30 mai 1989 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors du dîner offert en l'honneur du Sultan Qabous d'Oman, sur les relations entre la France et le Sultanat d'Oman et sur leurs positions respectives concernant les différents conflits du Proche-Orient, Paris, Palais de l'Élysée, le 30 mai 1989.
Sire,
- C'est pour nous tous et c'est pour moi un honneur que d'accueillir ce soir au palais de l'Elysée votre majesté ainsi que les membres de votre famille et les personnalités qui vous accompagnent. J'ai tenu à ce que les relations anciennes et amicales entre la France et votre pays fussent couronnées par une visite d'Etat, la première qu'accomplit à Paris un souverain d'Oman, et je vous remercie d'avoir accepté mon invitation.
- Je suis heureux que votre séjour donne à mes compatriotes l'occasion de mieux connaître un pays profondément original, fier de son identité et de ses traditions, mais aussi ouvert sur le monde tourné vers l'avenir, qui a su réaliser la synthèse de la tradition et de la modernité.
- Vous avez, ce faisant, renoué avec un passé prestigieux puisqu'adossés aux contreforts du fameux Roub'Al Khali, le "quartier vide", les Omanais ont sillonné, des siècles durant, les routes maritimes de l'Océan Indien semant des comptoirs sur les littoraux d'Asie et d'Afrique et étendant leur souveraineté jusqu'au Sultanat du Zanzibar. Ne dit-on pas aussi que c'est un navigateur omanais qui guida Vasco de Gama jusqu'aux Indes ? Bref, vous avez, au long de l'histoire, tiré le meilleur parti de la géographie qui vous a placés à un carrefour d'influences, aux confins du monde arabe, de l'Asie, de l'Afrique et qui fait d'Oman aujourd'hui encore, une position stratégique essentielle.
- Il était naturel qu'entre deux peuples navigateurs se nouent des relations d'estime et d'amitié. Ainsi a-t-on pu se connaître, déjà au travers des siècles.
- Vos ancêtres, sire, ont toujours très généreusement offert l'hospitalité aux bâtiments des rois puis de la République française. En cette année où nous célébrons le bicentenaire de la Révolution française, j'ai plaisir à rappeler que c'est la Convention, notre assemblée de l'époque, qui ouvrit la première représentation permanente auprès des sultans. De même, le premier traité d'amitié conclu par la France avec un pays arabes le fut, au début du XIXème siècle, avec l'un de vos aïeux, le roi Saïd.
- Je me dois d'évoquer également le geste de votre arrière-grand-père, le Sultan Faiçal Bin Turki, qui offrit en 1884 à mon pays l'une des plus authentiques maisons de Mascate, tout près de votre palais, ainsi que la concession d'un dépôt de charbon pour nos vapeurs. Les noms de "Beit Fransa", la maison de France, et de "Bandar Fransa", le havre de France, leur sont restés à ce jour.
- Fidèle à cette solidarité maritime, le porte-avions Clémenceau - notre porte-avions - a, tout récemment accueilli un groupe d'officiers de vos armées pour un exercice aéronaval au large de Mascate. Et, en juillet prochain, le navire école de la marine omanaise mouillera dans le port de Rouen, dans le cadre des festivités du bicentenaire.
- Et voilà que votre visite d'aujourd'hui vient, à son heure, couronner cette longue page d'amitié entre la France et l'Oman, qui avait besoin d'être ponctuée et permettra d'ouvrir une nouvelle étape que je souhaite féconde.\
Toutes les conditions sont réunies pour donner à notre coopération la densité qui lui manque encore. Sous votre conduite éclairée de souverain moderne, Oman a connu, en moins de deux décennies, un renouveau, la "Nahda" comme on le nomme dans votre langue, qui place Oman sur la voie d'une modernité maîtrisée. La liste des domaines où nous pouvons travailler en commun est importante. Cela va de l'exploration et de l'exploitation pétrolière où la France, déjà bien implantée, souhaite étendre ses activités, aux télécommunications, à l'aéronautique et à l'agriculture que votre majesté a eu la sagesse de placer au premier plan de ses priorités dont vous me disiez à l'instant que vous étiez vous-même, comment dirai-je, un amateur presque professionnel puisque vous suivez personnellement de très près les équipements d'une ferme où vous pratiquez l'agriculture et l'élevage.
