalité nous avons abordé longuement ce thème du trafic des stupéfiants avec le Président Mitterrand. Nous avons passé en revue la situation dramatique de la Colombie et ce qui se passe dans les pays voisins producteurs de la drogue. L'Equateur en ce moment n'est pas un pays producteur de drogue. Il n'y a pas de champ de culture de drogue sur son territoire. Mais de toute façon ce n'est pas pour cela que nous allons être tranquilles parce que j'ai l'idée très claire que d'autres pays ont ajourné la lutte contre la drogue et l'ont commencée lorsque c'était déjà trop tard, lorsque celle-ci avait déjà corrompu l'Etat. Combattre dans ces conditions, c'est beaucoup plus difficile que le faire maintenant comme je le dis dans mon pays où nous sommes juste à temps car la drogue en Equateur est une affaire, un négoce qui commence tout juste en ce moment. C'est donc un problème qui nous préoccupe de façon fondamentale. Nous avons parlé avec le Président Mitterrand et nous avons dit qu'il fallait unir les efforts entre les pays producteurs, les pays de transit de drogue également, les pays où se produit le blanchiment de dollars qui provient du trafic des stupéfiants en harmonie avec les pays consommateurs du Nord afin que d'un commun accord on puisse combattre ce fléau moderne de l'humanité. Nous sommes tout à fait d'accord sur le fait que tant qu'il y aura une consommation il y aura une offre. Par conséquent il faut combattre le trafic illicite des drogues sur les deux fronts : production et consommation afin que nos efforts puissent être couronnés de succès. En ce qui concerne les points plus concrets sur lesquels nous sommes parvenus à un accord, se trouve la souscription d'un accord de collaboration entre la France et l'Equateur par l'intermédiaire de nos ministres de l'intérieur respectivement afin de concevoir un plan et l'appliquer pour lutter contre le trafic des stupéfiants. D'autre part, selon des informations que m'a donné le ministre de l'information de l'Equateur ce matin, il existe un engagement de la part de la France de fournir des équipements électroniques et des équipements d'informatique aux forces de la police équatorienne afin que celle-ci soit plus efficace pour lutter contre le trafic des stupéfiants. Comme l'a dit le Président Mitterrand, l'Equateur actuellement est un pays de transit aérien de la drogue et nous avons donc besoin d'empêcher qu'il en soit ainsi. Et nous allons y parvenir. Nous avons créé comme une palissade pour empêcher que les trafiquants de la Colombie poursuivis par leur gouvernement essayent de pénétrer en Equateur. Nous avons fait comme un cordon. Nous voulons être sûrs, vous pouvez être sûrs que nous avons une volonté politique de fer pour lutter contre le trafic des stupéfiants dans notre pays et pour collaborer avec tous les pays du monde qui veulent déployer le même effort.\
`suite de la réponse du Président Borja à la question sur la drogue` Pour changer de sujet et reprendre le sujet antérieur, je voudrais compléter le magnifique exposé du Président Mitterrand à savoir que le crédit des 310 millions de francs français que nous allons recevoir signifie environ 30 milliards de sucre `monnaie équatorienne`. Et ceci est conçu à long terme à des conditions favorables 25 années de délais dont 5 années de grâce et 4,69 % d'intérêt, c'est-à-dire que ce sont des conditions extrêmement favorables pour l'économie équatorienne. Outre ceci, le gouvernement français donne la somme de 20 millions de francs, ce qui équivaut à 2 milliards de sucre pour différents travaux de contenu social, de politique sociale en Equateur. Comme le Président l'a déjà mentionné sur les 310 millions de dollars, 165 millions vont être consacrés à une première étape de réhabilitation des chemins de fer équatoriens £ une oeuvre de très grand contenu social. Telle est donc la première étape de cette oeuvre. Au cours d'une deuxième et d'une troisième étape, nous recevrons une plus grande coopération financière et technologique dans le domaine des chemins de fer afin de compléter notre objectif de réaménager les 900 kilomètres de lignes de chemin de fer qui vont depuis la Sierra ou la Cordillière jusqu'à la côte et qui constituent un système de transport bon marché, commode, pratique et démocratique pour notre peuple. Le solde sera consacré comme l'a déjà mentionné le Président Mitterrand à des travaux d'eau potable dans la province de Manabie et également dans la province de Imbabola qui sont absolument inhabitables.
- En définitive, je crois que les accords de coopération technique et financière auxquels nous sommes parvenus avec le Président Mitterrand sont extrêment positifs pour notre pays.\
LE PRESIDENT.- J'ai voulu laisser le président Borja exposer lui-même la manière dont il concevait pour son territoire la manière de lutter contre la drogue indépendamment des mesures de caractère général et international qu'il conviendra de prendre. Pour que tout soit clair et que des questions ne soient pas posées dans tous les sens, je répondrai dès maintenant que des initiatives importantes ont déjà été prises par la France. Nous avons saisi notamment lors de la réunion du Sommet de l'Arche à Paris, le 14 juillet, nos partenaires d'un plan de travail qui a été élargi à d'autres pays. Ils sont quinze actuellement dont tous les membres de la Communauté européenne afin d'élaborer un plan et particulièrement de s'attaquer au problème bancaire du blanchiment de l'argent. D'autre part, j'ai saisi les Douze, les onze partenaires de la Communauté européenne et le Président de la Commission dans mes fonctions de Président de cette Communauté pour qu'ils désignent chacun un délégué chargé spécialement de la lutte contre la drogue. Ces représentant devraient être conduits à se réunir et à travailler en se donnant eux-mêmes une structure afin de lancer des initiatives, de les proposer aux gouvernements et de ne pas laisser ce problème indistinct dans les compétences traditionnelles mais perdues parmi tant d'autres choses des ministères traditionnels. J'ai déjà reçu plusieurs réponses favorables. C'est en cours. Enfin, j'ai déjà beaucoup insisté dans des correspondances qui ne sont pas encore publiques mais qui le seront sur les problèmes que nous posent les banques. Il y a de nombreux procédés qui peuvent être envisagés pour exercer un contrôle. Ce n'est qu'un peu plus tard que je pourrais vous en dire davantage puisque c'est à l'état d'élaboration et de discussion et non pas encore au stade de la décision. C'est un des points centraux. S'il est possible aux narco-trafiquants de mettre leur argent un peu partout en lui donnant une allure honorable, nous n'arriverons pas au bout de nos peines. Il faut donc traquer cet argent jusque-là. Enfin, j'ai déjà lancé plusieurs appels que je réitère de Quito, afin que la société internationale s'organise pour considérer ce danger comme le pire danger de l'époque présente et pour employer à cet effet les moyens qui conviennent. C'est dans cet esprit que je me rendrai cet après-midi à Bogota et que je rencontrerai le Président Barco dans son palais présidentiel afin que le témoignage soit apporté publiquement de la solidarité qu'il convient de donner à un Président et à un gouvernement courageux comme l'on sait particulièrement exposé. Ce matin le Président Borja qui m'a précisément - je le confirme - longuement parlé de la drogue m'a donné un certain nombre de conseils.\
QUESTION.- Monsieur le Président, sans insister trop sur la drogue, une seule précision. En ce qui concerne la possibilité des mécanismes pour débusquer l'argent du blanchiment de la drogue dans les organismes internationaux, il semblerait qu'un mécanisme de ce genre pourrait provoquer un déséquilibre sur les marchés financiers. C'est pourquoi le Président des Etats-Unis s'oppose à des mesures de ce genre. Monsieur Le Président Mitterrand quelle est votre opinion à ce égard ?
