25 septembre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors du dîner offert en l'honneur de Son Altesse Cheikh Jaber al Ahmad al Sabah, émir du Koweit, sur les relations franco-koweitiennes, les conflits du Proche-Orient et la remise de la dette des pays les plus pauvres, Paris, le 25 septembre 1989.
Altesse,
- C'est pour nous tous, et particulièrement, je puis le dire, pour ma femme et pour moi-même, un honneur de vous accueillir ce soir au Palais de l'Elysée ainsi que les membres de votre famille et les personnalités qui vous accompagnent.
- J'avais eu, il y a trois ans, le plaisir de me rendre à Koweit, où j'avais pu apprécier la grande hospitalité de Votre Altesse. Nous nous sommes revus à Paris l'an dernier. Dans le même temps, les visites ministérielles se sont multipliées à la mesure du développement de notre coopération dans de multiples domaines. J'ai tenu, nous avons tenu, l'un et l'autre, à ce que cette visite d'Etat vînt couronner les excellentes relations entre nos deux pays.
- Vous êtes le souverain éclairé d'un pays ami. Vous êtes aussi le représentant d'une des plus vieilles dynasties du Moyen-Orient. On se souvient ici - parce que nous vous connaissons depuis longtemps - que dès 1758, un voyageur hollandais relatait le choix, quelques années plus tôt, de votre ancêtre Sabah comme Cheikh de Koweit, que son fils Abdallah a régné pendant plus d'un demi-siècle et sut asseoir, par sa sagesse, l'autorité de votre famille, les Al Sabah, sur l'Emirat. Tous les témoins de cette époque notent que le Koweit se singularisait pas sa modération dans une région déjà troublée par les rivalités et les conflits de toute nature. C'est grâce à sa capacité de maintenir la sécurité du commerce que le "fortin" - puisque telle est la signification du mot Koweit - a pu devenir un carrefour important au fond du Golfe, assurant le transit des marchandises entre les Indes et la Syrie, veillant à la sûreté des caravanes qui chaloupaient vers Alep et des navires qui faisaient voile vers Bombay.
- Le Koweit d'aujourd'hui est fidèle à cette ancienne tradition de raison et d'équilibre. Le développement économique de votre pays en est une preuve. Les atouts naturels dont vous disposez ont été utilisés de façon remarquable. Vous avez su organiser un Etat qui assume la charge des services essentiels pour chaque citoyen. Conscient de la nécessité de ne pas faire dépendre le pays d'une seule ressource, aussi importante soit-elle, vous avez également diversifié l'origine de vos revenus nationaux. Il est tout à fait remarquable qu'aujourd'hui les produits financiers occupent une part égale à celle du pétrole dans les recettes du budget. Enfin le considérable effort de modernisation - qui porte sur tous les domaines - s'est réalisé dans le respect de l'héritage culturel du pays, évitant tout heurt et toute rupture dans l'équilibre de votre société.
- Cette heureuse conjonction entre la fidélité à la tradition et l'accueil à la modernité, vous l'avez personnellement voulue, vous y avez vous-même veillé. Chacun sait la part qui vous revient dans l'entreprise exceptionnelle de développement de l'Emirat, menée surtout depuis que vous en occupez les plus hautes fonctions, comme Premier ministre, Prince héritier d'abord, puis à la tête de l'Etat.\
Dans le même temps, l'Emirat a pris dans le concert international, la place qui revient à un pays soucieux de préserver la liberté de ses choix et de jouer un rôle pacifique et modérateur. Sans renier ses attaches régionales, ni ses choix politiques, ni ses amitiés historiques, votre pays a noué des liens à travers la planète entière et s'est engagé résolument dans le mouvement des non-alignés.
- Volonté d'indépendance, fermeté face aux pressions de l'extérieur, les orientations du Koweit - sur les problèmes principaux qui touchent à la vie du monde - sont celles de la France. Comment n'aurions-nous pas, dans ces conditions, un dialogue suivi, une concertation approfondie sur les problèmes qui nous concernent, sur les problèmes internationaux et particulièrement sur ceux de votre région ? Nous en avons évoqué plusieurs lors de notre conversation de cet après-midi.
