14 février 1989 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du concert annuel des élèves de la Légion d'honneur, Saint-Germain-en-Laye, mardi 14 février 1989.
On pourrait croire qu'une cérémonie de ce type, se répétant chaque année, soit à Saint-Denis, soit à Saint-Germain, pourrait être monotone puisque le rite est le même, que nous nous retrouvons dans les mêmes lieux ou à peu près et que nous entendons les professeurs ou les élèves, et des élèves surtout, qui affirment leur talent autour de morceaux choisis par Maître Lavagne. Et pourtant chaque fois c'est différent et j'y trouve le même intérêt. D'abord parce que la continuité n'est pas forcément lassante, ensuite parce que, d'une année sur l'autre, ce sont d'autres générations qui s'affirment. Les enfants grandissent, les jeunes filles parviennent aux classes terminales et puis elles s'en vont. C'est la vie désormais à leur compte pour elles-mêmes, après avoir appris ce que l'on peut apprendre, et ce que l'on apprend avec les maîtres les plus dévoués ne suffira jamais à remplacer ce que l'on a en soi-même et qui servira aussi de référence pour le reste du temps.
- Eh bien, des éléments de cette éducation, de cette instruction, la musique n'est pas le moindre. Et, je le disais à l'instant à Maître Lavagne, quel dommage qu'en France, on enseigne si peu la musique, bien que des efforts très importants aient été accomplis déjà depuis quelques décennies £ malgré tout alors que j'ai pu observer le talent et même la maîtrise, cela doit être très difficile pour des jeunes filles parfois très jeunes, qui, de toute manière, n'ont pas ce type d'expérience, que d'exister devant beaucoup de monde, devant ses propres maîtres et celles et ceux que l'on voit tous les jours, d'exécuter un morceau sans véritable préparation. Il n'y a pas de commune mesure entre ce que l'on fait avant et ce que l'on exécute pendant, il faut aussi de la maîtrise et du sang-froid.
- Ce que j'observe comme cela chaque année se confirme. Je vais de l'une à l'autre des écoles de la Légion d'honneur : cette variation qui se répète me permet de faire la même observation : je suis vraiment très heureux de voir de quelle façon se poursuit une étude sérieuse, une approche scientifique et, en tout cas, scientifiquement presque menée pour connaître les secrets de la musique, pour la maîtrise de l'exécution et pour l'affirmation de talents qui ne sont pas encore assez nombreux dans un pays comme le nôtre, du moins pas assez nombreux à s'être révélés. D'où la tâche qui peut paraître ingrate et qui ne l'est pas, qui est un peu celle de pionniers, de celles et de ceux qui se consacrent à cette éducation. Je pense à Maître Lavagne que je retrouve toujours avec un grand plaisir, non seulement dans sa façon de mener les choses mais aussi dans sa capacité de création et d'exécution pour lui-même, sans oublier le dévouement qu'il met à remplir sa tâche. Je pourrais en dire autant, puisque nous nous retrouvons également rituellement, de Mme Charron et de Mme Serran et de toutes autres que je n'aurais pas citées, dont je connais les noms £ mais c'est inutile d'en dire davantage.
- Tout cela se déroulant dans le cadre d'institutions où s'exercent le talent et la conscience professionnelle du corps professoral, de l'encadrement de toutes disciplines qui se trouvent dans vos écoles sous l'autorité de Mme l'Intendante et de Mme l'Intendante générale que j'ai aussi grand plaisir à saluer, puisque ce sont elles qui après tout nous reçoivent.\
Je voudrais m'adresser à M. le Grand Chancelier qui met tant de dévouement et de constance dans son action. Que de fois, en cours d'année, M. le général Biard vient me voir ou m'écrit pour m'alerter, pour me dire "attention, nous pourrions faire des progrès, on pourrait développer les investissements, les constructions, on pourrait innover, il faut le faire". Généralement, il plaide si bien qu'il me convainc et je suis tout à fait satisfait de constater que vous allez commencer d'ouvrir vos établissements sur des études supérieures qui se trouveront amorcées dès maintenant, de telle sorte que le passage ne sera pas une rupture et vous permettra, je m'adresse à vous, de franchir la distance de plus en plus courte qui vous sépare des études universitaires.
