24 novembre 1988 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République et de M. Felipe Gonzalez, Président du gouvernement espagnol, sur les relations franco-espagnoles notamment en matière de lutte contre le terrorisme et sur la préparation de l'Europe sociale, Montpellier, jeudi 24 novembre 1988.

LE PRESIDENT.- Les délégations espagnoles et françaises dans ce Sommet tenu à Montpellier ont débattu d'abord de problèmes que l'on pourrait appeler de politique étrangère ou plus spécifiquement de problèmes européens touchant à la Communauté. La présidence de la Communauté sera assurée à partir du 1er janvier de l'année prochaine par le Premier ministre espagnol, et à partir du 1er juillet de la même année par moi-même, par l'Espagne et par la France. Nous avons débattu autour de nos objectifs communs pour tenter de donner une continuité sur la durée de l'année 1989 à quelques progrès sensibles et importants pour l'Europe et en espérant qu'au début de 1990 avec l'Irlande cela continuera naturellement.
- Sur quel sujet essentiellement ? Sur l'Europe monétaire, sur l'Europe de la culture audiovisuelle, sur l'Europe sociale. Je dirai même que les choix qui sont ceux de M. Felipe Gonzalez et les miens ne font qu'un. Nous attachons beaucoup d'importance à cette Europe sociale. Beaucoup d'autres aspects - même ceux que nous ne souhaiterions pas poser - se poseront demain. Je pense aux problèmes fiscaux en raison de la libéralisation des échanges en 1990, il faut se préparer à cette échéance.
- On a parlé affaires étrangères, problèmes bilatéraux, problèmes de la pêche, des relations franco-espagnoles telles qu'elles se déroulent dans la vie quotidienne, des problèmes de défense et de sécurité, des problèmes de culture et des problèmes de recherche. Vous souhaiterez sans doute poser des questions sur chacun de ces domaines soit à M. Felipe Gonzalez, soit à moi-même mais avant de terminer je veux simplement exprimer publiquement les remerciements que nous devons à la délégation espagnole et particulièrement au Premier ministre espagnol et le plaisir que nous avons eu de les recevoir à Montpellier. Ce Sommet qui marque un continuel progrès de notre coopération à la fois en tant que deux pays souverains, l'Espagne et la France, et au coeur de l'Europe à laquelle nous travaillons les uns et les autres.\
QUESTION.- Est-ce que le thème du terrorisme a été abordé dans votre conversation personnelle avec M. Gonzalez, est-ce que vous pourriez nous dire la portée de la conversation et si après, à votre avis il pourrait y avoir dans les prochains jours, les prochaines semaines des initiatives communes et dans quel sens ?
- LE PRESIDENT.- Bien entendu nous avons parlé du terrorisme et de la lutte à mener contre ce terrorisme. Comment imaginer que le Premier ministre espagnol et le Président de la République française puissent se rencontrer sans traiter de ce sujet qui touche à la paix et à la sécurité, la paix des citoyens et la sécurité intérieure. Nous n'avons pas eu besoin d'imaginer grand chose. Faut-il rappeler que c'est en 1982 que nous avons commencé d'organiser cette coopération et qu'à mesure que le temps passe, nous entendons lui donner de plus en plus d'efficacité. Je tiens personnellement beaucoup à ce que, dans tous les domaines où le terrorisme s'exprime, la solidarité des pays visés, en particulier l'Espagne et la France, soit sans faille dans la recherche, l'investigation, dans l'action et dans la sanction. Naturellement, chacun agissant selon ses propres lois. Comme il s'agit de démocratie, ces lois apportent généralement les mêmes garanties. Donc, je n'ai pas d'annonce particulière à vous faire, sinon les réaffirmation qui n'était d'ailleurs pas nécessaire - mais je réponds à votre question - d'une volonté commune de lutte pour que cesse ce trouble grave apporté au fonctionnement de nos démocraties, et je le répète, à la sécurité des personnes et des biens.
- QUESTION.- Je voudrais seulement faire une précision et demander au Président de la République une chose. Est-ce que votre gouvernement a déjà donné l'ordre de rechercher, de trouver, éventuellement de faire arrêter, les principaux maîtres de l'ETA ?
- LE PRESIDENT.- Faut-il répéter la même expression ? Bien entendu, si on n'arrête pas, c'est que l'on n'a pas trouvé. On cherche, et si on trouve, nous ferons ce qu'il faut pour démanteler ces réseaux, en relation étroite avec les services de l'Espagne.\
QUESTION.- Monsieur le Président, après ce Sommet peut-on attendre des projets concrets dans le cadre de l'Europe sociale en 1989.
