11 juin 1988 - Seul le prononcé fait foi

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Message de M. François Mitterrand, Président de la République, aux Chefs d'Etat et de gouvernement qui participeront au sommet des pays industrialisés de Toronto, sur les conditions de remboursement de la dette des pays en voie de développement, Paris, le 11 juin 1988.

Jamais il n'a été aussi urgent et aussi nécessaire d'agir pour aider les pays du tiers monde, le fossé ne cessant de s'élargir entre pays riches et pays pauvres. Alors que diminuent leurs ressources, en raison notamment de la chute du cours des matières premières, alors qu'ils ont à affronter famines, épidémies, fléaux naturels et que l'extrême pauvreté croît en Afrique, en Amérique latine et dans de nombreuses régions d'Asie, les pays en développement les plus pauvres ne sont pas, et ne seront pas, en mesure de rembourser aux pays développés l'intégralité de leurs dettes, selon les conditions qui leur sont aujourd'hui imposées.
- Nous ne pouvons plus admettre une situation où les transferts financiers du Sud vers le Nord excèdent de près de 30 milliards de dollards les transferts inverses, le poids des remboursements l'emportant sur les crédits nouveaux.
- Lors du Sommet de Venise, nous avions reconnu la nécessité d'un programme spécial en faveur des pays les plus pauvres qui ont entrepris des efforts "d'ajustement". Nous étions convenus de rechercher un accord sur un allongement des périodes de remboursement : cela a été fait. Nous n'avons pas en revanche progressé dans l'application de taux d'intérêts plus bas pour les consolidations de dette.
- Pour sortir de l'impasse actuelle, je propose donc d'assouplir les conditions de remboursement des pays les plus pauvres, définis selon les mêmes critères que nous avions arrêtés lors du Sommet de Venise, en laissant le choix aux pays créanciers de leur proposer l'une des trois possibilités suivantes :
- une annulation immédiate du tiers de la dette, dans le cadre d'accords de consolidation portant sur une période de l'ordre de 10 ans £
- une consolidation de la dette aux taux du marché, mais avec une durée maximale de 25 ans (au lieu de 20 ans au plus aujourd'hui) £
- une consolidation de la dette à un taux préférentiel, réduit au moins de moitié sur une durée de remboursement de l'ordre de 15 ans.
- Je souhaite que cette proposition puisse rencontrer votre approbation et celle de tous les autres chefs d'Etat et de gouvernement participant au prochain Sommet de Toronto.
- Je vous indique d'ores et déjà que la France entend pour ce qui la concerne offrir, en tout -état de cause, à tous les débiteurs concernés qui le voudraient, d'annuler le tiers de ses créances. Cette option qui présente l'avantage d'entraîner une baisse immédiate de l'encours de la dette me paraît la mieux adaptée à la situation des pays les plus pauvres. L'intensification de l'action menée au bénéfice des pays les plus démunis ne signifie évidemment pas pour autant que nous devrions relâcher notre effort en faveur des pays dits "à revenu intermédiaire" qui sont souvent lourdement endettés.
- Il faut faire preuve de plus d'imagination, et de réalisme, par exemple en élargissant le champ des consolidations des créances publiques, étendu si nécessaire aux échéances d'intérêts. La mobilisation de ressources nouvelles et le recours à de nouveaux instruments financiers, s'inspirant des techniques de marché, doivent être encouragés pour les créances bancaires. Enfin il est indispensable de mettre en oeuvre plus rapidement les décisions multilatérales récentes, je pense par exemple à l'augmentation du capital de la Banque mondiale, prises en matière d'aide publique au développement.\