10 mars 1989 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République à l'issue de son voyage officiel en Algérie, notamment sur les relations franco-algériennes, les problèmes du Maghreb et du Sahara occidental et sur la dette des pays en voie de développement.
Mesdames et messieurs,
- Avant de rentrer en France, j'ai souhaité avoir cette rapide rencontre avec la presse. Vous avez été tenus informés, au cours de ces très brèves heures mais très bien remplies, mais je voudrais y ajouter - le cas échéant, si vous avez quelques questions à poser - mes éléments personnels.
- Cette rencontre a été chaleureuse. Elle a été vaste car il n'est pas de problème intéressant l'Algérie et la France qui n'ait été traité, non seulement les nombreux aspects bilatéraux mais aussi les grandes questions internationales qui touchent nos deux pays. Je pars donc extrêmement satisfait du travail accompli, mais aussi de l'occasion qui m'a été donnée de retrouver d'une façon utile et confiante le Président Chadli Bendjedid.
- Sur le plan bilatéral, les questions qui se posent sont d'ordre économique et financier :
- Financier, d'une part. Comme vous le savez, des accords récents ont été signés entre nos deux pays £ - économique, il s'agit d'une relation constante entre l'Algérie et la France, des problèmes de développement propres à ce pays où nous sommes et du rôle que peut jouer la France - ce qu'elle est d'ailleurs disposée à faire - pour contribuer à parachever ces nécessaires développements. Puis, il y a des problèmes propres d'endettement, problèmes qui ne sont pas particuliers, bien entendu, à l'Algérie.
- Sur le plan bilatéral, nous avons aussi quelques aspects humains. Le problème des familles déchirées. Celui aussi d'un certain nombre de Français qui continuent à vivre là, ou qui sont rentrés en France, et dont les droits n'ont pas encore été réglés. Ce sont des phénomènes qui tiennent à la fin d'une histoire et au début d'une autre et qui sont traités avec le souci, de part et d'autre, d'y répondre correctement, humainement, de façon que tous les éléments politiques que nécessite la vie en commun - l'Algérie et la France sont des pays voisins - soient réglés.
- Sur le plan international, nous avons traité surtout les problèmes de ce que je n'ose appeler "la région", mais enfin du monde arabe : aussi bien le problème du conflit israélo-arabe que le problème du Liban, que la naissance de cette nouvelle institution du Maghreb uni. Le Président Chadli Bendjedid m'en a beaucoup parlé et j'étais très intéressé par cette conversation. J'ai pensé d'ailleurs que, devant assurer, à partir du début juillet, la présidence de la communauté européenne, j'aurai sans doute l'occasion de revenir au Maghreb parce que je pense que ce serait l'occasion d'inaugurer un nouveau type de relations entre les deux communautés, qui sont de natures différentes mais tendent vers les mêmes objectifs.\
QUESTION.- Au sujet de la conférence sur la Méditerranée occidentale.
- LE PRESIDENT.- Nous en avons parlé mais d'une façon peu formelle : c'est un projet. Vous savez que la France avait pris une initiative, il y a quelques années, et que l'Italie avait à son tour émis quelques idées sur ce sujet. Les conditions se réunissent actuellement car il y avait des conflits qui s'apaisent et qui permettraient aux différents riverains de la Méditerranée occidentale de se réunir pour étudier ensemble des problèmes d'environnement, des problèmes de sécurité, des problèmes de développement. Il ne faut pas aborder ce problème d'une façon exagérément formelle en disant : "Eh bien, voilà ! on va réunir dans tant de temps les responsables de ces pays". Ce serait aller plus vite qu'il ne conviendrait car ces choses doivent être très bien préparées. Enfin, qu'il y ait un ensemble régional autour de la Méditerranée occidentale nous paraît à tous une idée riche d'avenir.\
QUESTION.- Au sujet de la dignité des Algériens en France.
