18 avril 1988 - Seul le prononcé fait foi

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Réponse de M. François Mitterrand, Président de la République, et candidat à l'élection présidentielle de 1988, dans "Le Monde" supplément Radio Télévision du 18 avril 1988, sur ses propositions concernant l'audiovisuel.

QUESTION 1.- Faut-il changer l'organisation actuelle de l'audiovisuel ? Une nouvelle loi est-elle nécessaire ?
- F. MITTERRAND.- La situation actuelle de l'audiovisuel n'est certes pas satisfaisante, mais il faut éviter un nouveau chambardement dans un domaine qui en a connu déjà beaucoup. Malgré la multiplication des médias, il n'y a pas diversité des images et paroles. Sans doute faudra-t-il par exemple rétablir la chaîne musicale imprudemment supprimée afin de redonner un peu d'harmonie à ce paysage.\
QUESTION 2.- Maintiendrez-vous la CNCL en l'état ? Envisagez-vous de modifier sa composition ? Ses pouvoirs ?
- F. MITTERRAND.- Il faut rétablir une institution de régulation indiscutable, dotée d'une réelle autorité et capable de se faire respecter. Il est probable qu'un tel but ne peut être atteint qu'à travers une modification de la composition actuelle et de l'accroissement des pouvoirs de l'institution. Pour bénéficier de la stabilité, cet organisme, un conseil supérieur de l'audiovisuel devra être inscrit dans la Constitution.\
QUESTION 3.- Avez-vous l'intention de modifier l'équilibre entre le secteur public et le secteur privé ? Par de nouvelles nationalisations ? De nouvelles privatisations ? La création de nouvelles chaînes ?
- F. MITTERRAND.- La coexistence des secteurs public et privé permet de sauvegarder des notions essentielles comme la concurrence, lorsqu'elle conduit à la diversité, ainsi qu'à l'invention, à la création. A condition qu'il y ait équilibre entre les deux secteurs. C'est cet équilibre qu'il faudra rechercher afin que le secteur public puisse assurer son rôle spécifique de maintien d'un niveau élevé de qualité.
- La privatisation de TF1 a créé un déséquilibre, non seulement entre le public et le privé, mais encore au sein même du secteur privé. Pour autant, la nationalisation de TF1 serait-elle de -nature à rééquilibrer l'ensemble ? Ce n'est pas certain. François Mitterrand estime que "la nationalisation de TF1 n'est pas un problème primordial". Mais il est essentiel que l'autorité de régulation impose à TF1, comme à l'ensemble des chaînes, de respecter les obligations auxquelles elle a librement souscrit, en particulier dans le domaine de la production et de la création françaises.
- QUESTION 4.- Faut-il maintenir en l'état le secteur public ? Sinon, quelles réformes proposez-vous ?
- F. MITTERRAND.- Cf. réponse à la question 3.\
QUESTION 5.- Faut-il supprimer ou réduire les ressources publicitaires sur les chaînes publiques ? Faut-il augmenter la redevance ?
- F. MITTERRAND.- Un financement mixte redevance-publicité est une des conditions du renforcement du secteur public pour que celui-ci puisse assurer l'équilibre avec le secteur privé. Pourquoi priver le secteur public des ressources publicitaires alors qu'il est soumis aux mêmes règles de concurrence que les chaînes privées ? Par ailleurs, le droit au financement public de la redevance découle normalement des missions particulières de service public incombant aux chaînes publiques.\
QUESTION 6.- Quelle vocation assignez-vous au secteur public par rapport au secteur privé ? Et, à l'intérieur du secteur public, à Antenne 2, FR 3, la SEPT ?
- F. MITTERRAND.- En matière audiovisuelle, la dualité public-privé est une illustration du caractère mixte de notre économie.
- Le secteur public de l'audiovisuel doit être animé d'une double exigence fondamentale : maintenir un niveau élevé d'ambitions culturelles et conserver une part importante d'audience pour éviter le risque d'élitisme et de ghetto intellectuel.
- S'agissant des rapports entre Antenne 2, FR 3 et la SEPT, leur articulation devrait évoluer dans le sens d'une complémentarité, dont il appartiendra au gouvernement et à la nouvelle autorité de régulation de fixer les conditions. L'existence d'un secteur public fort ne peut s'accommoder de rivalités de programmation et d'audience entre les deux composantes essentielles que sont Antenne 2 et FR 3.
- QUESTION 7.- Envisagez-vous de renationaliser TF1, ou de modifier son actionnariat ?
- F. MITTERRAND.- Cf. réponse à la question 3.\
QUESTION 8.- Envisagez-vous de revenir sur les autorisations accordées à la 5 et à M6 ?
- F. MITTERRAND.- Les autorisations accordées pour l'exploitation des cinquième et sixième chaînes comportaient des obligations et des engagements dont la CNCL a constaté, après la première année de fonctionnement, qu'ils étaient loin d'être respectés. La priorité est donc avant toute chose de faire assurer le respect des obligations auxquelles ont volontairement souscrit les exploitants de ces chaînes, notamment en faveur de la production et de la création nationales, et de sanctionner les manquements constatés.\
QUESTION 9.- Quelles mesures proposez-vous pour relancer la création audiovisuelle française ?
- F. MITTERRAND.- La stimulation de la création française est une impérieuse nécessité à l'heure de l'ouverture des frontières et elle constitue l'une des priorités de l'intervention de la puissance publique. Celle-ci fera jouer au service public le rôle moteur qui doit être le sien pour le soutien à la production nationale sans pour autant exonérer les opérateurs privés de leurs responsabilités. Les obligations et cahiers des charges devront être strictement respectés, et les mécanismes d'incitation financière et fiscale adaptés à l'évolution récente du paysage audiovisuel.\