11 octobre 1989 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, au cours de la cérémonie à l'hôtel de ville de Quito, notamment sur la ville de Quito et sur l'importance des municipalités dans l'établissement et le maintien de la démocratie, le mercredi 11 octobre 1989.

Monsieur le maire,
- A peine suis-je arrivé en Equateur, et voilà que je me vois offrir les clés de Quito. Vous m'invitez au coeur de votre ville, en cette place qui porte le beau nom d'Indépendance, et je dois vous dire à quel point je suis sensible à ce geste de confiance et d'amitié.
- Mesdames et messieurs, chacun sait que Quito est un lieu exceptionnel. Les voyageurs et leurs récits ont situé Quito au premier rang des cités qui par leur charme et leur beauté retiennent l'esprit. Et s'il avait fallu une estampille officielle, ce qui n'était pas nécessaire, ce sont les nations du monde entier réunies à l'UNESCO qui l'ont proclamé.
- Je n'ai fait qu'apercevoir la ville comme mes compagnons de voyage, adossée à la colline de Penelillo, construite à la façopn d'un théâtre, et j'ai pu commencer d'entrevoir cette sorte d'ordre que la lumière visitera certainement avant notre départ, cette rigueur alliée à l'éclat des couleurs, ce qu'un de vos grands écrivains, Benjamin Carrlon a appelé "l'énigme de Quito". Voilà ce qui attire d'emblée et je me réjouis de pouvoir aujourd'hui et demain commencer à la découvrir.
- Comment n'aurais-je pas été sensible à l'accueil de la population, tout le long de ces rues et sur ces places, le mouvement spontané du coeur, la manière dont on acclame la France, dont on la reconnaît dans ses représentants. Cette ville dispose d'une histoire qui la prépare à recevoir quiconque vient du reste du monde pour la visiter. J'aurais aimé pouvoir dire à chacun de ceux qui se pressaient sur notre passage les sentiments que j'éprouvais £ après tout, il n'était pas nécessaire d'avoir des interprêtes pour comprendre ce langage-là.
- Et je vais leur dire quand même ce que je pense, ville héroïque qui, la première, appela à l'indépendance, ville où Bolivar et Sucre connurent la gloire et l'amour, Quito figure en bonne place sur la liste qu'a établie l'histoire, celle des villes éprises de liberté. C'est au nom de la liberté que le Président Antonio Flores Jijon vint représenter votre pays à l'exposition universelle de 1889, afin d'inaugurer celui des pavillons qui était le plus proche de la Tour Eiffel. A un siècle de distance, c'est avec un plaisir très grand que je fais le parcours inverse de Paris jusqu'à vous.\
Vous avez bien voulu, monsieur le maire, que je remercie particulièrement, évoquer le rôle des villes et de leur municipalité dans la vie d'un pays et dans l'établissement de la démocratie. Ce mouvement municipal remonte aussi chez nous jusqu'aux racines de notre histoire du plus lointain Moyen-Age, manière d'affirmer dès l'origine en face des pouvoirs dynastiques ou aristocratiques la réalité vivante de notre peuple. Ce fût un long apprentissage, plusieurs fois séculaire, mais les libertés résidèrent là, protégées autant que faire se pouvait par le pouvoir des municipalités.
- Il y a un peu plus d'un siècle, la République française définissait le véritable statut des communes de France et leur donnait les compétences qui marquent bien que notre démocratie repose essentiellement sur ces milliers de petites circonscriptions locales où vit la France. Et plus récemment, au cours de ces huit dernières années, j'ai veillé à ce que non seulement les communes mais aussi les collectivités locales, départements et régions pussent à la faveur d'une audacieuse décentralisation réaliser leur véritable vocation qui est de gérer les intérêts de ceux qui vivent là. J'ai donc écouté avec une vive attention ce que vous me disiez à l'instant, monsieur le maire de Quito. Enfin, désormais et, grâce à vous, citoyen d'honneur moi-même de Quito, j'en conserverai le souvenir comme le feront tous mes compatriotes qui m'accompagnent aujourd'hui. De la même façon, nos deux pays seront encore un peu plus proches car la géographie qui nous sépare s'efface devant l'histoire. L'histoire, qui est réductrice de distances, qui aujourd'hui, réduit la planète, qui rassemble les problèmes qui nous deviennent communs, qui nous unit dans l'amitié, qui fait de nous les habitants d'une même terre.\