- Je sais aussi les efforts qu'Oman consacre à sa défense, afin de contribuer à la stabilité d'une région dont on sait qu'elle est cruciale pour la paix du monde et pour son équilibre. Je puis vous assurer que vous trouverez dans la France un partenaire ouvert à vos souhaits en matière de sécurité.
- Dans le même temps, le Sultanat a pris, dans le concert international, la place qui revient justement à un pays soucieux de préserver la liberté de ses choix et de jouer un rôle pacifique et modérateur. Comment la France ne saluerait-elle pas avec sympathie, des orientations qu'elle partage pour l'essentiel ? Comment ne rendrait-elle pas hommage à l'originalité de vos positions comme à la détermination avec laquelle vous les assumez ?
- Cette sage politique est d'autant plus méritoire qu'elle s'inscrit je le répète ici, dans une région incertaine et troublée. Quand la guerre faisait rage dans le nord du Golfe, Oman est resté le gardien vigilant du détroit, attentif au maintien de la liberté de la navigation internationale dans une voie d'eau essentielle pour la vie et les échanges des peuples de la région et de quelques autres. Nous avons à cet égard pu apprécier les vertus de votre hospitalité. Face aux risques que comporte, aujourd'hui même, une situation qui n'est plus de guerre sans être encore de paix. L'action discrète que vous poursuivez, majesté, pour inciter l'Irak et l'Iran à s'engager dans des négociations effectives, est particulièrement bienvenue. La France, de son côté, qui a pris, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, sa part à l'élaboration et à l'adoption de la résolution 598, ne ménage pas son soutien aux démarches du secrétaire général des Nations unies, afin qu'après la guerre la plus longue et la plus meurtrière de ces quarante dernières années les populations d'Irak et d'Iran puissent enfin trouver la paix et le mieux-être auxquels elles aspirent.
- S'il fallait tirer une leçon de ce conflit, c'est que la guerre ne résoud rien. Que la violence n'est pas ce raccourci de l'histoire qu'imaginent ceux qui s'en réclament. Elle ne fait que rendre démesurément long le chemin de la paix, hier dans le Golfe, aujourd'hui encore dans d'autres endroits du monde en Palestine et au Liban.\
J'ai apprécié, comme l'ensemble de mes compatriotes, à leur juste mesure les décisions prises par le Conseil national palestinien à Alger et les déclarations courageuses de M. Yasser Arafat. J'ai voulu, en le recevant à Paris, m'entendre confirmer que la reconnaissance d'Israël, son droit à l'existence et à la sécurité, ne souffraient plus de doute dans l'esprit des dirigeants palestiniens. J'ai, à cet égard, demandé que des contradictions manifestes entre le texte de la Charte et les positions plus récentes de l'OLP fussent éclairées. Un début de mise au point a eu lieu, je m'en réjouis.
- Il en faudra plus pour abattre les murs de méfiance dressés durant ces affrontements. Au moins que rien ne soit fait qui compromette les chances de progrès, si ténues soient-elles ! Le pourrissement de la situation en Cisjordanie et à Gaza de ce point de vue m'alarme.
- La communauté internationale se doit d'aider Israéliens et Palestiniens à accomplir le pas décisif, celui qui les conduira autour d'une même table de négociations. C'est ce que nous ne cessons de plaider. C'est dans ce sens que nous agissons auprès de nos partenaires du Conseil de sécurité, en plein accord avec d'éminents chefs d'Etat arabes, pour lancer la préparation de la conférence internationale de paix, que nous appelons de nos voeux et dont vous me disiez qu'elle vous apparaissait à vous aussi comme l'unique façon d'organiser tous les dialogues, y compris les dialogues bilatéraux.
- J'évoque devant vous ce conflit, sire, avec la conviction que chaque dirigeant arabe prendra sa part de l'oeuvre de réconciliation à accomplir. Faut-il rappeler la mémoire du courageux précurseur que fut le Président Sadate ? Et je sais le soutien précieux qu'il reçut en son temps de votre majesté.\
Au Liban, des hommes, des femmes souffrent, meurent depuis près de quinze ans à cause de la guerre avouée ou larvée. A quel point de désagrégation interne faudra-t-il en venir pour qu'un sursaut national inspire aux dirigeants libanais de toutes confessions la volonté de ressaisir leur destin ? Et quel degré d'ingérence extérieure la communauté des nations tolérera-t-elle avant d'offrir à l'un de ses membres l'appui qu'il est en droit d'attendre ?
