19 février 1988 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la qualité des productions viticoles de la Drôme, à l'hôtel de ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux, vendredi 19 février 1988.
Monsieur le maire,
- Je vous remercie de cette courtoise hospitalité. Vous avez raison, il y a déjà longtemps - c'est beaucoup dire - que je parcours votre région, attiré que je suis par quelques amitiés fidèles, tout à côté de chez vous, mais aussi parce que j'ai le goût et la curiosité de vos villages. Appeler village cette capitale serait vraiment diminuer son mérite. Je suis déjà venu, je ne sais si vos services secrets vous l'ont dit aussi, à Saint-Paul-Trois-Chateaux. J'ai visité votre cathédrale, je suis allé voir quelques belles maisons, sans police, sans motards, pardonnez-moi, sans Préfet, sans Président du Conseil général, sans notables et sans public. Mais de temps à autres c'est bien nécessaire aussi que le Président de la République française puisse se rendre dans tel ou tel coin de France pour des solennités qui sont, je le crois, légitimes.
- Comment voulez-vous faire ? Bien que j'aie l'expérience du mandat municipal, que j'aie été moi-même Conseiller général longtemps, et parlementaire, on n'en a jamais fini de connaître la France. Et vous aviez raison tout à l'heure de dire qu'après tout, même d'autres visites furtives à Saint-Paul-Trois-Chateaux ne permettront pas d'en percevoir l'âme profonde. Cela représente l'oeuvre de tant de siècles, une histoire si riche, des populations qui ont tant lutté, tant souffert, des réussites esthétiques, des constructions admirables, des espérances souvent déçues. C'est cela l'histoire d'un pays, c'est cela notre histoire.
- Monsieur le maire `Marcel Gony`, vous dirigez une commune réputée. Elle est réputée très loin de vos frontières de la Drôme et de la région. On connaît Saint-Paul-Trois-Châteaux, on connaît le Tricastin, je veux dire de nom. On n'en sait pas la profondeur, la réalité vivante. J'espère que d'autres occasions me seront données - mais je ne dérangerai personne - de continuer, d'approfondir cette approche, cette connaissance à peine esquissée d'un pays riche de valeurs.\
Je l'ai dit tout à l'heure dans une autre commune, à Suze-la-Rousse, c'est très intéressant de voir comment, dans un petit pays comme le vôtre, certaines productions de grande qualité se perpétuent en se perfectionnant.
- Le travail de la vigne, je peux l'apprécier, car je suis moi-même né de famille où la vigne était notre vie quotidienne, dans une région de France. Mais, quand on voit les progrès des Côtes-du-Rhône et des Côteaux du Tricastin, de quelle façon vos appellations ont franchi les frontières, on mesure combien cela n'est pas le fait du hasard, pas simplement parce qu'il y a eu quelques publicitaires habiles - d'ailleurs la publicité, lorsqu'elle recouvre un mauvais produit, croyez-moi, cela ne dure pas longtemps, on l'apprend un jour ou l'autre à ses dépens - : cela repose sur de bons produits. C'est une lutte qui remonte très loin, mais qui s'est cristallisée autour des efforts de vos anciens, dans les années 1925 à 1930, qui a permis aux Côtes-du-Rhône d'abord et aux Côteaux du Tricastin d'être reconnus pour ce qu'ils sont. Mais ce qu'ils sont n'aurait pas suffi à leur assurer leur réputation d'aujourd'hui si vous n'y aviez ajouté, à partir d'une belle production, la qualité, l'application, le travail, la compétence pour la vinification, pour la commercialisation, tout ce qui accompagne ce produit jusqu'au consommateur. J'admire vraiment l'effort qui a été accompli ici, sa continuité. Votre père, monsieur Henri Michel, a été l'un des fondateurs et de père en fils, de famille en famille, et vous-même, monsieur le maire `Marcel Gony`, vous voyez certainement ici, parmi vos ressortissants, bien des travailleurs, bien des producteurs, bien des agriculteurs, des vignerons dont le travail est admirable.
