5 janvier 1989 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la présentation des voeux aux forces vives de la nation, Paris, Palais de l'Élysée, jeudi 5 janvier 1989.
Mesdames,
- Messieurs,
- Je suis heureux de vous recevoir en ce début d'année nouvelle, puisqu'il s'agit précisément de vous exprimer les voeux que je forme pour vous, vos familles, ceux que vous aimez et pour les organisations ou associations que vous représentez. Il n'y a que quelques années - vous le savez - que nous avons organisé ce qui devient déjà un rite. Cette représentation de ce que l'on appelle d'un terme qui mériterait peut-être d'être précisé, mais qui est bien commode, "les forces vives". Non pas que vous ne le soyez pas, mais on peut admettre qu'il y en a quelques autres.
- Je veux dire aussi l'intérêt que je porte à cette rencontre, non pas que ce soit l'occasion d'échanger des propos qui puissent aller beaucoup plus loin. C'est simplement une entrée en matière d'une année qui commence et au cours de laquelle il me sera donné, du moins je l'espère, de rencontrer bon nombre d'entre vous selon les circonstances, vos obligations, les miennes, et les grands rendez-vous qui reviennent régulièrement soit sur le plan national, soit sur le plan international.
- Je vous répète donc les voeux que je forme pour vous, pour vos organismes, organisations, associations et pour le pays tout entier dont nous sommes, à des titres divers, les représentants pour la même tâche finale, c'est-à-dire faire que notre pays trouve une plus grande harmonie intellectuelle, morale, sociale, politique.\
J'ai noté qu'essentiellement, on peut dire que vous vous répartissez ici en deux catégories qui sont au demeurant interchangeables. Vous êtes, pour beaucoup d'entre vous, les forces de la production. Au moment où la France s'engage cette fois-ci de façon proprement irréversible dans l'Europe des Douze, l'Europe du Marché unique, l'Europe des 320 millions d'Européens, chiffre déterminé au moment où je m'exprime, mais qui changera avec le temps, les conditions sont que la France gagne aussi souvent qu'il est possible cette compétition. J'ai noté quelques conditions pour cela, ou plutôt quelques commandements, comme on emploie le terme commandement, "Les dix commandements". Je sais bien que ces commandements ont été remis du haut du Sinaï et par qui ? Je ne veux pas qu'il y ait de confusion qui pourrait alimenter en quoi que ce soit la chronique. Mais disons que ce sont les règles, les principes qui me paraissent s'imposer : les sept commandements pour une France compétitive.
- J'ai noté une inflation faible. On y arrive. Je me souviens de la première année de mon premier mandat, nous en étions à environ 14 % d'inflation sur l'année. On était arrivé au bout de cinq ans à moins de 3 %, on est descendu plus bas encore. Aujourd'hui, on va se situer aux alentours de 3 % parce que nous observons chez certains voisins une légère tendance inflationniste. Nous ne sommes pas, bien entendu, autonomes de ce qui se passe à l'extérieur. Cela reste très raisonnable. Ce qui veut dire que, sur ce premier commandement - l'inflation -, nous restons dans les limites de l'action que nous nous étions fixés, et vous y êtes pour beaucoup, vous, représentant surtout les forces de production.
- Une monnaie forte, inutile de s'expliquer plus qu'il ne convient. Il y a quelques monnaies fortes dans le monde, on cite toujours, en premier rang, le dollar, le yen et le mark. Nous sommes à l'intérieur d'un système monétaire européen dans lequel se trouve à la fois le mark et le franc. Le franc y fait bonne figure. Mais mieux encore il sera placé par la réussite de notre économie, mieux cela vaudra pour nous tous, et au demeurant, il faut bien penser que, puisque notre démarche doit tendre à la constitution d'une Europe monétaire, il faut que la France prenne sa part de l'effort collectif.
- Troisièmement, un investissement industriel dynamique doit croître nos capacités de production. Il faut tenter de desserrer les contraintes extérieures. Souvent je me plains que notre industrie a connu des moments meilleurs. Je me souviens qu'en 1985, nous avions, pour notre commerce extérieur, un bénéfice d'environ 100 milliards de francs. Sur le plan des produits industriels, certains déficits se sont dessinés, ils ont exactement suivis le développement d'une croissance ou le réveil de la croissance et on le savait déjà. Mais on a ressenti plus cruellement l'absence de certaines industries, notamment l'industrie de la machine outil qui nous contraint d'acheter la technologie sophistiquée à l'extérieur. Plus la valeur ajoutée vient de l'extérieur, plus l'extérieur s'enrichit. Plus nous sommes vendeurs de matières premières ou de produits semi-finis, bref, le raisonnement vous le connaissez.\
`Suite sur les sept commandements pour une France compétitive`
- Un effort de recherche amplifié : c'est ce que nous faisons chaque année. Très récemment le plan développé au sein du Conseil des ministres par M. Hubert Curien a démontré que la France était encore loin du compte, mais qu'elle faisait un pas en avant très important dans sa conception du progrès à base de la recherche scientifique.
