19 septembre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République et de M. Anibal Cavaco Silva, Premier ministre du Portugal, sur les différents problèmes de la CEE, la charte des droits sociaux, l'union économique et monétaire, la libre circulation des personnes, l'audiovisuel et l'aide à la Pologne, Lisbonne le 19 septembre 1989.
On m'a demandé d'exposer d'abord ce qui est tout à fait normal, l'objet de ma visite. Une fois examinés les problèmes de fond qui ont été abordés, nous vous ferons connaître l'un et l'autre nos points de vues. Je suis venu essentiellement dans le cadre de ma responsabilité actuelle, Président du Conseil européen. Je m'occupe, en plus de mes responsabilités proprement nationales, de la bonne marche de la Communauté depuis le début juillet et cette mission ne se terminera que fin décembre.
- Un certain nombre de dossiers m'attendaient. Je les ai reçus des mains de M. Felipe Gonzalez que je suis allé voir en premier au moins d'août £ puis je suis allé voir Mme Thatcher à Londres et ma visite à Lisbonne est la troisième. Je continuerai la semaine prochaine avec la Belgique, puis l'Allemagne et puis d'autres encore.
- Les dossiers qu'il convenait d'aborder maintenant pour leur ouvrir des perspectives nouvelles, vous les connaissez.
- L'avancement de l'union économique et monétaire : voilà le premier dossier.
- Les principes en ont été établis lors du Conseil européen de Madrid qui a fixé au 1er juillet 1990 le commencement d'un processus, une fois engagés les travaux préparatoires. Mais ce 1er juillet 1990, c'est dans peu de mois £ on ne peut donc pas négliger la préparation de cette échéance et de ce que sera l'ordre du jour d'une conférence inter-gouvernementale dont le principe a été admis à Madrid.
- Le deuxième dossier, c'est celui de l'Europe sociale. Il apparaît à beaucoup, et notamment il m'apparaît, qu'il ne sera pas concevable de faire avancer l'Europe de la monnaie, de l'économie, des entreprises ... sans faire avancer du même pas l'Europe du travail sous tous ses aspects : sécurité et hygiène dans le travail, conditions de travail, protection sociale etc...
- Troisième dossier, celui de l'audiovisuel. De quelle manière les pays européens sauront-ils protéger leur production, l'accroître surtout, l'organiser, la développer et aborder la concurrence internationale qui vient surtout, sur le plan de la production d'images, des Etats-Unis d'Amérique et, pour ce qui a trait à la technologie, du côté du Japon. Il se trouve qu'au moment même où je parle, se développe d'une façon très importante la haute technologie de l'audiovisuel, - je pense par exemple à la haute définition qui sera soumise, comme d'autres sujets, à l'examen de ce que l'on appelle l'Eureka de l'audiovisuel - les Assises de l'audiovisuel - à la fin du mois de septembre.
- Vous connaissez le débat. Il tourne autour de l'adoption de quotas ou du moins d'une certaine idée de la relation entre la production des pays d'Europe, leur diffusion et la production des pays extérieurs à l'Europe et leur diffusion.\
Un quatrième dossier - plus facile à traiter parce que, là, le consentement général est obtenu, s'il reste même à fixer les modalités - : l'environnement. Vous savez qu'il y a à mettre en place une agence communautaire de l'environnement.
- Nous avons également à mettre au net la négociation dite de Lomé IV, c'est-à-dire le renouvellement des accords entre la Communauté et un certain nombre de pays d'Afrique surtout, mais également des Caraïbes et du Pacifique.
- Le sixième dossier c'est la mise en action d'un certain nombre de décisions déjà prises, notamment sur la libre circulation des personnes, toutes les catégories de personnes. Je pense à l'exemple des étudiants dans leurs universités.
- Nous avons aussi parlé avec M. le Premier ministre d'un problème de caractère mondial - la drogue - et de quelques dossiers de politique extérieure qui se posent à nous, au Portugal comme en France.
- Que devient la Pologne ? Qu'est-ce que les pays de l'Ouest pourraient faire pour la Pologne, la Hongrie et le Liban ? Qu'est-ce qui se passe dans l'ensemble des pays de l'Est ? Ce qui se passe en Extrême-Orient ? Où en sont les démarches pour rétablir la paix là où il existe des conflits régionaux ? Le conflit palestinien, le conflit du Cambodge qui reste d'actualité, le conflit en Namibie... je pourrais multiplier les exemples, sans oublier l'Amérique centrale. Or, la responsabilité d'un Président de la Communauté est très provisoire £ six mois, c'est rapide. Mais on passe le témoin ensuite à un autre et chacun fait ce qu'il peut, par rapport à un certain nombre de considérations générales au regard de l'évolution du monde.
