20 avril 1989 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République et de M. Helmut Kohl, chancelier de RFA sur le contenu du sommet franco-allemand, le conseil franco-allemand de défense et le conflit du Liban, Paris, jeudi 20 avril 1989.
Mesdames et messieurs,
- Si nous vous avons attardés c'est parce que nous avons beaucoup travaillé. Et je crois que nous avons bien travaillé. Les matières ont été nombreuses et importantes. Nous avons notamment tenu la première séance du Conseil de défense franco-allemand. Ce qui nous a mobilisés, le Chancelier et moi-même et différents ministres en sus du déroulement traditionnel de nos sommets. C'était le 53ème.
- Il m'est impossible de vous faire un compte-rendu général, au demeurant ce serait superflu. Vous poserez les questions qui vous paraissent à vous primordiales. Je noterai simplement un certain nombre d'éléments que je crois sensibles.
- Le Conseil de défense a permis d'établir un communiqué. Ce communiqué, vous l'avez ou vous l'aurez. Dans quel esprit l'Allemagne fédérale et la France ont décidé de se rapprocher en application du Traité de l'Elysée et pour mettre en oeuvre l'un des articles qui n'avait pas vu le jour, dont l'application n'avait pas été commencée depuis vingt ans. Notre accord s'est fait sur un certain nombre de données, dont je répète qu'elles seront connues de vous, et elles coïncident avec un mouvement international surtout dans les relations entre l'Est et l'Ouest où l'on peut enfin avoir des espérances que cessera la course au surarmement et l'accroissement des tensions. Il faut donc interpréter, le Chancelier et moi-même tenons à le dire, les décisions qui ont été prises, le resserrement de nos démarches, comme pouvant et comme devant être un facteur de détente aussi. Pour examiner les problèmes d'armement, mais aussi de désarmement et que nous entendons contribuer au mouvement d'idées et aux démarches diplomatiques très remarquables, qui depuis quelques années, enfin depuis bien peu d'années, permettent au monde de respirer à l'Est et à l'Ouest, de s'interpénétrer davantage.\
Alors, les autres problèmes, je les citerai pêle mêle sans être exhaustif. Transports par exemple : le TGV, où ira-t-il ? Nous avons mis l'accent sur les futures constructions de ces lignes qui iront à la fois vers Strasbourg et vers Sarrebrück, qui du côté français irrigueront la Lorraine aussi et du côté allemand, tout cela est en discussion. Mais au moins, ces deux villes ont été notées comme devant fournir des étapes importantes. Nous avons également parlé du TGV qui n'est pas simplement franco-allemand, et qui passant par la Belgique nécessite la mise au point d'un accord entre nos pays, mais qui apparaît comme une voie ferrée indispensable au développement de nos économies.
- On a parlé des moyens audiovisuels, de la télévision, de la chaine franco-allemande, des difficultés rencontrées au sein de l'Europe pour avoir véritablement un audiovisuel européen, et surtout une production européenne, de l'Eurêka en général, audiovisuel et technologique.
- Nous avons eu une importante délibération surtout avec M. le Chancelier ce matin au cours de notre petit déjeuner en commun, sur le problème du nucléaire civil, sur le retraitement du combustible. Un texte a été également adopté, vous l'aurez en mains, inutile de le commenter, il dit lui-même mieux que je le ferais maintenant, ce qu'il y avait à dire.
- Nous avons également parlé d'un conseil de l'environnement entre l'Allemagne et la France, sujet dont on pourrait dire qu'il est à la mode mais qui en vérité préoccupe depuis longtemps les responsables de nos deux pays, puisqu'avec le Chancelier Kohl, nous avons constaté que depuis 1983, nous avions déjà élaboré toute une série de projets dont certains voient le jour.
- On a parlé de l'Europe, des premiers effets du rapport Delors sur lequel, nonobstant telle ou telle remarque au passage, nous avons une position qui est dans l'ensemble favorable, mais nous nous attardons sur les problèmes qui ne sont pas minces, qui touchent au développement de l'Europe des citoyens, aux passages aux frontières, à la fiscalité et à l'Europe sociale. Le droit social européen qui nous apparaît, qui m'apparaît à moi-même, comme un des éléments capitaux du devenir européen de l'année 1989, ou qui devrait l'être si on nous écoute. Mais enfin, c'est un point qui montrera la volonté de faire l'Europe ou bien de se contenter de ce qui existe aujourd'hui qui n'est pas mal, mais qui ne suffit pas.
- Je pense que le plus simple est de demander maintenant au Chancelier Kohl de bien vouloir s'exprimer, après quoi vous poserez les questions de votre choix. Je dirai simplement ici même à quel point il nous est agréable de recevoir une fois de plus à Paris nos partenaires et amis allemands. Le travail a commencé de longue date et se poursuit dans de bonnes conditions.\
LE PRESIDENT.- Je vous remercie, monsieur le Chancelier et j'ajouterai simplement que le Chancelier et moi, ainsi que les ministres des affaires étrangères, avons abordé, dès le point de départ, de nombreux problèmes qu'on appellera d'affaires étrangères. Nous avons mis l'accent, en particulier, sur les relations Est Ouest, avec l'Union soviétique, sur le problème du Liban et tous les efforts qui doivent être accomplis pour apaiser les intolérances et parvenir d'abord à une trève, ensuite à un statut durable dans les relations de cette région du monde.