- Je rappelle que pendant de longues années, votre pays a été situé au voisinage immédiat d'une guerre, la guerre entre l'Irak et l'Iran et l'Emirat a su, sous votre éminente responsabilité, faire face à cette situation délicate, - lorsqu'on regarde une carte de géographie, on s'en rend compte tout aussitôt - avec courage, détermination, dignité, s'attirant l'estime et le respect de tous. La France a pu, de surcroît, apprécier l'accueil que votre pays faisait à ses vaisseaux chargés d'assurer la sécurité du trafic pétrolier. Cette époque de guerre est heureusement révolue, je le souhaite, du moins, et pourtant l'on ne peut encore parler de paix. Mais je constate comme un signe encourageant que le cessez-le-feu instauré il y a un peu plus d'un an a résisté à l'épreuve du temps. On pouvait craindre la précarité de cette situation, après la violence et l'acharnement de huit années d'un des conflits les plus meurtriers depuis la deuxième guerre mondiale. Aucun incident n'est intervenu à la ligne de contact des deux armées, et les anciens belligérants se sont engagés, sur le plan intérieur, dans un effort de reconstruction qui, mieux que toute déclaration, témoigne de leur volonté de paix.
- Cette dernière paix, toutefois, ne sera assurée que le jour où sera acquis un règlement effectif du différend. C'est à quoi s'emploie, avec son énergie - nous le connaissons bien -, le secrétaire général des Nations unies, dont la France soutient l'action, elle qui, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, a participé à l'élaboration et à l'adoption de la Résolution 598. Je sais, Altesse, le travail de conciliation que mène le Koweit avec ses partenaires de la région au sein du Conseil de coopération du Golfe et le rôle personnel et fonctionnel que vous y jouez.\
Votre pays se préoccupe à juste titre de l'état des perspectives de paix, un peu plus loin, au Proche-Orient, sujet important pour tout le monde et particulièrement pour la France.
- Nous avons accueilli avec satisfaction, comme vous le savez, les décisions prises par le Conseil National Palestinien à Alger et les déclarations de M. Arafat.
- A Paris, il a confirmé que la reconnaissance d'Israël, son droit à l'existence et à la sécurité n'étaient plus mis en cause. Tout cela a constitué autant d'étapes importantes rendant envisageable une négociation qui prendrait en considération les droits de chaque partie.
- Les idées varient, elles abondent même sur la façon dont pourrait s'engager cette négociation pour un règlement global. Nous pensons, pour notre part, qu'une conférence internationale en serait le meilleur cadre, assurant la prise en considération de l'ensemble des problèmes, réunissant toutes les parties intéressées. Toutes les voies peuvent être explorées si elles ont pour objectif sincère de conduire à la paix.
- Mais il importe de garder à l'esprit un point très important. Il serait très dangereux de s'accomoder subrepticement ou ouvertement du statu quo. Comment parler de statu quo en Cisjordanie ou à Gaza, quand chaque jour montent l'impatience et la révolte ?\
Il est au Proche-Orient un autre conflit, un autre drame, qui, plus qu'aucun autre je crois, a été cette année au centre de mes préoccupations journalières. Je veux parler du Liban. Pays déchiré, on le sait, le Liban lutte pour sa sécurité, menacée de l'intérieur et de l'extérieur. Nous devons l'aider. Nul ne peut se résigner à l'éclatement ou à l'asservissement de ce pays. Autant qu'une faute morale, ce serait une erreur politique, dont les conséquences seraient lourdes pour la région sans doute mais pour le monde entier. C'est au nom de l'amitié que la France porte au Liban, mais aussi de sa conviction que l'existence, la souveraineté, l'unité de ce pays sont un enjeu international, que la France a agi sur le plan diplomatique et sur le plan humanitaire. Je tiens à souligner que cette action a été menée constamment en appui des initiatives de la Ligue arabe, aujourd'hui dans le cadre du comité des trois chefs d'Etat, auparavant dans celui du Comité des six que présidait Cheikh Sabah. Aussi je salue le courage et la détermination dont il a fait preuve dans l'accomplissement de sa mission, ainsi que la qualité de la coopération qui, à cette occasion, s'est développée entre nous. Je me réjouis de la reprise, par le Comité tripartite, de son action, en lui renouvelant les assurances de notre soutien dans ce rôle central qui est le sien et qui donne des résultats. Je souhaite que son appel au cessez-le-feu, à la levée des blocus, à l'arrêt de livraisons d'armes soit entendu. Quand la sécurité sera rétablie, avec les garanties et les contrôles nécessaires, le dialogue entre Libanais s'instaurera hors de toutes pressions, il appartiendra précisément aux Libanais de définir eux-mêmes le règlement politique qu'attend leur pays.\