- Voilà de quoi nous avons parlé pendant les quelques heures que nous avons eues devant nous, avec un accueil qui a été pour moi extrêmement sympathique, très agréable, qui est d'ailleurs, l'accueil traditionnel du Portugal lorsque ses amis français viennent le voir mais sur lequel M. le Premier ministre Cavaco a ajouté son atout personnel. C'est donc un voyage rapide, qui a permis, entre responsables habitués à traiter ces questions, de fixer les points de vue sur chacun des domaines considérés - que je n'ai pas tous cités, comme les problèmes d'harmonisation des fiscalités par exemple -.\
QUESTION.- Pensez-vous que la Charte des droits sociaux doit être juridiquement contraignante ? Il y a, en ce moment, un débat à Bruxelles sur le niveau d'intervention de la Commission sur les fusions d'entreprises. Est-ce que les multinationales européennes vous paraissent devoir limiter leur dimension ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas exactement un sujet social. Vous me posez là une question plutôt de conception économique. La Charte sociale n'a pas pour objet de restreindre ou d'accroître l'ère d'action économique de telle ou telle entreprise, de tel ou tel groupe d'entreprises. Elle a pour objet de garantir les droits de ceux qui y travaillent, d'assurer leur sécurité, leur protection sociale. Qu'arrivera-t-il d'eux devant la maladie, l'accident du travail, la vieillesse et de quelle manière l'ensemble de ces travailleurs pourront-ils s'organiser pour défendre ce qu'ils estimeront être leur droit ? Les conditions de travail, voilà l'objet même du débat qui occupe actuellement les pays de la Commuauté, pour donner un contenu à une Charte sociale dont l'esquisse générale a été proposée par la Commission européenne. Il y a certains pays qui expriment des réserves, même sur le principe d'une Charte sociale. Il y a ceux - c'est le cas du plus grand nombre, de la quasi totalité - qui sont prêts à en débattre, mais qui veulent naturellement examiner le contenu d'une façon contradictoire, avec la plus grande précision possible. C'est le travail auquel nous nous sommes attachés.
- L'une de mes collaboratrices était encore il y a quarante-huit heures à Londres pour en débattre, comme je l'avais prévu avec Mme Thatcher, et pour examiner de façon méthodique chacun des aspects des problèmes sociaux qui se posent aux salariés - voir quels sont les points d'accord, les points de désaccord - étant entendu que la France, elle, a une position favorable à l'institution d'une Charte de cet ordre, à son principe. La France est également tout à fait favorable, je l'ai dit à M. le Premier ministre, à considérer qu'il fallait ne pas s'enfermer dans des notions dogmatiques. L'état d'évolution des législations des douze pays d'Europe n'est pas identique. Il faut tenir compte de cette situation et, partant d'un principe commun, admettre toute une série de souplesses à travers le temps pour parvenir à harmoniser effectivement les conditions du travail dans nos douze pays.
- Voilà ce que je peux vous répondre, mais vous m'avez posé une question qui était en dehors du sujet que vous avez vous-même posée, car c'est vous qui avez parlé de Charte sociale.
- Quant à savoir si les différentes entreprises pourront grandir, s'élargir au sein de la Communauté, je n'ai pas entendu dire qu'il y avait quelque projet que ce soit pour freiner l'activité de celles qui s'en révéleront capables.\
QUESTION.- Le gouvernement portugais a proposé un plan pour le redressement économique de l'Angola. Dans quelles mesures la France et la Communauté appuieront-elles cette initiative portugaise ?
- LE PRESIDENT.- C'est un problème essentiel pour l'Angola, important, je pense, pour le Portugal, mais également à considérer avec la plus grande attention par les autres pays dont la France qui entretient des relations actives avec l'Angola.
- Parvenir à la paix en Angola, c'est un objectif majeur. Cela dépend d'abord des Angolais : comme vous le savez, ce n'est pas facile. Nous, pays européens, nous nous efforçons de donner, quand on nous les demande, des conseils tendant à apaiser les esprits et à réduire les antagonismes. Et que le Portugal considère comme un objectif pour lui très important de parvenir, dans ce pays comme dans d'autres, à un minimum d'harmonie et de vie en commun, je ne peux que l'en approuver.
- Savoir si la Communauté peut y contribuer, bien entendu. Ce relais doit être assuré : la convention de Lomé est aussi là pour cela en particulier. La France assume elle-même une charge très lourde - acceptée de grand coeur - par rapport aux pays francophones qui furent autrefois colonisés. Mais le lien est resté vivant. Nous comprenons très bien les soucis et les espérances que le Portugal peut concevoir pour l'Angola, nous considérons que le Portugal a un rôle éminent, directeur dans la Communauté européenne, vis-à-vis d'un pays qu'il connaît bien. De même que la France souhaite l'aide des pays de la Communauté pour l'ensemble des pays avec lesquels elle est historiquement liée, de même, j'estime que la Communauté doit agir identiquement à l'égard de l'Angola.\
QUESTION.- Vous avez parlé de l'aide à la Pologne, est-ce que la Communauté va décider un plan d'ensemble pour soutenir le mouvement de démocratisation dans les pays de l'Est ou est-ce que les diverses initiatives vont toujours se produire pays par pays ?