- On pourrait dire la même chose, dans le domaine agricole et dans ce département de la Drôme, de bien d'autres produits. Je suis allé visiter tout à l'heure quelques champs truffiers. Quand on voit ces chênes s'élever, quelquefois ces châtaigniers ou ces noisetiers, la vingtaine d'années de patience qu'il faut sur une terre souvent rude, dans les terrains les plus rudes, parmi ces cailloux, alors qu'il faut irriguer, bref, quelle somme de labeur considérable pour finir par produire ce fruit recherché de la terre. J'admire, je dois le dire, et je suis heureux, mesdames et messieurs, de venir vous le dire chez vous.\
Il y a, j'imagine, ici, les conseillères et les conseillers municipaux, puis d'autres personnes que vous avez invitées, puis il y a dans la rue et, bien au-delà, dans leurs maisons, d'autres qui n'ont pas eu le temps de se déplacer ou qui n'en avaient pas le goût, cela les regarde, c'est leur affaire. Il y a tous ceux qui font votre pays, qui font notre pays. Dites-leur, je vous en prie, que j'aime les voir, dites-leur que leur sort et que leur avenir est mon souci, que, pour le temps qui vient de s'écouler, - c'est-à-dire environ sept années - je m'y suis appliqué, même si comme toute oeuvre, celle-ci est naturellement inachevée et imparfaite. Je me réjouirai de voir leur renommée s'étendre, leur marché conquérir de nouvelles parts dans le monde entier - je crois que c'est déjà le cas - et porter loin la réputation de Saint-Paul-Trois-Châteaux, comme le font déjà d'autres entreprises et dans d'autres domaines qui font que votre commune se place en pointe parmi beaucoup d'autres en France.
- C'est une cité noble, dans un pays fort, où l'on respecte la beauté et où l'on aime le travail. Qu'est-ce qu'on peut demander de plus ? S'il s'y ajoute en plus la qualité de l'accueil, une fois franchies toutes les barrières politiques, pour se retrouver dans un effort commun qui vaut la peine, alors je crois que l'on aura fait le tour des choses et on se retrouvera peut-être un jour, qui sait, comme cela, comme je vous l'ai dit, sans autres complications, sans formalités et sans solennités, sans cérémonies, au détour d'une route, d'un chemin, d'une rue, avec le plaisir qu'éprouvent des compagnons de vigne.
- Monsieur le maire, j'ai bien entendu vos paroles. Elles sont celles d'un élu responsable. Je sais à quel point ce qui touche Saint-Paul-Trois-Châteaux vous tient à coeur. Je ressens à quel point l'honneur et le devoir d'un maire, du premier magistrat d'une commune, est lourd et grave, combien cela exige de qualités. Je suis sensible au fait d'être reçu dans cette hôtel de ville. Je ne vous dirai rien d'autre, je ne ferai pas de grandes déclarations politiques. Ce n'est pas le moment et puis, d'autre part, on en fait assez comme cela, un peu partout, sans que j'ajoute mon grain de sel.
- De ce fait, mesdames et messieurs, je retrouverai un sillon bien connu et qui signifie bien ce qu'il signifie lorsque je concluerai en vous disant.
- Vive Saint-Paul-Trois-Châteaux,
- Vive le Tricastin,
- Vive la République,
- Vive la France !\
- Je vous remercie de cette courtoise hospitalité. Vous avez raison, il y a déjà longtemps - c'est beaucoup dire - que je parcours votre région, attiré que je suis par quelques amitiés fidèles, tout à côté de chez vous, mais aussi parce que j'ai le goût et la curiosité de vos villages. Appeler village cette capitale serait vraiment diminuer son mérite. Je suis déjà venu, je ne sais si vos services secrets vous l'ont dit aussi, à Saint-Paul-Trois-Chateaux. J'ai visité votre cathédrale, je suis allé voir quelques belles maisons, sans police, sans motards, pardonnez-moi, sans Préfet, sans Président du Conseil général, sans notables et sans public. Mais de temps à autres c'est bien nécessaire aussi que le Président de la République française puisse se rendre dans tel ou tel coin de France pour des solennités qui sont, je le crois, légitimes.
- Comment voulez-vous faire ? Bien que j'aie l'expérience du mandat municipal, que j'aie été moi-même Conseiller général longtemps, et parlementaire, on n'en a jamais fini de connaître la France. Et vous aviez raison tout à l'heure de dire qu'après tout, même d'autres visites furtives à Saint-Paul-Trois-Chateaux ne permettront pas d'en percevoir l'âme profonde. Cela représente l'oeuvre de tant de siècles, une histoire si riche, des populations qui ont tant lutté, tant souffert, des réussites esthétiques, des constructions admirables, des espérances souvent déçues. C'est cela l'histoire d'un pays, c'est cela notre histoire.
- Monsieur le maire `Marcel Gony`, vous dirigez une commune réputée. Elle est réputée très loin de vos frontières de la Drôme et de la région. On connaît Saint-Paul-Trois-Châteaux, on connaît le Tricastin, je veux dire de nom. On n'en sait pas la profondeur, la réalité vivante. J'espère que d'autres occasions me seront données - mais je ne dérangerai personne - de continuer, d'approfondir cette approche, cette connaissance à peine esquissée d'un pays riche de valeurs.\
Je l'ai dit tout à l'heure dans une autre commune, à Suze-la-Rousse, c'est très intéressant de voir comment, dans un petit pays comme le vôtre, certaines productions de grande qualité se perpétuent en se perfectionnant.