Solidarité avec le monde arabe, solidarité avec le tiers monde, problèmes différents sans doute, qui se rejoignent souvent. Eh bien là aussi la France et le Koweit ont adopté des positions très proches l'une de l'autre. Vous avez, Altesse, prononcé il y a un an, devant l'Assemblée générale des Nations unies, un discours capital, où vous vous déclariez en faveur des principes d'une annulation générale des créances publiques détenues sur les pays les moins développés. Et votre pays est un pays largement créditeur. Quelques mois après, lors du Sommet de la francophonie qui s'était tenu à Dakar, j'annonçais mon intention d'effacer la totalité des créances d'aide publique au développement détenues par la France dès lors que le Parlement approuverait cette initiative en faveur de 35 pays les plus pauvres et les plus endettés, particulièrement d'Afrique. Mais même lorsqu'il s'agit de créances commerciales, les Etats et les organisations internationales peuvent créer un cadre favorisant la baisse des taux d'intérêt ou la réduction d'une partie de la valeur des dettes. C'est tout le sens de l'initiative, approuvée lors du dernier Sommet des Sept pays industrialisés, chacun ayant fait connaître sa préférence pour telle ou telle procédure, mais l'objectif commence d'entrée dans le débat permanent des pays les plus riches.
- Altesse, nos conversations de cet après-midi, de ce soir, ont confirmé cette grande convergence de vues que je viens d'évoquer. Vos analyses, à vous qui présidez actuellement la ligue islamique, sont pour nous, on le comprendra, des plus précieuses.\
Nos entretiens ont également mis en lumière, une fois de plus, les sentiments d'estime et d'amitié que nos deux pays éprouvent l'un envers l'autre. Et le désir de renforcer une relation commencée dès la fin du 17ème siècle, lorsque la compagnie des Indes orientales ouvrit à Bassorah un comptoir qui se mit en rapport avec les marchands de Koweit. Aujourd'hui, la liste des domaines où nous travaillons en commun est très longue, la sécurité en fait partie. Nous sommes disposés, nous sommes désireux même, de développer cette coopération dans les secteurs où elle peut être utile. Vous aurez à cet égard, je pense, des discussions, des conversations avec les personnalités françaises que vous recevrez dans les jours à venir.
- Avant de clore cette allocution, qui veut être de bienvenue, et de joie parce que nous attendions déjà depuis longtemps l'occasion qu'une visite d'état nous permît de mettre à son exacte valeur des relations, une relation à laquelle nous tenons.
- Vous êtes parmi nous, à Paris, en France, eh bien je souhaite que l'ensemble des conversations, des rencontres, des entretiens, réponde à votre attente. Soyez sûr en tout cas, que vous êtes accueilli dans ce pays avec une véritable amitié. De toute façon, de même que je le fais moi-même, chacun s'efforcera d'apporter le meilleur au développement de nos relations. Et je tiens dès maintenant à vous adresser tous mes voeux de prospérité et de bonheur, pour vous même, pour ceux qui vous sont chers, pour les membres de votre famille, pour toutes les personnes qui vous ont accompagné, que nous avons le plaisir de recevoir, ce soir, pour le peuple du Koweit, avec lequel le peuple français tient à célébrer une amitié séculaire qui durera à travers le temps, c'est une permanence qui marque la volonté d'une politique, la politique française, la politique koweitienne, à travers les épreuves, par des choix souvent difficiles, mais où nous nous sommes chaque fois trouvés ensemble et du même côté.\
- C'est pour nous tous, et particulièrement, je puis le dire, pour ma femme et pour moi-même, un honneur de vous accueillir ce soir au Palais de l'Elysée ainsi que les membres de votre famille et les personnalités qui vous accompagnent.
