26 novembre 1988 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République sur la nécessité de l'enseignement dans les villages pour l'accession à la compétition internationale, Réalmont, mercredi 16 novembre 1988.
Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Je suis très touché de recevoir les cadeaux que m'offrent ces jeunes filles. Je me demande même si je les mérite, car je suis venu ici avec plaisir pour pouvoir rencontrer dans le Tarn la population de cette petite ville. J'ai beaucoup circulé en France, je suis venu plusieurs fois dans ce département mais je ne m'étais jamais arrêté à Réalmont.
- C'est donc moi qui vais découvrir quelque chose. Je vous remercie d'être là, mesdames et messieurs, qui êtes venus des communes voisines pour cette rencontre brève mais utile, puisqu'il s'agit pour le Conseil général et son président d'apporter la démonstration vivante que ce département s'équipe et sais évoluer.
- Il n'y a rien de plus important que cela. A partir d'une école, d'un collège comme celui-là, les filles et les garçons vont appréhender le savoir et avec ce savoir, ils se prépareront à un métier, ils formeront leur esprit, ils réfléchiront, ils parleront, ils écriront et ils transmettront à leur tour ce savoir. Si vous avez appelé ce collège Louisa Paulin c'est parce que cela avait pour vous une grande signification. Louisa Paulin était une éducatrice de Réalmont. Elle a enseigné aux autres, elle a aussi voulu transmettre quelque chose par la poésie, une poésie en occitan qui plongeait ses racines dans l'histoire du Tarn, et de votre vaste région.\
Je suis certain qu'ici, nombreux sont celles et ceux qui sont sensibles à ces terres, à cette poésie, à ce langage, à cette tradition. Le temps passe, il faut aborder le futur. Et le futur, c'est une planète rétrécie, une planète traversée par des communications multiples. Voyez comment il est facile maintenant d'inonder la terre des mêmes informations, du fait du développement des satellites.
- Il faut donc développer l'esprit critique, sans quoi nous serons tous fabriqués de la même manière. Une société de robots, c'est très bien ! Au collège, il est bon que vous appreniez à les faire marcher, mais ce serait dommage que vous le deveniez à votre tour. Or, pour ne pas le devenir, il faut passer par la connaissance d'un pays, par la pratique d'une terre et par l'école qui enseigne toutes les disciplines de l'esprit.
- On voit maintenant des personnes âgées qui apprennent encore et aiment s'informer dès lors qu'on leur en donne le moyen. La France ne jouera pas sa partie dans le monde, si elle n'est pas dotée d'une éducation nationale, capable d'aller dans les plus petits villages et de développer les différentes filières, aussi bien purement intellectuelles que techniques et professionnelles. Tout cela a la même valeur, tout cela est complémentaire. Il s'agit que notre pays soit digne de son histoire et soit capable d'affronter la grande compétition qui s'ouvre désormais devant nous. Ce n'est pas en se refermant sur soi-même que l'on pourra triompher de la concurrence extérieure, c'est en l'abordant carrément. Mais on aura une certaine sûreté de soi, on aura l'énergie et la volonté désirables, si on a su, dès le point de départ, s'équiper intellectuellement et techniquement d'une façon suffisante.
