25 février 1988 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du déjeuner offert par M. Haughey, Premier ministre d'Irlande, à Dublin, jeudi 25 février 1988.
Monsieur le Premier ministre,
- Madame,
- Mesdames et messieurs,
- En posant le pied ce matin sur la terre d'Irlande, j'ai pensé à la visite que j'avais faite à Dublin en février 1984. Exerçant au nom de la France la Présidence de la Communauté, j'étais venu chercher les avis, les conseils de vos dirigeants pour dénouer la crise où se débattait déjà l'Europe, et les obstacles furent surmontés, puisque nous parvînmes ensemble à régler à Fontainebleau plus de quinze questions en suspens. Quatre ans plus tard, chacun peut mesurer le chemin parcouru.
- Déjouant une nouvelle fois le pessimisme, l'Europe a franchi une autre étape et au -prix d'un effort de volonté qui a balayé les ultimes réticences elle a assuré son avenir.
- Il y a deux semaines nous étions vous et moi, monsieur le Premier ministre, autour de la même table où tout s'est joué. Nous avons bien travaillé, je crois, en étroite concertation avec un souci partagé de construire. C'est pourquoi mes premiers mots dans votre pays seront pour rendre hommage à la contribution de l'Irlande à la construction européenne.
- Votre pays s'est imposé avec les six membres fondateurs - et d'autres venus plus tard - comme l'un des partenaires les plus actifs, les plus résolus, les plus imprégnés de cet esprit européen qui transcende nos singularités nationales.
- Je n'oublie pas l'excellent travail accompli il y a trois ans par le Comité présidé par votre compatriote, M. Dooge, qui a ouvert la voie à l'Acte unique européen.
- Bref, nous avons à Bruxelles relancé sur des bases saines l'édification de l'Europe, chantier toujours recommencé de nos rêves et de nos ambitions. Car pour être ponctuel au rendez-vous de 1992, il fallait concilier plusieurs impératifs et couler les attentes des uns et des autres dans le même moule d'un objectif commun. Il fallait maîtriser les dépenses de l'agriculture sans nuire à cet acquis capital que constitue la politique agricole commune. Il fallait assurer un financement convenable et équitable au budget communautaire pour les années à venir. Il fallait enfin préparer les pays les moins favorisés de la Communauté à aborder avec les meilleures chances le grand marché européen. C'est ce qui a été fait par la décision de doubler en fait ce qu'on appelle les fonds structurels.
- L'Irlande attendait beaucoup de la solidarité de ses partenaires. Vous venez de me confirmer monsieur le Premier ministre, qu'elle n'a pas été déçue.\
Au sein de l'entité européenne en devenir, plus d'un trait rapproche l'Irlande et la France. Nos deux pays sont baignés par un même océan et ouverts sur le grand large, tournés d'une certaine façon vers le continent américain tout en étant profondément d'Europe. Ils sont les dépositaires du vieux fond celtique dont s'est nourri tout un pan de culture européenne.
- Le monde agricole conserve dans nos deux pays un poids économique et social considérable. Vous voulez comme nous, aller de l'avant pour la voie de l'unité politique de l'Europe communautaire, même si vos réserves sur les questions touchant à la défense sont connues et comprises.
- Ainsi, l'Europe revivifie une relation ancrée dans l'histoire et marquée par des siècles d'une solidarité forte, faite de valeurs partagées, scellées par le sacrifice de ceux des vôtres qui vinrent contribuer à la défense et à la liberté de la France, illustrée par l'apport de vos plus grands créateurs.
- Vous avez rappelé vous-même ces raisons, monsieur le Premier ministre, je les dirai à ma façon. Aux raisons anciennes que nous avons de bien nous entendre, s'en ajoutent chaque jour de nouvelles. Sachons les exploiter et tirer partie des atouts dont nous disposons. Le français, par exemple, est la première langue étrangère enseignée en Irlande. Quel meilleur moyen de rendre cet enseignement vivant, concret, de le mettre au service du rapprochement franco-irlandais, que de multiplier les échanges scolaires, universitaires ou de jumeler nos villes et nos lycées. Il s'agit au fond de rétablir cette circulation des élites, courante au Moyen-Age, puis du XVIème au XVIIIème siècles lorsque, vous l'avez dit, les collèges irlandais fleurissaient sur le sol de France. Je ne puis, à ce propos, que me réjouir des projets que vous formez pour la rénovation du Collège des Irlandais au coeur de notre capitale et dont vous souhaitez faire un centre d'accueil pour des chercheurs de haut niveau pendant leur séjour en France.