- Un autre investissement, c'est le cinquième point, c'est l'investissement éducatif, la formation des hommes. Est-ce qu'il faut faire un grand dessin ? Inutile. Vous savez bien qu'à partir d'une école mise en mesure d'accomplir son oeuvre - et Dieu sait si dans l'histoire de la République, elle a déjà rempli un grand rôle -, il faut s'adapter exactement à la situation d'aujourd'hui et faire que les enfants qui sortent de l'école soient aptes à aborder leur vie professionnelle et pour cela il faut qu'ils soient formés. Pour les adultes, la notion de formation permanente a été inscrite dans nos lois, il y a déjà quelques années.
- Un autre investissement, c'est le sixième point, un investissement commercial accru, car nous savons produire, - pas assez dans tous les domaines -, nous fabriquons de bonnes et de belles marchandises. On ne les vend pas très bien. Notre réseau d'exportation et notre réseau commercial sont souvent au-dessous de la valeur de nos produits. Le suivi n'est pas toujours-là à la rescousse de nos parts de marché. Il faut, bien entendu, y veiller. Tout cela ne dépend pas de l'Etat. Cela dépend beaucoup de vous, enfin de quelques autres.
- Enfin, mais je l'ai dit pour d'autres raisons, il faut tirer parti du grand marché Européen. Je plaide constamment contre le repli sur soi. Au demeurant nous serions seuls et isolés par rapport au reste de l'Europe occidentale, nous serions encore plus exposés, car de toute manière, les règles de la compétitition s'imposeraient.
- Donc, j'adresse, surtout à celles et à ceux d'entre vous qui appartiennent à ce monde des forces de la production, ces quelques réflexions qui doivent leur permettre, comme à nous-mêmes, comme à l'Etat, - et le gouvernement a déjà vraiment depuis le début compris quelles étaient ses obligations - de remplir cette tâche en diversifiant notre effort par rapport aux directions que je viens d'esquisser.\
Il y a ce que j'appellerai "les forces partage". Je le répète encore, tout cela est très arbitraire, c'est simplement pour la commodité du discours. Parce que les forces de production ne demandent pas mieux que d'être les forces de partage. Les forces de partage ne sont pas indifférentes à ce qui peut être produit en France et aux succès de l'industrie du commerce ou de l'agriculture française. Mais pour la commodité du discours, sa clarté, j'insiste sur ce point. Quel type de partage ? D'abord le partage en direction de ceux qui n'ont rien. Il faut vaincre la grande pauvreté. Une esquisse de réponse est fournie par le revenu minimum d'insertion, mais la solidarité nationale doit se démontrer par bien d'autres façons quand ce ne serait que par la fiscalité. De ce point de vue, l'impôt sur les grandes fortunes a marqué, de mon point de vue, un progrès par rapport à la période antérieure : le partage en direction de ceux qui n'ont rien, qui sont plus nombreux qu'on ne le croit. Certains d'entre vous que je vois ici, vivent chaque jour avec ceux-là, ils savent bien de quoi je parle.
- Deuxièmement, le partage en direction de ceux qui n'ont pas d'emploi, les chômeurs. Il y a là le partage d'une certaine masse salariale entre les gains de pouvoir d'achat, les créations d'emplois. Vous connaissez le compte des chômeurs, vous avez constaté depuis quelques mois certains infléchissements plus favorables sur lesquels on ne peut pas spéculer outre mesure. Il faudra du temps et du travail avant que la croissance ne nous permette de créer le nombre d'emplois qui serait nécessaire. Mais l'effort collectif pour apporter une réponse économique d'une part, et une réponse sociale d'autre part, au problème du chômage, nous conduira, un jour heureux, à voir cette grave maladie de notre corps national s'éloigner.