- J'avais eu, il y a trois ans, le plaisir de me rendre à Koweit, où j'avais pu apprécier la grande hospitalité de Votre Altesse. Nous nous sommes revus à Paris l'an dernier. Dans le même temps, les visites ministérielles se sont multipliées à la mesure du développement de notre coopération dans de multiples domaines. J'ai tenu, nous avons tenu, l'un et l'autre, à ce que cette visite d'Etat vînt couronner les excellentes relations entre nos deux pays.
- Vous êtes le souverain éclairé d'un pays ami. Vous êtes aussi le représentant d'une des plus vieilles dynasties du Moyen-Orient. On se souvient ici - parce que nous vous connaissons depuis longtemps - que dès 1758, un voyageur hollandais relatait le choix, quelques années plus tôt, de votre ancêtre Sabah comme Cheikh de Koweit, que son fils Abdallah a régné pendant plus d'un demi-siècle et sut asseoir, par sa sagesse, l'autorité de votre famille, les Al Sabah, sur l'Emirat. Tous les témoins de cette époque notent que le Koweit se singularisait pas sa modération dans une région déjà troublée par les rivalités et les conflits de toute nature. C'est grâce à sa capacité de maintenir la sécurité du commerce que le "fortin" - puisque telle est la signification du mot Koweit - a pu devenir un carrefour important au fond du Golfe, assurant le transit des marchandises entre les Indes et la Syrie, veillant à la sûreté des caravanes qui chaloupaient vers Alep et des navires qui faisaient voile vers Bombay.
- Le Koweit d'aujourd'hui est fidèle à cette ancienne tradition de raison et d'équilibre. Le développement économique de votre pays en est une preuve. Les atouts naturels dont vous disposez ont été utilisés de façon remarquable. Vous avez su organiser un Etat qui assume la charge des services essentiels pour chaque citoyen. Conscient de la nécessité de ne pas faire dépendre le pays d'une seule ressource, aussi importante soit-elle, vous avez également diversifié l'origine de vos revenus nationaux. Il est tout à fait remarquable qu'aujourd'hui les produits financiers occupent une part égale à celle du pétrole dans les recettes du budget. Enfin le considérable effort de modernisation - qui porte sur tous les domaines - s'est réalisé dans le respect de l'héritage culturel du pays, évitant tout heurt et toute rupture dans l'équilibre de votre société.
- Cette heureuse conjonction entre la fidélité à la tradition et l'accueil à la modernité, vous l'avez personnellement voulue, vous y avez vous-même veillé. Chacun sait la part qui vous revient dans l'entreprise exceptionnelle de développement de l'Emirat, menée surtout depuis que vous en occupez les plus hautes fonctions, comme Premier ministre, Prince héritier d'abord, puis à la tête de l'Etat.\
Dans le même temps, l'Emirat a pris dans le concert international, la place qui revient à un pays soucieux de préserver la liberté de ses choix et de jouer un rôle pacifique et modérateur. Sans renier ses attaches régionales, ni ses choix politiques, ni ses amitiés historiques, votre pays a noué des liens à travers la planète entière et s'est engagé résolument dans le mouvement des non-alignés.
- Volonté d'indépendance, fermeté face aux pressions de l'extérieur, les orientations du Koweit - sur les problèmes principaux qui touchent à la vie du monde - sont celles de la France. Comment n'aurions-nous pas, dans ces conditions, un dialogue suivi, une concertation approfondie sur les problèmes qui nous concernent, sur les problèmes internationaux et particulièrement sur ceux de votre région ? Nous en avons évoqué plusieurs lors de notre conversation de cet après-midi.