- J'ai été très heureux de voir à l'intérieur de ce collège des enfants devant leur écran, capables de manier des machines qui, il y a simplement 20 ans ou 30 ans, auraient paru inimaginables. Ce sont vos enfants, mesdames et messieurs, qui en jouent et qui ne le feraient pas, s'ils n'avaient pas des professeurs, des instituteurs, des éducateurs. Que de remerciements, mesdames et messieurs, sont dus à cette cohorte d'enseignants qui, là comme ailleurs, consacrent leur vie à transmettre le savoir. Cela exige patience, ténacité, ouverture d'esprit, générosité du coeur et puis cela exige aussi de grandes connaissances. Nous avons la chance, en France, de disposer de dizaines de milliers d'enseignants qui, mieux que quiconque, nous permettront d'aborder, dans de bonnes conditions, le siècle qui va commencer bientôt.\
Sur un plan plus général, je suis très heureux de constater à Réalmont l'effort conjugué des collectivités locales et de l'Etat. A chacun sa responsabilité depuis la redistribution des pouvoirs et la décentralisation réalisées en 1982. Votre Conseil général est très attentif à l'équipement scolaire et à bien d'autres choses. Cela fait que votre département connaît une forme d'autonomie de décision considérable. Il faut que les habitants du Tarn s'en rendent compte de plus en plus. Bien des décisions sont désormais prises à Albi et non plus à Paris et pas tellement à Toulouse. Je veux dire par là que les capitales régionales jouent un grand rôle mais que la plupart des décisions concernant le quotidien sont prises au sein du département.
- Ce collège Louisa Paulin, au fond, raconte une histoire. L'histoire d'une femme qui est née à la fin de l'autre siècle, il y a exactement cent ans et qui est morte relativement jeune, à la fin de la dernière guerre mondiale. Voilà une tranche de votre vie. Cette jeune femme a su exprimer ce que vous étiez. C'est le rôle des écrivains, des poètes, des artistes. Ils ont la capacité d'exprimer pour les autres. Vous avez eu raison de donner le nom de cette femme à ce collège, car vous êtes par là-même restés fidèles à vous-mêmes et vous avez donné à ce nom-là une signification collective.
- Je voudrais bien que, dans toute la France, surgisse une forêt de réalisations de cet ordre. Je crois vraiment que nous en sommes capables. J'entends toujours : "Ah ! on n'est pas capable de faire cela par rapport aux Allemands, aux Japonais, aux Américains. Maintenant ce sont les Italiens, pourquoi pas les Anglais ou les Espagnols ? ". Tous ceux qui viennent en France sont les bienvenus mais on pourrait peut-être voir aussi ce que la France sait faire.\
La France est aujourd'hui le 4ème pays du monde capable d'exporter ses marchandises. Il y a pourtant des pays qui ont 100 millions d'habitants et plus. La France n'en n'a pas 60 millions. Il est vrai que nous avons une vieille histoire, une forte histoire mais je voudrais qu'on n'oublie pas que la France est aussi l'un des 5 premiers du monde sur le plan commercial. Quand j'ai dit 4 tout à l'heure, cela veut dire que je compte l'Allemagne, le Japon, les Etats-Unis d'Amérique et la France, et lorsque je dis 5, eh bien j'y ajoute la Grande-Bretagne devant laquelle nous nous situons.
- Je vois trop souvent les Français douter d'eux-mêmes, je ne veux pas substituer à ce doute dangereux, une sorte de présomption qui serait également dangereuse. Mais ayons conscience de ce que nous valons, de ce qu'est capable de produire la France dans son ensemble. Peut-être est-ce trop demander ? Je sais bien comment est faite la France, ce n'est pas moi qui ai inventé, depuis l'époque des Gaulois, le tempérament des Français. C'est le mien aussi, car à peine ai-je dit tout cela que je vois déjà ce qui ne va pas. Malgré cela, vous faites partie d'une beau département que j'ai une véritable joie à retrouver. Je vais me rendre à Castres pour une autre cérémonie mais je tiens pour terminer à vous dire ceci : Puisque je suis appelé par votre décision à représenter la France, à parler en son nom, à décider pour elle en de grandes circonstances, eh bien j'ai besoin de la connaître. J'ai besoin de vous connaître, donc de vous rencontrer. Vous me direz : "en trois quarts d'heure, qu'est-ce qu'on peut se dire ?" Mais je vous vois, les regards se rencontrent, vous avez une attitude, une façon de considérer les autres, une certaine façon d'être. Après tout, est-ce que nous, les Français, nous ne devons pas nous réjouir d'être ensemble, dans le pays que nous aimons, pour saluer une oeuvre qui le mérite ?