- LE PRESIDENT.- Je souhaite qu'il y ait un maximum de concertation et d'action communautaires. C'est d'ailleurs la Communauté à laquelle le Sommet des pays industrialisés à Paris a recommandé de rassembler les efforts européens pour donner plus de poids à l'aide que nous entendons destiner à la Pologne. Mais il faut continuer. Jusqu'ici, en effet, quelques pays ont fait un effort, dont la France. PLus nous coordonnerons cette action, mieux cela vaudra car quand vous parlez d'aider la démocratisation, vous voulez dire - j'imagine - contribuer à aider la Pologne à sortir du trou où elle se trouve. La vitalité démocratique de la Pologne s'affirmera d'autant plus qu'elle pourra sortir de la terrible crise qu'elle connaît. Et sur ce plan-là, des efforts communautaires ont commencé £ je souhaite qu'ils s'affirment.\
QUESTION.- Monsieur le Président, quelles sont les intentions de la France pour faire avancer plus vite les dossiers de la libre circulation des personnes dans la Communauté ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez, la libre circulation des personnes, c'est une série de problèmes particuliers, une addition, une mosaïque d'initiatives. n ai déjà pris avec l'Allemagne, selon les cas. Mais il n'y aura pas d'Europe s'il n'y a pas, pour les Européens, le sentiment qu'il existe une communauté ouverte à tous. Alors, on va avancer là où on le peut. Certaines mesures dépendent uniquement de la puissance publique, des puissances publiques. Je voudrais que M. le Premier ministre en parle car j'ai vu que c'était un de ses soucis principaux. On devrait quand même faire plus sur le plan des étudiants et des relations entre les universités. J'en suis tout à fait d'accord. J'espère, dans mon bref mandat, apporter quelques éléments nouveaux de progrès réel dans ce domaine. Vous savez qu'il y a le plan Erasmus - je dois me rendre dans quelques jours à Bologne, qui est la plus ancienne université, on fêtera son neuvième centenaire - et j'ai l'intention justement de saisir l'opinion européenne de ce type de problèmes. J'en parlerai aussi à Strasbourg, au Parlement puis au Conseil européen. Je crois pouvoir dire que la libre circulation des personnes a déjà été au centre des discussions que j'avais entreprises en 1984, lorsque j'avais assumé une première présidence. Cela avait abouti à certaines dispositions communautaires et aussi à des accords franco-allemands, en tant que voisins. Or, le Portugal n'est pas très loin mais nous ne sommes pas directement mitoyens, il faut aussi traiter avec l'Espagne. Nous avons traité avec l'Allemagne puis avec quelques autres pays pour des mesures de sécurité, pour des mesures de police, de législation sur les extraditions, d'autres domaines, puis l'ouverture d'un pays à l'autre pour quiconque désire travailler. La liberté de circulation pour le travail est déjà pratiquement assurée. Encore a-t-on besoin de quelques garanties de sécurité aux frontières de l'Europe. Et comme, pour l'instant, nous vivons encore malgré tout, dans nos frontières nationales, chacun cherche à s'assurer qu'aux frontières de l'Europe des Douze, quand elles donnent sur l'extérieur, les mesures d'ouverture en même temps que les mesures de contrôle soient sérieusement appliquées. On est en plein dans cette discussion. On va avancer et c'est un domaine dans lequel je suis convaincu.\
QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous dire aux journalistes français en particulier, comment vous vivez cette cohabitation politique qui aujourd'hui est appliquée au Portugal ?
- LE PREMIER MINISTRE.- Elle marche très bien. Vous avez toutes les indications pour voir que cela marche très bien. Il n'y a pas de problème dans la coopération, dans le gouvernement et la Présidence de la République. Je pense que les Portugais sont contents de cette cohabitation. Il n'y a pas de conflit et je pense qu'elle a été très utile pour le Portugal. De ma part, je ferai tout le possible pour continuer comme cela parce que je pense que le pays va bénéficier de ce climat entre la Présidence et le gouvernement.
- QUESTION.- Vous croyez que les derniers événements en Allemagne de l'Est peuvent devenir des obstacles pour la construction d'une Europe unie ?
- LE PRESIDENT.- Non, pourquoi voulez-vous que ce soit un obstacle ? Ce serait plutôt une invitation à faire plus et mieux et plus vite, plutôt un encouragement.\
QUESTION.- Est-ce que vous pensez ou pas que l'union économique et monétaire exige l'élaboration d'un nouveau traité européen ?
- LE PRESIDENT.- S'il s'agit de passer par un nouveau traité, moi j'en suis d'accord. Après l'avoir étudié bien entendu, avoir participé à son élaboration, je serais prêt à signer au nom de la France, si cela permet de donner un véritable sens, un véritable contenu à l'union économique et monétaire. Une conférence inter-gouvernementale est d'ailleurs prévue à cet effet. Une conférence inter-gouvernementale, c'est une procédure qui n'est pas habituelle. Elle a été employée en 1985 pour aboutir à l'accord sur le marché unique du Luxembourg. C'est donc parce que l'on parle du nouveau traité, que l'on envisage cette procédure exceptionnelle. J'en suis partisan.