- Comme la France, l'Irlande se tourne vers l'avenir, s'équipe pour les défits technologiques de demain, d'aujourd'hui et de demain, ses ingénieurs sont reconnus. Sa participation aux programmes internationaux - je pense à Eurêka que vous avez cité et dont j'ai souhaité qu'il symbolisât la renaissance technique de l'Europe, cette participation est remarquée. Voilà qui devrait inciter les entreprises françaises en plus grand nombre à être présentes dans votre économie, les laboratoires, les instituts de recherche à coopérer avec leurs homologues, compte tenu du niveau modeste d'où partent nos échanges économiques et commerciaux, nous pouvons espérer de sensibles progrès.
- Il me reste, monsieur le Premier ministre, à vous remercier pour la chaleur de votre accueil, à vous dire l'intérêt que j'ai pris à m'entretenir ce matin avec le Président Hillery comme avec vous-même. Les choses se passent aisément entre nous. Aucun contentieux n'assombrit nos relations, aucune divergence fondamentale ne trouble notre manière d'aborder et de juger les problèmes du monde.
- Bref, nous travaillons ensemble et nous nous entendons bien. Mais cela ne suffit pas à définir l'esprit de nos relations. Il faut, pour les décrire, introduire cette touche humaine particulière, ces affinités de l'esprit, ce que j'appellerai tout juste cette complicité ancienne que même les affrontements sportifs entre nos deux pays ne parviennent pas à émousser.
- C'est à notre amitié que je veux à présent, selon la tradition, le démontrer à vous-mêmes, monsieur le Premier ministre, et vous, madame, et vous, mesdames et messieurs, à vos familles, à ceux que vous aimez, au peuple irlandais, à l'avenir des relations entre nos deux pays, c'est aussi à l'Europe, notre horizon commun, que je dirai "Bonne santé "\
- Madame,
- Mesdames et messieurs,
- En posant le pied ce matin sur la terre d'Irlande, j'ai pensé à la visite que j'avais faite à Dublin en février 1984. Exerçant au nom de la France la Présidence de la Communauté, j'étais venu chercher les avis, les conseils de vos dirigeants pour dénouer la crise où se débattait déjà l'Europe, et les obstacles furent surmontés, puisque nous parvînmes ensemble à régler à Fontainebleau plus de quinze questions en suspens. Quatre ans plus tard, chacun peut mesurer le chemin parcouru.
- Déjouant une nouvelle fois le pessimisme, l'Europe a franchi une autre étape et au -prix d'un effort de volonté qui a balayé les ultimes réticences elle a assuré son avenir.
- Il y a deux semaines nous étions vous et moi, monsieur le Premier ministre, autour de la même table où tout s'est joué. Nous avons bien travaillé, je crois, en étroite concertation avec un souci partagé de construire. C'est pourquoi mes premiers mots dans votre pays seront pour rendre hommage à la contribution de l'Irlande à la construction européenne.
- Votre pays s'est imposé avec les six membres fondateurs - et d'autres venus plus tard - comme l'un des partenaires les plus actifs, les plus résolus, les plus imprégnés de cet esprit européen qui transcende nos singularités nationales.
- Je n'oublie pas l'excellent travail accompli il y a trois ans par le Comité présidé par votre compatriote, M. Dooge, qui a ouvert la voie à l'Acte unique européen.
- Bref, nous avons à Bruxelles relancé sur des bases saines l'édification de l'Europe, chantier toujours recommencé de nos rêves et de nos ambitions. Car pour être ponctuel au rendez-vous de 1992, il fallait concilier plusieurs impératifs et couler les attentes des uns et des autres dans le même moule d'un objectif commun. Il fallait maîtriser les dépenses de l'agriculture sans nuire à cet acquis capital que constitue la politique agricole commune. Il fallait assurer un financement convenable et équitable au budget communautaire pour les années à venir. Il fallait enfin préparer les pays les moins favorisés de la Communauté à aborder avec les meilleures chances le grand marché européen. C'est ce qui a été fait par la décision de doubler en fait ce qu'on appelle les fonds structurels.