- Le partage, c'est la troisième forme, en direction de ceux qui ont peu, ceux qui ne touchent que de bas salaires ou qui ne disposent que de très faibles revenus. Ceux-là, on ne doit pas les oublier, comment, au demeurant, le ferait-on lorsqu'on observe la justesse de leur plainte ? L'Etat ne peut faire que ce qu'il peut. On ne peut pas lui demander de distribuer un argent qu'il n'a pas, ou bien de recourir à des moyens qui, finalement, de caractère inflationniste, constitueraient une distribution de monnaie de singe. Mais il n'empêche que les fruits de la croissance doivent être examinés de tel sorte par les responsables, que d'une année sur l'autre, un meilleur partage du produit national se fasse au bénéfice de ceux qui reçoivent le moins. Ce ne serait que justice. C'est un partage bien nécessaire.\
`Suite sur le partage`
- Le partage entre le présent et l'avenir. Lorsqu'un industriel ou un artisan investit, il fait cette part-là. C'est qu'il doit consacrer, dans l'immédiat, à ses propres dépenses, ce qui est nécessaire, précisément pour les salaires, la rémunération normale de l'investissement au capital, et d'autre part l'avenir pour être capable d'avoir des prévisions à long terme. Et de plus en plus on est obligé de prévoir sur 15 ans, 10 ans, 5 ans. Dans certaines industries, 15 ans, c'est court.
- Le partage du savoir, vous êtes nombreux ici à comprendre immédiatement le partage du savoir. Sans savoir, pas de liberté, pas de conquête de l'esprit, pas de chance d'égalité, rien. L'ignorance condamne à subir et parfois même à subir dans l'esprit, à accepter un sort qui n'est pas acceptable. Le partage du savoir nous a conduit à donner une priorité absolue à l'éducation et à la formation. C'est l'axe même des choix de ce gouvernement.
- Je n'oublierai pas le partage des responsabilités dans l'entreprise, développer le dialogue social, faire que chacun de ceux qui prennent part à l'action puisse s'exprimer et peser sur la décision, en notant au passage que ce partage des responsabilités passe aussi et d'abord par une meilleure - au pluriel - égalité professionnelle entre ceux qui ont les titres pour cela et a priori entre les femmes et les hommes. Nous sommes si loin du compte que je me permets d'insister. Je le rappelais hier aux corps constitués. Quand on lit les déclarations de principes aussi bien 1789, jusqu'à une époque plus récente 1946, où ce principe est affirmé - même 1948 avec la Déclaration universelle des droits de l'homme - l'égalité, oui, c'est écrit. Qu'en est-il dans la réalité ? Vous savez bien que notre société est rebelle à ce type de progrès et qu'il convient précisément qu'à la loi, nécessaire elle-même, s'ajoute une action constante, une action quotidienne que les organisations syndicales ne manquent pas de mener.
- Il y a aussi le partage dans la vie quotidienne, enfin, je ne sais pas comment l'appeler autrement : l'accès aux services de qualité, au logement, aux transports collectifs, le refus de la ville à deux vitesses pour les plus riches et pour les plus pauvres, le respect de l'environnement, de notre patrimoine culturel.\
J'ai voulu résumer les points sur lesquels s'exercent votre propre engagement de vie, votre propre choix et votre propre compétence acquise sur le terrain et reconnue par vos pairs. Tout cela constitue un ensemble de forces vives qui, si elles partagent cette grande direction dans le domaine de la production comme dans le domaine du partage, permettront à la France de franchir un nouveau stade dans son propre progrès, et le progrès final sera celui d'une communauté plus soudée dans laquelle les débats politiques, les débats d'opinion, en tout domaine, non seulement sont légitimes, mais sont recommandés. Une démocratie vivante est bien notre objectif dès lors que, sur certains domaines essentiels, notre corps national puisse s'homogénéiser, se sentir, à cause de cela, plus fort, plus allant, plus dynamique, le dialogue facilitant l'échange plus profond de l'esprit et des consciences. Ce sera un pays, celui auquel nous travaillons vous et moi, ce sera un pays plus uni dans cette diversité qui, au bout du compte, sera le fruit de nos efforts.
