7 février 1989 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la francophonie face au multilinguisme, Paris le 7 février 1989.
Monsieur le Président,
- Mesdames,
- Messieurs,
- Je suis heureux de vous accueillir pour cette cinquième session du Haut Conseil de la francophonie.
- Depuis notre dernière réunion, c'était il y a un peu plus d'un an, en janvier 1988, je sais que vous avez beaucoup travaillé. M. Farandjis, votre secrétaire général, me tient régulièrement informé de vos travaux.
- Comment ne pas exprimer, d'abord, des regrets pour l'absence du Président Senghor. Il m'a écrit que, pour des raisons de santé, il ne pourrait pas être des nôtre et il m'a demandé de l'excuser auprès de vous. Nous n'aurons pas, cette fois-ci, la sagesse de ses conseils et sa haute culture. Je pense que je me ferai votre interprête en lui exprimant des voeux de rétablissement dans les meilleures conditions possibles.
- Quel est l'objet essentiel de cette réunion du Haut Conseil ? C'est d'examiner les problèmes posés par la pluralité des langues en francophonie. En effet, quelles sont les perspectives de la francophonie là où le français est la langue officielle ? C'est un fait qu'il existe un multilinguisme dans beaucoup de pays du monde. En tous cas, il existe dans tous les pays francophones, parfois dans le même, beaucoup de langues usuelles et reconnues par la loi. Aussi pendant ces trois jours allez-vous étudier la façon dont le français peut cohabiter avec une ou plusieurs langues. On peut dire devrait cohabiter. Vous tiendrez compte de la nature des faits. Comment est-ce que cela se passe dans la réalité et comment peut-on veiller à ce que l'évolution ne soit pas nuisible au français ? Vous pourrez étudier les réalités linguistiques de chaque pays, conseiller, inciter, dessiner quelques grandes perspectives, mais, bien entendu, vous ne pourrez ni décider, ni ordonner. Etre francophone ou non, le rester ou non, c'est à chaque Etat, c'est à chaque peuple, je dirais presque c'est à chaque individu de le décider lui-même.\
Il est vrai que, politiquement, une langue unique est un facteur considérable de regroupement, d'unité. Vous savez bien que la pratique d'une langue véhiculaire, dans les pays qui disposent de nombreuses ethnies et, donc, de nombreuses langues, cela a été, je le répète, un facteur d'unité déterminant. En même temps, on ne peut pas refuser le multilinguisme. Mais on doit éviter les situations conflictuelles et on peut se demander au nom de quoi on imposerait, hors de l'utilité pratique quotidienne, une langue plutôt qu'une autre.
- Pouvons-nous agir de façon autoritaire, péremptoire ? On peut se poser la question. Quant à moi, je répondrai non. Il faut expliquer, convaincre. Le multilinguisme bien compris doit être reçu comme une source d'enrichissement, de convivialité, de promotion aussi. C'est un atout pour passer du stade antérieur à l'époque que nous vivons et jusqu'à ce qui devrait normalement se passer au cours du siècle prochain.
- On voit bien le progrès de certaines langues comme l'anglais et aussi la montée d'autres langues comme l'espagnol. D'autre part, quelques grands pays, représentant à eux seuls beaucoup plus de personnes parlant une langue nationale, que nos langues multinationales, vont s'ouvrir. Je pense à la Chine ou à l'Inde - où la même langue est parlée par 4 à 500 millions d'habitants, sur un total de 800 millions - pour le moment ils restent confinés, mais il n'en sera pas toujours ainsi.
- Nous devons préparer l'avenir dans lequel le français devra jouer tous ses atouts, atouts qui ne sont pas minces. Il n'y a pas de raison de penser qu'à partir de la base que nous connaissons aujourd'hui, nous ne serons pas en mesure, si nous agissons intelligemment, avec de l'imagination, en y mettant de la cohérence, de faire, nous aussi, quelques bonds en avant.\
Enfin, il ne faut pas oublier que cette année nous fêtons le deuxième centenaire de la Révolution française et de la déclaration des droits de l'homme. J'ai noté là le texte de l'article XI : "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme, tout citoyen peut donc parler et écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".
- La libre communication des pensées et des opinions par quoi passe-t-elle, sinon par l'expression dans une langue librement choisie ? On ne peut pas et il ne faut pas imposer les politiques linguistiques mais il faut bien se rendre compte que, si nous ne parvenons pas à faire valoir que, politiquement, économiquement, culturellement, l'appartenance au monde francophone représente un plus, alors nous aurons pratiquement reculé et nous n'aurons pas réussi dans l'entreprise qui est la nôtre depuis quelques années.
- Il existe de très nombreux organismes de formation, de recherche sur l'élan de la francophonie. Il faut les faire connaître. De ce point de vue le secrétaire général du Haut Conseil a préparé une introduction très complète à vos travaux. Je souhaite que les travaux de votre session soient utiles. Je sais votre passion pour la préservation et pour l'enrichissement de la langue française. Votre présence suffit à elle seule à la démontrer. Et pour nombre d'entre vous, les oeuvres produites, les richesses de l'écriture, les réussites du langage, la notoriété parfois, l'universalité des talents donnent de l'éclat à l'instrument hors pair que représente la langue française. Une réunion comme celle-ci est très importante par le rayonnement qu'elle apporte à notre langue. Je souhaite que vous puissiez travailler utilement. Je pense que le secrétaire général pourrait apporter, dès maintenant, quelques éléments qui serviront de base à vos travaux.\
- Mesdames,
- Messieurs,
- Je suis heureux de vous accueillir pour cette cinquième session du Haut Conseil de la francophonie.