- Le ministre des affaires étrangères français revient de Pologne, j'y serai moi-même au mois de juin. Je pense que le Chancelier compte s'y rendre peut-être en juillet ou un peu plus tard.
- Nous avons parlé du développement de la CEE, la Communauté économique européenne, engagé quelques actions communes. Une particulièrement intéressante même si elle passe un peu inaperçue qui touche à un concours franco-allemand pour le Soudan, pour apporter une aide humanitaire aux populations de ce pays.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans le domaine du Liban que vous venez d'évoquer, est-ce que les efforts pour aboutir à un cessez-le-feu donnent quelque chose de concret, soit du côté du Conseil de Sécurité, soit en ce qui concerne un éventuel voyage de M. Perez de Cuellar ?
- LE PRESIDENT.- C'est l'action que la France a engagée. Le Conseil de sécurité a déjà été saisi de ce problème à diverses reprises dans le passé et, particulièrement, au mois d'octobre de l'année dernière. Nous avons pu évaluer les dispositions de nos partenaires, membres permanents du Conseil de Sécurité notamment, leur disponibilité pour aborder ce problème. Cette disponibilité jusqu'alors, n'était pas très grande. Il ne s'agissait donc pas d'aboutir à un débat purement formel qui aurait pu, le cas échéant, échouer par l'absence de majorité nécessaire devant le Conseil de Sécurité. Nous n'en avons pas pour autant abandonné la démarche. Mais ils nous a semblé plus opportun de demander au même Conseil de Sécurité de s'engager de telle sorte que le Secrétaire général des Nations unies pût élaborer une méthode, recevoir une mission, se rendre sur place et, si possible, obtenir de ceux qui s'opposent et se combattent une trève, pendant le temps de cette mission ce qui laisserait aux habitants de cette région et aussi aux pays du monde le temps nécessaire pour élaborer un certain nombre de réponses de fond au problème qui est posé.
- J'ai moi-même organisé des contacts, prenant le relais de tout ce qui avait été entrepris et dont vous aurez le compte rendu par le ministre des affaires étrangères depuis plusieurs mois. Vous savez à quel point les pays qui, aujourd'hui, se trouvent au Liban dans des forces armées, je pense à la Syrie et je pense à Israël, refusent toute idée d'internationalisation de ce problème. L'internationalisation peut être nécessaire, mais commencer par parler d'internationalisation n'est pas la meilleure façon d'obtenir le concours de ces pays pour en finir avec ce drame.
- Il me semble que M. Perez de Cuellar, par son expérience, sa sagesse et l'autorité dont il dispose dans le monde, pourrait dénouer bien des fils qui restent aujourd'hui dans l'obscurité.
- Il a fallu donc déboucher, surtout au travers des derniers événements, sur une diplomatie ouverte et publique, indépendemment de l'action humanitaire engagée par la France et seulement par la France, au cours de ces dernières semaines.
- Nous avons maintenant devant nous à examiner ce que pourraient être les fruits des conversations directes que j'ai eues avec bon nombre de responsables. Je ne voudrais pas en oublier en les citant de mémoire, mais enfin j'ai téléphoné - selon les commodités des uns et des autres et les emplois du temps, ce n'était pas un ordre de préséance - à Mme Thatcher, à M. Bush, à M. Moubarak et au Président Chadli Benjedid, à M. Gorbatchev, à M. Gonzales. J'ai rencontré le Roi de Jordanie, nous avons maintenu une liaison active avec l'Emir du Koweit qui, comme vous le savez, remplit un rôle particulier dans l'organisation de la Ligue arabe. Nous avons - ce qui est présupposé - organisé avec M. Perez de Cuellar lui-même, qui se trouvait en Europe, une manière de faire pour aboutir. J'ai encore quelques autres contacts en train. Plusieurs autres pays seront touchés par mes propres soins dans les heures qui suivent.\
`Suite sur le conflit du Liban` Qu'est-ce qu'a voulu faire la France dans tout cela ? Elle a voulu faire beaucoup plus que témoigner, elle a agi. J'ai employé ces termes : ses actions ou son action humanitaire doit avoir valeur d'entraînement. Il faut que les nations civilisées, celles qui s'intéressent au sort des individus et des peuples, celles qui n'entendent pas résoudre leurs difficultés par la violence, il faut que ces pays prennent conscience de la situation dramatique du Liban qui a le droit reconnu à sa souveraineté, à son unité, à son intégrité. Et puis, il faut reconnaître que ce sont des efforts énormes qu'il faut accomplir pour que cette prise de conscience s'opère, sans doute en raison d'intérêts multiples, entremêlés et qui font choisir à beaucoup de pays la voie du silence ou de l'abstention. On détourne le regard, on ne veut pas savoir ce qui se passe, ce n'est pas le cas de la France. Et parmi nos partenaires, assurément, l'un des partenaires à nos yeux privilégiés sur le plan de la confiance mutuelle, l'Allemagne fédérale. Nous avons donc saisi dès le point de départ, l'Allemagne fédérale, et comme le Chancelier venait à Paris, nous avons pu avoir un entretien approfondi à ce sujet. J'ajoute que nous avons entendu beaucoup de conseils, nous avons agi aux yeux de certains, pas assez, sans que l'on parvienne à savoir exactement ce qu'ils proposent.