- La France ne se résigne ni à l'éclatement ni à l'asservissement de ce pays ami, je veux dire le Liban. Elle l'a montré en menant l'action diplomatique et humanitaire qu'exigeait la situation, en étroit accord avec la Ligue Arabe. J'ai exprimé au roi du Maroc ma satisfaction de voir le Sommet de Casablanca se saisir du problème libanais. Je souhaite plein succès à la mission du Comité des trois chefs d'Etat qui en est issu. J'ai tenu à rappeler ce matin devant tous nos partenaires, les partenaires de la France au sein de l'Alliance atlantique, l'importance que j'attachais à ce que l'ensemble des nations qui ont conscience du rôle qu'elles doivent et qu'elles peuvent jouer sur la surface de la planète agissent pour qu'on ne revienne pas aux situations que nous avons connues. Cependant l'urgence est telle que nul ne peut assurer, que nous n'aurons pas à connaître un drame du même ordre sinon même aggravé.\
Je pense, et vous en conviendrez, majesté, que mon pays dérogerait à son rôle s'il se désintéressait du sort de ses amis. Il manquerait à ses traditions s'il négligeait de cultiver avec la nation arabe, des rives de l'Atlantique à celles de l'Océan Indien, une relation privilégiée forgée au cours des siècles et revivifiée au cours de ce dernier quart de siècle.
- Cette politique, vous en connaissez les ressorts. Elle n'est inféodée à personne. Elle répond à des principes constants et non à des intérêts contingents. Elle ne connaît qu'un langage. La France reste un pont jeté entre l'Europe et le monde arabe. Je dois dire à quel point nous sommes sensibles à la sagesse que vous montrez dans la façon dont vous menez votre pays et aussi la façon dont vous avez considéré, même lors des pires périls, vos relations avec vos voisins qui se combattaient et les conseils que vous avez donnés dont certains ont été entendus et qui ont souligné la juste autorité dont vous disposez dans cette partie du monde.
- Nous, de notre côté, comme vous le savez, nous sommes engagés dans la grande entreprise de l'unification européenne qui franchira le 1er janvier 1993, une étape décisive. Cette Europe nouvelle entend rester ouverte sur le monde. C'est pourquoi dans cet esprit d'ouverture, je me réjouis de l'accord de coopération signé l'an dernier entre la Communauté et le Conseil de coopération du Golfe. Je m'emploierai, en tant que Président de la Communauté à partir du 1er juillet prochain à faire en sorte qu'il porte tous ses fruits. Votre visite aujourd'hui et demain, en France, est de bon augure et j'ai déjà pu profiter de vos judicieux conseils. Je ne manquerai pas avant votre départ de recourir de nouveau à votre connaissance des choses et à une expérience qui remonte loin au travers de vos aieux et qui a fait d'Oman un pays privilégié, c'est-à-dire capable de rester en dehors des zones de conflits.
- Sire, nos conversations de cet après-midi ont confirmé la grande convergence de nos vues. Dotés, l'un et l'autre d'une forte identité nationale, l'Oman et la France se font, je le crois, une idée semblable des principes de paix et de tolérance qui devraient guider les rapports internationaux, tout en participant activement au renforcement de leurs solidarités régionales respectives.
- Voilà l'essentiel de ce que je voulais vous dire. Nous aurons l'occasion d'échanger d'autres propos et vos compagnons de voyage aussi, au cours de ces quelques heures ou de ces quelques jours dont ils disposeront.
- Il faut que le dialogue inauguré aujourd'hui même se poursuive sur ces bases de confiance et d'espoir.