- L'autre question est différente. Quelles que soient les intentions politiques et juridiques qui puissent nous animer, de toute manière nous nous trouvons avec des pays qui connaissent des stades d'évolution différente, qui sont le résultat de longues histoires, qui ont souvent des institutions et des moeurs différentes. Il faut adapter tout cela. C'est pourquoi il faut se défier de tout esprit dogmatique. Il faut vraiment créer la construction dans laquelle nous allons de plus en plus vivre en commun, mais il faut en même temps que chacun se trouve à l'aise, qu'aucun d'entre nous ne soit brutalement mis en situation de crise à cause de son adhésion à l'Europe. Il faut donc que l'Europe soit assez intelligente et assez souple pour permettre des transitions, des délais, des dérogations provisoires. Donc l'union économique et monétaire ne suppose pas, une fois les principes rigoureux établis, que tout d'un coup l'Europe se trouve comme une sorte de caserne dans laquelle les soldats de la compagnie doivent marcher exactement du même pas, au même moment et sous le même commandement, avec la même musique. Il faut savoir comment vivent les hommes, comment évoluent les sociétés et tenir compte de tout cela. Mais l'élan donné, l'objectif, lui, sera encore mieux assuré. Nous verrons avec le temps ce que permettront les évolutions.\
QUESTION.- D'après ce que l'on a entendu vous avez débattu de l'audiovisuel. J'aimerais bien savoir quelle est la position de la Présidence française et aussi du gouvernement portugais face au sujet de la participation des petits pays comme le Portugal dans des contrats et des accords de coopération avec des pays hors de l'Europe, par exemple le Brésil et les pays lusophones en Afrique, comme est le cas du Portugal ?
- LE PRESIDENT.- S'il s'agit pour moi de répondre à votre question, je suis prêt à tout admettre. Quand vous avez dit avec différents pays, j'avais déjà compris qu'il s'agissait du Brésil car le Brésil, c'est un grand pays producteur qui a une place importante dans le monde de l'audiovisuel. Il serait absurde de s'en priver en Europe, mais nous sommes plusieurs pays à avoir des projections extérieures à l'Europe. Donc, il faut aborder ce débat avec le maximum d'esprit pragmatique. L'important pour nous, c'est de protéger nos cultures, nos cultures européennes, spécifiquement européennes. On peut dire que le Brésil est la projection - j'ai employé ce terme - avec ses apports originaux naturellement, d'une vieille culture européenne, d'une forte culture. Nous ne pouvons pas nous en passer. Donc ce que vous appelez ces petits pays, mais petits à grande audience culturelle et linguistique, ils auront toute leur place au sein de l'Europe. Il s'agit, je le répète, simplement d'être intelligent. Mais l'intelligence c'est quelque chose de très répandu, beaucoup plus que le bon sens ou le sens commun en dépit de Descartes. Il suffit d'être intelligent, d'être réaliste, de savoir ce que l'on veut mais il faut que l'Europe soit capable d'affirmer sa capacité de création, de production et de diffusion dans le domaine audiovisuel, afin qu'elle ne soit pas étouffée dès le point de départ par les pays à grande production de masse comme les Etats-Unis d'Amérique ou de haute technologie comme le Japon. On ne va pas nier l'apport de ces deux grands pays, on ne va pas se séparer d'eux, on ne va pas ignorer ce qu'ils sont capables de faire, mais il faut donner le moyen d'agir aux pays européens et à ceux qui parlent leur langage et à ceux qui prennent part à leur culture, surtout s'il s'agit de ce que vous appelez les petits pays par leur dimension territoriale ou démographique mais qui n'en sont pas moins des grands pays sur le mode culturel. Nous allons traiter tout cela, nous le faisons déjà. Mais, à l'heure où je parle, la question qui est posée c'est de savoir de quelle manière cette production européenne sera garantie. Alors cela va des mesures les plus douces aux mesures les plus dures, depuis les quotas, la définition française, jusqu'à l'accord proposé par la Commission européenne par rapport aux productions existantes, ou bien rien du tout, une situation économique dite libérale, qui consisterait à ce qu'il n'y ait aucune réglementation. Cette dernière position n'est pas acceptable. La première, qui est une position française, est difficile à accepter par la plupart de ses partenaires. Il reste une position moyenne qui est celle dont la Commission a donné la meilleure définition. C'est mon travail actuel, il y aura des assises de l'audiovisuel dans quelques jours à Paris. Lorsque j'en aurai connu les résultats, je me permettrai de faire des propositions.\
QUESTION.- Monsieur le Président, toutjours à propos de la Pologne, pouvez-vous nous dire comment vous concevez le plan d'ensemble que vous souhaitez à propos de la Pologne ?
- LE PRESIDENT.- Je souhaite que nous apportions le maximum d'aides financières et techniques et quand je dis techniques, je pense surtout à la formation des cadres dans toutes les formes d'activités polonaises, au fond c'est ce qui manque le plus - mais je dis aussi financières : cela c'est l'immédiat, c'est pour cela que la France a consenti déjà, en avance sur beaucoup d'autres pays, d'abord à rééchelonner sur le plan de la dette quelque 7 milliards de francs et à inscrire des lignes budgétaires d'aides à la Pologne, de crédits pour 600 millions de francs à moyen terme et 150 millions de francs à court terme. Nous sommes déjà en train de faire davantage et nous encourageons surtout nos partenaires à faire avec nous un plan d'ensemble qui rendrait cohérent cet ensemble et qui surtout devrait avoir un effet de choc sur une économie polonaise aujourd'hui en situation de désastre. Voilà, cela c'est une dette financière mais c'est pour maintenant, les Polonais devront se sauver eux-mêmes, il faut simplement leur en donner le moyen. D'abord leur apporter l'oxygène dont ils ont besoin et ensuite leur donner l'instrument qui leur permettra, au bout de quelques années, d'assumer eux-mêmes le destin de la Pologne. C'est en effet mon intention que de soumettre un plan - ce serait peut-être un terme bien ambitieux - mais toute une série de propositions qui permettent de répondre à ces questions.\
- Un certain nombre de dossiers m'attendaient. Je les ai reçus des mains de M. Felipe Gonzalez que je suis allé voir en premier au moins d'août £ puis je suis allé voir Mme Thatcher à Londres et ma visite à Lisbonne est la troisième. Je continuerai la semaine prochaine avec la Belgique, puis l'Allemagne et puis d'autres encore.