- Trois types d'actions sont possibles. Deux ont été entreprises par la France. L'action humanitaire et l'action diplomatique. Il en est une troisième : - Est-elle au fond de la pensée de ceux qui nous disent "Agissons, l'honneur de la France est en cause, son rôle historique aussi" - je veux dire la guerre. L'entrée de la France dans la guerre par une expédition militaire, est-ce cela qu'on nous demande ? En vérité, c'est bien le raisonnement que l'on nous propose, c'est bien la logique dans laquelle on voudrait que nous nous inscrivions, mais lorsque l'on pose la question pour dire : est-ce bien cela que vous pensez ? Aussitôt chacun se tait, heureusement, n'osant pas exprimer publiquement la réalité du raisonnement. Alors, il reste l'action diplomatique. Cette action diplomatique, ce n'est pas insignifiant. Si les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité s'en mêlent ce n'est pas indifférent si le Secrétaire général des Nations unies prend une responsabilité directe. Ce n'est pas indifférent si de grands pays comme ceux que j'ai cités, et particulièrement notre partenaire allemand prêtent la main à la réussite de cette action. Mais qui croira que c'est facile ou que ce sera immédiat après quatorze ans de guerre continue. Bref, j'arrête mon raisonnement, je répondais simplement à votre question, monsieur Bortoli, pour vous dire que nous entendons avec résolution poursuivre notre effort, que la France continuera d'être disponible, pour ses amis Libanais, tous les Libanais qui souffrent de la guerre dans les mêmes atroces conditions. Et pour le Liban qui a le droit de demeurer un pays souverain.\
QUESTION.- Je m'appelle Kovalenko, je représente le journal de l'Union soviétique Izvestia. J'aimerais savoir si vous avez discuté au sommet des questions de la modernisation des armes nucléaires et quelles sont à l'heure actuelle les positions françaises et les positions allemandes ? Il y a quelques jours à Londres, M. Gorbatchev a déclaré que l'Union soviétique ne veut pas moderniser ses armes nucléaires.
- LE PRESIDENT.- Nous avons abordé ce sujet, mais occasionnellement, réservant notre débat qui sera préparé par le Chancelier et moi-même et par nos ministres compétents, affaires étrangères et défense, pour la future réunion de l'OTAN. Nous n'avons donc pas tranché cette question entre nous. J'ai demandé au Chancelier ce qu'il en pensait. Il ne m'a pas chargé de vous le dire. Il a lui-même souhaité connaître ma position. Il faut inscrire ce débat dans l'idée que rien ne doit être fait qui puisse compromettre le mouvement vers le désarmement et donc vers la détente, que ce mouvement doit être continu, mais qu'il suppose ou pré-suppose à tout Etat, que les mesures de sécurité comparables soient prises par des différents partenaires de cette discussion afin que nul ne se trouve en cours de route exposé. Ceci est de l'ordre normal des responsabilités des pays en cause. Et c'est dans ce cadre-là que la discussion sur les armes nucléaires à très courte portée sera engagée au sein de l'OTAN. Vous savez qu'il y a des positions selon lesquelles il faudrait aller très vite pour moderniser, mais l'échéance qui verra les armements déjà existants, rendus obsolètes, est assez lointaine. On a donc un certain temps de réflexion, mais le problème est de savoir, et çà c'est un problème d'experts comparant les moyens d'armement des deux alliances, dans quels états réels elles se trouvent.
- En effet, j'ai bien entendu, avec beaucoup d'intérêt la déclaration de M. Gorbatchev disant que l'Union soviétique ne modernisait pas. L'un des problèmes qui reste à étudier, c'est de savoir si elle a modernisé. Le débat est ouvert. Je sais que l'Union soviétique nous a dit qu'elle n'a pas modernisé et pas depuis 1963 même, pour certaines de ses armes. Généralement l'Union soviétique est capable d'une prévoyance et d'une organisation qui laissent rarement 26 ans sans prendre de précautions, mais nous n'en savons rien. Cela mérite tout simplement une discussion. Ce qui est vrai, c'est que les démarches de l'une et l'autre alliance doivent être parallèles et concomitantes. Cà c'est un travail de diplomates et de spécialistes. Si telles sont les choses, chacun doit parier pour la détente et pour la paix, donner priorité à la paix. Mais la paix, vous savez bien est toujours liée à la notion de sécurité. C'est pourquoi les discussions engagées sur les questions traditionnelles, sur les armements classiques, dans le cadre déjà fixé seraient déjà une preuve de bonne volonté, qui certainement demanderait un certain nombre d'autres attitudes sur les problèmes nucléaires. Voilà ce que je puis dire, sans m'engager plus qu'il ne faut, puisque la discussion n'est qu'abordée, n'est que commencée.\
QUESTION.- Monsieur le Président, on nous a rapporté que dans votre rencontre avec le Chancelier Kohl hier, la question de l'Autriche censée rentrer dans la Communauté européenne a été abordée en disant que cela poserait des problèmes. Est-ce que vous pouvez expliquer, illustrer un peu de quel ordre ces problèmes seront ?