- Vive Réalmont,
- Vive le Tarn,
- Vive la République,
- Vive la France.\
- Mesdames et messieurs,
- Je suis très touché de recevoir les cadeaux que m'offrent ces jeunes filles. Je me demande même si je les mérite, car je suis venu ici avec plaisir pour pouvoir rencontrer dans le Tarn la population de cette petite ville. J'ai beaucoup circulé en France, je suis venu plusieurs fois dans ce département mais je ne m'étais jamais arrêté à Réalmont.
- C'est donc moi qui vais découvrir quelque chose. Je vous remercie d'être là, mesdames et messieurs, qui êtes venus des communes voisines pour cette rencontre brève mais utile, puisqu'il s'agit pour le Conseil général et son président d'apporter la démonstration vivante que ce département s'équipe et sais évoluer.
- Il n'y a rien de plus important que cela. A partir d'une école, d'un collège comme celui-là, les filles et les garçons vont appréhender le savoir et avec ce savoir, ils se prépareront à un métier, ils formeront leur esprit, ils réfléchiront, ils parleront, ils écriront et ils transmettront à leur tour ce savoir. Si vous avez appelé ce collège Louisa Paulin c'est parce que cela avait pour vous une grande signification. Louisa Paulin était une éducatrice de Réalmont. Elle a enseigné aux autres, elle a aussi voulu transmettre quelque chose par la poésie, une poésie en occitan qui plongeait ses racines dans l'histoire du Tarn, et de votre vaste région.\
Je suis certain qu'ici, nombreux sont celles et ceux qui sont sensibles à ces terres, à cette poésie, à ce langage, à cette tradition. Le temps passe, il faut aborder le futur. Et le futur, c'est une planète rétrécie, une planète traversée par des communications multiples. Voyez comment il est facile maintenant d'inonder la terre des mêmes informations, du fait du développement des satellites.
- Il faut donc développer l'esprit critique, sans quoi nous serons tous fabriqués de la même manière. Une société de robots, c'est très bien ! Au collège, il est bon que vous appreniez à les faire marcher, mais ce serait dommage que vous le deveniez à votre tour. Or, pour ne pas le devenir, il faut passer par la connaissance d'un pays, par la pratique d'une terre et par l'école qui enseigne toutes les disciplines de l'esprit.
- On voit maintenant des personnes âgées qui apprennent encore et aiment s'informer dès lors qu'on leur en donne le moyen. La France ne jouera pas sa partie dans le monde, si elle n'est pas dotée d'une éducation nationale, capable d'aller dans les plus petits villages et de développer les différentes filières, aussi bien purement intellectuelles que techniques et professionnelles. Tout cela a la même valeur, tout cela est complémentaire. Il s'agit que notre pays soit digne de son histoire et soit capable d'affronter la grande compétition qui s'ouvre désormais devant nous. Ce n'est pas en se refermant sur soi-même que l'on pourra triompher de la concurrence extérieure, c'est en l'abordant carrément. Mais on aura une certaine sûreté de soi, on aura l'énergie et la volonté désirables, si on a su, dès le point de départ, s'équiper intellectuellement et techniquement d'une façon suffisante.
- J'ai été très heureux de voir à l'intérieur de ce collège des enfants devant leur écran, capables de manier des machines qui, il y a simplement 20 ans ou 30 ans, auraient paru inimaginables. Ce sont vos enfants, mesdames et messieurs, qui en jouent et qui ne le feraient pas, s'ils n'avaient pas des professeurs, des instituteurs, des éducateurs. Que de remerciements, mesdames et messieurs, sont dus à cette cohorte d'enseignants qui, là comme ailleurs, consacrent leur vie à transmettre le savoir. Cela exige patience, ténacité, ouverture d'esprit, générosité du coeur et puis cela exige aussi de grandes connaissances. Nous avons la chance, en France, de disposer de dizaines de milliers d'enseignants qui, mieux que quiconque, nous permettront d'aborder, dans de bonnes conditions, le siècle qui va commencer bientôt.\
Sur un plan plus général, je suis très heureux de constater à Réalmont l'effort conjugué des collectivités locales et de l'Etat. A chacun sa responsabilité depuis la redistribution des pouvoirs et la décentralisation réalisées en 1982. Votre Conseil général est très attentif à l'équipement scolaire et à bien d'autres choses. Cela fait que votre département connaît une forme d'autonomie de décision considérable. Il faut que les habitants du Tarn s'en rendent compte de plus en plus. Bien des décisions sont désormais prises à Albi et non plus à Paris et pas tellement à Toulouse. Je veux dire par là que les capitales régionales jouent un grand rôle mais que la plupart des décisions concernant le quotidien sont prises au sein du département.