- LE PRESIDENT.- Je ne ferai connaître mon opinion sur l'ensemble de ce problème, après les indications que je vous ai données, qu'après en avoir fait le tour, c'est-à-dire après avoir vu le Président colombien et après avoir entendu les réponses de mes partenaires européens et de mes partenaires du Sommet des pays industrialisés. Il faudra donc attendre peu de temps, très peu de semaines pour que j'apporte la réponse à cette question dont je reconnais l'importance. Pour l'instant, afin d'alerter l'opinion, il se pose des questions. Je travaille aux réponses, je n'ai pas fini mon enquête et je ne peux pas m'engager seul au nom de collectivités qui ont pour mission d'apporter la réponse qui ne relève pas de la France seule.
- Alors, si vous le permettez, un peu de patience, et nous développerons un plan qui précisera les positions qui sont les nôtres par rapport aux propositions américaines. Je salue au passage l'attitude du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique et, particulièrement, du Président Bush. On peut discuter des méthodes qu'il préconise quant à la manière de traiter sur le plan national le problème de la consommation de la drogue, le débat est ouvert. Mais on ne peut pas discuter selon moi la qualité de l'intention et la volonté de lutte marquées par le Président Bush. Ce sont ces données-là qui m'inspirent moi-même, mais c'est seulement quand j'aurai fait le tour des différentes chancelleries qu'il me sera possible de parler en leur nom.\
QUESTION.- Monsieur le Président, parallèlement aux efforts que vont déployer les membres de la CEE pour apporter un appui logistique aux pays qui sont engagés dans la lutte contre le trafic de la drogue et le blanchiment de l'argent de la drogue, est-ce que des mesures seront prises au niveau des ministres de l'intérieur de l'Europe des Douze afin de parer à tout éventuel transfert des trafiquants sur le continent ?
- LE PRESIDENT.- Il faut bien le prévoir. Déjà, il y a une certaine progression du trafic de drogue en Europe. Pour la France, je dois dire que nos services de prévention et de sécurité fonctionnent bien. Leur action a permis de réduire la pression. Mais d'une façon générale, l'Europe est plus ouverte qu'hier à ce péril. Il est sûr que tout développement global d'une lutte contre la drogue répandra, transportera sur tous les continents, en particulier en Europe, le dispositif de lutte. Il faut bien s'y attendre, il serait tout à fait léger de penser que le problème ne se pose pas dans ces termes. J'espère que vous pourrez faire confiance et imaginer que certaines dispositions seront prises.\
QUESTION.- ... contre les trafiquants du Cartel de Medellin. Deuxième question, vous avez évoqué l'autre jour à Caracas des institutions honorables qui s'occupent du blanchiment de l'argent en Europe, dans quels pays d'Europe monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas un geste spectaculaire de ma part que d'aller à Bogota. Bogota est la capitale d'un Etat qui fait partie de la communauté internationale, je m'y suis déjà rendu, j'y retourne. Ce n'était pas prévu parce que la lutte contre la drogue n'avait pas pris cette acuité et le gouvernement colombien ne s'était pas à ce point distingué dans une lutte où il est fort exposé. Donc, c'est un geste de solidarité et en même temps d'information qui me permettra d'entendre l'avis du Président Barco. Mais il faut qu'il sache qu'il n'est pas seul. Je ne serai pas le premier à lui apporter ce concours. Mais puisque les circonstances veulent que le Président de la République française préside aussi la Communauté de l'Europe, j'aurai bien des choses à lui dire. La première, c'est que nous faisons front ensemble contre la menace. Quant à savoir de quelle façon sera abordée cette conversation, attendez un peu. Je ne vais pas faire précéder ma rencontre avec le Président Barco par des déclarations préalables. Ce serait inélégant à son égard et peut-être a-t-il certaines mesures qui exigent une certaine discrétion. Donc, attendez un peu et on vous en parlera.
- Je refuse tout à fait l'idée de spectacle ou de spectaculaire. C'est une démarche tout à fait naturelle pour un Chef d'Etat engagé dans la lutte contre la drogue et contre les trafiquants que de prêter grande attention à celui qui se trouve aujourd'hui en première ligne.
- Quant au blanchiment, là aussi, vous allez bien vite. Vous voudriez que je désigne tel ou tel pays. J'ai bien mon idée, mais j'ai l'impression qu'il faut pousser notre contrôle, donc notre curiosité plus loin. Il est possible que dans chacun des pays de la Communauté, il est tout à fait possible qu'il existe des banques complaisantes. Il n'existe pas, en tout cas pas en France, de place pour le blanchiment de l'argent, mais il peut exister des banques complaisantes. Si tel était le cas, bien entendu, elles ne pourraient pas l'être longtemps. Mais ce n'est pas en France que se trouve véritablement le noeud de l'affaire. C'est vrai, là vous aviez raison de le dire si je comprends un peu vos arrières-pensées. Mais je ne vais pas procéder à des dénonciations qui, en tout cas, seraient prématurées. Je le répète, j'ai bien mon idée, il y a des pays que je sais être tout à fait disposés à se soumettre à une discipline internationale. Certains de ces pays qui ont des fortes positions bancaires, montrent par là-même du courage. J'aimerais que ce courage fut également partagé, mais nous en parlerons.\
QUESTION.- Vous avez dit en mars de cette année, dans une réunion de la banque interaméricaine de développement, votre préoccupation spéciale, monsieur le Président, des éclats sociaux qui pourraient être provoqués dans les pays en voie de développement en raison de la faim et de la misère. Cette préoccupation sociale de votre part, monsieur le Président, s'est reflétée, l'année dernière lorsque l'on a remis une partie de la dette publique des pays africains. Récemment, le ministre des affaires de France a exprimé également aux Nations unies, sa préoccupation de soulager la dette extérieure des pays d'Amérique latine en voie de développement. Il y a peu, le Directeur du Fonds monétaire international Michel Camdessus, a répudié les politiques graduelles de réajustement de l'économie comme celles qui ont lieu en Equateur et a demandé l'adoption de politique de choc sévère pour avoir la possibilité de faire une reprise économique.