- Il me reste, c'est peut-être le principal, majesté, à vous souhaiter, au delà d'un excellent séjour en France, bonheur et prospérité pour vous même, majesté, pour ceux qui vous sont chers, les membres de votre famille, pour le peuple omanais. Levant mon verre selon une formule traditionnelle, ayant formé le voeu de bonheur et de prospérité pour les vôtres, tous les vôtres, vous me permettrez d'exprimer aussi ceux que je forme au succès de l'amitié et de la coopération entre l'Oman et la France.\
- C'est pour nous tous et c'est pour moi un honneur que d'accueillir ce soir au palais de l'Elysée votre majesté ainsi que les membres de votre famille et les personnalités qui vous accompagnent. J'ai tenu à ce que les relations anciennes et amicales entre la France et votre pays fussent couronnées par une visite d'Etat, la première qu'accomplit à Paris un souverain d'Oman, et je vous remercie d'avoir accepté mon invitation.
- Je suis heureux que votre séjour donne à mes compatriotes l'occasion de mieux connaître un pays profondément original, fier de son identité et de ses traditions, mais aussi ouvert sur le monde tourné vers l'avenir, qui a su réaliser la synthèse de la tradition et de la modernité.
- Vous avez, ce faisant, renoué avec un passé prestigieux puisqu'adossés aux contreforts du fameux Roub'Al Khali, le "quartier vide", les Omanais ont sillonné, des siècles durant, les routes maritimes de l'Océan Indien semant des comptoirs sur les littoraux d'Asie et d'Afrique et étendant leur souveraineté jusqu'au Sultanat du Zanzibar. Ne dit-on pas aussi que c'est un navigateur omanais qui guida Vasco de Gama jusqu'aux Indes ? Bref, vous avez, au long de l'histoire, tiré le meilleur parti de la géographie qui vous a placés à un carrefour d'influences, aux confins du monde arabe, de l'Asie, de l'Afrique et qui fait d'Oman aujourd'hui encore, une position stratégique essentielle.
- Il était naturel qu'entre deux peuples navigateurs se nouent des relations d'estime et d'amitié. Ainsi a-t-on pu se connaître, déjà au travers des siècles.
- Vos ancêtres, sire, ont toujours très généreusement offert l'hospitalité aux bâtiments des rois puis de la République française. En cette année où nous célébrons le bicentenaire de la Révolution française, j'ai plaisir à rappeler que c'est la Convention, notre assemblée de l'époque, qui ouvrit la première représentation permanente auprès des sultans. De même, le premier traité d'amitié conclu par la France avec un pays arabes le fut, au début du XIXème siècle, avec l'un de vos aïeux, le roi Saïd.
- Je me dois d'évoquer également le geste de votre arrière-grand-père, le Sultan Faiçal Bin Turki, qui offrit en 1884 à mon pays l'une des plus authentiques maisons de Mascate, tout près de votre palais, ainsi que la concession d'un dépôt de charbon pour nos vapeurs. Les noms de "Beit Fransa", la maison de France, et de "Bandar Fransa", le havre de France, leur sont restés à ce jour.
- Fidèle à cette solidarité maritime, le porte-avions Clémenceau - notre porte-avions - a, tout récemment accueilli un groupe d'officiers de vos armées pour un exercice aéronaval au large de Mascate. Et, en juillet prochain, le navire école de la marine omanaise mouillera dans le port de Rouen, dans le cadre des festivités du bicentenaire.
- Et voilà que votre visite d'aujourd'hui vient, à son heure, couronner cette longue page d'amitié entre la France et l'Oman, qui avait besoin d'être ponctuée et permettra d'ouvrir une nouvelle étape que je souhaite féconde.\
Toutes les conditions sont réunies pour donner à notre coopération la densité qui lui manque encore. Sous votre conduite éclairée de souverain moderne, Oman a connu, en moins de deux décennies, un renouveau, la "Nahda" comme on le nomme dans votre langue, qui place Oman sur la voie d'une modernité maîtrisée. La liste des domaines où nous pouvons travailler en commun est importante. Cela va de l'exploration et de l'exploitation pétrolière où la France, déjà bien implantée, souhaite étendre ses activités, aux télécommunications, à l'aéronautique et à l'agriculture que votre majesté a eu la sagesse de placer au premier plan de ses priorités dont vous me disiez à l'instant que vous étiez vous-même, comment dirai-je, un amateur presque professionnel puisque vous suivez personnellement de très près les équipements d'une ferme où vous pratiquez l'agriculture et l'élevage.