- Je n'ai pas d'autres choses à vous dire maintenant, mais je voulais insister sur ces quelques points, puisqu'au-delà de vous-même, c'est au pays que je m'adresse. Vous voudrez bien vous en faire les interprètes, je vous en serais reconnaissant. L'essentiel en tout cas, c'est que vous soyez disposés, que vous ayez, comme on dit, "bon pied, bon oeil" pour mener à bien votre tâche et montrer, par votre dynamique propre, que vous êtes déjà à l'image de la France que j'attends.\
- Messieurs,
- Je suis heureux de vous recevoir en ce début d'année nouvelle, puisqu'il s'agit précisément de vous exprimer les voeux que je forme pour vous, vos familles, ceux que vous aimez et pour les organisations ou associations que vous représentez. Il n'y a que quelques années - vous le savez - que nous avons organisé ce qui devient déjà un rite. Cette représentation de ce que l'on appelle d'un terme qui mériterait peut-être d'être précisé, mais qui est bien commode, "les forces vives". Non pas que vous ne le soyez pas, mais on peut admettre qu'il y en a quelques autres.
- Je veux dire aussi l'intérêt que je porte à cette rencontre, non pas que ce soit l'occasion d'échanger des propos qui puissent aller beaucoup plus loin. C'est simplement une entrée en matière d'une année qui commence et au cours de laquelle il me sera donné, du moins je l'espère, de rencontrer bon nombre d'entre vous selon les circonstances, vos obligations, les miennes, et les grands rendez-vous qui reviennent régulièrement soit sur le plan national, soit sur le plan international.
- Je vous répète donc les voeux que je forme pour vous, pour vos organismes, organisations, associations et pour le pays tout entier dont nous sommes, à des titres divers, les représentants pour la même tâche finale, c'est-à-dire faire que notre pays trouve une plus grande harmonie intellectuelle, morale, sociale, politique.\
J'ai noté qu'essentiellement, on peut dire que vous vous répartissez ici en deux catégories qui sont au demeurant interchangeables. Vous êtes, pour beaucoup d'entre vous, les forces de la production. Au moment où la France s'engage cette fois-ci de façon proprement irréversible dans l'Europe des Douze, l'Europe du Marché unique, l'Europe des 320 millions d'Européens, chiffre déterminé au moment où je m'exprime, mais qui changera avec le temps, les conditions sont que la France gagne aussi souvent qu'il est possible cette compétition. J'ai noté quelques conditions pour cela, ou plutôt quelques commandements, comme on emploie le terme commandement, "Les dix commandements". Je sais bien que ces commandements ont été remis du haut du Sinaï et par qui ? Je ne veux pas qu'il y ait de confusion qui pourrait alimenter en quoi que ce soit la chronique. Mais disons que ce sont les règles, les principes qui me paraissent s'imposer : les sept commandements pour une France compétitive.
- J'ai noté une inflation faible. On y arrive. Je me souviens de la première année de mon premier mandat, nous en étions à environ 14 % d'inflation sur l'année. On était arrivé au bout de cinq ans à moins de 3 %, on est descendu plus bas encore. Aujourd'hui, on va se situer aux alentours de 3 % parce que nous observons chez certains voisins une légère tendance inflationniste. Nous ne sommes pas, bien entendu, autonomes de ce qui se passe à l'extérieur. Cela reste très raisonnable. Ce qui veut dire que, sur ce premier commandement - l'inflation -, nous restons dans les limites de l'action que nous nous étions fixés, et vous y êtes pour beaucoup, vous, représentant surtout les forces de production.
- Une monnaie forte, inutile de s'expliquer plus qu'il ne convient. Il y a quelques monnaies fortes dans le monde, on cite toujours, en premier rang, le dollar, le yen et le mark. Nous sommes à l'intérieur d'un système monétaire européen dans lequel se trouve à la fois le mark et le franc. Le franc y fait bonne figure. Mais mieux encore il sera placé par la réussite de notre économie, mieux cela vaudra pour nous tous, et au demeurant, il faut bien penser que, puisque notre démarche doit tendre à la constitution d'une Europe monétaire, il faut que la France prenne sa part de l'effort collectif.
- Troisièmement, un investissement industriel dynamique doit croître nos capacités de production. Il faut tenter de desserrer les contraintes extérieures. Souvent je me plains que notre industrie a connu des moments meilleurs. Je me souviens qu'en 1985, nous avions, pour notre commerce extérieur, un bénéfice d'environ 100 milliards de francs. Sur le plan des produits industriels, certains déficits se sont dessinés, ils ont exactement suivis le développement d'une croissance ou le réveil de la croissance et on le savait déjà. Mais on a ressenti plus cruellement l'absence de certaines industries, notamment l'industrie de la machine outil qui nous contraint d'acheter la technologie sophistiquée à l'extérieur. Plus la valeur ajoutée vient de l'extérieur, plus l'extérieur s'enrichit. Plus nous sommes vendeurs de matières premières ou de produits semi-finis, bref, le raisonnement vous le connaissez.\
`Suite sur les sept commandements pour une France compétitive`
- Un effort de recherche amplifié : c'est ce que nous faisons chaque année. Très récemment le plan développé au sein du Conseil des ministres par M. Hubert Curien a démontré que la France était encore loin du compte, mais qu'elle faisait un pas en avant très important dans sa conception du progrès à base de la recherche scientifique.