- Que diriez-vous, monsieur le Président, que diraient la France et la Communauté économique européenne, que pourriez-vous offrir en tant que politique vers l'Amérique latine pour offrir vraiment des solutions valides et pratiques pour résoudre le problème de la dette extérieur ?
- LE PRESIDENT.- C'est un développement que j'ai souvent fait au cours de mes conférences de presse et je ne voudrais pas lasser les journalistes qui ont coutume de les suivre et qui connaissent par coeur mes arguments. Mais enfin, vous me posez la question, je vais tenter d'y répondre. J'ai alerté l'opinion publique internationale dans de grandes circonstances. Je me suis adressé aux Nations unies en particulier et j'ai profité des Sommets des grands pays industriels pour indiquer qu'à mon sens, la réduction du fossé qui sépare les pays riches des pays pauvres ou des pays intermédiaires, est le principal danger qui pèse sur l'équilibre mondial et à la limite sur la paix du monde. Je me souviens même d'avoir employé cette comparaison en disant, c'est plus dangereux que la bombe atomique, que l'arme nucléaire. Parce que l'arme nucléaire est détenue par de grands pays responsables qui peuvent contrôler leur mouvement, alors que le problème de la misère et les désordres qu'on peut en attendre, deviendrait très vite incontrôlable et c'est le monde tout entier qui en supporterait les conséquences. Donc je place comme préoccupation majeure, mais vous savez à quel point j'ai approuvé et continuerai d'approuver tout ce qui ira dans le sens du désarmement. Mais le problème majeur, c'est celui du développement, lequel développement est lui-même enrayé essentiellement pour l'instant par l'endettement. C'est donc à l'endettement qu'il faut s'attaquer par priorité. La France est un pays fortement créancier et créancier de dettes qui ne sont pas remboursées. Cela ne change rien au raisonnement que je tiens et la France le montre, puisqu'elle a renoncé, du moins telle est la proposition et je ne vois pas comment le Parlement français qui est orienté dans ce sens, pas simplement la majorité de ce Parlement, mais aussi une partie de l'opposition, comment il pourrait refuser de procéder à l'annulation totale de la dette publique à l'égard de la France dans 35 pays d'Afrique les plus pauvres, compte tenu de mesures prises supplémentaires dont je vous ferai l'économie, mais qui signifient encore un peu plus de renonciation de la part de la France. Cela représente entre 16 et 18 milliards de francs pour l'instant. Naturellement pas en une année mais au fur et à mesure des remboursements prévus par ces dettes. Donc, c'est une annulation totale.\
`suite sur la dette` Ne pouvant assumer au nom de la France la charge globale d'une annulation totale, partout, ne pouvant pas m'engager pour les banques privées dans le domaine de la dette privée, ne pouvant pas non plus répondre aux besoins ressentis par de grands nombres de pays aujourd'hui endettés, j'estime que seule une réponse internationale globale permettra d'approcher d'une solution utile. C'est pourquoi j'ai fait plusieurs propositions, l'une à Toronto, au Sommet des pays industrialisés offrant trois modalités différentes de réduction de la dette. La France, pour sa part, a appliqué par la réduction initiale du tiers de la dette, les mesures qu'elle préconisait et le Club de Paris a approuvé ces dispositions, l'ensemble de ces propositions.
- Devant les Nations unies, j'ai demandé la création d'un fonds mutilatéral qui devrait recevoir de l'argent frais qui serait naturellement essentiellement fourni par les pays riches. A cette fin, les procédures ne sont pas nombreuses. J'en ai préconisé une, elle peut être discutée, celle de la création de droits de tirage spéciaux qui représenteraient une somme finalement en nombre de milliards de dollars de peu d'importance par rapport à l'ensemble des transactions ou simplement des OPA, qui se déroulent chaque jour et parfois même des OPA qui font bouger des milliards pour la simple conquête d'un siège de PDG.
- Pendant la crise boursière qui a secoué les colonnes du temple il y a quelques temps, plus d'argent dépensé en une semaine, volatilisé, qu'il n'en aurait fallu pour résoudre le problème global de l'endettement. C'est dire à quel point nous marchons sur la tête et à quel point les grands pays responsables et plus riches manquent de sérieux pour la protection de leurs propres intérêts, pour la solidarité à l'égard des pays plus pauvres et pour la paix et l'équilibre dans le monde. Est-ce que c'est clair ? La France ne peut pas assumer à elle seule l'ensemble de ces charges. Elle annonce à l'avance qu'elle est prête à s'y associer et à fournir sa quote-part en plus des mesures déjà prises.
- Une métjode a été jusqu'ici préférée, je ne m'y suis pas opposé parce que c'est un progrès par rapport à l'indifférence, c'est la méthode du cas par cas dont le plan Brady est l'expression. Personnellement, j'en vois les limites pour dire même le fond de ma pensée je ne crois guère que l'examen cas par cas permette d'aboutir à une réponse satisfaisante. Enfin, on va bien voir ce que devient le cas par cas mexicain ou philippin.