- LE PRESIDENT.- Vous savez que je suis de ceux - ils sont nombreux en France - qui ont souhaité que la situation des Algériens en France prenne un nouveau tour £ ceci, dans le cadre général de la situation des immigrés en France. C'est un grand débat national, vous nous connaissez, qui est animé, de temps à autre, tristement par des actes ou des événements qui marquent encore. Malgré le temps qui passe il existe des antinomies, parfois même des réflexes racistes. Donc c'est un problème que nous avons vraiment pris à bras-le-corps et j'ai, il y a quelque temps, indiqué que j'entendais que le problème des immigrés en France soit traité d'une autre façon qu'il l'a été lors de l'adoption d'une loi au temps de la dernière législature. Alors cela veut dire le travail, les droits au travail, la vie de citoyen, le droit à la dignité qui se traduit par des actes simples : comment vit-on chaque jour là où on est ? Il faut quand même les équipements, l'assistance, l'accès aux droits de tous les autres. Et c'est ce que j'entends faire en France.
- Il y a aussi certains éléments culturels qu'il ne faut pas négliger. En dehors de cas isolés individuels, le problème est bien abordé aujourd'hui. La nation française ressent profondément l'utilité de la présence de ces immigrés chez nous car ils y travaillent et ils y travaillent bien. Je dis en dehors d'un certain nombre de cas isolés qui ont eu longtemps le relais de mouvements politiques tendant à une sorte d'idéologie d'exclusion, tout cela est vraiment en recul. J'assiste aujourd'hui, avec beaucoup d'intérêt, à l'avancée des idées qui, dans ce domaine, me sont chères. Voilà ce que je puis vous dire. On a le droit d'être optimiste.\
QUESTION.- Au sujet de l'affaire Rushdie.
- LE PRESIDENT.- Nous avons naturellement parlé de l'affaire Rushdie. Sur les intentions de l'Algérie vous questionnerez les responsables algériens, il s'agit d'un pays musulman qui éprouve, avec beaucoup de vivacité, tout ce qui peut mettre en cause la pratique et la croyance religieuses. Cela se comprend très bien, cela ne veut pas dire, pour autant, que l'on puisse passer par-dessus les règles fondamentales du droit international et du droit des gens. Moi je m'exprime à ce titre. Pour connaître la réaction algérienne, questionnez les dirigeants algériens, nous n'avons pas eu du tout de difficultés à nous entendre.\
QUESTION.- Au sujet du Sahara occidental.
- LE PRESIDENT.- Il en a été question. Il aurait été difficile de ne pas en parler alors que nous parlions du Maghreb uni, ce qui suppose la résolution de ce difficile problème. Dans un organisme nouveau qui réunit le Maroc, l'Algérie, la Mauritanie, la Tunisie, la Libye, le Sahara occidental se trouve en première ligne. Cette création nouvelle dont le premier acte a été posé à Zeralda suppose forcément un apaisement des tensions dans cette région. Le plus simple, semble-t-il, c'est de confier, comme cela a été fait, les intérêts et les réponses aux problèmes internationaux posés aux Nations unies et aux grandes organisations qui en ont la charge, quitte naturellement à ce que les différents pays intéressés y mettent le maximum de bonne volonté, c'est quand même ce qui a déjà été entrepris depuis déjà un certain nombre de mois et, spécialement, depuis les rencontres entre le Président Chadli Bendjedid et le Roi du Maroc.\
QUESTION.- Au sujet des nouvelles institutions algériennes.
- LE PRESIDENT.- Le Président Chadli Bendjedid m'a naturellement parlé de l'évolution de son pays, évolution notamment institutionnelle. C'est-à-dire la mise en place des institutions telles qu'elles ont été conçues et reconnues par le peuple algérien. Il a le sentiment que les choses se déroulent bien et je dois dire que la confiance populaire marquée au Président Chadli est un atout sans lequel il serait impossible d'agir. J'ai vraiment le sentiment, moi, que l'Algérie aborde des temps nouveaux, avec volonté, avec le souci de laisser à chaque famille intellectuelle, spirituelle, politique ou ethnique, dans le cadre de l'unité nationale, une capacité d'expression qui donne, à l'entreprise actuelle, une signification démocratique extrêmement intéressante. Alors voilà mon sentiment et le Président Chadli m'en a beaucoup parlé naturellement, cela lui tient à coeur, c'est d'ailleurs sa responsabilité d'aujourd'hui. Vous lui demanderez, si vous le voulez bien, maintenant ce qu'il en pense, il confirmera sans doute ce que je viens de dire.\
QUESTION.- Au sujet de la mise au point des problèmes en suspens.