- J'ai constaté de la même façon que avec quelques 94 à 95 % de succès au baccalauréat vous atteignez un niveau difficilement dépassable, à moins de comparer au chiffrage dit universel dans un certain nombre de pays. A la limite, si vous dépassez 95 %, je commencerai à m'inquiéter. Je ne sais pas comment nous faisons, comme on dit. De notre temps, on arrivait très loin de tels records. Sont-elles plus intelligentes, sont-elles mieux formées. Je ne sais quelle explication donner mais vous nous battez de loin. Il est vrai que moi j'étais dans un petit collège de province qui n'accède pas naturellement à la notoriété des établissements de la Légion d'honneur.
- Enfin, comme nous souhaitons que dans quelques années les jeunes Françaises et Français, à 80 % puissent accéder au baccalauréat, si l'on veut équiper la France de telle façon qu'elle soit capable de supporter la concurrence des plus grands pays du monde, 80 % pour le baccalauréat sans oublier bien entendu les très forts pourcentages qui seront nécessaires pour les études supérieures au moins du niveau de la licence, c'est un point de départ qui est assez remarquable. Moi, je ne vois que le résultat, je ne sais pas comment cela s'est fait, pas plus que l'on ne sait comment se sont bâties les pyramides. Cela suppose peut-être une sorte de stakhanovisme, je veux dire par là, l'étude à marches forcées, mais à voir ou à approcher madame la surintendante, madame l'Intendante générale et les professeurs, je n'ai pas l'impression que ce soit la méthode, enfin peut-être me le diront-elles. Ce qui est vrai, c'est que vous êtes arrivées à un très haut niveau.\
Ce que je connais de vos établissements ne m'a permis de constater que les progrès matériels, ils ne sont pas négligeables, vous avez à votre disposition un bon instrument, quand il s'agirait simplement de l'ordonnancement des locaux, avec des enseignants de bonne qualité, et avec une bonne base d'instruction dans tous les domaines, y compris dans le domaine de l'esthétique, dans le domaine des arts, dans le domaine de la musique, tout cela me rendrait optimiste si j'avais besoin de l'être, me rendrait optimiste sur à la fois le sort de nos établissements de la Légion d'honneur et sur votre propre approche de la vie active à laquelle on aspire toujours. On a toujours envie d'aller un peu plus loin, on a bien tort, car quand on est un peu plus loin il faut aller encore un peu plus loin et on commence à partir de cela à jeter un regard sur le passé. Ainsi va la vie. En attendant, pour l'instant, regardez le monde devant vous. Le fait que vous puissiez regarder devant vous avec un sentiment d'assurance, assurance que vous avez une formation suffisante à partir de laquelle tout est possible, je le répète cela dépend de vous et aussi du destin. A partir de là, vos études auront été un bon élément de base, et je souhaite qu'il en soit ainsi durablement car ce que j'ai, depuis maintenant 8 ans, appris des écoles de la Légion d'honneur m'a absolument assuré sur ce qu'il sera possible de bâtir au cours des années suivantes. Nous sommes dans une tradition, une longue tradition, qui, à beaucoup, peut paraître désuète, qui doit bien présenter ses difficultés, toute oeuvre humaine est ardue, compliquée, il y a des contradictions, nous voyons dans ces journées de musique et de lumière le bon côté de la médaille, l'autre je ne le sais pas, il est celui de toute société humaine à l'intérieur de chaque classe, à l'intérieur de chaque établissement, de toute société humaine. Eh bien, il y a des sociétés qui tournent bien. J'espère que ce sera le cas de la vôtre. J'espère, monsieur le Grand Chancelier, que vous nous offrirez l'année prochaine le spectacle d'un officier général en pleine forme parce que vous offrez des distractions qui ne sont pas de votre âge, mais j'ai plaisir à vous revoir peut-être pas très alerte encore, mais, comme ce fut le cas à travers toute votre carrière, disponible pour les devoirs que vous assumez.