- Les dossiers qu'il convenait d'aborder maintenant pour leur ouvrir des perspectives nouvelles, vous les connaissez.
- L'avancement de l'union économique et monétaire : voilà le premier dossier.
- Les principes en ont été établis lors du Conseil européen de Madrid qui a fixé au 1er juillet 1990 le commencement d'un processus, une fois engagés les travaux préparatoires. Mais ce 1er juillet 1990, c'est dans peu de mois £ on ne peut donc pas négliger la préparation de cette échéance et de ce que sera l'ordre du jour d'une conférence inter-gouvernementale dont le principe a été admis à Madrid.
- Le deuxième dossier, c'est celui de l'Europe sociale. Il apparaît à beaucoup, et notamment il m'apparaît, qu'il ne sera pas concevable de faire avancer l'Europe de la monnaie, de l'économie, des entreprises ... sans faire avancer du même pas l'Europe du travail sous tous ses aspects : sécurité et hygiène dans le travail, conditions de travail, protection sociale etc...
- Troisième dossier, celui de l'audiovisuel. De quelle manière les pays européens sauront-ils protéger leur production, l'accroître surtout, l'organiser, la développer et aborder la concurrence internationale qui vient surtout, sur le plan de la production d'images, des Etats-Unis d'Amérique et, pour ce qui a trait à la technologie, du côté du Japon. Il se trouve qu'au moment même où je parle, se développe d'une façon très importante la haute technologie de l'audiovisuel, - je pense par exemple à la haute définition qui sera soumise, comme d'autres sujets, à l'examen de ce que l'on appelle l'Eureka de l'audiovisuel - les Assises de l'audiovisuel - à la fin du mois de septembre.
- Vous connaissez le débat. Il tourne autour de l'adoption de quotas ou du moins d'une certaine idée de la relation entre la production des pays d'Europe, leur diffusion et la production des pays extérieurs à l'Europe et leur diffusion.\
Un quatrième dossier - plus facile à traiter parce que, là, le consentement général est obtenu, s'il reste même à fixer les modalités - : l'environnement. Vous savez qu'il y a à mettre en place une agence communautaire de l'environnement.
- Nous avons également à mettre au net la négociation dite de Lomé IV, c'est-à-dire le renouvellement des accords entre la Communauté et un certain nombre de pays d'Afrique surtout, mais également des Caraïbes et du Pacifique.
- Le sixième dossier c'est la mise en action d'un certain nombre de décisions déjà prises, notamment sur la libre circulation des personnes, toutes les catégories de personnes. Je pense à l'exemple des étudiants dans leurs universités.
- Nous avons aussi parlé avec M. le Premier ministre d'un problème de caractère mondial - la drogue - et de quelques dossiers de politique extérieure qui se posent à nous, au Portugal comme en France.
- Que devient la Pologne ? Qu'est-ce que les pays de l'Ouest pourraient faire pour la Pologne, la Hongrie et le Liban ? Qu'est-ce qui se passe dans l'ensemble des pays de l'Est ? Ce qui se passe en Extrême-Orient ? Où en sont les démarches pour rétablir la paix là où il existe des conflits régionaux ? Le conflit palestinien, le conflit du Cambodge qui reste d'actualité, le conflit en Namibie... je pourrais multiplier les exemples, sans oublier l'Amérique centrale. Or, la responsabilité d'un Président de la Communauté est très provisoire £ six mois, c'est rapide. Mais on passe le témoin ensuite à un autre et chacun fait ce qu'il peut, par rapport à un certain nombre de considérations générales au regard de l'évolution du monde.