- LE PRESIDENT.- Oui, nous en avons un peu parlé. Pas spécialement de l'Autriche mais aussi de l'Autriche. Nous avons parlé des nouvelles demandes, de celle de la Turquie d'ailleurs plus ancienne que celle de l'Autriche, d'autres sont prévisibles. Donc c'est un problème de caractère général qui ne s'applique pas spécialement à l'Autriche qui en tant que partenaire et particulièrement désirable, et qui quel que soit son statut diplomatique et militaire, c'est un pays éminemment destiné à prendre part au développement de notre Europe. Mais en fait, il ne paraît pas de bonne gestion de poser d'autres problèmes d'extension de l'Europe avant d'avoir abouti nous-mêmes, mené a bien l'Acte unique que nous avons décidé en 1985. Voilà, c'est sous cet angle-là qu'il a semblé que cette demande parfaitement recevable ne paraissait pas de stricte actualité. Je crois vous avoir tout dit.\
QUESTION.- Est-ce que vous pensez que l'avenir du nucléaire est aujourd'hui encore à concevoir dans une unique perspective nationale ou est-ce que l'avenir du nucléaire civil a une perspective européenne et que vous êtes en train de préparer aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- Le nucléaire civil ? J'aurais dû le préciser et je vous remercie de poser la question. Notre débat avec création d'un comité permanent d'experts que présideront MM. Fauroux et M. Toetfer avec des hauts spécialistes ne vise évidemment que le nucléaire civil. Il ne doit pas y avoir de confusion. Je pense qu'aucun journaliste ne l'a faite. Si l'on a débattu particulièrement du retraitement, c'est parce qu'il y a une opportunité au travers d'un accord entre deux sociétés et qu'il y a un débat en Allemagne à ce sujet sur l'implantation d'une usine de retraitement. Nous traitons les problèmes d'actualité sans bien entendu oublier la perspective générale.
- Que ce type d'accords soit ouvert à d'autres pays sans aucun doute, c'est tout à fait souhaitable, que la Communauté soit une vraie Communauté dans tous les domaines. Là, il s'agit du domaine civil où s'exerce la vocation naturelle de l'Europe. Nous faisons pour l'instant avec ce que l'on a. On traite entre pays disposés à le faire. Tout autre serait naturellement la discussion sur ce qu'on appellera de façon aussi sommaire, le nucléaire militaire. De ce point de vue, vous connaissez les règles de la société internationale et il y a même un contrôle sur le nucléaire civil afin qu'il ne puisse pas déboucher sur un développement, une propagation du nucléaire militaire. Quant à la France, elle tient à sa stratégie autonome fondée sur la dissuasion nucléaire, elle ne reste pas moins fidèle à l'Alliance. Mais elle n'entend pas partager une décision qui est souveraine et qui dépend du Président de la République et qui ne suppose pas le partage de la décision et de l'emploi, qui suppose bien entendu le partage de l'information lorsqu'elle est possible. Si vous exprimez un souhait : que l'Europe se constitue de plus en plus autour d'une bonne maîtrise du nucléaire civil qui est inséparable d'une bonne maîtrise de l'environnement. D'où la précision, le sérieux avec lequel doivent être abordés ces problèmes, ce n'est pas un problème franco-allemand mais il se trouve que l'Allemagne fédérale et la France se rencontrent plus souvent qu'ils ne le font avec d'autres et qu'ils ont traité ce sujet qui les intéresse tous les deux.\
QUESTION.- Pouvez-vous nous en dire davantage sur les grandes décisions prises ce matin lors de la première réunion du Conseil de défense et sur ses objectifs à moyen et à long termes ?
- LE PRESIDENT.- Vous me lancez là dans un vaste discours ! Le Conseil de défense franco-allemand a pour objet de traiter tous les problèmes de sécurité et ils sont très nombreux. Je ne peux, à l'heure qu'il est, les rassembler en une phrase. C'est impossible. Nous avons déjà mis en train depuis 1983 un certain nombre de démarches pratiques, la brigade, les échanges d'officiers, l'apprentissage des langues... Vous en connaissez la liste. Je vous ai presque constamment vu à chacune de nos conférences de presse et vous y avez pris part. Aujourd'hui nous franchissons un pas de plus mais dans l'esprit que j'ai tenu à dire depuis le point de départ, c'est-à-dire que nous ne voulons pas contrarier le mouvement aujourd'hui observé, auquel nous prenons une part éminente, vers la détente et le désarmement. Ce n'est pas une contradiction. Mais puisqu'il y a encore - il serait naïf de dire qu'il n'y en aurait plus - des problèmes de sécurité qui se posent pour chacun des pays de l'Europe, il s'en pose pour nous comme pour les autres et nous les traitons en commun. Cela peut prendre absolument toutes les formes, il n'y a pas entre nous de sujets interdits. Une fois précisé, ce que je viens de vous dire de la décision et de l'emploi du nucléaire, de l'arme nucléaire sur lesquels nos statuts sont différents. Voilà, je ne peux pas vous dire autre chose.
- Bien, si vous le voulez bien, nous allons dans un moment terminer cette conférence de presse. Je remercierai le Chancelier Kohl pour son éminente contribution. D'autre part, je finirai comme j'ai commencé, vous m'aviez questionné sur le Liban, monsieur Bortoli, je vais répéter ici la disponibilité de la France.
- On a pas vu beaucoup de Bernard Kouchner dans Beyrouth en feu. Mais l'objectif ne s'arrête pas là, il faut que Beyrouth cesse d'être en feu. Cela fait des mois, sinon des années, que la France s'efforce par ses démarches, de convaincre le monde de s'y intéresser davantage. Vous me direz sans succès. Oui, des passions locales, les ambitions régionales, l'indifférence des peuples plus lointains, les imbrications avec d'autres conflits dans la même région, tout cela fait que c'est un travail de longue haleine et je suis heureux que ces points de vue aient été partagés par la République fédérale que je remercie pour son travail à nos côtés. Nous travaillons nous-même au côté de la République fédérale dans le meilleur esprit possible. Voilà l'objet de nos rencontres.\
- Si nous vous avons attardés c'est parce que nous avons beaucoup travaillé. Et je crois que nous avons bien travaillé. Les matières ont été nombreuses et importantes. Nous avons notamment tenu la première séance du Conseil de défense franco-allemand. Ce qui nous a mobilisés, le Chancelier et moi-même et différents ministres en sus du déroulement traditionnel de nos sommets. C'était le 53ème.