- Voilà, mesdames et messieurs, vous allez dire : encore un discours de plus. J'ai déjà eu l'occasion de dire que, quand j'écoute les autres j'ai tendance à m'ennuyer, alors je ne voudrais pas qu'on puisse me faire le même compliment. Bref, une certaine économie de mots est utile dans ce domaine comme dans les autres. Puis-je vous dire : à l'année prochaine ? Bonne chance en tous cas et merci à celles et ceux qui prennent la peine et qui ont bien le droit d'être en ce jour, c'est le cas de le dire, à l'honneur.\
- Eh bien, des éléments de cette éducation, de cette instruction, la musique n'est pas le moindre. Et, je le disais à l'instant à Maître Lavagne, quel dommage qu'en France, on enseigne si peu la musique, bien que des efforts très importants aient été accomplis déjà depuis quelques décennies £ malgré tout alors que j'ai pu observer le talent et même la maîtrise, cela doit être très difficile pour des jeunes filles parfois très jeunes, qui, de toute manière, n'ont pas ce type d'expérience, que d'exister devant beaucoup de monde, devant ses propres maîtres et celles et ceux que l'on voit tous les jours, d'exécuter un morceau sans véritable préparation. Il n'y a pas de commune mesure entre ce que l'on fait avant et ce que l'on exécute pendant, il faut aussi de la maîtrise et du sang-froid.
- Ce que j'observe comme cela chaque année se confirme. Je vais de l'une à l'autre des écoles de la Légion d'honneur : cette variation qui se répète me permet de faire la même observation : je suis vraiment très heureux de voir de quelle façon se poursuit une étude sérieuse, une approche scientifique et, en tout cas, scientifiquement presque menée pour connaître les secrets de la musique, pour la maîtrise de l'exécution et pour l'affirmation de talents qui ne sont pas encore assez nombreux dans un pays comme le nôtre, du moins pas assez nombreux à s'être révélés. D'où la tâche qui peut paraître ingrate et qui ne l'est pas, qui est un peu celle de pionniers, de celles et de ceux qui se consacrent à cette éducation. Je pense à Maître Lavagne que je retrouve toujours avec un grand plaisir, non seulement dans sa façon de mener les choses mais aussi dans sa capacité de création et d'exécution pour lui-même, sans oublier le dévouement qu'il met à remplir sa tâche. Je pourrais en dire autant, puisque nous nous retrouvons également rituellement, de Mme Charron et de Mme Serran et de toutes autres que je n'aurais pas citées, dont je connais les noms £ mais c'est inutile d'en dire davantage.
- Tout cela se déroulant dans le cadre d'institutions où s'exercent le talent et la conscience professionnelle du corps professoral, de l'encadrement de toutes disciplines qui se trouvent dans vos écoles sous l'autorité de Mme l'Intendante et de Mme l'Intendante générale que j'ai aussi grand plaisir à saluer, puisque ce sont elles qui après tout nous reçoivent.\
Je voudrais m'adresser à M. le Grand Chancelier qui met tant de dévouement et de constance dans son action. Que de fois, en cours d'année, M. le général Biard vient me voir ou m'écrit pour m'alerter, pour me dire "attention, nous pourrions faire des progrès, on pourrait développer les investissements, les constructions, on pourrait innover, il faut le faire". Généralement, il plaide si bien qu'il me convainc et je suis tout à fait satisfait de constater que vous allez commencer d'ouvrir vos établissements sur des études supérieures qui se trouveront amorcées dès maintenant, de telle sorte que le passage ne sera pas une rupture et vous permettra, je m'adresse à vous, de franchir la distance de plus en plus courte qui vous sépare des études universitaires.
- J'ai constaté de la même façon que avec quelques 94 à 95 % de succès au baccalauréat vous atteignez un niveau difficilement dépassable, à moins de comparer au chiffrage dit universel dans un certain nombre de pays. A la limite, si vous dépassez 95 %, je commencerai à m'inquiéter. Je ne sais pas comment nous faisons, comme on dit. De notre temps, on arrivait très loin de tels records. Sont-elles plus intelligentes, sont-elles mieux formées. Je ne sais quelle explication donner mais vous nous battez de loin. Il est vrai que moi j'étais dans un petit collège de province qui n'accède pas naturellement à la notoriété des établissements de la Légion d'honneur.