- C'est donc une position qu'il s'agit d'envisager pour traiter maintenant du cas des pays intermédiaires, ceux qui ne sont pas pauvres mais qui sont trop endettés pour refaire redémarrer leur propre économie. Et c'est là maintenant le point sensible, car dès que ces pays auront retrouvé l'élan vers la prospérité, ils contribueront puissamment à la résolution de la crise économique mondiale et nous entrerons dans une nouvelle phase, cette fois-ci prospère et prospère pour le plus grand nombre.\
`suite sur la dette` Voilà ce que je peux vous répondre. Politique de choc, oui, il faut une politique de choc dans la mesure où il faut que ces décisions interviennent vite, sans quoi s'accumuleront les désastres, et pas par quatre chemins. Mais il y a peut-être au moins quatre procédures, alors là il faut en discuter avec les uns et les autres. La conviction n'est pas faite dans certains milieux très puissants du bien fondé des thèses de la France, il nous reste donc à convaincre un certain nombre de nos partenaires. Mais telles sont nos dispositions. Et si ce problème des pays intermédiaires était traité comme il convient, nous n'aurions pas à nous poser toutes ces questions ce matin sur la situation de l'Equateur. C'est un pays qui est en voie de redressement lui-même, qui est mené par une politique ferme et une politique de progrès et qui se sent constamment arrêté dans son élan par le poids de ses charges. La France participe à l'allègement d'une manière qui peut être appréciée comme peu importante mais c'est parce que les relations commerciales entre l'Equateur et la France sont assez peu importantes. Je veux dire que la dette de l'Equateur à la France n'est pas une des dettes les plus lourdes, mais on pourrait dire alors : il serait facile à la France de l'annuler aussi. Théoriquement, c'est vrai, et je ne demanderais pas mieux, mais nous sommes nous-mêmes solidaires des dispositions internationales au sein des institutions auxquelles nous appartenons, et surtout quand nous les présidons. Cela nécessite donc une démarche dont j'ai parlé au Président Borja et que nous allons développer au cours des semaines prochaines. Voilà monsieur, ce que je peux vous répondre à ce sujet.\
QUESTION.- Je voudrais vous demander, monsieur le Président de la France, comment vous envisagez le comportement de votre homologue des Etats-Unis face aux pays du tiers monde, fondamentalement en ce qui concerne la sensibilisation des pays développés. Que pensez-vous de votre homologue des Etats-Unis en ce qui concerne ce problème ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que les plus grands pays dotés d'une très grande puissance financière n'ont pas encore fait ce qu'il convenait de faire pour résoudre ce problème. Cela fait longtemps, huit ans, que je le répète. Moi, je considère, je ne vais pas me répéter, que c'est le problème le plus grave que nous ayons maintenant à traiter £ beaucoup de dirigeants font passer d'autres priorités avant celle-là, il faut donc ajuster peu à peu une politique mondiale sur laquelle nous soyons d'accord. Je dois dire que mes relations avec le Président Bush me paraissent comme prometteuses de certains infléchissements dans la politique des grands pays riches. C'est un homme à l'esprit ouvert, qui connaît admirablement ses dossiers, et qui aussi bien dans les problèmes spécifiques à l'Europe, aux événements considérables qui s'y déroulent, que par rapport aux problèmes du tiers monde, a une disposition d'esprit ainsi que le secrétaire d'Etat, M. Baker, qui peut nous laisser espérer que les Etats-Unis d'Amérique prendront davantage en compte ce problème capital. C'est donc sur une note optimiste que je vous répondrai.\
- Je ne pourrais que confirmer ce qui vient d'être dit sur l'intérêt, l'agrément, et j'espère l'utilité de ce voyage en Equateur. Mes premiers mots seront pour remercier le Président Borja dont l'accueil a été amical, personnel en même temps qu'il m'a permis de mieux approcher l'ensemble des problèmes propres à l'Equateur. Et ces remerciements, je les adresse au peuple équatorien qui nous a accompagné tout le long de cette visite à Quito avec une sincérité, une spontanéité qui m'a beaucoup touché. J'espère que plus encore que par le passé, il nous sera donné de donner aux relations de nos deux pays une tournure nouvelle, plus productive, plus réaliste. Cela est possible, mais nous allons en parler dans un moment, indépendamment des liens qui eux sont très anciens et permanents, qui sont d'ordre culturel et affectif. Ils sont très forts si l'on songe à l'histoire de nos deux pays aux inter-actions par la pensée philosophique et politique, et au fait que depuis déjà quelques siècles, nos deux pays ont collaboré, travaillé ensemble dans de nombreux domaines scientifiques. C'est donc un voyage qui, pour moi, m'apparaît comme extrêmement utile, prometteur, et qui m'a procuré, je dois le dire, beaucoup de satisfactions de tous ordres, le seul regret en étant la brièveté. Mais cela peut se réparer d'autres fois si le destin nous est favorable, nous nous reverrons. J'avais déjà rencontré le Président de l'Equateur, nos actions surtout s'étaient rencontrées sur tous les itinéraires de la politique internationale.
- Nous allons maintenant commencer la conférence de presse proprement dite, mais je voudrais que cette note personnelle soit soulignée particulièrement par la presse équatorienne qui a droit également à ma gratitude pour la manière dont elle a exposé très largement et très complètement les éléments de ce voyage. Merci.
- Je crois que nous pourrions demander à mesdames et messieurs les journalistes de bien vouloir poser les questions de leur choix. Il suffit maintenant de les écouter.\
QUESTION.- Monsieur le Président Mitterrand, je voudrais vous demander fondamentalement quels sont les principaux accords de coopération auxquels vous êtes parvenu ? Merci d'être venu à notre pays et je voudrais que vous me disiez quelles sont les mesures visant à résoudre nos problèmes économiques de façon concrète. Merci monsieur le Président.
- LE PRESIDENT.- Cela s'adresse à moi ? Parce que monsieur le Président, ce n'est pas un signe distinctif tout le monde est président d'ailleurs. Je vous remercie de me poser la question.
- Le principal de nos accords tourne autour d'une assistance financière, de certains éléments de la dette, du commerce bilatéral, tenons-nous en à cela pour l'instant puisque c'est la question qui m'est posée.
- Sur le plan financier, le principal concerne une lettre d'intention signée pour 310 millions de francs, dont 165 millions affectés plus spécifiquement à la rénovation de la ligne de chemin de fer central de l'Equateur. Dans les sommes qui restent, j'attirerai votre attention sur les adductions d'eau. Il est apparu comme très important aux autorités équatoriennes de moderniser, de développer leurs lignes de chemin de fer et la France connaît bien et pratique beaucoup cette technologie. Elle est tout à fait disposée à contribuer à l'équipement de l'Equateur. Cependant, il ne faut pas se dissimuler que 165 millions de francs consacrés à la rénovation de cette ligne de chemin de fer seront insuffisants. J'ai donc dit au Président Borja que je considérais qu'il s'agissait là d'un engagement à répétition, que nous poursuivrions cet effort dans une deuxième étape. Nous avons besoin d'abord de digérer la première, de la mettre en oeuvre, de l'achever mais l'Equateur doit savoir que nous n'arrêterons pas là cet effort initial. Cela restera à débattre mais dès maintenant j'en informe publiquement la presse, la France sera présente pour participer dans des conditions similaires, que je ne peux exactement estimer aujourd'hui à la continuation de la rénovation de cette ligne de chemin de fer.\
Quant à la dette, notre conversation avec le Président Borja s'est beaucoup portée sur la possibilité d'accords bilatéraux sur ce point. J'ai indiqué au Président que la France avait déjà procédé à l'annulation de la dette publique à l'égard de trente-cinq pays d'Afrique, sans compter d'autres dispositions dont je vous ferai grâce, mais qui représentent une charge supplémentaire pour nos finances publiques.
- La France est un pays créancier d'une façon importante sur l'ensemble de l'Amérique latine, particulièrement au Brésil. Alors, je suis pris entre deux positions contraires £ la première me pousse à donner raison au Président Borja. Il serait normal qu'un pays comme le vôtre, travailleur, actif, dont le redressement est amorcé, qui dispose de richesses naturelles, et surtout de la capacité de travail de son peuple, soit encouragé à cesser, par des accords bilatéraux, d'être freiné dans son développement par le poids de la dette. Indépendemment des problèmes de caractère global dont je vais dire un mot dans un instant, la France est tout prête à contribuer de son côté, mais par un accord directement Equateur-France, cela mérite d'être étudié. Je crais et je l'ai dit au Président Borja, je crains un peu la contagion. En effet, admettre des positions différentes selon le pays en dehors des liens privilégiés que nous avons avec l'Afrique, c'est un problème politique qui risque de se poser à nous, politique et financier. Cependant, il y a actuellement un certain nombre d'indices qui permettent de penser que le Fonds monétaire international devrait favoriser un quatrième rééchelonnement de la dette équatorienne. La France exerce actuellement la présidence du Club de Paris qui mettra en oeuvre les dispositions qui restent à prendre. Elle se fera l'avocat au sein de ce Club de Paris qu'elle préside pour que toutes les facilités possibles soient mises à la disposition de l'Equateur, et pour que des mesures sérieuses, conséquentes, permettent à l'Equateur de trouver une réponse favorable. Donc tout cela va être fait.