- Un autre investissement, c'est le cinquième point, c'est l'investissement éducatif, la formation des hommes. Est-ce qu'il faut faire un grand dessin ? Inutile. Vous savez bien qu'à partir d'une école mise en mesure d'accomplir son oeuvre - et Dieu sait si dans l'histoire de la République, elle a déjà rempli un grand rôle -, il faut s'adapter exactement à la situation d'aujourd'hui et faire que les enfants qui sortent de l'école soient aptes à aborder leur vie professionnelle et pour cela il faut qu'ils soient formés. Pour les adultes, la notion de formation permanente a été inscrite dans nos lois, il y a déjà quelques années.
- Un autre investissement, c'est le sixième point, un investissement commercial accru, car nous savons produire, - pas assez dans tous les domaines -, nous fabriquons de bonnes et de belles marchandises. On ne les vend pas très bien. Notre réseau d'exportation et notre réseau commercial sont souvent au-dessous de la valeur de nos produits. Le suivi n'est pas toujours-là à la rescousse de nos parts de marché. Il faut, bien entendu, y veiller. Tout cela ne dépend pas de l'Etat. Cela dépend beaucoup de vous, enfin de quelques autres.
- Enfin, mais je l'ai dit pour d'autres raisons, il faut tirer parti du grand marché Européen. Je plaide constamment contre le repli sur soi. Au demeurant nous serions seuls et isolés par rapport au reste de l'Europe occidentale, nous serions encore plus exposés, car de toute manière, les règles de la compétitition s'imposeraient.
- Donc, j'adresse, surtout à celles et à ceux d'entre vous qui appartiennent à ce monde des forces de la production, ces quelques réflexions qui doivent leur permettre, comme à nous-mêmes, comme à l'Etat, - et le gouvernement a déjà vraiment depuis le début compris quelles étaient ses obligations - de remplir cette tâche en diversifiant notre effort par rapport aux directions que je viens d'esquisser.\
Il y a ce que j'appellerai "les forces partage". Je le répète encore, tout cela est très arbitraire, c'est simplement pour la commodité du discours. Parce que les forces de production ne demandent pas mieux que d'être les forces de partage. Les forces de partage ne sont pas indifférentes à ce qui peut être produit en France et aux succès de l'industrie du commerce ou de l'agriculture française. Mais pour la commodité du discours, sa clarté, j'insiste sur ce point. Quel type de partage ? D'abord le partage en direction de ceux qui n'ont rien. Il faut vaincre la grande pauvreté. Une esquisse de réponse est fournie par le revenu minimum d'insertion, mais la solidarité nationale doit se démontrer par bien d'autres façons quand ce ne serait que par la fiscalité. De ce point de vue, l'impôt sur les grandes fortunes a marqué, de mon point de vue, un progrès par rapport à la période antérieure : le partage en direction de ceux qui n'ont rien, qui sont plus nombreux qu'on ne le croit. Certains d'entre vous que je vois ici, vivent chaque jour avec ceux-là, ils savent bien de quoi je parle.
- Deuxièmement, le partage en direction de ceux qui n'ont pas d'emploi, les chômeurs. Il y a là le partage d'une certaine masse salariale entre les gains de pouvoir d'achat, les créations d'emplois. Vous connaissez le compte des chômeurs, vous avez constaté depuis quelques mois certains infléchissements plus favorables sur lesquels on ne peut pas spéculer outre mesure. Il faudra du temps et du travail avant que la croissance ne nous permette de créer le nombre d'emplois qui serait nécessaire. Mais l'effort collectif pour apporter une réponse économique d'une part, et une réponse sociale d'autre part, au problème du chômage, nous conduira, un jour heureux, à voir cette grave maladie de notre corps national s'éloigner.