- LE PRESIDENT.- C'est ce que je viens de dire. Les relations internationales sont faites de problèmes à régler qui ne sont pas graves mais ont connu depuis déjà pas mal d'années une note tout à fait apaisante. Les choses ont toujours tendance à se crisper entre deux pays qui se sont affrontés et si souvent rencontrés avec en même temps un très vif désir d'harmoniser les points de vue. Alors ce que je puis dire, c'est que sur tous les terrains que je viens de traiter, c'est-à-dire les problèmes économiques, les problèmes strictement financiers, les problèmes de personnes, humains, qui se posent sur chacun de ces points, nous constatons des avancées sérieuses. Les problèmes financiers ont fait l'objet d'accords récents qui ont été publiés et que vous connaissez, alors maintenant il faut que cela suive, c'est-à-dire que l'accord financier se transforme ou plutôt se prolonge d'une façon économique. J'avais déjà eu l'occasion d'aboutir à un accord de ce type en 1981 précisément avec le Président Chadli Bendjedid. Nos administrations étaient très réticentes. Mais cet accord sur le gaz avait été très positif pour l'Algérie et la France en avait tiré de très grands avantages : dans les années qui avaient suivi, le développement des échanges avait été considérable. Finalement le commerce extérieur de la France, par rapport à l'Algérie, avait connu un bond en avant tellement important qu'il y avait des milliards de bénéfice pour la France. Cet accord financier initial, qui pouvait apparaître comme audacieux, s'est révélé tout à fait juste. Ce n'est pas de la même façon qu'on agit cette fois-ci, mais c'est dans le même esprit.
- QUESTION.- Au sujet d'une prochaine visite au Maghreb.
- LE PRESIDENT.- J'ai déjà dit tout-à-l'heure que je pensais venir en tant que Président de la Communauté européenne, je le ferai entre le 1er juillet 89 `1989` et le 1er janvier 90 `1990`. Donc c'est dans cette période de temps, à l'automne quelque chose comme cela, que je serai amené à revenir au Maghreb, c'est un point à définir. Quant au Président Chadli, je sais qu'il nourrit le projet de venir un jour me voir en France.\
QUESTION.- Au sujet de la dette.
- LE PRESIDENT.- Le problème de l'endettement : c'est un sujet que l'on travaille pour l'instant. La France est tenue par des contraintes internationales, soit les règles du FMI soit celles du Club de Paris. Elle a un droit d'initiative, j'en ai usé à Toronto en demandant l'abandon de la créance des pays riches sur le tiers des dettes des pays les plus pauvres. J'en ai usé aux Nations unies en demandant qu'un fonds international soit créé. J'ai indiqué une méthode, on peut la discuter mais enfin l'objectif reste le même. Il y aurait de nouveaux droits de tirages spéciaux que les pays riches, qui en seraient les principaux bénéficiaires, ne percevraient pas mais mettraient à la disposition de ce fonds international de telle sorte que les dettes seraient payées et les intérêts le seraient aussitôt. Les créanciers ne seraient donc pas lésés mais ce ne seraient pas les pays débiteurs qui en auraient l'entière charge. On n'échappera pas à une solution de ce genre, on pourra varier sur les méthodes mais pas sur la création de ce fonds, j'y insiste beaucoup, le problème de l'endettement est aujourd'hui le problème majeur qui contribue à la détérioration des échanges et donc à la crise mondiale.
- LE PRESIDENT.- Madame, vous vouliez dire un mot ?
- QUESTION.- A propos de l'endettement, l'Algérie est prête à avoir un rééchelonnement bilatéral ?
- LE PRESIDENT.- Je sais, je sais, c'est un sujet dont nous avons parlé. J'ai déjà dit quelles étaient nos contraintes mais la France est un pays plein de bonne volonté qui cherchera à répondre à sa manière et dans la limite de ses possibilités aux désirs et aux intérêts algériens. Donc c'est un sujet qui est actuellement traité. On doit le traiter avec prudence car nous appartenons à un ensemble de nations qui ont adopté des règles communes. Les solutions bilatérales ne sont pas très aisées.
- QUESTION.-
- LE PRESIDENT.- Il est temps ... il n'est que temps ! Cela fait déjà des années, depuis disons Cancun rien n'est fait. Et Cancun n'avait pas réussi, hein ? Mais je comprends très bien monsieur, je vous le ferai savoir la prochaine fois. J'en parle quelquefois quand même, ailleurs. Merci, il faut que je reparte, je vous remercie d'avoir bien voulu prendre part à cette breve réunion, je remercie l'Algérie, ses dirigeants, son peuple pour l'accueil reçu. Au revoir.\
- Avant de rentrer en France, j'ai souhaité avoir cette rapide rencontre avec la presse. Vous avez été tenus informés, au cours de ces très brèves heures mais très bien remplies, mais je voudrais y ajouter - le cas échéant, si vous avez quelques questions à poser - mes éléments personnels.