- Quant à l'accord particulier, celui qui a été annoncé par la presse espagnole, il y a quelques temps, d'un accord spécifique entre l'Espagne et l'Equateur sur le problème de la dette, sans doute s'agit-il pour l'instant d'intention, indépendamment des aides directes. Quant à la remise de la dette, il faut d'abord que nous passions par le Club de Paris. Alors dans quelle mesure est-ce que nous pourrons prendre une attitude singulière, particulière. J'ai demandé au Président Borja d'avoir le temps d'étudier cette question à mon retour, avec bien entendu dans mon esprit l'intention de rendre plus concrète encore l'amitié qui nous lie.\
Nous avons parlé aussi du commerce bilatéral £ il y a, vous le savez sans doute, un fort déséquilibre en faveur de la France £ il y a un certain nombre de productions équatoriennes sur lesquelles mes interlocuteurs équatoriens ont insisté puisque plusieurs de nos ministres ont conduit des conversations au cours de ces dernières heures avec leurs homologues équatoriens, en particulier sur le problème des bananes dont vous êtes un fort producteur. Nous avons d'autres circuits, nous en France, spécialement avec l'Afrique pour nos importations. Donc cela mérite examen de notre part. De toute manière, nous nous sommes entendus sur l'envoi d'une mission par la France en Equateur, d'une mission d'assistance pour faire le compte, pour identifier, comme l'on dit dans ce langage, les produits exportables à partir de l'Equateur, le cas échéant contribuer à une meilleure commercialisation de ces produits et ouvrir notre marché français. Je vous dis cela sans que ce soit un engagement précis de ma part car cela mérite évidemment une étude très approfondie. Dans les échanges subtils qui occupent le commerce international qui sont souvent des fusils à tir courbe, on fait un accord ici dont les conséquences se font là, mais par exemple pour votre pêche de crevettes, nous pourrions examiner de quelle façon, dans le cadre de cette étude pour identifier les produits exportables, elle ne pourrait pas prendre une plus grande place sur le marché français. Bref, nous ne fermons pas la porte, au contraire nous l'ouvrons.
- Mais il m'est impossible a priori et dans la discussion entre les experts de conclure. Cela n'a donc qu'une valeur d'indication, sinon qu'il est certain qu'à la suite de cette étude, il y aura des accords entre l'Equateur et la France pour améliorer la balance commerciale. On verra par quel biais on s'y prendra. Je donne les indications qui sont concrètes et qui méritent encore examen. L'assistance technique pour un certain nombre de biens. L'Equateur achète à la France un certain nombre d'équipements, il faut bien que nous nous entendions pour que la France en facilite l'entretien cela va de soi.
- Pour le reste, il s'agit de problèmes qui échappent à l'analyse financière immédiate : je vais donc laisser la parole à d'autres journalistes pour que nous puissions développer cette conférence de presse. Alors je répète pour l'utilisation de ces 310 millions de francs auxquels s'ajouteront 20 millions sous forme de don : chemin de fer, modernisation, adduction d'eau, on a même noté la province de Manabie et la ville d'Ibarra et le développement de l'habitat social. Position favorable de la France au sein des organismes internationaux, particulièrement au sein du Club de Paris pour que l'Equateur obtienne les satisfactions dont il a besoin sur le plan de sa dette. Renforcement du commerce bilatéral. Voilà l'essentiel de nos conversations.\
QUESTION.- Ma question s'adresse aux deux Présidents, la question de la drogue est aujourd'hui dans tous les esprits, or vous n'en avez parlé ni l'un, ni l'autre hier soir dans vos discours officiels. Faut-il en conclure que vous n'en avez pas parlé et sinon si vous en avez parlé, pourriez-vous nous dire quelle mesure vous avez décidé de prendre en commun ?
- LE PRESIDENT.- Je vous rassure tout de suite, nous avons beaucoup parlé, hier et ce matin. Mais il ne nous est pas apparu comme indispensable d'en parler dès maintenant car l'Equateur, beaucoup par la vigilance de ses gouvernements, échappe pour l'instant à la production de la drogue et sert surtout de lieu de passage à un certain nombre d'avions allant d'un pays à l'autre, vers la Colombie généralement. Donc ce n'est pas un sujet spécifique équatorien-français. C'est un problème de caractère général qui frappe particulièrement cette région du monde quant à la production et à l'existence de bandes de trafiquants. Donc nous n'avons pas de réponse propre à l'Equateur et à la France. En revanche nous avons bien entendu des projets pour qu'une campagne mondiale de sensibilisation, pour que des décisions internationales soient prises. Mais il ne nous a pas semblé que c'était à Quito que les choses devaient être traitées de cette façon. Mais je vous rassure - je le répète - nous en avons beaucoup parlé et ce matin encore. Le Président Borja vous dira de quelle façon il considère ce problème. Cela est de son domaine.\
`Réponse à la question sur la drogue` LE PRESIDENT BORJA.- En réalité nous avons abordé longuement ce thème du trafic des stupéfiants avec le Président Mitterrand. Nous avons passé en revue la situation dramatique de la Colombie et ce qui se passe dans les pays voisins producteurs de la drogue. L'Equateur en ce moment n'est pas un pays producteur de drogue. Il n'y a pas de champ de culture de drogue sur son territoire. Mais de toute façon ce n'est pas pour cela que nous allons être tranquilles parce que j'ai l'idée très claire que d'autres pays ont ajourné la lutte contre la drogue et l'ont commencée lorsque c'était déjà trop tard, lorsque celle-ci avait déjà corrompu l'Etat. Combattre dans ces conditions, c'est beaucoup plus difficile que le faire maintenant comme je le dis dans mon pays où nous sommes juste à temps car la drogue en Equateur est une affaire, un négoce qui commence tout juste en ce moment. C'est donc un problème qui nous préoccupe de façon fondamentale. Nous avons parlé avec le Président Mitterrand et nous avons dit qu'il fallait unir les efforts entre les pays producteurs, les pays de transit de drogue également, les pays où se produit le blanchiment de dollars qui provient du trafic des stupéfiants en harmonie avec les pays consommateurs du Nord afin que d'un commun accord on puisse combattre ce fléau moderne de l'humanité. Nous sommes tout à fait d'accord sur le fait que tant qu'il y aura une consommation il y aura une offre. Par conséquent il faut combattre le trafic illicite des drogues sur les deux fronts : production et consommation afin que nos efforts puissent être couronnés de succès. En ce qui concerne les points plus concrets sur lesquels nous sommes parvenus à un accord, se trouve la souscription d'un accord de collaboration entre la France et l'Equateur par l'intermédiaire de nos ministres