- Le travail de la vigne, je peux l'apprécier, car je suis moi-même né de famille où la vigne était notre vie quotidienne, dans une région de France. Mais, quand on voit les progrès des Côtes-du-Rhône et des Côteaux du Tricastin, de quelle façon vos appellations ont franchi les frontières, on mesure combien cela n'est pas le fait du hasard, pas simplement parce qu'il y a eu quelques publicitaires habiles - d'ailleurs la publicité, lorsqu'elle recouvre un mauvais produit, croyez-moi, cela ne dure pas longtemps, on l'apprend un jour ou l'autre à ses dépens - : cela repose sur de bons produits. C'est une lutte qui remonte très loin, mais qui s'est cristallisée autour des efforts de vos anciens, dans les années 1925 à 1930, qui a permis aux Côtes-du-Rhône d'abord et aux Côteaux du Tricastin d'être reconnus pour ce qu'ils sont. Mais ce qu'ils sont n'aurait pas suffi à leur assurer leur réputation d'aujourd'hui si vous n'y aviez ajouté, à partir d'une belle production, la qualité, l'application, le travail, la compétence pour la vinification, pour la commercialisation, tout ce qui accompagne ce produit jusqu'au consommateur. J'admire vraiment l'effort qui a été accompli ici, sa continuité. Votre père, monsieur Henri Michel, a été l'un des fondateurs et de père en fils, de famille en famille, et vous-même, monsieur le maire `Marcel Gony`, vous voyez certainement ici, parmi vos ressortissants, bien des travailleurs, bien des producteurs, bien des agriculteurs, des vignerons dont le travail est admirable.
- On pourrait dire la même chose, dans le domaine agricole et dans ce département de la Drôme, de bien d'autres produits. Je suis allé visiter tout à l'heure quelques champs truffiers. Quand on voit ces chênes s'élever, quelquefois ces châtaigniers ou ces noisetiers, la vingtaine d'années de patience qu'il faut sur une terre souvent rude, dans les terrains les plus rudes, parmi ces cailloux, alors qu'il faut irriguer, bref, quelle somme de labeur considérable pour finir par produire ce fruit recherché de la terre. J'admire, je dois le dire, et je suis heureux, mesdames et messieurs, de venir vous le dire chez vous.\
Il y a, j'imagine, ici, les conseillères et les conseillers municipaux, puis d'autres personnes que vous avez invitées, puis il y a dans la rue et, bien au-delà, dans leurs maisons, d'autres qui n'ont pas eu le temps de se déplacer ou qui n'en avaient pas le goût, cela les regarde, c'est leur affaire. Il y a tous ceux qui font votre pays, qui font notre pays. Dites-leur, je vous en prie, que j'aime les voir, dites-leur que leur sort et que leur avenir est mon souci, que, pour le temps qui vient de s'écouler, - c'est-à-dire environ sept années - je m'y suis appliqué, même si comme toute oeuvre, celle-ci est naturellement inachevée et imparfaite. Je me réjouirai de voir leur renommée s'étendre, leur marché conquérir de nouvelles parts dans le monde entier - je crois que c'est déjà le cas - et porter loin la réputation de Saint-Paul-Trois-Châteaux, comme le font déjà d'autres entreprises et dans d'autres domaines qui font que votre commune se place en pointe parmi beaucoup d'autres en France.
- C'est une cité noble, dans un pays fort, où l'on respecte la beauté et où l'on aime le travail. Qu'est-ce qu'on peut demander de plus ? S'il s'y ajoute en plus la qualité de l'accueil, une fois franchies toutes les barrières politiques, pour se retrouver dans un effort commun qui vaut la peine, alors je crois que l'on aura fait le tour des choses et on se retrouvera peut-être un jour, qui sait, comme cela, comme je vous l'ai dit, sans autres complications, sans formalités et sans solennités, sans cérémonies, au détour d'une route, d'un chemin, d'une rue, avec le plaisir qu'éprouvent des compagnons de vigne.
- Monsieur le maire, j'ai bien entendu vos paroles. Elles sont celles d'un élu responsable. Je sais à quel point ce qui touche Saint-Paul-Trois-Châteaux vous tient à coeur. Je ressens à quel point l'honneur et le devoir d'un maire, du premier magistrat d'une commune, est lourd et grave, combien cela exige de qualités. Je suis sensible au fait d'être reçu dans cette hôtel de ville. Je ne vous dirai rien d'autre, je ne ferai pas de grandes déclarations politiques. Ce n'est pas le moment et puis, d'autre part, on en fait assez comme cela, un peu partout, sans que j'ajoute mon grain de sel.
- De ce fait, mesdames et messieurs, je retrouverai un sillon bien connu et qui signifie bien ce qu'il signifie lorsque je concluerai en vous disant.
- Vive Saint-Paul-Trois-Châteaux,
- Vive le Tricastin,
- Vive la République,
- Vive la France !\