- Cette rencontre a été chaleureuse. Elle a été vaste car il n'est pas de problème intéressant l'Algérie et la France qui n'ait été traité, non seulement les nombreux aspects bilatéraux mais aussi les grandes questions internationales qui touchent nos deux pays. Je pars donc extrêmement satisfait du travail accompli, mais aussi de l'occasion qui m'a été donnée de retrouver d'une façon utile et confiante le Président Chadli Bendjedid.
- Sur le plan bilatéral, les questions qui se posent sont d'ordre économique et financier :
- Financier, d'une part. Comme vous le savez, des accords récents ont été signés entre nos deux pays £ - économique, il s'agit d'une relation constante entre l'Algérie et la France, des problèmes de développement propres à ce pays où nous sommes et du rôle que peut jouer la France - ce qu'elle est d'ailleurs disposée à faire - pour contribuer à parachever ces nécessaires développements. Puis, il y a des problèmes propres d'endettement, problèmes qui ne sont pas particuliers, bien entendu, à l'Algérie.
- Sur le plan bilatéral, nous avons aussi quelques aspects humains. Le problème des familles déchirées. Celui aussi d'un certain nombre de Français qui continuent à vivre là, ou qui sont rentrés en France, et dont les droits n'ont pas encore été réglés. Ce sont des phénomènes qui tiennent à la fin d'une histoire et au début d'une autre et qui sont traités avec le souci, de part et d'autre, d'y répondre correctement, humainement, de façon que tous les éléments politiques que nécessite la vie en commun - l'Algérie et la France sont des pays voisins - soient réglés.
- Sur le plan international, nous avons traité surtout les problèmes de ce que je n'ose appeler "la région", mais enfin du monde arabe : aussi bien le problème du conflit israélo-arabe que le problème du Liban, que la naissance de cette nouvelle institution du Maghreb uni. Le Président Chadli Bendjedid m'en a beaucoup parlé et j'étais très intéressé par cette conversation. J'ai pensé d'ailleurs que, devant assurer, à partir du début juillet, la présidence de la communauté européenne, j'aurai sans doute l'occasion de revenir au Maghreb parce que je pense que ce serait l'occasion d'inaugurer un nouveau type de relations entre les deux communautés, qui sont de natures différentes mais tendent vers les mêmes objectifs.\
QUESTION.- Au sujet de la conférence sur la Méditerranée occidentale.
- LE PRESIDENT.- Nous en avons parlé mais d'une façon peu formelle : c'est un projet. Vous savez que la France avait pris une initiative, il y a quelques années, et que l'Italie avait à son tour émis quelques idées sur ce sujet. Les conditions se réunissent actuellement car il y avait des conflits qui s'apaisent et qui permettraient aux différents riverains de la Méditerranée occidentale de se réunir pour étudier ensemble des problèmes d'environnement, des problèmes de sécurité, des problèmes de développement. Il ne faut pas aborder ce problème d'une façon exagérément formelle en disant : "Eh bien, voilà ! on va réunir dans tant de temps les responsables de ces pays". Ce serait aller plus vite qu'il ne conviendrait car ces choses doivent être très bien préparées. Enfin, qu'il y ait un ensemble régional autour de la Méditerranée occidentale nous paraît à tous une idée riche d'avenir.\
QUESTION.- Au sujet de la dignité des Algériens en France.
- LE PRESIDENT.- Vous savez que je suis de ceux - ils sont nombreux en France - qui ont souhaité que la situation des Algériens en France prenne un nouveau tour £ ceci, dans le cadre général de la situation des immigrés en France. C'est un grand débat national, vous nous connaissez, qui est animé, de temps à autre, tristement par des actes ou des événements qui marquent encore. Malgré le temps qui passe il existe des antinomies, parfois même des réflexes racistes. Donc c'est un problème que nous avons vraiment pris à bras-le-corps et j'ai, il y a quelque temps, indiqué que j'entendais que le problème des immigrés en France soit traité d'une autre façon qu'il l'a été lors de l'adoption d'une loi au temps de la dernière législature. Alors cela veut dire le travail, les droits au travail, la vie de citoyen, le droit à la dignité qui se traduit par des actes simples : comment vit-on chaque jour là où on est ? Il faut quand même les équipements, l'assistance, l'accès aux droits de tous les autres. Et c'est ce que j'entends faire en France.