- Il m'est impossible de vous faire un compte-rendu général, au demeurant ce serait superflu. Vous poserez les questions qui vous paraissent à vous primordiales. Je noterai simplement un certain nombre d'éléments que je crois sensibles.
- Le Conseil de défense a permis d'établir un communiqué. Ce communiqué, vous l'avez ou vous l'aurez. Dans quel esprit l'Allemagne fédérale et la France ont décidé de se rapprocher en application du Traité de l'Elysée et pour mettre en oeuvre l'un des articles qui n'avait pas vu le jour, dont l'application n'avait pas été commencée depuis vingt ans. Notre accord s'est fait sur un certain nombre de données, dont je répète qu'elles seront connues de vous, et elles coïncident avec un mouvement international surtout dans les relations entre l'Est et l'Ouest où l'on peut enfin avoir des espérances que cessera la course au surarmement et l'accroissement des tensions. Il faut donc interpréter, le Chancelier et moi-même tenons à le dire, les décisions qui ont été prises, le resserrement de nos démarches, comme pouvant et comme devant être un facteur de détente aussi. Pour examiner les problèmes d'armement, mais aussi de désarmement et que nous entendons contribuer au mouvement d'idées et aux démarches diplomatiques très remarquables, qui depuis quelques années, enfin depuis bien peu d'années, permettent au monde de respirer à l'Est et à l'Ouest, de s'interpénétrer davantage.\
Alors, les autres problèmes, je les citerai pêle mêle sans être exhaustif. Transports par exemple : le TGV, où ira-t-il ? Nous avons mis l'accent sur les futures constructions de ces lignes qui iront à la fois vers Strasbourg et vers Sarrebrück, qui du côté français irrigueront la Lorraine aussi et du côté allemand, tout cela est en discussion. Mais au moins, ces deux villes ont été notées comme devant fournir des étapes importantes. Nous avons également parlé du TGV qui n'est pas simplement franco-allemand, et qui passant par la Belgique nécessite la mise au point d'un accord entre nos pays, mais qui apparaît comme une voie ferrée indispensable au développement de nos économies.
- On a parlé des moyens audiovisuels, de la télévision, de la chaine franco-allemande, des difficultés rencontrées au sein de l'Europe pour avoir véritablement un audiovisuel européen, et surtout une production européenne, de l'Eurêka en général, audiovisuel et technologique.
- Nous avons eu une importante délibération surtout avec M. le Chancelier ce matin au cours de notre petit déjeuner en commun, sur le problème du nucléaire civil, sur le retraitement du combustible. Un texte a été également adopté, vous l'aurez en mains, inutile de le commenter, il dit lui-même mieux que je le ferais maintenant, ce qu'il y avait à dire.
- Nous avons également parlé d'un conseil de l'environnement entre l'Allemagne et la France, sujet dont on pourrait dire qu'il est à la mode mais qui en vérité préoccupe depuis longtemps les responsables de nos deux pays, puisqu'avec le Chancelier Kohl, nous avons constaté que depuis 1983, nous avions déjà élaboré toute une série de projets dont certains voient le jour.
- On a parlé de l'Europe, des premiers effets du rapport Delors sur lequel, nonobstant telle ou telle remarque au passage, nous avons une position qui est dans l'ensemble favorable, mais nous nous attardons sur les problèmes qui ne sont pas minces, qui touchent au développement de l'Europe des citoyens, aux passages aux frontières, à la fiscalité et à l'Europe sociale. Le droit social européen qui nous apparaît, qui m'apparaît à moi-même, comme un des éléments capitaux du devenir européen de l'année 1989, ou qui devrait l'être si on nous écoute. Mais enfin, c'est un point qui montrera la volonté de faire l'Europe ou bien de se contenter de ce qui existe aujourd'hui qui n'est pas mal, mais qui ne suffit pas.
- Je pense que le plus simple est de demander maintenant au Chancelier Kohl de bien vouloir s'exprimer, après quoi vous poserez les questions de votre choix. Je dirai simplement ici même à quel point il nous est agréable de recevoir une fois de plus à Paris nos partenaires et amis allemands. Le travail a commencé de longue date et se poursuit dans de bonnes conditions.\
LE PRESIDENT.- Je vous remercie, monsieur le Chancelier et j'ajouterai simplement que le Chancelier et moi, ainsi que les ministres des affaires étrangères, avons abordé, dès le point de départ, de nombreux problèmes qu'on appellera d'affaires étrangères. Nous avons mis l'accent, en particulier, sur les relations Est Ouest, avec l'Union soviétique, sur le problème du Liban et tous les efforts qui doivent être accomplis pour apaiser les intolérances et parvenir d'abord à une trève, ensuite à un statut durable dans les relations de cette région du monde.
- Le ministre des affaires étrangères français revient de Pologne, j'y serai moi-même au mois de juin. Je pense que le Chancelier compte s'y rendre peut-être en juillet ou un peu plus tard.