de l'intérieur respectivement afin de concevoir un plan et l'appliquer pour lutter contre le trafic des stupéfiants. D'autre part, selon des informations que m'a donné le ministre de l'information de l'Equateur ce matin, il existe un engagement de la part de la France de fournir des équipements électroniques et des équipements d'informatique aux forces de la police équatorienne afin que celle-ci soit plus efficace pour lutter contre le trafic des stupéfiants. Comme l'a dit le Président Mitterrand, l'Equateur actuellement est un pays de transit aérien de la drogue et nous avons donc besoin d'empêcher qu'il en soit ainsi. Et nous allons y parvenir. Nous avons créé comme une palissade pour empêcher que les trafiquants de la Colombie poursuivis par leur gouvernement essayent de pénétrer en Equateur. Nous avons fait comme un cordon. Nous voulons être sûrs, vous pouvez être sûrs que nous avons une volonté politique de fer pour lutter contre le trafic des stupéfiants dans notre pays et pour collaborer avec tous les pays du monde qui veulent déployer le même effort.\
`suite de la réponse du Président Borja à la question sur la drogue` Pour changer de sujet et reprendre le sujet antérieur, je voudrais compléter le magnifique exposé du Président Mitterrand à savoir que le crédit des 310 millions de francs français que nous allons recevoir signifie environ 30 milliards de sucre `monnaie équatorienne`. Et ceci est conçu à long terme à des conditions favorables 25 années de délais dont 5 années de grâce et 4,69 % d'intérêt, c'est-à-dire que ce sont des conditions extrêmement favorables pour l'économie équatorienne. Outre ceci, le gouvernement français donne la somme de 20 millions de francs, ce qui équivaut à 2 milliards de sucre pour différents travaux de contenu social, de politique sociale en Equateur. Comme le Président l'a déjà mentionné sur les 310 millions de dollars, 165 millions vont être consacrés à une première étape de réhabilitation des chemins de fer équatoriens £ une oeuvre de très grand contenu social. Telle est donc la première étape de cette oeuvre. Au cours d'une deuxième et d'une troisième étape, nous recevrons une plus grande coopération financière et technologique dans le domaine des chemins de fer afin de compléter notre objectif de réaménager les 900 kilomètres de lignes de chemin de fer qui vont depuis la Sierra ou la Cordillière jusqu'à la côte et qui constituent un système de transport bon marché, commode, pratique et démocratique pour notre peuple. Le solde sera consacré comme l'a déjà mentionné le Président Mitterrand à des travaux d'eau potable dans la province de Manabie et également dans la province de Imbabola qui sont absolument inhabitables.
- En définitive, je crois que les accords de coopération technique et financière auxquels nous sommes parvenus avec le Président Mitterrand sont extrêment positifs pour notre pays.\
LE PRESIDENT.- J'ai voulu laisser le président Borja exposer lui-même la manière dont il concevait pour son territoire la manière de lutter contre la drogue indépendamment des mesures de caractère général et international qu'il conviendra de prendre. Pour que tout soit clair et que des questions ne soient pas posées dans tous les sens, je répondrai dès maintenant que des initiatives importantes ont déjà été prises par la France. Nous avons saisi notamment lors de la réunion du Sommet de l'Arche à Paris, le 14 juillet, nos partenaires d'un plan de travail qui a été élargi à d'autres pays. Ils sont quinze actuellement dont tous les membres de la Communauté européenne afin d'élaborer un plan et particulièrement de s'attaquer au problème bancaire du blanchiment de l'argent. D'autre part, j'ai saisi les Douze, les onze partenaires de la Communauté européenne et le Président de la Commission dans mes fonctions de Président de cette Communauté pour qu'ils désignent chacun un délégué chargé spécialement de la lutte contre la drogue. Ces représentant devraient être conduits à se réunir et à travailler en se donnant eux-mêmes une structure afin de lancer des initiatives, de les proposer aux gouvernements et de ne pas laisser ce problème indistinct dans les compétences traditionnelles mais perdues parmi tant d'autres choses des ministères traditionnels. J'ai déjà reçu plusieurs réponses favorables. C'est en cours. Enfin, j'ai déjà beaucoup insisté dans des correspondances qui ne sont pas encore publiques mais qui le seront sur les problèmes que nous posent les banques. Il y a de nombreux procédés qui peuvent être envisagés pour exercer un contrôle. Ce n'est qu'un peu plus tard que je pourrais vous en dire davantage puisque c'est à l'état d'élaboration et de discussion et non pas encore au stade de la décision. C'est un des points centraux. S'il est possible aux narco-trafiquants de mettre leur argent un peu partout en lui donnant une allure honorable, nous n'arriverons pas au bout de nos peines. Il faut donc traquer cet argent jusque-là. Enfin, j'ai déjà lancé plusieurs appels que je réitère de Quito, afin que la société internationale s'organise pour considérer ce danger comme le pire danger de l'époque présente et pour employer à cet effet les moyens qui conviennent. C'est dans cet esprit que je me rendrai cet après-midi à Bogota et que je rencontrerai le Président Barco dans son palais présidentiel afin que le témoignage soit apporté publiquement de la solidarité qu'il convient de donner à un Président et à un gouvernement courageux comme l'on sait particulièrement exposé. Ce matin le Président Borja qui m'a précisément - je le confirme - longuement parlé de la drogue m'a donné un certain nombre de conseils.\
QUESTION.- Monsieur le Président, sans insister trop sur la drogue, une seule précision. En ce qui concerne la possibilité des mécanismes pour débusquer l'argent du blanchiment de la drogue dans les organismes internationaux, il semblerait qu'un mécanisme de ce genre pourrait provoquer un déséquilibre sur les marchés financiers. C'est pourquoi le Président des Etats-Unis s'oppose à des mesures de ce genre. Monsieur Le Président Mitterrand quelle est votre opinion à ce égard ?
- LE PRESIDENT.- Je ne ferai connaître mon opinion sur l'ensemble de ce problème, après les indications que je vous ai données, qu'après en avoir fait le tour, c'est-à-dire après avoir vu le Président colombien et après avoir entendu les réponses de mes partenaires européens et de mes partenaires du Sommet des pays industrialisés. Il faudra donc attendre peu de temps, très peu de semaines pour que j'apporte la réponse à cette question dont je reconnais l'importance. Pour l'instant, afin d'alerter l'opinion, il se pose des questions. Je travaille aux réponses, je n'ai pas fini mon enquête et je ne peux pas m'engager seul au nom de collectivités qui ont pour mission d'apporter la réponse qui ne relève pas de la France seule.