- Ce collège Louisa Paulin, au fond, raconte une histoire. L'histoire d'une femme qui est née à la fin de l'autre siècle, il y a exactement cent ans et qui est morte relativement jeune, à la fin de la dernière guerre mondiale. Voilà une tranche de votre vie. Cette jeune femme a su exprimer ce que vous étiez. C'est le rôle des écrivains, des poètes, des artistes. Ils ont la capacité d'exprimer pour les autres. Vous avez eu raison de donner le nom de cette femme à ce collège, car vous êtes par là-même restés fidèles à vous-mêmes et vous avez donné à ce nom-là une signification collective.
- Je voudrais bien que, dans toute la France, surgisse une forêt de réalisations de cet ordre. Je crois vraiment que nous en sommes capables. J'entends toujours : "Ah ! on n'est pas capable de faire cela par rapport aux Allemands, aux Japonais, aux Américains. Maintenant ce sont les Italiens, pourquoi pas les Anglais ou les Espagnols ? ". Tous ceux qui viennent en France sont les bienvenus mais on pourrait peut-être voir aussi ce que la France sait faire.\
La France est aujourd'hui le 4ème pays du monde capable d'exporter ses marchandises. Il y a pourtant des pays qui ont 100 millions d'habitants et plus. La France n'en n'a pas 60 millions. Il est vrai que nous avons une vieille histoire, une forte histoire mais je voudrais qu'on n'oublie pas que la France est aussi l'un des 5 premiers du monde sur le plan commercial. Quand j'ai dit 4 tout à l'heure, cela veut dire que je compte l'Allemagne, le Japon, les Etats-Unis d'Amérique et la France, et lorsque je dis 5, eh bien j'y ajoute la Grande-Bretagne devant laquelle nous nous situons.
- Je vois trop souvent les Français douter d'eux-mêmes, je ne veux pas substituer à ce doute dangereux, une sorte de présomption qui serait également dangereuse. Mais ayons conscience de ce que nous valons, de ce qu'est capable de produire la France dans son ensemble. Peut-être est-ce trop demander ? Je sais bien comment est faite la France, ce n'est pas moi qui ai inventé, depuis l'époque des Gaulois, le tempérament des Français. C'est le mien aussi, car à peine ai-je dit tout cela que je vois déjà ce qui ne va pas. Malgré cela, vous faites partie d'une beau département que j'ai une véritable joie à retrouver. Je vais me rendre à Castres pour une autre cérémonie mais je tiens pour terminer à vous dire ceci : Puisque je suis appelé par votre décision à représenter la France, à parler en son nom, à décider pour elle en de grandes circonstances, eh bien j'ai besoin de la connaître. J'ai besoin de vous connaître, donc de vous rencontrer. Vous me direz : "en trois quarts d'heure, qu'est-ce qu'on peut se dire ?" Mais je vous vois, les regards se rencontrent, vous avez une attitude, une façon de considérer les autres, une certaine façon d'être. Après tout, est-ce que nous, les Français, nous ne devons pas nous réjouir d'être ensemble, dans le pays que nous aimons, pour saluer une oeuvre qui le mérite ?
- Vive Réalmont,
- Vive le Tarn,
- Vive la République,
- Vive la France.\