- Nous avons parlé du développement de la CEE, la Communauté économique européenne, engagé quelques actions communes. Une particulièrement intéressante même si elle passe un peu inaperçue qui touche à un concours franco-allemand pour le Soudan, pour apporter une aide humanitaire aux populations de ce pays.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans le domaine du Liban que vous venez d'évoquer, est-ce que les efforts pour aboutir à un cessez-le-feu donnent quelque chose de concret, soit du côté du Conseil de Sécurité, soit en ce qui concerne un éventuel voyage de M. Perez de Cuellar ?
- LE PRESIDENT.- C'est l'action que la France a engagée. Le Conseil de sécurité a déjà été saisi de ce problème à diverses reprises dans le passé et, particulièrement, au mois d'octobre de l'année dernière. Nous avons pu évaluer les dispositions de nos partenaires, membres permanents du Conseil de Sécurité notamment, leur disponibilité pour aborder ce problème. Cette disponibilité jusqu'alors, n'était pas très grande. Il ne s'agissait donc pas d'aboutir à un débat purement formel qui aurait pu, le cas échéant, échouer par l'absence de majorité nécessaire devant le Conseil de Sécurité. Nous n'en avons pas pour autant abandonné la démarche. Mais ils nous a semblé plus opportun de demander au même Conseil de Sécurité de s'engager de telle sorte que le Secrétaire général des Nations unies pût élaborer une méthode, recevoir une mission, se rendre sur place et, si possible, obtenir de ceux qui s'opposent et se combattent une trève, pendant le temps de cette mission ce qui laisserait aux habitants de cette région et aussi aux pays du monde le temps nécessaire pour élaborer un certain nombre de réponses de fond au problème qui est posé.
- J'ai moi-même organisé des contacts, prenant le relais de tout ce qui avait été entrepris et dont vous aurez le compte rendu par le ministre des affaires étrangères depuis plusieurs mois. Vous savez à quel point les pays qui, aujourd'hui, se trouvent au Liban dans des forces armées, je pense à la Syrie et je pense à Israël, refusent toute idée d'internationalisation de ce problème. L'internationalisation peut être nécessaire, mais commencer par parler d'internationalisation n'est pas la meilleure façon d'obtenir le concours de ces pays pour en finir avec ce drame.
- Il me semble que M. Perez de Cuellar, par son expérience, sa sagesse et l'autorité dont il dispose dans le monde, pourrait dénouer bien des fils qui restent aujourd'hui dans l'obscurité.
- Il a fallu donc déboucher, surtout au travers des derniers événements, sur une diplomatie ouverte et publique, indépendemment de l'action humanitaire engagée par la France et seulement par la France, au cours de ces dernières semaines.
- Nous avons maintenant devant nous à examiner ce que pourraient être les fruits des conversations directes que j'ai eues avec bon nombre de responsables. Je ne voudrais pas en oublier en les citant de mémoire, mais enfin j'ai téléphoné - selon les commodités des uns et des autres et les emplois du temps, ce n'était pas un ordre de préséance - à Mme Thatcher, à M. Bush, à M. Moubarak et au Président Chadli Benjedid, à M. Gorbatchev, à M. Gonzales. J'ai rencontré le Roi de Jordanie, nous avons maintenu une liaison active avec l'Emir du Koweit qui, comme vous le savez, remplit un rôle particulier dans l'organisation de la Ligue arabe. Nous avons - ce qui est présupposé - organisé avec M. Perez de Cuellar lui-même, qui se trouvait en Europe, une manière de faire pour aboutir. J'ai encore quelques autres contacts en train. Plusieurs autres pays seront touchés par mes propres soins dans les heures qui suivent.\
`Suite sur le conflit du Liban` Qu'est-ce qu'a voulu faire la France dans tout cela ? Elle a voulu faire beaucoup plus que témoigner, elle a agi. J'ai employé ces termes : ses actions ou son action humanitaire doit avoir valeur d'entraînement. Il faut que les nations civilisées, celles qui s'intéressent au sort des individus et des peuples, celles qui n'entendent pas résoudre leurs difficultés par la violence, il faut que ces pays prennent conscience de la situation dramatique du Liban qui a le droit reconnu à sa souveraineté, à son unité, à son intégrité. Et puis, il faut reconnaître que ce sont des efforts énormes qu'il faut accomplir pour que cette prise de conscience s'opère, sans doute en raison d'intérêts multiples, entremêlés et qui font choisir à beaucoup de pays la voie du silence ou de l'abstention. On détourne le regard, on ne veut pas savoir ce qui se passe, ce n'est pas le cas de la France. Et parmi nos partenaires, assurément, l'un des partenaires à nos yeux privilégiés sur le plan de la confiance mutuelle, l'Allemagne fédérale. Nous avons donc saisi dès le point de départ, l'Allemagne fédérale, et comme le Chancelier venait à Paris, nous avons pu avoir un entretien approfondi à ce sujet. J'ajoute que nous avons entendu beaucoup de conseils, nous avons agi aux yeux de certains, pas assez, sans que l'on parvienne à savoir exactement ce qu'ils proposent.