- Il y a aussi certains éléments culturels qu'il ne faut pas négliger. En dehors de cas isolés individuels, le problème est bien abordé aujourd'hui. La nation française ressent profondément l'utilité de la présence de ces immigrés chez nous car ils y travaillent et ils y travaillent bien. Je dis en dehors d'un certain nombre de cas isolés qui ont eu longtemps le relais de mouvements politiques tendant à une sorte d'idéologie d'exclusion, tout cela est vraiment en recul. J'assiste aujourd'hui, avec beaucoup d'intérêt, à l'avancée des idées qui, dans ce domaine, me sont chères. Voilà ce que je puis vous dire. On a le droit d'être optimiste.\
QUESTION.- Au sujet de l'affaire Rushdie.
- LE PRESIDENT.- Nous avons naturellement parlé de l'affaire Rushdie. Sur les intentions de l'Algérie vous questionnerez les responsables algériens, il s'agit d'un pays musulman qui éprouve, avec beaucoup de vivacité, tout ce qui peut mettre en cause la pratique et la croyance religieuses. Cela se comprend très bien, cela ne veut pas dire, pour autant, que l'on puisse passer par-dessus les règles fondamentales du droit international et du droit des gens. Moi je m'exprime à ce titre. Pour connaître la réaction algérienne, questionnez les dirigeants algériens, nous n'avons pas eu du tout de difficultés à nous entendre.\
QUESTION.- Au sujet du Sahara occidental.
- LE PRESIDENT.- Il en a été question. Il aurait été difficile de ne pas en parler alors que nous parlions du Maghreb uni, ce qui suppose la résolution de ce difficile problème. Dans un organisme nouveau qui réunit le Maroc, l'Algérie, la Mauritanie, la Tunisie, la Libye, le Sahara occidental se trouve en première ligne. Cette création nouvelle dont le premier acte a été posé à Zeralda suppose forcément un apaisement des tensions dans cette région. Le plus simple, semble-t-il, c'est de confier, comme cela a été fait, les intérêts et les réponses aux problèmes internationaux posés aux Nations unies et aux grandes organisations qui en ont la charge, quitte naturellement à ce que les différents pays intéressés y mettent le maximum de bonne volonté, c'est quand même ce qui a déjà été entrepris depuis déjà un certain nombre de mois et, spécialement, depuis les rencontres entre le Président Chadli Bendjedid et le Roi du Maroc.\
QUESTION.- Au sujet des nouvelles institutions algériennes.
- LE PRESIDENT.- Le Président Chadli Bendjedid m'a naturellement parlé de l'évolution de son pays, évolution notamment institutionnelle. C'est-à-dire la mise en place des institutions telles qu'elles ont été conçues et reconnues par le peuple algérien. Il a le sentiment que les choses se déroulent bien et je dois dire que la confiance populaire marquée au Président Chadli est un atout sans lequel il serait impossible d'agir. J'ai vraiment le sentiment, moi, que l'Algérie aborde des temps nouveaux, avec volonté, avec le souci de laisser à chaque famille intellectuelle, spirituelle, politique ou ethnique, dans le cadre de l'unité nationale, une capacité d'expression qui donne, à l'entreprise actuelle, une signification démocratique extrêmement intéressante. Alors voilà mon sentiment et le Président Chadli m'en a beaucoup parlé naturellement, cela lui tient à coeur, c'est d'ailleurs sa responsabilité d'aujourd'hui. Vous lui demanderez, si vous le voulez bien, maintenant ce qu'il en pense, il confirmera sans doute ce que je viens de dire.\
QUESTION.- Au sujet de la mise au point des problèmes en suspens.