- Voilà de quoi nous avons parlé pendant les quelques heures que nous avons eues devant nous, avec un accueil qui a été pour moi extrêmement sympathique, très agréable, qui est d'ailleurs, l'accueil traditionnel du Portugal lorsque ses amis français viennent le voir mais sur lequel M. le Premier ministre Cavaco a ajouté son atout personnel. C'est donc un voyage rapide, qui a permis, entre responsables habitués à traiter ces questions, de fixer les points de vue sur chacun des domaines considérés - que je n'ai pas tous cités, comme les problèmes d'harmonisation des fiscalités par exemple -.\
QUESTION.- Pensez-vous que la Charte des droits sociaux doit être juridiquement contraignante ? Il y a, en ce moment, un débat à Bruxelles sur le niveau d'intervention de la Commission sur les fusions d'entreprises. Est-ce que les multinationales européennes vous paraissent devoir limiter leur dimension ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas exactement un sujet social. Vous me posez là une question plutôt de conception économique. La Charte sociale n'a pas pour objet de restreindre ou d'accroître l'ère d'action économique de telle ou telle entreprise, de tel ou tel groupe d'entreprises. Elle a pour objet de garantir les droits de ceux qui y travaillent, d'assurer leur sécurité, leur protection sociale. Qu'arrivera-t-il d'eux devant la maladie, l'accident du travail, la vieillesse et de quelle manière l'ensemble de ces travailleurs pourront-ils s'organiser pour défendre ce qu'ils estimeront être leur droit ? Les conditions de travail, voilà l'objet même du débat qui occupe actuellement les pays de la Commuauté, pour donner un contenu à une Charte sociale dont l'esquisse générale a été proposée par la Commission européenne. Il y a certains pays qui expriment des réserves, même sur le principe d'une Charte sociale. Il y a ceux - c'est le cas du plus grand nombre, de la quasi totalité - qui sont prêts à en débattre, mais qui veulent naturellement examiner le contenu d'une façon contradictoire, avec la plus grande précision possible. C'est le travail auquel nous nous sommes attachés.
- L'une de mes collaboratrices était encore il y a quarante-huit heures à Londres pour en débattre, comme je l'avais prévu avec Mme Thatcher, et pour examiner de façon méthodique chacun des aspects des problèmes sociaux qui se posent aux salariés - voir quels sont les points d'accord, les points de désaccord - étant entendu que la France, elle, a une position favorable à l'institution d'une Charte de cet ordre, à son principe. La France est également tout à fait favorable, je l'ai dit à M. le Premier ministre, à considérer qu'il fallait ne pas s'enfermer dans des notions dogmatiques. L'état d'évolution des législations des douze pays d'Europe n'est pas identique. Il faut tenir compte de cette situation et, partant d'un principe commun, admettre toute une série de souplesses à travers le temps pour parvenir à harmoniser effectivement les conditions du travail dans nos douze pays.
- Voilà ce que je peux vous répondre, mais vous m'avez posé une question qui était en dehors du sujet que vous avez vous-même posée, car c'est vous qui avez parlé de Charte sociale.
- Quant à savoir si les différentes entreprises pourront grandir, s'élargir au sein de la Communauté, je n'ai pas entendu dire qu'il y avait quelque projet que ce soit pour freiner l'activité de celles qui s'en révéleront capables.\
QUESTION.- Le gouvernement portugais a proposé un plan pour le redressement économique de l'Angola. Dans quelles mesures la France et la Communauté appuieront-elles cette initiative portugaise ?
- LE PRESIDENT.- C'est un problème essentiel pour l'Angola, important, je pense, pour le Portugal, mais également à considérer avec la plus grande attention par les autres pays dont la France qui entretient des relations actives avec l'Angola.
- Parvenir à la paix en Angola, c'est un objectif majeur. Cela dépend d'abord des Angolais : comme vous le savez, ce n'est pas facile. Nous, pays européens, nous nous efforçons de donner, quand on nous les demande, des conseils tendant à apaiser les esprits et à réduire les antagonismes. Et que le Portugal considère comme un objectif pour lui très important de parvenir, dans ce pays comme dans d'autres, à un minimum d'harmonie et de vie en commun, je ne peux que l'en approuver.
- Savoir si la Communauté peut y contribuer, bien entendu. Ce relais doit être assuré : la convention de Lomé est aussi là pour cela en particulier. La France assume elle-même une charge très lourde - acceptée de grand coeur - par rapport aux pays francophones qui furent autrefois colonisés. Mais le lien est resté vivant. Nous comprenons très bien les soucis et les espérances que le Portugal peut concevoir pour l'Angola, nous considérons que le Portugal a un rôle éminent, directeur dans la Communauté européenne, vis-à-vis d'un pays qu'il connaît bien. De même que la France souhaite l'aide des pays de la Communauté pour l'ensemble des pays avec lesquels elle est historiquement liée, de même, j'estime que la Communauté doit agir identiquement à l'égard de l'Angola.\
QUESTION.- Vous avez parlé de l'aide à la Pologne, est-ce que la Communauté va décider un plan d'ensemble pour soutenir le mouvement de démocratisation dans les pays de l'Est ou est-ce que les diverses initiatives vont toujours se produire pays par pays ?