- Je sais aussi les efforts qu'Oman consacre à sa défense, afin de contribuer à la stabilité d'une région dont on sait qu'elle est cruciale pour la paix du monde et pour son équilibre. Je puis vous assurer que vous trouverez dans la France un partenaire ouvert à vos souhaits en matière de sécurité.
- Dans le même temps, le Sultanat a pris, dans le concert international, la place qui revient justement à un pays soucieux de préserver la liberté de ses choix et de jouer un rôle pacifique et modérateur. Comment la France ne saluerait-elle pas avec sympathie, des orientations qu'elle partage pour l'essentiel ? Comment ne rendrait-elle pas hommage à l'originalité de vos positions comme à la détermination avec laquelle vous les assumez ?
- Cette sage politique est d'autant plus méritoire qu'elle s'inscrit je le répète ici, dans une région incertaine et troublée. Quand la guerre faisait rage dans le nord du Golfe, Oman est resté le gardien vigilant du détroit, attentif au maintien de la liberté de la navigation internationale dans une voie d'eau essentielle pour la vie et les échanges des peuples de la région et de quelques autres. Nous avons à cet égard pu apprécier les vertus de votre hospitalité. Face aux risques que comporte, aujourd'hui même, une situation qui n'est plus de guerre sans être encore de paix. L'action discrète que vous poursuivez, majesté, pour inciter l'Irak et l'Iran à s'engager dans des négociations effectives, est particulièrement bienvenue. La France, de son côté, qui a pris, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, sa part à l'élaboration et à l'adoption de la résolution 598, ne ménage pas son soutien aux démarches du secrétaire général des Nations unies, afin qu'après la guerre la plus longue et la plus meurtrière de ces quarante dernières années les populations d'Irak et d'Iran puissent enfin trouver la paix et le mieux-être auxquels elles aspirent.
- S'il fallait tirer une leçon de ce conflit, c'est que la guerre ne résoud rien. Que la violence n'est pas ce raccourci de l'histoire qu'imaginent ceux qui s'en réclament. Elle ne fait que rendre démesurément long le chemin de la paix, hier dans le Golfe, aujourd'hui encore dans d'autres endroits du monde en Palestine et au Liban.\
J'ai apprécié, comme l'ensemble de mes compatriotes, à leur juste mesure les décisions prises par le Conseil national palestinien à Alger et les déclarations courageuses de M. Yasser Arafat. J'ai voulu, en le recevant à Paris, m'entendre confirmer que la reconnaissance d'Israël, son droit à l'existence et à la sécurité, ne souffraient plus de doute dans l'esprit des dirigeants palestiniens. J'ai, à cet égard, demandé que des contradictions manifestes entre le texte de la Charte et les positions plus récentes de l'OLP fussent éclairées. Un début de mise au point a eu lieu, je m'en réjouis.
- Il en faudra plus pour abattre les murs de méfiance dressés durant ces affrontements. Au moins que rien ne soit fait qui compromette les chances de progrès, si ténues soient-elles ! Le pourrissement de la situation en Cisjordanie et à Gaza de ce point de vue m'alarme.
- La communauté internationale se doit d'aider Israéliens et Palestiniens à accomplir le pas décisif, celui qui les conduira autour d'une même table de négociations. C'est ce que nous ne cessons de plaider. C'est dans ce sens que nous agissons auprès de nos partenaires du Conseil de sécurité, en plein accord avec d'éminents chefs d'Etat arabes, pour lancer la préparation de la conférence internationale de paix, que nous appelons de nos voeux et dont vous me disiez qu'elle vous apparaissait à vous aussi comme l'unique façon d'organiser tous les dialogues, y compris les dialogues bilatéraux.
- J'évoque devant vous ce conflit, sire, avec la conviction que chaque dirigeant arabe prendra sa part de l'oeuvre de réconciliation à accomplir. Faut-il rappeler la mémoire du courageux précurseur que fut le Président Sadate ? Et je sais le soutien précieux qu'il reçut en son temps de votre majesté.\
Au Liban, des hommes, des femmes souffrent, meurent depuis près de quinze ans à cause de la guerre avouée ou larvée. A quel point de désagrégation interne faudra-t-il en venir pour qu'un sursaut national inspire aux dirigeants libanais de toutes confessions la volonté de ressaisir leur destin ? Et quel degré d'ingérence extérieure la communauté des nations tolérera-t-elle avant d'offrir à l'un de ses membres l'appui qu'il est en droit d'attendre ?