- Je rappelle que pendant de longues années, votre pays a été situé au voisinage immédiat d'une guerre, la guerre entre l'Irak et l'Iran et l'Emirat a su, sous votre éminente responsabilité, faire face à cette situation délicate, - lorsqu'on regarde une carte de géographie, on s'en rend compte tout aussitôt - avec courage, détermination, dignité, s'attirant l'estime et le respect de tous. La France a pu, de surcroît, apprécier l'accueil que votre pays faisait à ses vaisseaux chargés d'assurer la sécurité du trafic pétrolier. Cette époque de guerre est heureusement révolue, je le souhaite, du moins, et pourtant l'on ne peut encore parler de paix. Mais je constate comme un signe encourageant que le cessez-le-feu instauré il y a un peu plus d'un an a résisté à l'épreuve du temps. On pouvait craindre la précarité de cette situation, après la violence et l'acharnement de huit années d'un des conflits les plus meurtriers depuis la deuxième guerre mondiale. Aucun incident n'est intervenu à la ligne de contact des deux armées, et les anciens belligérants se sont engagés, sur le plan intérieur, dans un effort de reconstruction qui, mieux que toute déclaration, témoigne de leur volonté de paix.
- Cette dernière paix, toutefois, ne sera assurée que le jour où sera acquis un règlement effectif du différend. C'est à quoi s'emploie, avec son énergie - nous le connaissons bien -, le secrétaire général des Nations unies, dont la France soutient l'action, elle qui, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, a participé à l'élaboration et à l'adoption de la Résolution 598. Je sais, Altesse, le travail de conciliation que mène le Koweit avec ses partenaires de la région au sein du Conseil de coopération du Golfe et le rôle personnel et fonctionnel que vous y jouez.\
Votre pays se préoccupe à juste titre de l'état des perspectives de paix, un peu plus loin, au Proche-Orient, sujet important pour tout le monde et particulièrement pour la France.
- Nous avons accueilli avec satisfaction, comme vous le savez, les décisions prises par le Conseil National Palestinien à Alger et les déclarations de M. Arafat.
- A Paris, il a confirmé que la reconnaissance d'Israël, son droit à l'existence et à la sécurité n'étaient plus mis en cause. Tout cela a constitué autant d'étapes importantes rendant envisageable une négociation qui prendrait en considération les droits de chaque partie.
- Les idées varient, elles abondent même sur la façon dont pourrait s'engager cette négociation pour un règlement global. Nous pensons, pour notre part, qu'une conférence internationale en serait le meilleur cadre, assurant la prise en considération de l'ensemble des problèmes, réunissant toutes les parties intéressées. Toutes les voies peuvent être explorées si elles ont pour objectif sincère de conduire à la paix.
- Mais il importe de garder à l'esprit un point très important. Il serait très dangereux de s'accomoder subrepticement ou ouvertement du statu quo. Comment parler de statu quo en Cisjordanie ou à Gaza, quand chaque jour montent l'impatience et la révolte ?\
Il est au Proche-Orient un autre conflit, un autre drame, qui, plus qu'aucun autre je crois, a été cette année au centre de mes préoccupations journalières. Je veux parler du Liban. Pays déchiré, on le sait, le Liban lutte pour sa sécurité, menacée de l'intérieur et de l'extérieur. Nous devons l'aider. Nul ne peut se résigner à l'éclatement ou à l'asservissement de ce pays. Autant qu'une faute morale, ce serait une erreur politique, dont les conséquences seraient lourdes pour la région sans doute mais pour le monde entier. C'est au nom de l'amitié que la France porte au Liban, mais aussi de sa conviction que l'existence, la souveraineté, l'unité de ce pays sont un enjeu international, que la France a agi sur le plan diplomatique et sur le plan humanitaire. Je tiens à souligner que cette action a été menée constamment en appui des initiatives de la Ligue arabe, aujourd'hui dans le cadre du comité des trois chefs d'Etat, auparavant dans celui du Comité des six que présidait Cheikh Sabah. Aussi je salue le courage et la détermination dont il a fait preuve dans l'accomplissement de sa mission, ainsi