- LE PRESIDENT.- Je souhaite qu'il y ait un maximum de concertation et d'action communautaires. C'est d'ailleurs la Communauté à laquelle le Sommet des pays industrialisés à Paris a recommandé de rassembler les efforts européens pour donner plus de poids à l'aide que nous entendons destiner à la Pologne. Mais il faut continuer. Jusqu'ici, en effet, quelques pays ont fait un effort, dont la France. PLus nous coordonnerons cette action, mieux cela vaudra car quand vous parlez d'aider la démocratisation, vous voulez dire - j'imagine - contribuer à aider la Pologne à sortir du trou où elle se trouve. La vitalité démocratique de la Pologne s'affirmera d'autant plus qu'elle pourra sortir de la terrible crise qu'elle connaît. Et sur ce plan-là, des efforts communautaires ont commencé £ je souhaite qu'ils s'affirment.\
QUESTION.- Monsieur le Président, quelles sont les intentions de la France pour faire avancer plus vite les dossiers de la libre circulation des personnes dans la Communauté ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez, la libre circulation des personnes, c'est une série de problèmes particuliers, une addition, une mosaïque d'initiatives. n ai déjà pris avec l'Allemagne, selon les cas. Mais il n'y aura pas d'Europe s'il n'y a pas, pour les Européens, le sentiment qu'il existe une communauté ouverte à tous. Alors, on va avancer là où on le peut. Certaines mesures dépendent uniquement de la puissance publique, des puissances publiques. Je voudrais que M. le Premier ministre en parle car j'ai vu que c'était un de ses soucis principaux. On devrait quand même faire plus sur le plan des étudiants et des relations entre les universités. J'en suis tout à fait d'accord. J'espère, dans mon bref mandat, apporter quelques éléments nouveaux de progrès réel dans ce domaine. Vous savez qu'il y a le plan Erasmus - je dois me rendre dans quelques jours à Bologne, qui est la plus ancienne université, on fêtera son neuvième centenaire - et j'ai l'intention justement de saisir l'opinion européenne de ce type de problèmes. J'en parlerai aussi à Strasbourg, au Parlement puis au Conseil européen. Je crois pouvoir dire que la libre circulation des personnes a déjà été au centre des discussions que j'avais entreprises en 1984, lorsque j'avais assumé une première présidence. Cela avait abouti à certaines dispositions communautaires et aussi à des accords franco-allemands, en tant que voisins. Or, le Portugal n'est pas très loin mais nous ne sommes pas directement mitoyens, il faut aussi traiter avec l'Espagne. Nous avons traité avec l'Allemagne puis avec quelques autres pays pour des mesures de sécurité, pour des mesures de police, de législation sur les extraditions, d'autres domaines, puis l'ouverture d'un pays à l'autre pour quiconque désire travailler. La liberté de circulation pour le travail est déjà pratiquement assurée. Encore a-t-on besoin de quelques garanties de sécurité aux frontières de l'Europe. Et comme, pour l'instant, nous vivons encore malgré tout, dans nos frontières nationales, chacun cherche à s'assurer qu'aux frontières de l'Europe des Douze, quand elles donnent sur l'extérieur, les mesures d'ouverture en même temps que les mesures de contrôle soient sérieusement appliquées. On est en plein dans cette discussion. On va avancer et c'est un domaine dans lequel je suis convaincu.\
QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous dire aux journalistes français en particulier, comment vous vivez cette cohabitation politique qui aujourd'hui est appliquée au Portugal ?
- LE PREMIER MINISTRE.- Elle marche très bien. Vous avez toutes les indications pour voir que cela marche très bien. Il n'y a pas de problème dans la coopération, dans le gouvernement et la Présidence de la République. Je pense que les Portugais sont contents de cette cohabitation. Il n'y a pas de conflit et je pense qu'elle a été très utile pour le Portugal. De ma part, je ferai tout le possible pour continuer comme cela parce que je pense que le pays va bénéficier de ce climat entre la Présidence et le gouvernement.
- QUESTION.- Vous croyez que les derniers événements en Allemagne de l'Est peuvent devenir des obstacles pour la construction d'une Europe unie ?
- LE PRESIDENT.- Non, pourquoi voulez-vous que ce soit un obstacle ? Ce serait plutôt une invitation à faire plus et mieux et plus vite, plutôt un encouragement.\
QUESTION.- Est-ce que vous pensez ou pas que l'union économique et monétaire exige l'élaboration d'un nouveau traité européen ?
- LE PRESIDENT.- S'il s'agit de passer par un nouveau traité, moi j'en suis d'accord. Après l'avoir étudié bien entendu, avoir participé à son élaboration, je serais prêt à signer au nom de la France, si cela permet de donner un véritable sens, un véritable contenu à l'union économique et monétaire. Une conférence inter-gouvernementale est d'ailleurs prévue à cet effet. Une conférence inter-gouvernementale, c'est une procédure qui n'est pas habituelle. Elle a été employée en 1985 pour aboutir à l'accord sur le marché unique du Luxembourg. C'est donc parce que l'on parle du nouveau traité, que l'on envisage cette procédure exceptionnelle. J'en suis partisan.
- L'autre question est différente. Quelles que soient les intentions politiques et juridiques qui puissent nous animer, de toute manière nous nous trouvons avec des pays qui connaissent des stades d'évolution différente, qui sont le résultat de longues histoires, qui ont souvent des institutions et des moeurs différentes. Il faut adapter tout cela. C'est pourquoi il faut se défier de tout esprit dogmatique. Il faut vraiment créer la construction dans laquelle nous allons de plus en plus vivre en commun, mais il faut en même temps que chacun se trouve à l'aise, qu'aucun d'entre nous ne soit brutalement mis en situation de crise à cause de son adhésion à l'Europe. Il faut donc que l'Europe soit assez intelligente et assez souple pour permettre des transitions, des délais, des dérogations provisoires. Donc l'union économique et monétaire ne suppose pas, une fois les principes rigoureux établis, que tout d'un coup l'Europe se trouve comme une sorte de caserne dans laquelle les soldats de la compagnie doivent marcher exactement du même pas, au même moment et sous le même commandement, avec la même musique. Il faut savoir comment vivent les hommes, comment évoluent les sociétés et tenir compte de tout cela. Mais l'élan donné, l'objectif, lui, sera encore mieux assuré. Nous verrons avec le temps ce que permettront les évolutions.\
QUESTION.- D'après ce que l'on a entendu vous avez débattu de l'audiovisuel. J'aimerais bien savoir quelle est la position de la Présidence française et aussi du gouvernement portugais face au sujet de la participation des petits pays comme le Portugal dans des contrats et des accords de coopération avec des pays hors de l'Europe, par exemple le Brésil et les pays lusophones en Afrique, comme est le cas du Portugal ?