- LE PRESIDENT.- C'est ce que je viens de dire. Les relations internationales sont faites de problèmes à régler qui ne sont pas graves mais ont connu depuis déjà pas mal d'années une note tout à fait apaisante. Les choses ont toujours tendance à se crisper entre deux pays qui se sont affrontés et si souvent rencontrés avec en même temps un très vif désir d'harmoniser les points de vue. Alors ce que je puis dire, c'est que sur tous les terrains que je viens de traiter, c'est-à-dire les problèmes économiques, les problèmes strictement financiers, les problèmes de personnes, humains, qui se posent sur chacun de ces points, nous constatons des avancées sérieuses. Les problèmes financiers ont fait l'objet d'accords récents qui ont été publiés et que vous connaissez, alors maintenant il faut que cela suive, c'est-à-dire que l'accord financier se transforme ou plutôt se prolonge d'une façon économique. J'avais déjà eu l'occasion d'aboutir à un accord de ce type en 1981 précisément avec le Président Chadli Bendjedid. Nos administrations étaient très réticentes. Mais cet accord sur le gaz avait été très positif pour l'Algérie et la France en avait tiré de très grands avantages : dans les années qui avaient suivi, le développement des échanges avait été considérable. Finalement le commerce extérieur de la France, par rapport à l'Algérie, avait connu un bond en avant tellement important qu'il y avait des milliards de bénéfice pour la France. Cet accord financier initial, qui pouvait apparaître comme audacieux, s'est révélé tout à fait juste. Ce n'est pas de la même façon qu'on agit cette fois-ci, mais c'est dans le même esprit.
- QUESTION.- Au sujet d'une prochaine visite au Maghreb.
- LE PRESIDENT.- J'ai déjà dit tout-à-l'heure que je pensais venir en tant que Président de la Communauté européenne, je le ferai entre le 1er juillet 89 `1989` et le 1er janvier 90 `1990`. Donc c'est dans cette période de temps, à l'automne quelque chose comme cela, que je serai amené à revenir au Maghreb, c'est un point à définir. Quant au Président Chadli, je sais qu'il nourrit le projet de venir un jour me voir en France.\
QUESTION.- Au sujet de la dette.
- LE PRESIDENT.- Le problème de l'endettement : c'est un sujet que l'on travaille pour l'instant. La France est tenue par des contraintes internationales, soit les règles du FMI soit celles du Club de Paris. Elle a un droit d'initiative, j'en ai usé à Toronto en demandant l'abandon de la créance des pays riches sur le tiers des dettes des pays les plus pauvres. J'en ai usé aux Nations unies en demandant qu'un fonds international soit créé. J'ai indiqué une méthode, on peut la discuter mais enfin l'objectif reste le même. Il y aurait de nouveaux droits de tirages spéciaux que les pays riches, qui en seraient les principaux bénéficiaires, ne percevraient pas mais mettraient à la disposition de ce fonds international de telle sorte que les dettes seraient payées et les intérêts le seraient aussitôt. Les créanciers ne seraient donc pas lésés mais ce ne seraient pas les pays débiteurs qui en auraient l'entière charge. On n'échappera pas à une solution de ce genre, on pourra varier sur les méthodes mais pas sur la création de ce fonds, j'y insiste beaucoup, le problème de l'endettement est aujourd'hui le problème majeur qui contribue à la détérioration des échanges et donc à la crise mondiale.
- LE PRESIDENT.- Madame, vous vouliez dire un mot ?
- QUESTION.- A propos de l'endettement, l'Algérie est prête à avoir un rééchelonnement bilatéral ?
- LE PRESIDENT.- Je sais, je sais, c'est un sujet dont nous avons parlé. J'ai déjà dit quelles étaient nos contraintes mais la France est un pays plein de bonne volonté qui cherchera à répondre à sa manière et dans la limite de ses possibilités aux désirs et aux intérêts algériens. Donc c'est un sujet qui est actuellement traité. On doit le traiter avec prudence car nous appartenons à un ensemble de nations qui ont adopté des règles communes. Les solutions bilatérales ne sont pas très aisées.
- QUESTION.-
- LE PRESIDENT.- Il est temps ... il n'est que temps ! Cela fait déjà des années, depuis disons Cancun rien n'est fait. Et Cancun n'avait pas réussi, hein ? Mais je comprends très bien monsieur, je vous le ferai savoir la prochaine fois. J'en parle quelquefois quand même, ailleurs. Merci, il faut que je reparte, je vous remercie d'avoir bien voulu prendre part à cette breve réunion, je remercie l'Algérie, ses dirigeants, son peuple pour l'accueil reçu. Au revoir.\