- Trois types d'actions sont possibles. Deux ont été entreprises par la France. L'action humanitaire et l'action diplomatique. Il en est une troisième : - Est-elle au fond de la pensée de ceux qui nous disent "Agissons, l'honneur de la France est en cause, son rôle historique aussi" - je veux dire la guerre. L'entrée de la France dans la guerre par une expédition militaire, est-ce cela qu'on nous demande ? En vérité, c'est bien le raisonnement que l'on nous propose, c'est bien la logique dans laquelle on voudrait que nous nous inscrivions, mais lorsque l'on pose la question pour dire : est-ce bien cela que vous pensez ? Aussitôt chacun se tait, heureusement, n'osant pas exprimer publiquement la réalité du raisonnement. Alors, il reste l'action diplomatique. Cette action diplomatique, ce n'est pas insignifiant. Si les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité s'en mêlent ce n'est pas indifférent si le Secrétaire général des Nations unies prend une responsabilité directe. Ce n'est pas indifférent si de grands pays comme ceux que j'ai cités, et particulièrement notre partenaire allemand prêtent la main à la réussite de cette action. Mais qui croira que c'est facile ou que ce sera immédiat après quatorze ans de guerre continue. Bref, j'arrête mon raisonnement, je répondais simplement à votre question, monsieur Bortoli, pour vous dire que nous entendons avec résolution poursuivre notre effort, que la France continuera d'être disponible, pour ses amis Libanais, tous les Libanais qui souffrent de la guerre dans les mêmes atroces conditions. Et pour le Liban qui a le droit de demeurer un pays souverain.\
QUESTION.- Je m'appelle Kovalenko, je représente le journal de l'Union soviétique Izvestia. J'aimerais savoir si vous avez discuté au sommet des questions de la modernisation des armes nucléaires et quelles sont à l'heure actuelle les positions françaises et les positions allemandes ? Il y a quelques jours à Londres, M. Gorbatchev a déclaré que l'Union soviétique ne veut pas moderniser ses armes nucléaires.
- LE PRESIDENT.- Nous avons abordé ce sujet, mais occasionnellement, réservant notre débat qui sera préparé par le Chancelier et moi-même et par nos ministres compétents, affaires étrangères et défense, pour la future réunion de l'OTAN. Nous n'avons donc pas tranché cette question entre nous. J'ai demandé au Chancelier ce qu'il en pensait. Il ne m'a pas chargé de vous le dire. Il a lui-même souhaité connaître ma position. Il faut inscrire ce débat dans l'idée que rien ne doit être fait qui puisse compromettre le mouvement vers le désarmement et donc vers la détente, que ce mouvement doit être continu, mais qu'il suppose ou pré-suppose à tout Etat, que les mesures de sécurité comparables soient prises par des différents partenaires de cette discussion afin que nul ne se trouve en cours de route exposé. Ceci est de l'ordre normal des responsabilités des pays en cause. Et c'est dans ce cadre-là que la discussion sur les armes nucléaires à très courte portée sera engagée au sein de l'OTAN. Vous savez qu'il y a des positions selon lesquelles il faudrait aller très vite pour moderniser, mais l'échéance qui verra les armements déjà existants, rendus obsolètes, est assez lointaine. On a donc un certain temps de réflexion, mais le problème est de savoir, et çà c'est un problème d'experts comparant les moyens d'armement des deux alliances, dans quels états réels elles se trouvent.
- En effet, j'ai bien entendu, avec beaucoup d'intérêt la déclaration de M. Gorbatchev disant que l'Union soviétique ne modernisait pas. L'un des problèmes qui reste à étudier, c'est de savoir si elle a modernisé. Le débat est ouvert. Je sais que l'Union soviétique nous a dit qu'elle n'a pas modernisé et pas depuis 1963 même, pour certaines de ses armes. Généralement l'Union soviétique est capable d'une prévoyance et d'une organisation qui laissent rarement 26 ans sans prendre de précautions, mais nous n'en savons rien. Cela mérite tout simplement une discussion. Ce qui est vrai, c'est que les démarches de l'une et l'autre alliance doivent être parallèles et concomitantes. Cà c'est un travail de diplomates et de spécialistes. Si telles sont les choses, chacun doit parier pour la détente et pour la paix, donner priorité à la paix. Mais la paix, vous savez bien est toujours liée à la notion de sécurité. C'est pourquoi les discussions engagées sur les questions traditionnelles, sur les armements classiques, dans le cadre déjà fixé seraient déjà une preuve de bonne volonté, qui certainement demanderait un certain nombre d'autres attitudes sur les problèmes nucléaires. Voilà ce que je puis dire, sans m'engager plus qu'il ne faut, puisque la discussion n'est qu'abordée, n'est que commencée.\
QUESTION.- Monsieur le Président, on nous a rapporté que dans votre rencontre avec le Chancelier Kohl hier, la question de l'Autriche censée rentrer dans la Communauté européenne a été abordée en disant que cela poserait des problèmes. Est-ce que vous pouvez expliquer, illustrer un peu de quel ordre ces problèmes seront ?