- LE PRESIDENT.- S'il s'agit pour moi de répondre à votre question, je suis prêt à tout admettre. Quand vous avez dit avec différents pays, j'avais déjà compris qu'il s'agissait du Brésil car le Brésil, c'est un grand pays producteur qui a une place importante dans le monde de l'audiovisuel. Il serait absurde de s'en priver en Europe, mais nous sommes plusieurs pays à avoir des projections extérieures à l'Europe. Donc, il faut aborder ce débat avec le maximum d'esprit pragmatique. L'important pour nous, c'est de protéger nos cultures, nos cultures européennes, spécifiquement européennes. On peut dire que le Brésil est la projection - j'ai employé ce terme - avec ses apports originaux naturellement, d'une vieille culture européenne, d'une forte culture. Nous ne pouvons pas nous en passer. Donc ce que vous appelez ces petits pays, mais petits à grande audience culturelle et linguistique, ils auront toute leur place au sein de l'Europe. Il s'agit, je le répète, simplement d'être intelligent. Mais l'intelligence c'est quelque chose de très répandu, beaucoup plus que le bon sens ou le sens commun en dépit de Descartes. Il suffit d'être intelligent, d'être réaliste, de savoir ce que l'on veut mais il faut que l'Europe soit capable d'affirmer sa capacité de création, de production et de diffusion dans le domaine audiovisuel, afin qu'elle ne soit pas étouffée dès le point de départ par les pays à grande production de masse comme les Etats-Unis d'Amérique ou de haute technologie comme le Japon. On ne va pas nier l'apport de ces deux grands pays, on ne va pas se séparer d'eux, on ne va pas ignorer ce qu'ils sont capables de faire, mais il faut donner le moyen d'agir aux pays européens et à ceux qui parlent leur langage et à ceux qui prennent part à leur culture, surtout s'il s'agit de ce que vous appelez les petits pays par leur dimension territoriale ou démographique mais qui n'en sont pas moins des grands pays sur le mode culturel. Nous allons traiter tout cela, nous le faisons déjà. Mais, à l'heure où je parle, la question qui est posée c'est de savoir de quelle manière cette production européenne sera garantie. Alors cela va des mesures les plus douces aux mesures les plus dures, depuis les quotas, la définition française, jusqu'à l'accord proposé par la Commission européenne par rapport aux productions existantes, ou bien rien du tout, une situation économique dite libérale, qui consisterait à ce qu'il n'y ait aucune réglementation. Cette dernière position n'est pas acceptable. La première, qui est une position française, est difficile à accepter par la plupart de ses partenaires. Il reste une position moyenne qui est celle dont la Commission a donné la meilleure définition. C'est mon travail actuel, il y aura des assises de l'audiovisuel dans quelques jours à Paris. Lorsque j'en aurai connu les résultats, je me permettrai de faire des propositions.\
QUESTION.- Monsieur le Président, toutjours à propos de la Pologne, pouvez-vous nous dire comment vous concevez le plan d'ensemble que vous souhaitez à propos de la Pologne ?
- LE PRESIDENT.- Je souhaite que nous apportions le maximum d'aides financières et techniques et quand je dis techniques, je pense surtout à la formation des cadres dans toutes les formes d'activités polonaises, au fond c'est ce qui manque le plus - mais je dis aussi financières : cela c'est l'immédiat, c'est pour cela que la France a consenti déjà, en avance sur beaucoup d'autres pays, d'abord à rééchelonner sur le plan de la dette quelque 7 milliards de francs et à inscrire des lignes budgétaires d'aides à la Pologne, de crédits pour 600 millions de francs à moyen terme et 150 millions de francs à court terme. Nous sommes déjà en train de faire davantage et nous encourageons surtout nos partenaires à faire avec nous un plan d'ensemble qui rendrait cohérent cet ensemble et qui surtout devrait avoir un effet de choc sur une économie polonaise aujourd'hui en situation de désastre. Voilà, cela c'est une dette financière mais c'est pour maintenant, les Polonais devront se sauver eux-mêmes, il faut simplement leur en donner le moyen. D'abord leur apporter l'oxygène dont ils ont besoin et ensuite leur donner l'instrument qui leur permettra, au bout de quelques années, d'assumer eux-mêmes le destin de la Pologne. C'est en effet mon intention que de soumettre un plan - ce serait peut-être un terme bien ambitieux - mais toute une série de propositions qui permettent de répondre à ces questions.\