- Depuis notre dernière réunion, c'était il y a un peu plus d'un an, en janvier 1988, je sais que vous avez beaucoup travaillé. M. Farandjis, votre secrétaire général, me tient régulièrement informé de vos travaux.
- Comment ne pas exprimer, d'abord, des regrets pour l'absence du Président Senghor. Il m'a écrit que, pour des raisons de santé, il ne pourrait pas être des nôtre et il m'a demandé de l'excuser auprès de vous. Nous n'aurons pas, cette fois-ci, la sagesse de ses conseils et sa haute culture. Je pense que je me ferai votre interprête en lui exprimant des voeux de rétablissement dans les meilleures conditions possibles.
- Quel est l'objet essentiel de cette réunion du Haut Conseil ? C'est d'examiner les problèmes posés par la pluralité des langues en francophonie. En effet, quelles sont les perspectives de la francophonie là où le français est la langue officielle ? C'est un fait qu'il existe un multilinguisme dans beaucoup de pays du monde. En tous cas, il existe dans tous les pays francophones, parfois dans le même, beaucoup de langues usuelles et reconnues par la loi. Aussi pendant ces trois jours allez-vous étudier la façon dont le français peut cohabiter avec une ou plusieurs langues. On peut dire devrait cohabiter. Vous tiendrez compte de la nature des faits. Comment est-ce que cela se passe dans la réalité et comment peut-on veiller à ce que l'évolution ne soit pas nuisible au français ? Vous pourrez étudier les réalités linguistiques de chaque pays, conseiller, inciter, dessiner quelques grandes perspectives, mais, bien entendu, vous ne pourrez ni décider, ni ordonner. Etre francophone ou non, le rester ou non, c'est à chaque Etat, c'est à chaque peuple, je dirais presque c'est à chaque individu de le décider lui-même.\
Il est vrai que, politiquement, une langue unique est un facteur considérable de regroupement, d'unité. Vous savez bien que la pratique d'une langue véhiculaire, dans les pays qui disposent de nombreuses ethnies et, donc, de nombreuses langues, cela a été, je le répète, un facteur d'unité déterminant. En même temps, on ne peut pas refuser le multilinguisme. Mais on doit éviter les situations conflictuelles et on peut se demander au nom de quoi on imposerait, hors de l'utilité pratique quotidienne, une langue plutôt qu'une autre.
- Pouvons-nous agir de façon autoritaire, péremptoire ? On peut se poser la question. Quant à moi, je répondrai non. Il faut expliquer, convaincre. Le multilinguisme bien compris doit être reçu comme une source d'enrichissement, de convivialité, de promotion aussi. C'est un atout pour passer du stade antérieur à l'époque que nous vivons et jusqu'à ce qui devrait normalement se passer au cours du siècle prochain.
- On voit bien le progrès de certaines langues comme l'anglais et aussi la montée d'autres langues comme l'espagnol. D'autre part, quelques grands pays, représentant à eux seuls beaucoup plus de personnes parlant une langue nationale, que nos langues multinationales, vont s'ouvrir. Je pense à la Chine ou à l'Inde - où la même langue est parlée par 4 à 500 millions d'habitants, sur un total de 800 millions - pour le moment ils restent confinés, mais il n'en sera pas toujours ainsi.
- Nous devons préparer l'avenir dans lequel le français devra jouer tous ses atouts, atouts qui ne sont pas minces. Il n'y a pas de raison de penser qu'à partir de la base que nous connaissons aujourd'hui, nous ne serons pas en mesure, si nous agissons intelligemment, avec de l'imagination, en y mettant de la cohérence, de faire, nous aussi, quelques bonds en avant.\
Enfin, il ne faut pas oublier que cette année nous fêtons le deuxième centenaire de la Révolution française et de la déclaration des droits de l'homme. J'ai noté là le texte de l'article XI : "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme, tout citoyen peut donc parler et écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".
- La libre communication des pensées et des opinions par quoi passe-t-elle, sinon par l'expression dans une langue librement choisie ? On ne peut pas et il ne faut pas imposer les politiques linguistiques mais il faut bien se rendre compte que, si nous ne parvenons pas à faire valoir que, politiquement, économiquement, culturellement, l'appartenance au monde francophone représente un plus, alors nous aurons pratiquement reculé et nous n'aurons pas réussi dans l'entreprise qui est la nôtre depuis quelques années.
- Il existe de très nombreux organismes de formation, de recherche sur l'élan de la francophonie. Il faut les faire connaître. De ce point de vue le secrétaire général du Haut Conseil a préparé une introduction très complète à vos travaux. Je souhaite que les travaux de votre session soient utiles. Je sais votre passion pour la préservation et pour l'enrichissement de la langue française. Votre présence suffit à elle seule à la démontrer. Et pour nombre d'entre vous, les oeuvres produites, les richesses de l'écriture, les réussites du langage, la notoriété parfois, l'universalité des talents donnent de l'éclat à l'instrument hors pair que représente la langue française. Une réunion comme celle-ci est très importante par le rayonnement qu'elle apporte à notre langue. Je souhaite que vous puissiez travailler utilement. Je pense que le secrétaire général pourrait apporter, dès maintenant, quelques éléments qui serviront de base à vos travaux.\