- L'Irlande attendait beaucoup de la solidarité de ses partenaires. Vous venez de me confirmer monsieur le Premier ministre, qu'elle n'a pas été déçue.\
Au sein de l'entité européenne en devenir, plus d'un trait rapproche l'Irlande et la France. Nos deux pays sont baignés par un même océan et ouverts sur le grand large, tournés d'une certaine façon vers le continent américain tout en étant profondément d'Europe. Ils sont les dépositaires du vieux fond celtique dont s'est nourri tout un pan de culture européenne.
- Le monde agricole conserve dans nos deux pays un poids économique et social considérable. Vous voulez comme nous, aller de l'avant pour la voie de l'unité politique de l'Europe communautaire, même si vos réserves sur les questions touchant à la défense sont connues et comprises.
- Ainsi, l'Europe revivifie une relation ancrée dans l'histoire et marquée par des siècles d'une solidarité forte, faite de valeurs partagées, scellées par le sacrifice de ceux des vôtres qui vinrent contribuer à la défense et à la liberté de la France, illustrée par l'apport de vos plus grands créateurs.
- Vous avez rappelé vous-même ces raisons, monsieur le Premier ministre, je les dirai à ma façon. Aux raisons anciennes que nous avons de bien nous entendre, s'en ajoutent chaque jour de nouvelles. Sachons les exploiter et tirer partie des atouts dont nous disposons. Le français, par exemple, est la première langue étrangère enseignée en Irlande. Quel meilleur moyen de rendre cet enseignement vivant, concret, de le mettre au service du rapprochement franco-irlandais, que de multiplier les échanges scolaires, universitaires ou de jumeler nos villes et nos lycées. Il s'agit au fond de rétablir cette circulation des élites, courante au Moyen-Age, puis du XVIème au XVIIIème siècles lorsque, vous l'avez dit, les collèges irlandais fleurissaient sur le sol de France. Je ne puis, à ce propos, que me réjouir des projets que vous formez pour la rénovation du Collège des Irlandais au coeur de notre capitale et dont vous souhaitez faire un centre d'accueil pour des chercheurs de haut niveau pendant leur séjour en France.
- Comme la France, l'Irlande se tourne vers l'avenir, s'équipe pour les défits technologiques de demain, d'aujourd'hui et de demain, ses ingénieurs sont reconnus. Sa participation aux programmes internationaux - je pense à Eurêka que vous avez cité et dont j'ai souhaité qu'il symbolisât la renaissance technique de l'Europe, cette participation est remarquée. Voilà qui devrait inciter les entreprises françaises en plus grand nombre à être présentes dans votre économie, les laboratoires, les instituts de recherche à coopérer avec leurs homologues, compte tenu du niveau modeste d'où partent nos échanges économiques et commerciaux, nous pouvons espérer de sensibles progrès.
- Il me reste, monsieur le Premier ministre, à vous remercier pour la chaleur de votre accueil, à vous dire l'intérêt que j'ai pris à m'entretenir ce matin avec le Président Hillery comme avec vous-même. Les choses se passent aisément entre nous. Aucun contentieux n'assombrit nos relations, aucune divergence fondamentale ne trouble notre manière d'aborder et de juger les problèmes du monde.
- Bref, nous travaillons ensemble et nous nous entendons bien. Mais cela ne suffit pas à définir l'esprit de nos relations. Il faut, pour les décrire, introduire cette touche humaine particulière, ces affinités de l'esprit, ce que j'appellerai tout juste cette complicité ancienne que même les affrontements sportifs entre nos deux pays ne parviennent pas à émousser.
- C'est à notre amitié que je veux à présent, selon la tradition, le démontrer à vous-mêmes, monsieur le Premier ministre, et vous, madame, et vous, mesdames et messieurs, à vos familles, à ceux que vous aimez, au peuple irlandais, à l'avenir des relations entre nos deux pays, c'est aussi à l'Europe, notre horizon commun, que je dirai "Bonne santé "\