- Alors, si vous le permettez, un peu de patience, et nous développerons un plan qui précisera les positions qui sont les nôtres par rapport aux propositions américaines. Je salue au passage l'attitude du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique et, particulièrement, du Président Bush. On peut discuter des méthodes qu'il préconise quant à la manière de traiter sur le plan national le problème de la consommation de la drogue, le débat est ouvert. Mais on ne peut pas discuter selon moi la qualité de l'intention et la volonté de lutte marquées par le Président Bush. Ce sont ces données-là qui m'inspirent moi-même, mais c'est seulement quand j'aurai fait le tour des différentes chancelleries qu'il me sera possible de parler en leur nom.\
QUESTION.- Monsieur le Président, parallèlement aux efforts que vont déployer les membres de la CEE pour apporter un appui logistique aux pays qui sont engagés dans la lutte contre le trafic de la drogue et le blanchiment de l'argent de la drogue, est-ce que des mesures seront prises au niveau des ministres de l'intérieur de l'Europe des Douze afin de parer à tout éventuel transfert des trafiquants sur le continent ?
- LE PRESIDENT.- Il faut bien le prévoir. Déjà, il y a une certaine progression du trafic de drogue en Europe. Pour la France, je dois dire que nos services de prévention et de sécurité fonctionnent bien. Leur action a permis de réduire la pression. Mais d'une façon générale, l'Europe est plus ouverte qu'hier à ce péril. Il est sûr que tout développement global d'une lutte contre la drogue répandra, transportera sur tous les continents, en particulier en Europe, le dispositif de lutte. Il faut bien s'y attendre, il serait tout à fait léger de penser que le problème ne se pose pas dans ces termes. J'espère que vous pourrez faire confiance et imaginer que certaines dispositions seront prises.\
QUESTION.- ... contre les trafiquants du Cartel de Medellin. Deuxième question, vous avez évoqué l'autre jour à Caracas des institutions honorables qui s'occupent du blanchiment de l'argent en Europe, dans quels pays d'Europe monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas un geste spectaculaire de ma part que d'aller à Bogota. Bogota est la capitale d'un Etat qui fait partie de la communauté internationale, je m'y suis déjà rendu, j'y retourne. Ce n'était pas prévu parce que la lutte contre la drogue n'avait pas pris cette acuité et le gouvernement colombien ne s'était pas à ce point distingué dans une lutte où il est fort exposé. Donc, c'est un geste de solidarité et en même temps d'information qui me permettra d'entendre l'avis du Président Barco. Mais il faut qu'il sache qu'il n'est pas seul. Je ne serai pas le premier à lui apporter ce concours. Mais puisque les circonstances veulent que le Président de la République française préside aussi la Communauté de l'Europe, j'aurai bien des choses à lui dire. La première, c'est que nous faisons front ensemble contre la menace. Quant à savoir de quelle façon sera abordée cette conversation, attendez un peu. Je ne vais pas faire précéder ma rencontre avec le Président Barco par des déclarations préalables. Ce serait inélégant à son égard et peut-être a-t-il certaines mesures qui exigent une certaine discrétion. Donc, attendez un peu et on vous en parlera.
- Je refuse tout à fait l'idée de spectacle ou de spectaculaire. C'est une démarche tout à fait naturelle pour un Chef d'Etat engagé dans la lutte contre la drogue et contre les trafiquants que de prêter grande attention à celui qui se trouve aujourd'hui en première ligne.
- Quant au blanchiment, là aussi, vous allez bien vite. Vous voudriez que je désigne tel ou tel pays. J'ai bien mon idée, mais j'ai l'impression qu'il faut pousser notre contrôle, donc notre curiosité plus loin. Il est possible que dans chacun des pays de la Communauté, il est tout à fait possible qu'il existe des banques complaisantes. Il n'existe pas, en tout cas pas en France, de place pour le blanchiment de l'argent, mais il peut exister des banques complaisantes. Si tel était le cas, bien entendu, elles ne pourraient pas l'être longtemps. Mais ce n'est pas en France que se trouve véritablement le noeud de l'affaire. C'est vrai, là vous aviez raison de le dire si je comprends un peu vos arrières-pensées. Mais je ne vais pas procéder à des dénonciations qui, en tout cas, seraient prématurées. Je le répète, j'ai bien mon idée, il y a des pays que je sais être tout à fait disposés à se soumettre à une discipline internationale. Certains de ces pays qui ont des fortes positions bancaires, montrent par là-même du courage. J'aimerais que ce courage fut également partagé, mais nous en parlerons.\
QUESTION.- Vous avez dit en mars de cette année, dans une réunion de la banque interaméricaine de développement, votre préoccupation spéciale, monsieur le Président, des éclats sociaux qui pourraient être provoqués dans les pays en voie de développement en raison de la faim et de la misère. Cette préoccupation sociale de votre part, monsieur le Président, s'est reflétée, l'année dernière lorsque l'on a remis une partie de la dette publique des pays africains. Récemment, le ministre des affaires de France a exprimé également aux Nations unies, sa préoccupation de soulager la dette extérieure des pays d'Amérique latine en voie de développement. Il y a peu, le Directeur du Fonds monétaire international Michel Camdessus, a répudié les politiques graduelles de réajustement de l'économie comme celles qui ont lieu en Equateur et a demandé l'adoption de politique de choc sévère pour avoir la possibilité de faire une reprise économique.
- Que diriez-vous, monsieur le Président, que diraient la France et la Communauté économique européenne, que pourriez-vous offrir en tant que politique vers l'Amérique latine pour offrir vraiment des solutions valides et pratiques pour résoudre le problème de la dette extérieur ?