- Le partage, c'est la troisième forme, en direction de ceux qui ont peu, ceux qui ne touchent que de bas salaires ou qui ne disposent que de très faibles revenus. Ceux-là, on ne doit pas les oublier, comment, au demeurant, le ferait-on lorsqu'on observe la justesse de leur plainte ? L'Etat ne peut faire que ce qu'il peut. On ne peut pas lui demander de distribuer un argent qu'il n'a pas, ou bien de recourir à des moyens qui, finalement, de caractère inflationniste, constitueraient une distribution de monnaie de singe. Mais il n'empêche que les fruits de la croissance doivent être examinés de tel sorte par les responsables, que d'une année sur l'autre, un meilleur partage du produit national se fasse au bénéfice de ceux qui reçoivent le moins. Ce ne serait que justice. C'est un partage bien nécessaire.\
`Suite sur le partage`
- Le partage entre le présent et l'avenir. Lorsqu'un industriel ou un artisan investit, il fait cette part-là. C'est qu'il doit consacrer, dans l'immédiat, à ses propres dépenses, ce qui est nécessaire, précisément pour les salaires, la rémunération normale de l'investissement au capital, et d'autre part l'avenir pour être capable d'avoir des prévisions à long terme. Et de plus en plus on est obligé de prévoir sur 15 ans, 10 ans, 5 ans. Dans certaines industries, 15 ans, c'est court.
- Le partage du savoir, vous êtes nombreux ici à comprendre immédiatement le partage du savoir. Sans savoir, pas de liberté, pas de conquête de l'esprit, pas de chance d'égalité, rien. L'ignorance condamne à subir et parfois même à subir dans l'esprit, à accepter un sort qui n'est pas acceptable. Le partage du savoir nous a conduit à donner une priorité absolue à l'éducation et à la formation. C'est l'axe même des choix de ce gouvernement.
- Je n'oublierai pas le partage des responsabilités dans l'entreprise, développer le dialogue social, faire que chacun de ceux qui prennent part à l'action puisse s'exprimer et peser sur la décision, en notant au passage que ce partage des responsabilités passe aussi et d'abord par une meilleure - au pluriel - égalité professionnelle entre ceux qui ont les titres pour cela et a priori entre les femmes et les hommes. Nous sommes si loin du compte que je me permets d'insister. Je le rappelais hier aux corps constitués. Quand on lit les déclarations de principes aussi bien 1789, jusqu'à une époque plus récente 1946, où ce principe est affirmé - même 1948 avec la Déclaration universelle des droits de l'homme - l'égalité, oui, c'est écrit. Qu'en est-il dans la réalité ? Vous savez bien que notre société est rebelle à ce type de progrès et qu'il convient précisément qu'à la loi, nécessaire elle-même, s'ajoute une action constante, une action quotidienne que les organisations syndicales ne manquent pas de mener.
- Il y a aussi le partage dans la vie quotidienne, enfin, je ne sais pas comment l'appeler autrement : l'accès aux services de qualité, au logement, aux transports collectifs, le refus de la ville à deux vitesses pour les plus riches et pour les plus pauvres, le respect de l'environnement, de notre patrimoine culturel.\
J'ai voulu résumer les points sur lesquels s'exercent votre propre engagement de vie, votre propre choix et votre propre compétence acquise sur le terrain et reconnue par vos pairs. Tout cela constitue un ensemble de forces vives qui, si elles partagent cette grande direction dans le domaine de la production comme dans le domaine du partage, permettront à la France de franchir un nouveau stade dans son propre progrès, et le progrès final sera celui d'une communauté plus soudée dans laquelle les débats politiques, les débats d'opinion, en tout domaine, non seulement sont légitimes, mais sont recommandés. Une démocratie vivante est bien notre objectif dès lors que, sur certains domaines essentiels, notre corps national puisse s'homogénéiser, se sentir, à cause de cela, plus fort, plus allant, plus dynamique, le dialogue facilitant l'échange plus profond de l'esprit et des consciences. Ce sera un pays, celui auquel nous travaillons vous et moi, ce sera un pays plus uni dans cette diversité qui, au bout du compte, sera le fruit de nos efforts.
- Je n'ai pas d'autres choses à vous dire maintenant, mais je voulais insister sur ces quelques points, puisqu'au-delà de vous-même, c'est au pays que je m'adresse. Vous voudrez bien vous en faire les interprètes, je vous en serais reconnaissant. L'essentiel en tout cas, c'est que vous soyez disposés, que vous ayez, comme on dit, "bon pied, bon oeil" pour mener à bien votre tâche et montrer, par votre dynamique propre, que vous êtes déjà à l'image de la France que j'attends.\