- LE PRESIDENT.- Oui, nous en avons un peu parlé. Pas spécialement de l'Autriche mais aussi de l'Autriche. Nous avons parlé des nouvelles demandes, de celle de la Turquie d'ailleurs plus ancienne que celle de l'Autriche, d'autres sont prévisibles. Donc c'est un problème de caractère général qui ne s'applique pas spécialement à l'Autriche qui en tant que partenaire et particulièrement désirable, et qui quel que soit son statut diplomatique et militaire, c'est un pays éminemment destiné à prendre part au développement de notre Europe. Mais en fait, il ne paraît pas de bonne gestion de poser d'autres problèmes d'extension de l'Europe avant d'avoir abouti nous-mêmes, mené a bien l'Acte unique que nous avons décidé en 1985. Voilà, c'est sous cet angle-là qu'il a semblé que cette demande parfaitement recevable ne paraissait pas de stricte actualité. Je crois vous avoir tout dit.\
QUESTION.- Est-ce que vous pensez que l'avenir du nucléaire est aujourd'hui encore à concevoir dans une unique perspective nationale ou est-ce que l'avenir du nucléaire civil a une perspective européenne et que vous êtes en train de préparer aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- Le nucléaire civil ? J'aurais dû le préciser et je vous remercie de poser la question. Notre débat avec création d'un comité permanent d'experts que présideront MM. Fauroux et M. Toetfer avec des hauts spécialistes ne vise évidemment que le nucléaire civil. Il ne doit pas y avoir de confusion. Je pense qu'aucun journaliste ne l'a faite. Si l'on a débattu particulièrement du retraitement, c'est parce qu'il y a une opportunité au travers d'un accord entre deux sociétés et qu'il y a un débat en Allemagne à ce sujet sur l'implantation d'une usine de retraitement. Nous traitons les problèmes d'actualité sans bien entendu oublier la perspective générale.
- Que ce type d'accords soit ouvert à d'autres pays sans aucun doute, c'est tout à fait souhaitable, que la Communauté soit une vraie Communauté dans tous les domaines. Là, il s'agit du domaine civil où s'exerce la vocation naturelle de l'Europe. Nous faisons pour l'instant avec ce que l'on a. On traite entre pays disposés à le faire. Tout autre serait naturellement la discussion sur ce qu'on appellera de façon aussi sommaire, le nucléaire militaire. De ce point de vue, vous connaissez les règles de la société internationale et il y a même un contrôle sur le nucléaire civil afin qu'il ne puisse pas déboucher sur un développement, une propagation du nucléaire militaire. Quant à la France, elle tient à sa stratégie autonome fondée sur la dissuasion nucléaire, elle ne reste pas moins fidèle à l'Alliance. Mais elle n'entend pas partager une décision qui est souveraine et qui dépend du Président de la République et qui ne suppose pas le partage de la décision et de l'emploi, qui suppose bien entendu le partage de l'information lorsqu'elle est possible. Si vous exprimez un souhait : que l'Europe se constitue de plus en plus autour d'une bonne maîtrise du nucléaire civil qui est inséparable d'une bonne maîtrise de l'environnement. D'où la précision, le sérieux avec lequel doivent être abordés ces problèmes, ce n'est pas un problème franco-allemand mais il se trouve que l'Allemagne fédérale et la France se rencontrent plus souvent qu'ils ne le font avec d'autres et qu'ils ont traité ce sujet qui les intéresse tous les deux.\
QUESTION.- Pouvez-vous nous en dire davantage sur les grandes décisions prises ce matin lors de la première réunion du Conseil de défense et sur ses objectifs à moyen et à long termes ?
- LE PRESIDENT.- Vous me lancez là dans un vaste discours ! Le Conseil de défense franco-allemand a pour objet de traiter tous les problèmes de sécurité et ils sont très nombreux. Je ne peux, à l'heure qu'il est, les rassembler en une phrase. C'est impossible. Nous avons déjà mis en train depuis 1983 un certain nombre de démarches pratiques, la brigade, les échanges d'officiers, l'apprentissage des langues... Vous en connaissez la liste. Je vous ai presque constamment vu à chacune de nos conférences de presse et vous y avez pris part. Aujourd'hui nous franchissons un pas de plus mais dans l'esprit que j'ai tenu à dire depuis le point de départ, c'est-à-dire que nous ne voulons pas contrarier le mouvement aujourd'hui observé, auquel nous prenons une part éminente, vers la détente et le désarmement. Ce n'est pas une contradiction. Mais puisqu'il y a encore - il serait naïf de dire qu'il n'y en aurait plus - des problèmes de sécurité qui se posent pour chacun des pays de l'Europe, il s'en pose pour nous comme pour les autres et nous les traitons en commun. Cela peut prendre absolument toutes les formes, il n'y a pas entre nous de sujets interdits. Une fois précisé, ce que je viens de vous dire de la décision et de l'emploi du nucléaire, de l'arme nucléaire sur lesquels nos statuts sont différents. Voilà, je ne peux pas vous dire autre chose.
- Bien, si vous le voulez bien, nous allons dans un moment terminer cette conférence de presse. Je remercierai le Chancelier Kohl pour son éminente contribution. D'autre part, je finirai comme j'ai commencé, vous m'aviez questionné sur le Liban, monsieur Bortoli, je vais répéter ici la disponibilité de la France.
- On a pas vu beaucoup de Bernard Kouchner dans Beyrouth en feu. Mais l'objectif ne s'arrête pas là, il faut que Beyrouth cesse d'être en feu. Cela fait des mois, sinon des années, que la France s'efforce par ses démarches, de convaincre le monde de s'y intéresser davantage. Vous me direz sans succès. Oui, des passions locales, les ambitions régionales, l'indifférence des peuples plus lointains, les imbrications avec d'autres conflits dans la même région, tout cela fait que c'est un travail de longue haleine et je suis heureux que ces points de vue aient été partagés par la République fédérale que je remercie pour son travail à nos côtés. Nous travaillons nous-même au côté de la République fédérale dans le meilleur esprit possible. Voilà l'objet de nos rencontres.\