- LE PRESIDENT.- C'est un développement que j'ai souvent fait au cours de mes conférences de presse et je ne voudrais pas lasser les journalistes qui ont coutume de les suivre et qui connaissent par coeur mes arguments. Mais enfin, vous me posez la question, je vais tenter d'y répondre. J'ai alerté l'opinion publique internationale dans de grandes circonstances. Je me suis adressé aux Nations unies en particulier et j'ai profité des Sommets des grands pays industriels pour indiquer qu'à mon sens, la réduction du fossé qui sépare les pays riches des pays pauvres ou des pays intermédiaires, est le principal danger qui pèse sur l'équilibre mondial et à la limite sur la paix du monde. Je me souviens même d'avoir employé cette comparaison en disant, c'est plus dangereux que la bombe atomique, que l'arme nucléaire. Parce que l'arme nucléaire est détenue par de grands pays responsables qui peuvent contrôler leur mouvement, alors que le problème de la misère et les désordres qu'on peut en attendre, deviendrait très vite incontrôlable et c'est le monde tout entier qui en supporterait les conséquences. Donc je place comme préoccupation majeure, mais vous savez à quel point j'ai approuvé et continuerai d'approuver tout ce qui ira dans le sens du désarmement. Mais le problème majeur, c'est celui du développement, lequel développement est lui-même enrayé essentiellement pour l'instant par l'endettement. C'est donc à l'endettement qu'il faut s'attaquer par priorité. La France est un pays fortement créancier et créancier de dettes qui ne sont pas remboursées. Cela ne change rien au raisonnement que je tiens et la France le montre, puisqu'elle a renoncé, du moins telle est la proposition et je ne vois pas comment le Parlement français qui est orienté dans ce sens, pas simplement la majorité de ce Parlement, mais aussi une partie de l'opposition, comment il pourrait refuser de procéder à l'annulation totale de la dette publique à l'égard de la France dans 35 pays d'Afrique les plus pauvres, compte tenu de mesures prises supplémentaires dont je vous ferai l'économie, mais qui signifient encore un peu plus de renonciation de la part de la France. Cela représente entre 16 et 18 milliards de francs pour l'instant. Naturellement pas en une année mais au fur et à mesure des remboursements prévus par ces dettes. Donc, c'est une annulation totale.\
`suite sur la dette` Ne pouvant assumer au nom de la France la charge globale d'une annulation totale, partout, ne pouvant pas m'engager pour les banques privées dans le domaine de la dette privée, ne pouvant pas non plus répondre aux besoins ressentis par de grands nombres de pays aujourd'hui endettés, j'estime que seule une réponse internationale globale permettra d'approcher d'une solution utile. C'est pourquoi j'ai fait plusieurs propositions, l'une à Toronto, au Sommet des pays industrialisés offrant trois modalités différentes de réduction de la dette. La France, pour sa part, a appliqué par la réduction initiale du tiers de la dette, les mesures qu'elle préconisait et le Club de Paris a approuvé ces dispositions, l'ensemble de ces propositions.
- Devant les Nations unies, j'ai demandé la création d'un fonds mutilatéral qui devrait recevoir de l'argent frais qui serait naturellement essentiellement fourni par les pays riches. A cette fin, les procédures ne sont pas nombreuses. J'en ai préconisé une, elle peut être discutée, celle de la création de droits de tirage spéciaux qui représenteraient une somme finalement en nombre de milliards de dollars de peu d'importance par rapport à l'ensemble des transactions ou simplement des OPA, qui se déroulent chaque jour et parfois même des OPA qui font bouger des milliards pour la simple conquête d'un siège de PDG.
- Pendant la crise boursière qui a secoué les colonnes du temple il y a quelques temps, plus d'argent dépensé en une semaine, volatilisé, qu'il n'en aurait fallu pour résoudre le problème global de l'endettement. C'est dire à quel point nous marchons sur la tête et à quel point les grands pays responsables et plus riches manquent de sérieux pour la protection de leurs propres intérêts, pour la solidarité à l'égard des pays plus pauvres et pour la paix et l'équilibre dans le monde. Est-ce que c'est clair ? La France ne peut pas assumer à elle seule l'ensemble de ces charges. Elle annonce à l'avance qu'elle est prête à s'y associer et à fournir sa quote-part en plus des mesures déjà prises.
- Une métjode a été jusqu'ici préférée, je ne m'y suis pas opposé parce que c'est un progrès par rapport à l'indifférence, c'est la méthode du cas par cas dont le plan Brady est l'expression. Personnellement, j'en vois les limites pour dire même le fond de ma pensée je ne crois guère que l'examen cas par cas permette d'aboutir à une réponse satisfaisante. Enfin, on va bien voir ce que devient le cas par cas mexicain ou philippin.
- C'est donc une position qu'il s'agit d'envisager pour traiter maintenant du cas des pays intermédiaires, ceux qui ne sont pas pauvres mais qui sont trop endettés pour refaire redémarrer leur propre économie. Et c'est là maintenant le point sensible, car dès que ces pays auront retrouvé l'élan vers la prospérité, ils contribueront puissamment à la résolution de la crise économique mondiale et nous entrerons dans une nouvelle phase, cette fois-ci prospère et prospère pour le plus grand nombre.\
`suite sur la dette` Voilà ce que je peux vous répondre. Politique de choc, oui, il faut une politique de choc dans la mesure où il faut que ces décisions interviennent vite, sans quoi s'accumuleront les désastres, et pas par quatre chemins. Mais il y a peut-être au moins quatre procédures, alors là il faut en discuter avec les uns et les autres. La conviction n'est pas faite dans certains milieux très puissants du bien fondé des thèses de la France, il nous reste donc à convaincre un certain nombre de nos partenaires. Mais telles sont nos dispositions. Et si ce problème des pays intermédiaires était traité comme il convient, nous n'aurions pas à nous poser toutes ces questions ce matin sur la situation de l'Equateur. C'est un pays qui est en voie de redressement lui-même, qui est mené par une politique ferme et une politique de progrès et qui se sent constamment arrêté dans son élan par le poids de ses charges. La France participe à l'allègement d'une manière qui peut être appréciée comme peu importante mais c'est parce que les relations commerciales entre l'Equateur et la France sont assez peu importantes. Je veux dire que la dette de l'Equateur à la France n'est pas une des dettes les plus lourdes, mais on pourrait dire alors : il serait facile à la France de l'annuler aussi. Théoriquement, c'est vrai, et je ne demanderais pas mieux, mais nous sommes nous-mêmes solidaires des dispositions internationales au sein des institutions auxquelles nous appartenons, et surtout quand nous les présidons. Cela nécessite donc une démarche dont j'ai parlé au Président Borja et que nous allons développer au cours des semaines prochaines. Voilà monsieur, ce que je peux vous répondre à ce sujet.\
QUESTION.- Je voudrais vous demander, monsieur le Président de la France, comment vous envisagez le comportement de votre homologue des Etats-Unis face aux pays du tiers monde, fondamentalement en ce qui concerne la sensibilisation des pays développés. Que pensez-vous de votre homologue des Etats-Unis en ce qui concerne ce problème ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que les plus grands pays dotés d'une très grande puissance financière n'ont pas encore fait ce qu'il convenait de faire pour résoudre ce problème. Cela fait longtemps, huit ans, que je le répète. Moi, je considère, je ne vais pas me répéter, que c'est le problème le plus grave que nous ayons maintenant à traiter £ beaucoup de dirigeants font passer d'autres priorités avant celle-là, il faut donc ajuster peu à peu une politique mondiale sur laquelle nous soyons d'accord. Je dois dire que mes relations avec le Président Bush me paraissent comme prometteuses de certains infléchissements dans la politique des grands pays riches. C'est un homme à l'esprit ouvert, qui connaît admirablement ses dossiers, et qui aussi bien dans les problèmes spécifiques à l'Europe, aux événements considérables qui s'y déroulent, que par rapport aux problèmes du tiers monde, a une disposition d'esprit ainsi que le secrétaire d'Etat, M. Baker, qui peut nous laisser espérer que les Etats-Unis d'Amérique prendront davantage en compte ce problème capital. C'est donc sur une note optimiste que je vous répondrai.\