3 novembre 1988 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la nécessité de l'harmonisation des objectifs pour la construction européenne, lors du dîner offert par le chancelier Kohl à Bonn, le jeudi 3 novembre 1988.

Monsieur le Chancelier,
- Mesdames et messieurs,
- Je remercierai d'abord le Chancelier Kohl de ses paroles de bienvenue. Il rappelait, il y a quelques jours, alors que nous nous trouvions en France, à Vézelay, que c'était la 60ème rencontre qui nous réunissait en peu d'années. 61, Aix-la-Chapelle, 62 Bonn, 63 bientôt à Rhodes, cela marche très bien.
- Vous l'avez dit tout à l'heure, cher Helmut, le problème qui est posé à nous est un problème de grande ampleur, puisqu'en l'espace de maintenant quatre ans, il nous impose une harmonisation dans tous les domaines de nos activités. J'ai l'impression que nous devons nous atteler à un sérieux nettoyage dans les secteurs les plus divers si nous voulons en finir avec nos protectionnismes mutuels et si nous voulons aborder la période qui suivra 1992 avec le sentiment de pouvoir entraîner avec nous des millions et des millions d'Européens. On dit 320 millions en tout qui se retrouveront dans la même maison. On ne progressera que si l'on agit avec méthode et détermination. Tout à l'heure, le Chancelier a évoqué tout ce qui a été accompli, il a eu raison. On avait fait beaucoup avant nous et nous avons fait beaucoup ensuite.\
Mais maintenant, il faut choisir nos objectifs. Tout ne peut pas être fait en même temps. Voilà pourquoi à Aix-la-Chapelle j'ai rappelé que selon moi il fallait d'abord bâtir une monnaie commune, qu'il fallait développer non pas notre culture mais les moyens de notre culture. Et je pensais surtout aux moyens audiovisuels qu'il convient de placer au premier plan de nos préoccupations.
- J'ai dit également qu'il convenait de considérer la protection de l'environnement comme une de nos priorités. On voit bien que les frontières ne sont que des obstacles dérisoires aux dégradations de la nature. J'ajouterai l'Europe sociale, c'est à dire une Europe ayant une communauté sociale, une Europe instituant des règles communes pour ce qui concerne les garanties apportées aux travailleurs de nos douze pays.
- Monnaie, audiovisuel, protection de l'environnement, espace social, c'est déjà beaucoup. Encore faut-il le faire, sans quoi l'instrument européen se brisera dans nos mains. J'aurais pu ajouter les institutions, mais la modification des institutions a été prévue par l'acte unique à Luxembourg, il ne faut jamais l'oublier.
- Je souhaite que l'on discute de tout cela. Lorsque votre pays a assumé la Présidence de la Communauté `CEE` pendant les premiers six mois de l'année 1988, un travail considérable a été assumé sous la conduite du Chancelier Kohl. Auparavant à Fontainebleau en 1984, à Luxembourg en 1985, à Hanovre en 1988, l'Europe a gagné une immense victoire sur elle-même, mais dans les cinq dernières minutes. Et ces cinq dernières minutes ont été gagnées par un bon accord entre l'Allemagne fédérale et la France, et il faut le dire aussi, en harmonie avec la Commission.
- Cela n'est pas une condition suffisante. Certes les autres partenaires aussi comptent beaucoup. Mais c'est une condition nécessaire. De notre accord dépendra l'accord général.
- Je souhaite donc, à mon tour, en levant mon verre, que pendant les mois qui viennent, il soit possible d'accomplir pour l'Europe un chemin comparable à celui que vous avez pu vous-même parcourir pendant les derniers mois. Si nous avons des idées claires, nous franchirons la distance. Si nous nous laissons aller à nos facilités nationales, eh bien nous perdrons ensemble cette bataille. Ce serait bien dommage ! Je parie quant à moi sur le succès.
- Vive l'Europe !\