- Enfin, comme nous souhaitons que dans quelques années les jeunes Françaises et Français, à 80 % puissent accéder au baccalauréat, si l'on veut équiper la France de telle façon qu'elle soit capable de supporter la concurrence des plus grands pays du monde, 80 % pour le baccalauréat sans oublier bien entendu les très forts pourcentages qui seront nécessaires pour les études supérieures au moins du niveau de la licence, c'est un point de départ qui est assez remarquable. Moi, je ne vois que le résultat, je ne sais pas comment cela s'est fait, pas plus que l'on ne sait comment se sont bâties les pyramides. Cela suppose peut-être une sorte de stakhanovisme, je veux dire par là, l'étude à marches forcées, mais à voir ou à approcher madame la surintendante, madame l'Intendante générale et les professeurs, je n'ai pas l'impression que ce soit la méthode, enfin peut-être me le diront-elles. Ce qui est vrai, c'est que vous êtes arrivées à un très haut niveau.\
Ce que je connais de vos établissements ne m'a permis de constater que les progrès matériels, ils ne sont pas négligeables, vous avez à votre disposition un bon instrument, quand il s'agirait simplement de l'ordonnancement des locaux, avec des enseignants de bonne qualité, et avec une bonne base d'instruction dans tous les domaines, y compris dans le domaine de l'esthétique, dans le domaine des arts, dans le domaine de la musique, tout cela me rendrait optimiste si j'avais besoin de l'être, me rendrait optimiste sur à la fois le sort de nos établissements de la Légion d'honneur et sur votre propre approche de la vie active à laquelle on aspire toujours. On a toujours envie d'aller un peu plus loin, on a bien tort, car quand on est un peu plus loin il faut aller encore un peu plus loin et on commence à partir de cela à jeter un regard sur le passé. Ainsi va la vie. En attendant, pour l'instant, regardez le monde devant vous. Le fait que vous puissiez regarder devant vous avec un sentiment d'assurance, assurance que vous avez une formation suffisante à partir de laquelle tout est possible, je le répète cela dépend de vous et aussi du destin. A partir de là, vos études auront été un bon élément de base, et je souhaite qu'il en soit ainsi durablement car ce que j'ai, depuis maintenant 8 ans, appris des écoles de la Légion d'honneur m'a absolument assuré sur ce qu'il sera possible de bâtir au cours des années suivantes. Nous sommes dans une tradition, une longue tradition, qui, à beaucoup, peut paraître désuète, qui doit bien présenter ses difficultés, toute oeuvre humaine est ardue, compliquée, il y a des contradictions, nous voyons dans ces journées de musique et de lumière le bon côté de la médaille, l'autre je ne le sais pas, il est celui de toute société humaine à l'intérieur de chaque classe, à l'intérieur de chaque établissement, de toute société humaine. Eh bien, il y a des sociétés qui tournent bien. J'espère que ce sera le cas de la vôtre. J'espère, monsieur le Grand Chancelier, que vous nous offrirez l'année prochaine le spectacle d'un officier général en pleine forme parce que vous offrez des distractions qui ne sont pas de votre âge, mais j'ai plaisir à vous revoir peut-être pas très alerte encore, mais, comme ce fut le cas à travers toute votre carrière, disponible pour les devoirs que vous assumez.
- Voilà, mesdames et messieurs, vous allez dire : encore un discours de plus. J'ai déjà eu l'occasion de dire que, quand j'écoute les autres j'ai tendance à m'ennuyer, alors je ne voudrais pas qu'on puisse me faire le même compliment. Bref, une certaine économie de mots est utile dans ce domaine comme dans les autres. Puis-je vous dire : à l'année prochaine ? Bonne chance en tous cas et merci à celles et ceux qui prennent la peine et qui ont bien le droit d'être en ce jour, c'est le cas de le dire, à l'honneur.\