- La France ne se résigne ni à l'éclatement ni à l'asservissement de ce pays ami, je veux dire le Liban. Elle l'a montré en menant l'action diplomatique et humanitaire qu'exigeait la situation, en étroit accord avec la Ligue Arabe. J'ai exprimé au roi du Maroc ma satisfaction de voir le Sommet de Casablanca se saisir du problème libanais. Je souhaite plein succès à la mission du Comité des trois chefs d'Etat qui en est issu. J'ai tenu à rappeler ce matin devant tous nos partenaires, les partenaires de la France au sein de l'Alliance atlantique, l'importance que j'attachais à ce que l'ensemble des nations qui ont conscience du rôle qu'elles doivent et qu'elles peuvent jouer sur la surface de la planète agissent pour qu'on ne revienne pas aux situations que nous avons connues. Cependant l'urgence est telle que nul ne peut assurer, que nous n'aurons pas à connaître un drame du même ordre sinon même aggravé.\
Je pense, et vous en conviendrez, majesté, que mon pays dérogerait à son rôle s'il se désintéressait du sort de ses amis. Il manquerait à ses traditions s'il négligeait de cultiver avec la nation arabe, des rives de l'Atlantique à celles de l'Océan Indien, une relation privilégiée forgée au cours des siècles et revivifiée au cours de ce dernier quart de siècle.
- Cette politique, vous en connaissez les ressorts. Elle n'est inféodée à personne. Elle répond à des principes constants et non à des intérêts contingents. Elle ne connaît qu'un langage. La France reste un pont jeté entre l'Europe et le monde arabe. Je dois dire à quel point nous sommes sensibles à la sagesse que vous montrez dans la façon dont vous menez votre pays et aussi la façon dont vous avez considéré, même lors des pires périls, vos relations avec vos voisins qui se combattaient et les conseils que vous avez donnés dont certains ont été entendus et qui ont souligné la juste autorité dont vous disposez dans cette partie du monde.
- Nous, de notre côté, comme vous le savez, nous sommes engagés dans la grande entreprise de l'unification européenne qui franchira le 1er janvier 1993, une étape décisive. Cette Europe nouvelle entend rester ouverte sur le monde. C'est pourquoi dans cet esprit d'ouverture, je me réjouis de l'accord de coopération signé l'an dernier entre la Communauté et le Conseil de coopération du Golfe. Je m'emploierai, en tant que Président de la Communauté à partir du 1er juillet prochain à faire en sorte qu'il porte tous ses fruits. Votre visite aujourd'hui et demain, en France, est de bon augure et j'ai déjà pu profiter de vos judicieux conseils. Je ne manquerai pas avant votre départ de recourir de nouveau à votre connaissance des choses et à une expérience qui remonte loin au travers de vos aieux et qui a fait d'Oman un pays privilégié, c'est-à-dire capable de rester en dehors des zones de conflits.
- Sire, nos conversations de cet après-midi ont confirmé la grande convergence de nos vues. Dotés, l'un et l'autre d'une forte identité nationale, l'Oman et la France se font, je le crois, une idée semblable des principes de paix et de tolérance qui devraient guider les rapports internationaux, tout en participant activement au renforcement de leurs solidarités régionales respectives.
- Voilà l'essentiel de ce que je voulais vous dire. Nous aurons l'occasion d'échanger d'autres propos et vos compagnons de voyage aussi, au cours de ces quelques heures ou de ces quelques jours dont ils disposeront.
- Il faut que le dialogue inauguré aujourd'hui même se poursuive sur ces bases de confiance et d'espoir.
- Il me reste, c'est peut-être le principal, majesté, à vous souhaiter, au delà d'un excellent séjour en France, bonheur et prospérité pour vous même, majesté, pour ceux qui vous sont chers, les membres de votre famille, pour le peuple omanais. Levant mon verre selon une formule traditionnelle, ayant formé le voeu de bonheur et de prospérité pour les vôtres, tous les vôtres, vous me permettrez d'exprimer aussi ceux que je forme au succès de l'amitié et de la coopération entre l'Oman et la France.\