que la qualité de la coopération qui, à cette occasion, s'est développée entre nous. Je me réjouis de la reprise, par le Comité tripartite, de son action, en lui renouvelant les assurances de notre soutien dans ce rôle central qui est le sien et qui donne des résultats. Je souhaite que son appel au cessez-le-feu, à la levée des blocus, à l'arrêt de livraisons d'armes soit entendu. Quand la sécurité sera rétablie, avec les garanties et les contrôles nécessaires, le dialogue entre Libanais s'instaurera hors de toutes pressions, il appartiendra précisément aux Libanais de définir eux-mêmes le règlement politique qu'attend leur pays.\
Solidarité avec le monde arabe, solidarité avec le tiers monde, problèmes différents sans doute, qui se rejoignent souvent. Eh bien là aussi la France et le Koweit ont adopté des positions très proches l'une de l'autre. Vous avez, Altesse, prononcé il y a un an, devant l'Assemblée générale des Nations unies, un discours capital, où vous vous déclariez en faveur des principes d'une annulation générale des créances publiques détenues sur les pays les moins développés. Et votre pays est un pays largement créditeur. Quelques mois après, lors du Sommet de la francophonie qui s'était tenu à Dakar, j'annonçais mon intention d'effacer la totalité des créances d'aide publique au développement détenues par la France dès lors que le Parlement approuverait cette initiative en faveur de 35 pays les plus pauvres et les plus endettés, particulièrement d'Afrique. Mais même lorsqu'il s'agit de créances commerciales, les Etats et les organisations internationales peuvent créer un cadre favorisant la baisse des taux d'intérêt ou la réduction d'une partie de la valeur des dettes. C'est tout le sens de l'initiative, approuvée lors du dernier Sommet des Sept pays industrialisés, chacun ayant fait connaître sa préférence pour telle ou telle procédure, mais l'objectif commence d'entrée dans le débat permanent des pays les plus riches.
- Altesse, nos conversations de cet après-midi, de ce soir, ont confirmé cette grande convergence de vues que je viens d'évoquer. Vos analyses, à vous qui présidez actuellement la ligue islamique, sont pour nous, on le comprendra, des plus précieuses.\
Nos entretiens ont également mis en lumière, une fois de plus, les sentiments d'estime et d'amitié que nos deux pays éprouvent l'un envers l'autre. Et le désir de renforcer une relation commencée dès la fin du 17ème siècle, lorsque la compagnie des Indes orientales ouvrit à Bassorah un comptoir qui se mit en rapport avec les marchands de Koweit. Aujourd'hui, la liste des domaines où nous travaillons en commun est très longue, la sécurité en fait partie. Nous sommes disposés, nous sommes désireux même, de développer cette coopération dans les secteurs où elle peut être utile. Vous aurez à cet égard, je pense, des discussions, des conversations avec les personnalités françaises que vous recevrez dans les jours à venir.
- Avant de clore cette allocution, qui veut être de bienvenue, et de joie parce que nous attendions déjà depuis longtemps l'occasion qu'une visite d'état nous permît de mettre à son exacte valeur des relations, une relation à laquelle nous tenons.
- Vous êtes parmi nous, à Paris, en France, eh bien je souhaite que l'ensemble des conversations, des rencontres, des entretiens, réponde à votre attente. Soyez sûr en tout cas, que vous êtes accueilli dans ce pays avec une véritable amitié. De toute façon, de même que je le fais moi-même, chacun s'efforcera d'apporter le meilleur au développement de nos relations. Et je tiens dès maintenant à vous adresser tous mes voeux de prospérité et de bonheur, pour vous même, pour ceux qui vous sont chers, pour les membres de votre famille, pour toutes les personnes qui vous ont accompagné, que nous avons le plaisir de recevoir, ce soir, pour le peuple du Koweit, avec lequel le peuple français tient à célébrer une amitié séculaire qui durera à travers le temps, c'est une permanence qui marque la volonté d'une politique, la politique française, la politique koweitienne, à travers les épreuves, par des choix souvent difficiles, mais où nous nous sommes chaque fois trouvés ensemble et du même côté.\