- LE PRESIDENT.- Je vous répondrais que l'Europe sociale trouvera en l'Espagne et en la France - et nous ne sommes pas les seuls - deux pays tout à fait décidés à franchir enfin une étape décisive pour que l'ensemble des forces du travail puisse vivre dans une Europe où ils n'auront pas pris de retard sur les progrès réalisés sur le plan du capital, des échanges des marchandises et le reste. On parle de quoi ? On parle des conditions de la protection sociale, de l'organisation du travail, des conventions collectives, de bien d'autres choses encore que j'ai exprimées dans une interview récente qui date d'hier à la presse française. Je crois que c'est un terrain sur lequel il y a une grande communauté de vue entre l'Espagne et la France. Donc, je puis vous assurer que l'année prochaine, à l'initiative de M. Felipe Gonzalez, dont j'assurerais le relais au mois de Juillet, nous dirons à l'Europe, ce que nous souhaitons lui dire, avec naturellement le voeux d'obtenir l'accord de nos partenaires. Nous avons déjà commencé au Sommet de Hanovre qui est le dernier Sommet au cours duquel nous avons aussi bien l'Espagne, l'Italie, la France, la Commission européenne - nous n'étions pas les seuls - pris une sorte d'engagement de faire l'Europe sociale, comme on a fait déjà quelques autres formes d'Europe technique ou politique.\
QUESTION.- Monsieur le Président, monsieur le Premier ministre, vous êtes dans une région particulièrement importante pour l'agriculture, or il semblerait que les discussions n'aient pas portées sur ce problème-là, pourrait-on savoir quel est votre sentiment sur les intentions de certains pays du bassin méditérranéen dans leurs demandes d'adhésion à la Communauté européenne pour les prochaines années ?
- LE PRESIDENT.- Je peux vous répondre dès maintenant que cela n'a pas été à l'ordre du jour au cours de ce Sommet parce que toutes ces questions ont déjà été traitées et qu'il n'y a pas de contentieux franco-espagnol, que désormais il s'agit de réglementations européennes qui prendront d'ailleurs un tour plus précis encore à partir de 1990.
- Quant à l'adhésion de nouveaux pays, je ne peux m'engager au nom de l'Espagne, ni de personne, ni d'aucun autre pays. J'ai fait connaître ma position, je pense qu'il ne serait pas raisonnable de procéder à des élargissements, s'il doit y en avoir d'autres, avant l'achèvement du marché unique en 1992, 1993, voici ma position. D'ici là, la Commission continuera de mettre au point un certain nombre d'accords qui existent déjà avec plusieurs pays extérieurs à la Communauté, et peut-être en proposera-t-elle d'autres. Je pourrais en parler quand je les connaîtrais.\
QUESTION.- En Espagne, nous sommes tout à fait obsédés avec la question du terrorisme. Comment est-ce que vous vivez personnellement notre obsession ? Comment voyez-vous, en terme général, le futur du problème basque ?
- LE PRESIDENT.- Je vous répondrai simplement sur la première partie de votre question. Moi je n'appellerai pas cela une obsession. J'appellerai cela un réflexe de légitime défense. Quand on a légitimement à se défendre, naturellement on y pense beaucoup. Cela peut paraître obsessionnel à ceux qui vivent très loin de là et qui ne s'y intéressent pas. Pour nous Français qui connaissons ce genre de drame, nous n'appelons pas cela une obsession. Nous pensons que les Espagnols ont une réaction tout à fait normale d'une société qui entend se défendre contre les actions de type criminel.
- QUESTION.- Monsieur le Président, monsieur le Premier ministre, deux questions avec deux réponses très courtes. Sur la question du terrorisme, puisqu'il y a coordination de l'action, est-ce que l'action et la coordination se font autant vis-à-vis de l'ETA que du GAL ?
- LE PRESIDENT.- Réponse très brève, nous avons la même attitude contre toutes formes de terrorisme quel que soit son nom. Contre toutes formes d'où qu'ils viennent, et nous pensons que la loi d'une société démocratique est une meilleure réponse que tout autre forme d'action.
- Mesdames et messieurs, beaucoup de choses ont été dites, proposées et décidées à l'intérieur des grandes rubriques que je vous ai tout à l'heure énumérées au cours des discussions de ce Sommet. Nos porte-paroles vous en ferons connaître le détail.\